Farge 2010-2011 Damien Jeudi 06 Octobre Philosophie

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Farge
Damien
2010-2011
Jeudi 06 Octobre
Philosophie contemporaine
Théorie du double, ou le fantastique en philosophie.
Evaluation :
DM puis DS sur le dernier cours.
Introduction à la littérature fantastique - Todorov.
Jorge Luis Borges - Tlön Uqbar Orbis Tertius : « La métaphysique est une branche de la littérature fantastique. »
La bête et le souverain - Derrida.
P. Szendy :
« Ca va être fantastique », expression banale mais toujours souhaitée. On voudrait qu’il y ait du fantastique, tant
dans la forme que dans sa définition, à supposer que l’on puisse le savoir et le définir. Mais il n’est pas dit que,
du fantastique, il y ait une définition sur le mode de la présence, du saisissable, du démontrable. En disant « ça
va être fantastique », sans savoir de quoi je parle, ni même de qui, on énonce déjà une propriété de ce qui reste
inconnu. Quoi que ça soit, c’est toujours sur le point de l’être, ou de ne plus l’être. Dans ce ça, il y a peut-être
quelque chose de fantastique.
Il faut voir cette expression comme quelque chose d’étrange, quelque chose d’inquiétant, qui mène dans un
champ, un domaine, une contrée, une île, à savoir la philosophie. On pourrait ainsi parler de philos-fiction.
Il suffit donc parfois de lire Marx (à partir de l’ouvrage de Derrida, Spectre de Marx), Heidegger (à partir de
l’ouvrage de C. Malabou, Le change), seul ou avec ces références. Que ce soit chez l’un, comme chez l’autre, il
y a du fantastique, ou plutôt il n’est pas sûr qu’il y ait du fantastique sur le mode du démontrable. À tout
moment, on peut se dire « ça va être fantastique ». Dans tous les cas, il y a chez l’un comme chez l’autre des
allusions directes au fantastique, à la fantasmagorie ou bien des petites scènes qui mériteraient d’être greffées sur
le corpus de la littérature fantastique.
Exemple : Livre III du Capital, septième section « Les revenus et leurs sources », dans la « formule trinitaire
(capital, terre, travail). On peut lire que « le » travail est un pur fantôme (Gespenst) car il n’est qu’une
abstraction. Pris en soi, il est inexistant. » ou bien, plus en amont, il parle d’un « univers ensorcelé, perverti, un
monde sans dessus dessous, où M. le Capital et Mme la Terre, caractère sociaux en même temps que simple
choses, mènent leur danse macabre (ihren Spuk1 treiben2). »
Cours de 1929-1930, publié sous le titre les concepts fondamentaux de la métaphysique et pour sous-titre :
monde, finitude, solitude, § 49. Il a une approche comparative : il compare les trois manières d’accéder ou de ne
pas accéder au monde qu’on, ou non, la pierre, l’animal et l’homme. La pierre n’a pas de monde, elle est sans
monde, Weltlos. L’animal est pauvre en monde, peu de monde, Weltarm. L’homme est constructeur de monde,
Weltbilden. Ces trois thèses guident son approche comparative du monde. C’est ici que surgit sa question d’ordre
fantastique, littéralement parlant : « la possibilité qu’a l’homme de se transposer dans de l’autre étant, dans de
l’étant qu’il n’est pas lui-même. » Or, le se transposer dans, ainsi mis en place, ne veut pas dire entrer, rentrer
factuellement à l’intérieur de l’autre étant, car « l’autre étant doit précisément être maintenu comme il est,
comme ce qu’il est. » Il s’agit plutôt « d’accompagner (mitgehen), c’est-à-dire d’aller avec cet étant, aller avec
ce qu’il est et avec la façon dont il est. » Se transposer dans un autre temps veut dire « dans cet
accompagnement, faire l’expérience de ce qu’il en est en lui. » Mitgehen peut aussi signifier l’idée de l’aider à
parvenir jusqu’à lui-même : accompagner un autre étant sans se mettre à sa place, le suivre dans sa manière
d’être, épouser sans s’y substituer sa manière d’être, pour l’aider à parvenir à lui-même.
Mais Heidegger rencontre la difficulté que cet accompagnement soit fictif, métaphorique, que ce ne soit que
« comme ci » et non « comme tel ». C’est ici que s’ouvre l’abime du « comme ci », c’est-à-dire de la fiction.
Pouvons-nous nous transposer dans l’animal ? Ce que nous trouvons problématique n’est pas le fait que l’étant
dans lequel nous voulons nous transposer se rapporte à autre chose. Ce qui reste problématique, c’est seulement
que nous réussissions de fait, à transposer nous-mêmes dans cette sphère déterminée de l’animal.
« Pouvons-nous nous transposer dans une pierre ? » Voir Jakob von Uexküll, Mondes animaux et monde humain.
Heidegger expose l’idée que ce n’est pas problématique, mais c’est impossible. C’est impossible non pas parce
que les moyens nous manquent, mais parce que la pierre comme telle (als solches) ne permet absolument pas
cette possibilité, qu’elle ne nous offre, comme faisant partie de son être, aucune sphère de transmission possible.
1
Spuk distingue le revenant, le fantôme, le spectre, et désigne aussi l’apparition du fantôme.
Voir aussi l’expression « es spukt », ça fantôme.
2
Mener, entraîner, faire tourner.
LMPHI1732, P. Szendy ; E. During
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C’est la plupart du temps que nous répondons ainsi car il y a en vérité des manières du dasein humain dans
lequel l’homme ne prend jamais comme tel les choses purement matérielles, ni mêmes technique, mais comme
ayant une âme (beseelt). Cela a lieu en deux possibilités fondamentales : d’une part lorsque le dasein humain et
dans une existence déterminée par le mythe, ou bien dans l’art.3 » C’est erroné de vouloir passer sur le
fantastique parce que ce serait une simple parabole, une métaphore pour quelque chose qui ne correspond pas
aux faits. Même si la plupart du temps, nous disons qu’il est impossible de se transposer dans une pierre, il arrive
(par le mythe et/ou par l’art) que l’on puisse doter d’une âme une pierre. C’est là que le fantastique se place.
E. During :
Le fantastique n’est pas une catégorie qui puisse être définie à l’instar du concept du lapin. On ne peut
déterminer une extension à laquelle elle s’appliquerait. C’est quelque chose qui fonctionne comme un indicateur.
On parle donc souvent d’un climat, d’une atmosphère fantastique. Qu’un sujet, ou une scène, soit en elle-même
fantastique est peu probable, voire même grotesque. Le fantastique, c’est aussi et d’abord un régime de lecture,
de l’appréhension du texte : ça tiendrait presque de l’imminence. Certains auteurs, en philosophie, créés ces
atmosphères.
Bilan : aborder le fantastique comme un climat.
En termes de mouvement de pensée, ce serait celui de la fiction. Mais, c’est plutôt celui de la science : on pose
une hypothèse en voyant par la suite jusqu’où cela nous mène. Le fantastique est donc une manière de répondre
au désir de faire de la philosophie, l’étonnement faisant partie intégrante de la philosophie : s’étonner que les
choses soient comme ci et non comme ça.
Il faut donc voir comme l’étonnement résonne, est prolongé. L’étrangeté, ou le sentiment d’étrangeté décrit plus
justement ce qui se passe.
Gilles Deleuze : deux occurrences intéressantes liées notamment à la notion d’empirisme, en rapport à Hume.
Dans Hume, l’empirisme en général, c’est « avant la lettre, une forme de science fiction. Comme dans la science
fiction, on a l’impression d’un monde fictif, étrange, étranger, vu par d’autres créatures. Mais aussi le
pressentiment que ce monde est déjà le nôtre, et ces autres créatures nous-mêmes.
Il faut donc montrer que la science fiction ouvre une piste, qui, à un certain point, bifurque et nous éloigne du
fantastique. Il faut donc voir en quel sens cette question apparait chez les auteurs mentionnés.
Avant propos de Différence et proposition, p. 3 : « Un livre de philosophie doit être pour une part une espèce très
particulière de roman policier, pour une autre part une sorte de science-fiction. Par roman policier, nous voulons
dire que les concepts doivent intervenir, avec une zone de présence, pour résoudre une situation locale. Ils
changent eux-mêmes avec les problèmes. Ils ont des sphères d'influence, où ils s'exercent, nous le verrons, en
rapport avec des « drames » et par les voies d'une certaine « cruauté ». Ils doivent avoir une cohérence entre eux,
mais cette cohérence ne doit pas venir d'eux. Ils doivent recevoir leur cohérence d'ailleurs. »
« Science-fiction, encore un autre sens, où les faiblesses s'accusent. Comment faire pour écrire autrement que sur
ce qu'on ne sait pas, ou ce qu'on sait mal ? C'est là-dessus nécessairement qu'on imagine avoir quelque chose à
dire. On n'écrit qu'à la pointe de son savoir, à cette pointe extrême qui sépare notre savoir et notre ignorance, et
qui fait passer l'un dans l'autre. C'est seulement de cette façon qu'on est déterminé à écrire. Combler l'ignorance,
c'est remettre l'écriture à demain, ou plutôt la rendre impossible. Peut-être y a-t-il là un rapport de l'écriture
encore plus menaçant que celui qu'elle est dite entretenir avec la mort, avec le silence. Nous avons donc parlé de
science, d'une manière dont nous sentons bien, malheureusement, qu'elle n'était pas scientifique. »
On écrit que jusqu’à la pointe de son savoir. L’affaire philosophique devient intéressante que lorsque l’on se
confronte à quelque chose que l’on ne sait pas ou mal.
La notion d’hallucination : remet en cause le schéma d’analyse que la philosophie a appliquée depuis toujours.
Cette question de l’hallucination, définie de manière non philosophique ou non psychologique, c’est le moment
où il y a un rapport d’indiscernabilité entre le réel et l’illusion. C’est le réel lui-même perçu comme irréel.
Voir p. 5 d’un des tas de poly (Document sur le phénomène de la fausse reconnaissance (Paramnésie)) : P. Janet,
Les Obsessions et la psychasthénie, t.I, Paris, Alcan, 1903, p. 282-285 (« Sentiment de difficulté des opérations
intellectuelles »), p. 287-289 (« Sentiment de conception imaginaire).
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Amas de citations approximatives avec quelques courts passages coupés.
LMPHI1732, P. Szendy ; E. During
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Le fantastique, c’est la topique, le thème, qui se définit à travers des motifs. Il y a le fétiche et la chose.
Thème du fantôme  les expériences fantômes. Fantôme de vivant, Bergson.
Point d’appui phénoménologique, chez Husserl et chez Sartre : pensée du fantasme (au sens de fantasia (voir
Aristote)). Fantasia, en phénoménologie, c’est la capacité à saisir positivement la chose en tant qu’absente.
Husserl : Fantasia, imagination, souvenir. Analyse de phénomène de redoublement de l’expérience :
recouvrement du présent et du passé. L’expérience est vécue comme passé : illusion d’avoir un plein pied direct
avec le passé.
W. James : thème du subliminal. Lettre du 4 mai 1907 de W. James à son frère Henry : A force de vouloir
tourner autour de l’objet, tu finis par faire naitre dans l’esprit du lecteur l’illusion d’un objet solide
Myers : l’expérience déborde très largement ce qu’on en retient.
Ensemble de poly extraits de l’introduction à la littérature fantastique, de Todorov.
Le problème de ce qui est générique ou général est peut-être déjà le problème du spectre ou du spectral. « Le
travail est un pur fantôme car il n’est qu’une abstraction, et pris en soi, il est inexistant. » N’est-ce pas la même
chose avec le genre du fantastique.
p. 10, § 2 : « L’évolution suit ici un rythme tout à fait différent : toute œuvre modifie l’ensemble des possibles,
chaque nouvel exemple change l’espèce. On pourrait dire que nous sommes en face d’une langue dont tout
énoncé est agrammatical au moment de son énonciation. Plus exactement, nous ne reconnaissons à un texte le
droit de figurer dans l’histoire de la littérature ou dans celle de la science, que pour autant qu’il apporte un
changement à l’idée qu’on se faisait jusqu’alors de l’une ou de l’autre activité… »
Si un texte s’inscrit d’avance dans le genre, alors il n’appartient pas à la littérature diverse, mais à la littérature
populaire.
Ouverture de parenthèse : « Une comparaison s’impose alors à l’esprit : celle du produit artisanal, de
l’exemplaire unique, d’une part ; et du travail à la chaîne, stéréotype mécanique, de l’autre. » Thématique très
présente chez Marx.
« Pour revenir à la matière qui est la nôtre, seule la littérature de masse devrait appeler la notion de genre ; celleci serait inapplicable aux textes proprement littéraires. »
Le simple fait de décrire la singularité, d’inscrire cette singularité, cela en fait potentiellement un genre : on rend
cette singularité répétable.
--------------------------------------------------------Définition différentielle du fantastique. Comparaison avec deux genres voisins : l’étrange et le merveilleux.
p. 29 du poly :
Dans un monde qui est bien le nôtre, celui que nous connaissons, sans diables, sylphides, ni vampires, se produit
un évènement qui ne peut s’expliquer par les lois de ce même monde familier. Celui qui perçoit l’évènement doit
opter pour l’une des deux solutions possibles : ou bien il s’agit d’une illusion des sens, d’un produit de
l’imagination et les lois du monde restent alors ce qu’elles sont ; ou bien l’évènement a véritablement eu lieu, il
est partie intégrante de la réalité, mais alors cette réalité est régie par des lois inconnues de nous. Ou bien le
diable est une illusion, un être imaginaire ; ou bien il existe réellement, tout comme les autres êtres vivants : avec
cette réserve qu’on le rencontre rarement. […]
Le concept de fantastique se définit donc par rapport à ceux de réel et d’imaginaire : et ces derniers méritent plus
qu’une simple mention.
L’esprit du fantastique, c’est « j’en vint presque à croire… ».
LMPHI1732, P. Szendy ; E. During
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