Processus fondamentaux de l`ontogenèse

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UE 3
Processus fondamentaux de l’ontogenèse
M. KRAMER
PLAN
Chap I : la cellule et son environnement : les récepteurs pour les ligands solubles et les
molécules d’adhésion. Introduction aux molécules d’adhésion, comment ont-elles été
découvertes et leur subdivision en sous-classes en fonction des homologies de séquence.
Chap II : la famille de molécules d’adhésion des intégrines ; connecter la matrice
extracellulaire avec le cytosquelette et leur rôle dans la survie cellulaire et la prolifération.
Chap III : les cadhérines et les interactions cellule-cellule ; leur rôle dans la compaction de
l’embryon au stade morula du développement, la polarité cellulaire et le maintien de
l’intégrité des tissus épithéliaux ; leur rôle de suppresseur de tumeur.
Chap IV : la migration cellulaire, le rôle des GTPases de la famille RHO et la dynamique du
cytosquelette.
Chap V : apoptose, mort programmée pendant l’embryogenèse.
Chap VI : le rôle des molécules d’adhésion et du cytosquelette dans la sculpture de
l’embryon ; le plan de division de la cellule ; la ceinture d’actine et la gastrulation, la
migration cellulaire pendant la gastrulation ; la formation du tube neural et des membres.
1
Chapitre I
Fig 1.1 : les cellules épithéliales sont attachées à la lame basale. Cela suppose des interactions
fortes entre cellule-cellule et cellule-lame basale, soit l’adhésion des cellules aux surfaces et
aux autres cellules. Les molécules d’adhésion se comportent à la fois comme une cible des
signaux générés à l’intérieur de la cellule (inside-out signalling) et comme des récepteurs à
partir desquels des signaux intracellulaires sont émis (outside-in signalling), car la molécule
d’adhésion signalise à l’intérieur de la cellule qu’elle est accrochée.
Ces deux aspects sont bien illustrés par le rôle joué par les molécules d’adhésion en tant que
molécules régulatrices de la survie cellulaire, de la prolifération cellulaire et de la migration
cellulaire.
Les molécules d’adhésion jouent donc un rôle déterminant dans le développement
embryonnaire, dans lequel les 3 rôles cités sont essentiels à la sculpture de l’organisme.
La liaison des cellules à la matrice extracellulaire et leur attachement à d’autres cellules
s’effectuent grâce à des molécules d’adhésion spécifiques. Initialement, les molécules
d’adhésion ont été décrites comme des molécules collantes. Une sorte de colle n’ayant pour
application fonctionnelle que l’adhésion. On sait maintenant qu’elles agissent comme des
molécules signalisatrices à part entière. Elles sont décrites comme des récepteurs en tant que
tel. Cependant, à l’inverse des récepteurs aux hormones et neurotransmetteurs, les ligands qui
interagissent avec les molécules d’adhésion sont généralement insolubles. Ce sont souvent des
molécules d’adhésion elles-mêmes, présentées par les cellules adjacentes ou par des
composants de la matrice extracellulaire. Les molécules d’adhésion sont arrivées sur le devant
de la scène dans les années 70 lorsqu’on a fait le point sur les investigations relatives au
développement du cerveau. On a alors réalisé que l’organisation très précise des cellules
nerveuses au sein du système nerveux central devait faire appel à un processus dynamique de
guidage des cellules d’une part et d’adhésion cellulaire d’autre part. Ces mécanismes
régiraient le processus de croissance orientée des neurones et également la formation des
synapses. A l’époque, trois idées furent considérées :
1. Au cours du développement, afin d’établir les contacts cellule-cellule précis, les cellules
intéragissantes devaient chacune présenter des molécules d’adhésion unique ayant une
complémentarité restreinte. C’est l’hypothèse de la chimio-affinité.
Liaison
spécifique
sélective
2. Il existe un groupe limité de molécules d’adhésion mais possédant e capacité de liaison
modulable dans le temps :
Liaison
spécifique
sélective
2
Par exemple, les cellules, au cours de différentes phases de leur vie, présenteraient la même
molécule, mais durant la croissance des neurones, ces molécules d’adhésion se trouvent dans
un état de basse affinité. A un moment donné et par le jeu de modification covalentes, la
cellule ferait basculer cet état de basse affinité vers un état de haute affinité, permettant ainsi
de lier le contre-récepteur correspondant sur n’importe quelle cellule du voisinage.
3. Possibilité d’une interaction cellule-cellule faible, ce qui laisse de côté la notion de
molécules d’adhésion spécifiques. (interactions de type Van-der-Waals).
Il apparaît aujourd’hui que les deux premières théories sont exactes. Le nombre de molécules
d’adhésion est limité et leur capacité à interagir avec des contre-récepteurs (ligands) est
régulée par leur niveau d’expression (leur présence ou leur absence) mais aussi par leur état
d’activation (affinité). Fig 1.3
Dans le monde de l’immunologie, la combinaison de molécules d’adhésion exprimée à la
surface d’une cellule et leur état d’activation sont référencés comme un code postal.
La démonstration du rôle joué par la molécule d’adhésion dans les interactions cellule-cellule
provient des expériences d’agrégation utilisant Myxomycète.
Fig 1.4 : le Dictyostelium se nourrit de bactéries. Quand la source locale de nourriture est
épuisée, il passe alors au stade pluricellulaire de son cycle de vie. Le mécanisme d’agrégation
fait intervenir la propagation d’un signal chimiotactique d’une cellule à l’autre. C’est
l’APMcyclique qui est la substance active dans le processus de migration des cellules et
d’agrégation en amas pluricellulaire. En utilisant des Anticorps dirigés contre les molécules
de surface de Dictyostelium, une glycoprotéine de 80 kD a été identifiée comme responsable
de l’adhésion cellule-cellule. Soit l’anticorps qui empêche l’agrégation en amas
pluricellulaire :
Chez les vertébrés, la démonstration du rôle des molécules d’adhésion dans les interactions
cellule-cellule provient des expériences utilisant un protocole d’agrégation similaire. Il s’agit
là de tissu désagrégé.
Fig 1.5 : on peut dissocier les cellules par une protéase (trypsine)par exemple. D’abord
incapables de se réagréger, les cellules récupèrent leur propriété d’adhérence après une
certaine période de culture. Cette période suggère déjà que le processus de trypsinisation a
« dénudé » les cellules de leurs molécules d ‘adhésion et qu’elles sont ensuite réexprimées à
la surface cellulaire. Si on bloque les épitopes (reconnus par l’anticorps) à la surface de la
cellule avec des fragments monovalents FAB issus d’anticorps dirigés contre la membrane
cellulaire, on empêche la réagrégation des cellules
Ac divalent
Ac monovalent
3
détergent
Ac anti-Ac
Par centrifugation on récupère le culot. Avec
un ph4, on coupe l’interaction et on obtient la
protéine antigénique membranaire. On peut
après la séquencer…
On a ainsi isolé la première molécule d’adhésion : la N-CAM ou Neuronal Cell Adherence
Molecule. Cette molécule ressemble en partie à la molécule d’adhérence décrite pour le
Dictyostelium
Les conclusions de ces travaux établissent que des molécules d’adhérence particulières
régissent les interactions cellule-cellule.
Les molécules d’adhésion ont reçu le nom correspondant à
 Leur fonction. (ICAM : inter-cellular adherence molecule).
 Leur localisation (MAC-1 dans le macrophage)
 Une combinaison des deux (ELAM : endophilium localised adherence molecule)
 Leur moment d’induction (VLA-4 pour very late antigene)
 Leurs propriétés d’intégration (intégrines : lien entre matrice et cytosquelette)
 Selon la reconnaissance à un anticorps (CD11b)
 Clonage (2M)
On a en fait 2M, CD11b et MAC-1 qui sont la même molécule !
La superfamille des immunoglobulines :
Fig 1.6
C’est une très grande famille.
La N-CAM en fait partie.
Ce sont des protéines de surface qui présentent une série de domaines de type
immunoglobuline à leur extrémité Nter.
Ces domaines, les domaines Ig, sont des structures globulaires comme des boucles stabilisées
par des ponts disulfures, résistant aux protéases. Les protéines de cette famille, au sein de la
famille des molécules d’adhésion, comprenant I-CAM et V-CAM, ont toutes un segment
4
transmembranaire unique. La sous-famille des I-CAM peut être divisée en ICAM1, ICAM2 et
ICAM3. VCAM apparaît sous deux formes ayant soit 5 soit 7 domaines (variant d’épissage).
Sur fig. 1.6, VCAM a 7 domaines Ig.
La sous-famille des NCAM a deux formes : une forme liée avec des lipides une autre
transmenbranaire. Il existe aussi la sous-famille des PECAM (platelet endothelium CAM).
Jusqu’à présent, aucune voie de signalisation activée par ces CAM n’a été mise en évidence.
Leur affinité ne semble pas non plus pouvoir être modulée de l’intérieur. Elles sont
d’avantage considérées comme des ligands et non comme des récepteurs à part entière. Les
molécules d’adhésion Ig sont capables de lier des intégrines, des NCAM et NCAM peut se
lier à NCAM. Le facteur déterminant dans la régulation des interactions cellule-cellule dans
cette classe de molécules consiste en la régulation de leur niveau d’expression.
Les intégrines
Ce sont les molécules d’adhérence les plus dynamiques et les plus versatiles. Elles sont faites
de deux sous-unités liées de façon non covalentes :  de 150 à 200 kD et  de 90 à 110 kD.
Fig1.7
Les sous-unités possèdent un site de liaison pour Mg2+ et Ca2+. La présence de Ca2+ est
essentielle pour la liaison des intégrines à leur contre-récepteurs. Les intégrines peuvent se
lier aux ICAM, VCAM et MAD CAM et également à des composants de la matrice
extracellulaire et au fibrinogène. Le domaine intracellulaire de la sous-unité  peut-être
phosphorylé et ceci peut affecter l’activité de liaison. Cela peut être particulièrement
important pour la cellule en suspension (comme un leucocyte), pour inactiver les intégrines.
Pour les leucocytes, les chemokines (ou cytokines chimiocinetiques) jouent un rôle important
dans l’activation des intégrines. Sur le lieu de l’inflammation, les chemokines sont libérées
par les cellules attaquées, vont dans le sang, activent les intégrines des leucocytes, qui peuvent
alors remplir leur rôle cytotoxique sur la cellule attaquée. A l’inverse, pour la cellule des
tissus (poussant sur une matrice), les intégrines apparaissent dans un état d’activation
constitutif.
Fig1.7, les plaquettes adhèrent par certaines intégrines à la matrice grâce au fibrinogène. Les
intégrines ne sont activées qu’en cas de lésion.
Les cadhérines :
Ca2+ dependant adherence molecule
Les bases fondamentales de la morphogenèse animale sont régulées par la reconnaissance
intercellulaire de molécules d’adhérence spécifiques. Le processus d’adhérence le plus
précoce durant l’embryogenèse est la compaction de la morula. La molécule d’adhésion
uvomoruline (fig1.9) est capitale pour la transition de l’embryon à apparence raisin (uva) vers
apparence framboise (morula). Le Ca2+ est nécessaire pour l’activation de l’uvomoruline.
Les cadhérines constituent une grande famille de protéines (au moins 11 membres chez
l’homme) et elles sont classifiées selon des similitudes de séquences dans leur domaine
extracellulaire. CE sont les domaines cadhérines ou Ca2+ binding cadherine repeats (domaine
à liaison du Ca2+) fig. 1.10
Elles furent nommées initialement d’après le tissu à partir duquel elles furent découvertes : NCadherine (neuronal), P (placenta), E (epitheliale) mais ceci n’a plus de sens puisqu’elles sont
largement distribuées. En général, les cadhérines participent à des interactions homotypiques
(adhésion cellule-cellule), se comportant à la fois comme un récepteur et comme un ligand.
Elles sont présentes dans les jonctions cellule-cellule (desmosomes) où elles sont associées à
des structures d’actine (cytosquelette) et des caténines dans le domaine intracellulaire. Dans
les tumeurs épithéliales métastasiantes, il y a une perte de localisation basolatérale de
cadhérines. Les cadhérines apparaissent alors comme des suppresseurs de tumeur.
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Ceinture
d’actine
(cytosquelette)
Cellules épithéliales
normales
Complexe cadhérinecaténine
Lame basale
Complexe intégrine matrice
Cellules épithéliales
métastasiantes
La perte des cadhérines provaque le détachement des cellules cancéreuses, qui migrent et
infectent tout l’organisme (le foie notamment). Il y a beaucoup d’autres facteurs.
Le CD4:
Il a été découvert par des techniques immunologiques.
C’est un membre de la famille des protéines de liaison au cartilage. Il s’agit d’un groupe de
protéines qui possèdent un domaine de liaison à l’acide hyaluronique (ou hyaluronan).
L’acide hyaluronique est un glycosaminoglycane qui est présent en abondance dans la matrice
extracellulaire, souvent liée à des protéines de liaison du cartilage. C’est ce complexe qui
donne aucartilage sa dureté mais qui lui confère aussi une certaine souplesse.
Acide
hyaluronique
Protéine de
liaison du
cartilage
CD44
Cellule du
cartilage
Le CD44 a été initialement considéré comme un homing receptor, chez les lymphocytes.
En effet, quand l’antigène est reconnu par le lymphocyte, il induit son activation. Le
lymphocyte activé quitte la circulation sanguine vers le ganglion. Il y subit l’expansion
clonale. Le CD44 apparaît nécessaire au lymphocyte pour quitter la circulation, car si on le
6
bloque par un anticorps spécifique, ce phénomène n’est plus possible. Par la suite, on a
identifié le CD44 sur la plupart des cellules mais avec une grande variabilité de PM, de 58 à
200 kD. Cela est dû à deux facteurs : - la molécule est fortement glycosylée (fig. 1.13) avec de
longues chaînes carbonhydrate branchées en N et O.
- il existe un épissage alternatif de 9 exons qui
aboutissent à des variants d’épissage.
Les isoformes variantes de CD44 ont des capacités fonctionnelles distinctes. Par exemple,
l’inclusion de l’exon v3 permet la liaison au FGF et à l’Heparin Binding GF. L’inclusion de
v2 à v6 induit la métastase des tumeurs cancéreuses, mais aucune implication fonctionnelle
directe n’a pu être mise en évidence entre les différents variants et la métastase des tumeurs.
Les variantes d’épissage du CD44 jouent aussi un rôle dans la formation des extrémités (vpl).
Fig. 1.15 : la ECM est composée de collagène, fibronectine et laminie qui se lient aux
intégrines, par une séquence RDG (Arg-Gly-Aspartate), de polymères de sucres et de la lame
basale, structure particulière sur laquelle repose toutes les cellules épithéliales.
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Chapitre II
La prolifération cellulaire et les intégrines
La prolifération cellulaire sert à agrandir un organisme en taille, en parallèle de la croissance
cellulaire.
Fig. 2.1 La prolifération des cellules provenant des tissus (les cellules adhérentes) n’a lieu
qu’en présence de deux signaux : ceux générés par la molécule d’adhésion et ceux émis par
les récepteurs de facteurs de croissance :
EGF : epidermic growth factor
PDGF : platelet derived GF
FGF : fibroblast GF
VEGF : vascular endophilium GF
TGF : transforming
Pour réaliser une culture cellulaire, il faut ajouter le sérum (issu de la coagulation du sang) car
pendant la coagulation, les plaquettes relarguent le PDGF mais aussi un grand nombre de ces
facteurs. L’addition de facteurs de croissance aux cellules adhérentes que l’on a détachée de
leur support et mise en suspension induit des effets à court terme mais n’aboutira pas à une
réponse proliférative. Pour cela, les cellules ont besoin d’être attachée à la matrice
extracellulaire soit par de la fibronectine, collagène ou laminine ou encore à de la
vitronectine. Fig. 1.15 et 2.1
L’apport du signal 1 par les récepteurs des facteurs de croissance se fait par l’activation de
RAS. La plupart des récepteurs pour les facteurs de croissance sont des protéines qui
contiennent un seul segment transmembranaire et un domaine intracytosolique qui porte une
activité Tyrosine kinase (phosphorylation). Fig2.3 La liaison du facteur de croissance à son
contre-récepteur induit la dimérisation des récepteurs, un phénomène qui entraîne l’activité
Tyr Kinase intrinsèque (=l’activité est liée de façon covalente aux récepteurs).
Récepteur
dimérisé au
GF
P
P
P
Activation
tyr-K
P
Les deux récepteurs s’interphosphorylent, et deviennent ainsi activés. Ils peuvent alors
interagir avec des effecteurs en aval. L’ensemble de ces cascades de réaction constitue la
transduction du signal. En effet, le signal est traduit (change de forme) et transmis
(extraintra). Une des effecteurs en aval est le RAS, le membre le plus connu des petites
protéines liant le GTP. Ces molécules ressemblent aux grandes protéines hétérotrimériques
liant le GTP (comme la protéine G) qui sont associées aux récepteurs des hormones comme
l’adrénaline.
Ces molécules oscillent entre deux formes, une liée au GTP (activée) et l’autre au GDP
(inactive). Elles conduisent et distribuent le signal sous la forme liée au GTP et interrompent
le signal sous la forme liée au GDP. Leur mode d’action rappelle celui d’un commutateur,
c’est pourquoi on les appelle commutateurs cellulaires.
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Fig. 2.4
RAS-GTP  conduction signal
 hydrolyse automatique  échange (et pas phosphorylation)
RAS-GDP  interruption signal
L’hydrolyse est catalysée par la Guanine activiting protein GAP.
L’échange est catalysé par la Guanine exchange protein GEP.
Il existe beaucoup de RAS (rat’s sarcome). Il existe des mutations qui rendent RAS active
constitutivement car GAP n’arrive pas à hydrolyser le GTP. On conserve alors RAS-GTP
d’où la tumeur.
Il existe aussi une famille RHO : RAS homologue. Les récepteurs de facteurs de croissance
activent le GEF (ou GEP) de façon indirecte avec pour conséquence l’activation d’une
GTPase. Il y a plusieurs familles de GTPases qui chacune sont constituées de plusieurs
membres : famille RHO, RAS, RAN, ARF… Il y a aussi plusieurs GEF et plusieurs GAP,
chacune spécifique d’une GTPase. L’activation de RAS est indispensable pour conduire le
signal vers l’intérieur de la cellule.
Rôle de la GTPase RHO dans le regroupement des intégrines :
Fig. 2.5
L’attachement de la cellule à la matrice extracellulaire entraîne le regroupement des
molécules d’adhésion, en particulier les intégrines (voir fig1.7 et 1.8). Les intégrines se fixent
alors aux protéines de la ECM en reconnaissant la séquence RGD (Arginie-GlycineAspartate). Ce regroupement est dépendant de la présence de facteurs de croissance, qui par
l’occupation de leurs récepteurs fournissent le signal 1. Les récepteurs des facteurs de
croissance activent d’une façon non encore comprise la molécule RHO A. RHO A, à son tour,
active le processus de regroupement des intégrines (clusters). RHO A est un membre de la
famille des petites GTPases. Le rôle clé de RHO A dans l’attachement et l’étalement de la
cellule a été montré en injectant un inhibiteur de RHO A directement dans les cellules. En
absence de RHO A, les cellules ne forment plus de contacts focaux (les clusters d’intégrines
ne sont pas formés). La molécule C3 est un inhibiteur de RHO A.
La formation des contacts focaux :
Le regroupement des intégrines induit la création des contacts focaux où la matrice
extracellulaire est mise en contact avec le cytosquelette. Un complexe de protéines se forment
autour des clusters d’intégrines.
Fig. 2.7
D’abord la taline s’attache aux intégrines, ensuite, la vinculine s’attache à la taline et à l’actinine qui à son tour se lie à l’actine du cytosquelette.
Fig. 2.6.2
La présence de vinculine dans les contacts focaux est dévoilée grâce à des anticorps
fluorescents. Le cytosquelette forme des fibres de stress qui traversent la cellule de part en
part, d’un contact focal à l’autre, ce qui rigidifie la cellule.
Fig. 2.6.4 : l’inhibition de l’activité GTPasique de la RHO A empêche la formation correcte
des contacts focaux, ce qui a pour conséquence que les cellules ne s’étalent pas comme elles
le devraient et ne mettent pas en route le cycle cellulaire.
La protéine kinase des contacts focaux FAK
(focal adhesion kinase)
fig2.8
La formation des clusters d’intégrines induit la formation de complexes protéines structurales
(vinculine…) mais aboutit également à la fixation de la FAK. C’est une Tyrosine Kinase qui
9
se fixe à la taline. Une fois attachée, elle est activée par une phosphorylation effectuée par une
autre TyrK. FAK activée transmet le signal d’adhésion vers la molécule RAS, par
l’intermédiaire de l’activation de la GEF. On a alors le signal 2 de la prolifération.
Les signaux convergent sur RAS :
Ils sont transmis vers le noyau pour activer le cycle cellulaire. En présence des deux signaux,
l’activation de RAS est continue et déclenche le processus de prolifération cellulaire, initiée
par la réplication de l’ADN. Tous ces éléments prennent quelques heures. Les deux
évènements essentiels dans ces voies de signalisation sont :
l’activation des protéines kinases activées par le mytogène, à savoir les MAP-Kinases
(mytogen activited kinase)
l’activation de RHO A
On a :
Signal 1
MAP-K
RAS-GTP
Signal 2
RHO A
Fig. 2.9
MAP kinase est phosphorylée sur un résidu Thréonine et sur un résidu Tyrosine puis migre
vers le noyau. La phosphorylation ouvrirait un signal qui dirige MAP-K vers le noyau. C’est
la translocation. Dans le noyau, MAP-K active les facteurs de transcription par
phosphorylation qui induisent l’expression des gènes codant pour les cyclines D et E. ces
cyclines s’associent avec leurs protéines K (les cycline dependant kinase CDK) et les
complexes mettent en route la progression vers la phase G1 et prépare la cellule pour la
réplication de l’ADN.
Fig. 2.10
RHOA-GTP permet l’inactivation du p21waf/cip, qui est un inhibiteur des cyclines D et E.
Le cellule a besoin d’un autre signal, qui passe par RHOA. RHOA inhibe en fait l’expression
de p21wap/cip. Dès que p21wap/cip disparaît du milieu intracellulaire, MAP-K peut alors activer
les cyclines D et E et le cycle cellulaire démarre.
Les oncogènes :
Fig2.11
Des mutations des gènes impliqués dans la formation des signaux 1 et 2 ou la surexpression
de leurs produits augmentent la probabilité d’avoir le cancer. Lorsque ces gènes sont mutés ou
surexprimés dans un cancer, ils sont appelées oncogènes. Les mutations trouvées dans ces
gènes sont souvent des mutations qui modifient la protéine en sorte qu’elle se trouve en
permanence sous une configuration activée (mutation gain de fonction). La surproduction de
leurs produits ou les mutations gain de fonction font croire aux cellules que leurs récepteurs
aux facteurs de croissance sont activées en permanence et que la cellule est attachée, et leur
demande de proliférer sans cesse. Il s’en suit la formation inappropriée d’une masse cellulaire,
la tumeur. La présence des oncogènes change également le phénotype des cellules et on dit
que la cellule devient transformée. En réalité, cela veut dire que les cellules ne sont plus
dépendantes pour leur croissance, ni de facteurs de croissance ni d’être attachées à la matrice
extracellulaire et que les cellules ne sont plus inhibées par les contacts cellule-cellule et enfin
que les cellules peuvent proliférer indéfiniment.
10
Les gènes impliqués :
Fig. 2.10 2.11
Au niveau du signal 1, on connaît 2 oncogènes : le C-sis (cellular-simian sarcoma virus) qui
code pour un facteur de croissance (PDGF) en surproduction. Ce facteur PDGF est très
puissant chez le fibroblaste ; et l’oncogène C-ErbB (erythroblastosis) qui permet la
surproduction du récepteur muté au EGF qui signalise même si le facteur n’est pas fixé.
Au niveau du signal 2 : Fig. 2.8 : une phosphatase appelée PTEN déphosphoryle FAK et ainsi
contrôle le signal en provenance des contacts focaux. Dans certaines tumeurs, il n’y a pas
d’activité PTEN et donc FAK, une fois phosphorylée, le reste et devient constitutivement
active. Dans les cellules en provenance de ces tumeurs, l’adhérence n’est plus indispensable
pour induire la prolifération cellulaire par les facteurs de croissance. Les cellules sont
transformées et poussent sans besoin d’ancrage. on connaît aussi un autre oncogène, apporté
par un facteur d’échange du GTP (GEF) de RHOA aboutissant à une activation constitutive
de RHOA. Dans ces tumeurs, cette mutation est un Diffuse B-cell lymphoma. L’oncogène est
appelé Dbl. L’activation constitutive de RHOA a pour conséquence une activation du
complexe des contacts focaux et une inhibition de l’expression de p21wap/cip.
Il existe aussi des oncogènes en relation avec les signaux 1+2. La mutation du gène codant
pour RAS est une des mutations les plus fréquentes impliquées dans le cancer. RAS est le
point de convergence des 2 signaux, contacts focaux et récepteurs des facteurs de croissance.
Dans sa forme mutée, RAS devient constitutivement active et fait croire aux cellules qu’il y a
continuellement des signaux provenant des récepteurs aux GF et aux contacts focaux . Il
existe plusieurs oncogènes liés à cela : N-RAS, H-RAS, K-RAS (rat sarcoma).
11
Chapitre III
L’apoptose et les molécules d’adhésion
L’apoptose :
La mort cellulaire fait partie du développent des organes animaux et continue de se manifester
au cours de la vie adulte. Par exemple des millions de neutrophiles meurent chaque minute et
nous perdons aussi de nombreux neurones en permanence. Ceci fait partie du réarrangement
continuel du cerveau. On considère que c’est à trois mois que le cerveau compte le plus de
neurones. Les cellules nerveuses ne disposent que d’une quantité limitée de facteurs de survie,
produits par les cellules avec lesquelles elles sont en contact. Seule une partie des cellules
nerveuses, celles qui sont correctement connectées en réseau et récupèrent assez de facteurs
de survie, se maintiennent. Les autres meurent tôt ou tard.
Etant donné l’aspect caractéristique des cellules en train de mourir, indépendant des
circonstances, il a été proposé que la mort cellulaire naturelle, ainsi que la mort d’origine
pathologique, sont des suicides. C’est à dire que les cellules activent un programme de mort
cellulaire et se tuent elles-mêmes d’une façon régulée, contrôlée, appelée programmed cell
death PCD ou apoptose. Apparemment, la plupart des cellules sont tenaillées par de
continuelles tentatives de suicide et doivent mettre en place des mécanismes qui leur
permettent de survivre, comme des facteurs de survie pour se protéger.
Fig. 3.1 : Une cellule en apoptose peut être reconnue à son enveloppe nucléaire en cours de
désintégration. On la reconnaît aussi à la présence d’amas sombres formés de chromatine
condensée et la formation de vésicules membranaires, les blebs. Ces changements se
déroulent selon une séquence ordonnée et peuvent s’accomplir en 60 minutes. Enfin, la cellule
se rabougrit et est rapidement dévorée par ses voisines, avant que son contenu ne se répande.
Le cellule apoptotique ne déclenche pas de réponse inflammatoire. A l’inverse, une cellule qui
meure accidentellement, en réponse à une blessure, déverse son contenu sur ses voisines
(nécrose) et déclenchera une réaction inflammatoire, pour déclencher la cicatrisation.
12
Mise en route de ce programme :
La régulation de l’apoptose joue un rôle dans certaines maladies (leucémies). On pense
aujourd’hui que l’apoptose excessive est aussi impliquée dans les maladies dégénératives
(Altzheimer), dans les cellules des tissus privés d’oxygène lorsqu’ils sont brutalement
réoxygénés (crise cardiaque) et aussi dans la maladie du greffon contre l’hôte et les désordres
auto-immuns (certains diabètes). Cela se traduit par des pertes de neurones (Altzheimer), de
cellules cardiaques, de cellules pancréatiques à insuline.
Les protéases sont responsables de l’apoptose. l’idée que les cellules animales possèdent un
programme de mort programmée innée a émergé à la suite d’étude génétique chez les
nématodes où il a été montré que la délétion de certains gènes au cours du développement
empêchait la mort cellulaire de se produire. Ces gènes ont alors été appelés CED (cell death
abnormal). L’existence des gènes du même type a été montré ensuite chez l’homme avec des
fonctions similaires. Ce sont les enzymes protéolytiques appelées caspases. Les caspases sont
synthétisées sous forme de précurseurs inactifs, les proenzymes. Ces proenzymes font partie
d’une famille de protéases caractérisées par la présence d’une cystéine dans leur site
catalytique et elles clivent le substrat par leur séquence consensus Aspartate-GlutamineValine-Aspartate soit DEVD. Le nom de caspase est d’ailleurs dérivé de Cyst-Asp-protéase.
Les caspases sont activées par protéolyse du site DEVD et ceci peut être réalisé soit par une
autre caspase (dimérisation des procaspases et intercatalyse) soit par l’enzyme elle-même
(autocatalyse).
Cys
Cys
DEVD
procaspase
D
EVD
caspase
Il existe 2 types de caspases : les caspases initiatrices qui activent uniquement d’autres
caspases et les caspases effectrices qui détruisent sélectivement les composants cellulaires
essentiels. Fig. 3.2 Tabl 3.1
En ce qui concerne l’initiation des procaspases, l’idée générale est que ces procaspases sont
liées à d’autres protéines pour les empêcher de se dimériser et de s’activer mutuellement.
Cys
Cys
Protéine adaptatrice
Des inhibiteurs de l’apoptose maintiennent les caspases initiatrices à l’écart les unes des
autres et des activateurs les rapprochent. Le processus de mort cellulaire est irréversible une
fois que suffisamment de caspases initiatrices sont activées.
13
Les cibles des caspases :
Fig3.3
Les différentes caspases ont des rôles distincts :
- Inactivation et destruction des inhibiteurs de l’apoptose, en particulier l’inactivation d’une
protéine inhibitrice d’une nucléase, l’ICAD (inhibitor of caspase-activated
deoxyribonuclease). Une caspase effectrice détruit ICAD, ce qui permet l’activation de
CAD qui détruit l’ADN. mais aussi des caspases inactivent Bcl2 qui est un inhibiteur des
caspases.
- Destruction des compartiments cellulaires et des voies de signalisation. Les caspases
coupent par exemple une protéine cytosquelettique essentielle pour le maintien de
l’intégrité du noyau, la laminine. Le noyau perd sa forme. Mais aussi la gelsolin est
coupée (protéine cytosquelettique) de même que FAK (voie de signalisation) (vpc).
- Destruction des machineries de réparation et de réplication de l’ADN (par exemple
destruction de la DNA-PKcs).
Régulation des caspases :
Signal apoptotique
Procaspase initiatriceCaspase initiatrice
Procaspase effectriceCaspase effectriceMort cellulaire.
Il faut un pool assez important de caspases initiatrices pour enclencher le processus, et cela
constitue une voie de régulation très importante.
Fig. 3.4
Bcl2 : B-cell lymphoma.
Il peut apparaître une translocation chromosomique entre le gène de la chaîne lourde des
immunoglobulines et le gène Bcl2. Le premier étant une locus très actif (au contraire du Bcl2
sauvage), on aboutit à une surexpression de Bcl2. Normalement, une cellule B vit quelques
jours avant de subir l’apoptose, mais dans le cas des mutants qui surexpriment Bcl2, les
cellules B vivent beaucoup plus longtemps et s’accumulenttumeur. cela est dû au rôle
inhibiteur de l’apoptose de Bcl2. La régulation par Bcl2 se fait au niveau de la réponse aux
signaux intracellulaires.
Fig. 3.5
L’apoptose peut être induite par un signal intracellulaire, généré par exemple par le manque
de facteur de survie ou bien par une horloge interne qu’on ne comprend pas encore. Dans
cette voie de signalisation, Bcl2 joue un rôle important. Bcl2 ne se lie pas directement aux
caspases, mais à une complexe de procaspases grâce à un adaptateur et de cette façon il
empêche la dimérisation des caspases et leur activation. Lorsqu’un signal apoptotique arrive,
les cellules activent un inhibiteur de Bcl2 qui entre en compétition avec la protéine
adaptatrice, c’est à dire que Bcl2 est chassé de son site de liaison avec l’adaptateur. le
complexe procaspase-adaptateur peut alors se dimériser. Il s’en suit un clivage des séquences
DEVD et la cascade des caspases est enclenchée.
14
L’apoptose peut être induite aussi par un signal externe.
Fig. 3.6
Les cellules cytotoxiques sont capables de tuer les cellules tumorales. Les cellules T
reconnaissent in antigène sur les cellules tumorales grâce à une molécule, le Fas-ligand. Ces
ligands se lient avec leur récepteur Fas et induisent leur trimérisation. Le récepteur activé
attire l’adaptateur et la caspase 8 initiatrice. La mort programmée est alors inévitable. Presque
toutes les cellules portent le récepteur Fas. Mais heureusement les cellules T qui reconnaissent
nos cellules saines sont éliminées par sélection lors de leur maturation. Apparemment, la
cellule tumorale change de Fas du point de vue immunitaire, d’où la réaction cytotoxique.
Cela est encore mal connu.
Réponse aux dommages cellulaires et aux drogues cytotoxiques, le rôle du cytochrome c :
Fig. 3.7
Les dommages physiques et certaines drogues cytotoxiques vont abîmer les mitochondries.
Parfois les composants mitochondriaux vont fuir dans le cytoplasme, dont le cytochrome c qui
fait partie de la chaîne respiratoire. Le cytochrome c dans le cytosol se lie et rassemble deux
molécules de procaspases 9. Celles-ci peuvent maintenant se cliver réciproquement et
initieront une cascade de clivages par les caspases effectrices.
Les complexes d’adhésion focaux :
Ils constituent un signal de survie en empêchant l’apoptose.
Fig. 3.8
La cascade d’évènements qui conduit à la « rescousse » de la cellule se déroule comme suit :
- Formation de complexe d’adhésion focaux qui provoque l’activation de FAK (vpc). Fig.
3.9
- FAK activée active à son tour une lipide kinase, la phosphatidyl inositol 3 kinase. La
PI3Kinase catalyse la production dans la membrane plasmique de phosphatidyl inositol3,4,5-phosphate. Le phosphatidyl inositol triphosphate va se lier sur la membrane avec la
protéine kinase B qui devient phosphorylée sur 2 résidus.
ext.
Int
P
P
P
P
P
P
P
P
PK B
PK B est une Sérine-Thréonine kinase. Elle phosphoryle et active ou inactive des composants
de la cascade des caspases :
- Inactivation de caspase 9 initiatrice : elle devient plus difficile à activer par la voie
classique d’apoptose.
- Inactivation de Bad qui est un inhibiteur de Bcl2. Bad phosphorylé ne pleut plus se fixer à
Bcl2, ce qui rend Bcl2 libre de réaliser son action inhibitrice de l’apoptose.
- Phosphorylation du facteur de transcription FKHRL1 qui est ainsi séquestré dans le
cytoplasme. Comme c’est un facteur d’activation de la transcription de Fas-ligand, sa
phosphorylation est anti-apoptotique.
Ces exemples particulièrement éloquents montrent à quel points les cellules doivent se
protéger contre le suicide. Lorsqu’elles ne sont pas ancrées à un support, il n’existe pas de
signal en provenance des sites d’adhésion focaux, FKHRL1 est immédiatement transloqué
15
dans le noyau où il active la transcription du Fas-ligand. Fas-ligand est sécrété et se lie à son
récepteur Fas exprimé à la surface de la cellule. La trimérisation de ce récepteur conduit à
l’activation de la caspase 8 ce qui induit la mort cellulaire. Expérimentalement, l’inhibition de
FAK conduit à un suicide cellulaire ce qui montre son importance dans la prévention de
l’apoptose.
Les complexes d’adhésion focaux, l’activation de FAK et les tumeurs :
Le rôle de prévention de l’apoptose joué par les complexes d’adhésion focaux est considéré
comme étant le mécanisme par lequel un organisme empêche la dysplasie des cellules, c’est à
dire la croissance des cellules où elles ne devraient pas être. Il est possible que lorsqu’une
cellule est physiquement abîmée, elle se détache du tissu et est transportée par le flux sanguin.
Et à un moment donné, elle se réattache à un autre tissu et continue à se multiplier. On pense
que les cellules qui se détachent meurent lors de leur passage dans le sang. Même si elles
survivaient, elles pourraient ne pas trouver assez de facteurs de survie dans leur nouvel
environnement pour continuer à vivre. Les cellules tumorales qui se disséminent dans d’autres
tissus, la métastase, ont perdu leur sensibilité aux signaux tueurs. Elles ont mis en place des
signaux de survie qui sont indépendants de la régulation par l’attachement à un support. Il
existe par exemple des tumeurs qui croissent à la suite d’une mutation dans une phosphatase
particulière, celle qui ramène FAK dans son état déphosphorylé inactif. Il s’agit de PTEN.
Fig. 3.11
16
Chapitre IV
Les cadhérines et les interactions cellule-cellule
Le rôle des cadhérines E dans la compaction de l’embryon :
Fig. 1.4
Chez l’embryon de souris, le premier signe de différenciation structurale se situe au stade 8
cellules, quand l’embryon subit la compaction. Au stade de 4 cellules les blastomères
établissent des surfaces planes entre eux, ce qui augmentent les aires de contact. Les
microvillosités qui étaient jusque là distribuées uniformément sur les cellules sont maintenant
localisées à une surface spécifique, la surface apicale. Les cellules se polarisent. L’embryon
passe du stade uva au stade morula. C’est la compaction. Les changement dans les contacts
intercellulaires sont dus à des changements dans les associations entre les cadhérines E
(interactions homotypiques), aussi connues sous le nom de uvamorulines. Au stade de 4
cellules, la cadhérine E est distribuée de façon uniforme sur toute la surface cellulaire et le
contact entre les cellules est réduit. A partir su stade 8 cellules, les cadhérine E sont activées
et forment des dimères. Par conséquent, c’est un pool E-cadhérines qui se regroupe en agrégat
ponctuel et immobile. Les câbles d’actine de la circonférence de chaque cellule prennent
naissance au niveau de ces contacts. Cette réorganisation résulte en la formation d’un câble
d’actine à la circonférence et qui englobe les cellules. Fig. 4.2. ces changement se répètent
chaque fois qu’une cellule vient s’agréger au groupe déjà formé. Enfin, les câbles d’actine se
rétrécissent comme on le voit en tirant sur les cordons d’une bourse. Cela aboutit à la
compaction de l’embryon.
Le rôle des cadhérines dans le maintien de l’intégrité des tissus épithéliaux :
Fig. 4.3 et 4.4
Les jonctions adhérentes et les desmosomes :
Une fois que l’embryon s’est développé, la même structure du cytosquelette réapparaît sous
une forme élaborée appelée ceinture d’adhérence épithéliale. La structure tissulaire épithéliale
est activement maintenue et stabilisée par les molécules de cadhérines qui forment la base
pour l’affinité cellule-cellule. Dans les tissus épithéliaux et endothéliaux, les cellules sont
étroitement associées en feuillets. La matrice extracellulaire est peu abondante et consiste en
une couche fine, la lame basale. Les cellules elles-mêmes plutôt que l’ECM, subissent la
grande partie des tensions. Ces tensions sont supportées par la ceinture d’actine. Les jonctions
cellulaires spécialisées, les jonctions d’adhérentes, et les desmosomes et leur interactions avec
le cytosquelette forment des barrages entre les compartiments corporels.
Le ceinture d’adhérence :
Les jonctions adhérentes sont des sites de liaison pour les filaments d’actine, les desmosomes
sont des sites de liaison des filaments intermédiaires (de type kératine pour les cellules
épithéliales).
Ceinture d’adhérence (actine)
Jonctions adhérentes
Filaments intermédiaires
(kératine)
Desmosomes
Les deux types de jonctions sont composées de molécules d’adhérences transmembranaires.,
les cadhérines. Le calcium est indispensable pour l’activation des cadhérines. Dans le cas des
jonctions d’adhérences, la cadhérine est liée à la caténine qui sert d’intermédiaire entre la
17
cadhérine et l’actine. Les jonctions adhérentes connectées avec le cytosquelette forment la
ceinture adhérente dans le feuillet épithélial. Les desmosomes contiennent des cadhérines
connectées aux filaments intermédiaires de kératine par la desmoplakine.
Le rôle de la cadhérine dans la polarité cellulaire ; un suppresseur de tumeur :
Fig. 4.5
La jonction étanche ou zona occludens est une zone qui coupe la perméabilité entre les
cellules. Les protéines d’adhérence impliquées sont l’occludine, Zo1 et Zo2.
La perte des jonctions adhérentes induit un processus de dédifférenciation. La déstabilisation
des jonctions adhérentes provoque la perte de la polarité de la cellule épithéliale. Certaines
protéines qui n’étaient présentes que sur la membrane apicale sont maintenant trouvées tout
autour de la cellule. Par exemple les protéines de liaison de l’insuline normalement situées au
niveau de la membrane basale n’y sont plus localisées spécifiquement. De même les protéines
de transport du glucose ne sont plus spécifiquement au niveau de la membrane apicale.
Les cellules perdent les desmosomes, les jonctions adhérentes et les jonctions étanches et elles
perdent aussi la connexion cadhérine-caténine et la connexion occludine-Zo1/Zo2.
Les cellules commencent aussi à se diviser et acquièrent la capacité de migrer loin de leur site
d’origine, résultant en la formation de multicouches irrégulières de cellules épithéliales. De
façon générale, un programme de dédifférenciation se met en place quand les interactions
cadhérines-caténines sont déstabilisées, c’est à dire le phénomène inverse de compaction de
l’embryon. A cause de ces effets, la cadhérine est considérée comme un suppresseur de
tumeur. Sa présence dans les complexes de jonction est responsable de l’inhibition de contact
et permet de maintenir les cellules à leur place dans le tissu.
18
Un rôle central de la -caténine dans la régulation du processus de dédifférenciation
cellulaire :
Fig. 4.6
Quand la cadhérine ne fait pas partie d’un complexe de jonction, elle perd son affinité pour la
-caténine. Le détachement de la -caténine joue un rôle important dans l’initiation de la
dédifférenciation. Une fois libérée, la -caténine cytosolique s’associe avec le facteur de
transcription Tcf (T-cell factor) et ensemble ils sont transloqués au noyau. Dans le noyau, le
complexe -caténine – Tcf induit la transcription de gène impliquée dans la prolifération
cellulaire. Il induit l’expression de la cycline D1, C-MYC et de la fibronectine. De plus, il
réprime l’apoptose par un mécanisme encore inconnu. La cellule devient mésenchymateuse.
Dans un modèle expérimental, les effets de la -caténine peuvent être mimés en surexprimant
cette protéine de façon ectopique (soit en injectant directement la protéine soit un transfectant
la cellule par un vecteur d’expression), ce qui provoque la dédifférenciation des cellules
épithéliales de la même façon que quand les cellules épithéliales déstabilisent leurs complexes
jonctionnels. Les cellules ont élaboré un système de protection contre la prolifération
aberrante induite par la -caténine. La cellule exprime une protéase cytosolique, la protéase
APC, qui clive spontanément la -caténine libre. (il faut saturer cette APC lors d’une
expression ectopique pour observer la dédifférenciation).
Les mutations des caténines, cadhérines et protéase APC provoquent l’apparition de cancers.
Fig. 4.7
Les mutations perte de fonction des gènes de la protéase APC et des cadhérines et les
mutations gain de fonction des gènes des caténines ont été montré être impliqués dans la
génération de cancers. Le séquençage du gène de la E-cadhérine chez les patients atteints de
cancer du côlon a révélé une mutation GT conduisant à la synthèse d’une cadhérine
tronquée. Le produit tronqué ne participe pas aux complexes jonctionnels et les cellules
perdent graduellement leurs contacts avec les autres cellules. La caténine est ainsi libérée et
entraîne la dédifférenciation cellulaire donc une tumeur. L’introduction d’une cadhérine
normale par expression ectopique réduit le phénotype invasif des tumeurs épithéliales et les
cellules se différencient et reforment une monocouche de cellules polarisées.
Quand un allèle du gène de la caténine est muté (‘code CTNNA1’) dans le cancer du côlon, il
apparaît spontanément des variantes invasives. Il a été montré que le mutant CTNNA1 était
insensible à la protéase APC et que par conséquent la concentration en -caténine libre
augmentait ce qui entraînait la formation des complexes avec Tcf et la dédifférenciation
cellulaire. Enfin, la polypose adenomateuse colique (APC, quelle surprise !), une tumeur du
côlon, est due à la protéase PAC tronquée par suite d’une mutation sur le gène, et donc
incapable de cliver la -caténine.
19
Chapitre V
Migration cellulaire, rôle des GTPases de la famille Rho et dynamique du
cytosquelette d’actine.
La gastrulation fait intervenir des migrations cellulaires.
Fig. 5.1
La gastrulation commence par une transition épithélio-mésenchymateuse. Les cellules situées
au pôle végétatif deviennent mobiles, et prennent un aspect mésenchymateux pour former le
mésenchyme primaire. Les cellules de ce mésenchyme primaire se détachent les unes des
autres et migrent indépendamment dans le blastocœle. La face interne du blastocœle se met à
battre et on peut voir une invagination avant que la migration ne commence vraiment.
L’entrée des cellules dans le blastocœle sous-entend qu’il y aurait eu disparition de
l’adhérence avec perte des caténines  et  et endocytose des cadhérines. L’entrée du
mésenchyme primaire dans le blastocœle est suivie par l’invagination et l’extension de
l’endoderme pour former l’intestin embryonnaire (l’archentéron). L’endoderme s’invagine en
un feuillet continu de cellules et la formation du tube digestif se fait en deux phases. Au cours
de la première, l’endoderme s’invagine pour former un cylindre écrasé qui s’étend jusqu’à la
moitié du blastocœle. Il y a ensuite une courte pause. Dans la seconde phase, les cellules
mésenchymateuses au fond du tube émettent de longs filopodes qui atteignent la paroi du
blastocœle. Grâce à cette extension de filopodes et aussi à des contractions, le tube digestif est
tiré au travers du blastocœle, jusqu’à ce qu’il arrive en contact avec la région de la bouche qui
forme alors une petite invagination sur la face ventrale de l’embryon, puis il fusionne avec
elle.
La migration et le modèle de protrusion-rétraction :
Fig. 5.3
Les cellules avancent en étirant leur cytoplasme, c’est la formation de protrusion. Elle est
suivie par l’adhérence de la protrusion, ce qui rend possible le détachement de l’arrière de la
cellule c’est à dire la rétraction, qui permet à la cellule de récupérer sa forme originelle.
Protrusion
Adhérence
Rétraction
La vitesse de migration est dépendante de la taille de la protrusion et de la rétraction qui en
découle mais aussi dépendante de la fréquence de ces évènements. Deux grosses protrusions
dans un intervalle de 20 min assurent une vitesse de 100m par heure. Quand les cellules
migrent, elles changent leur morphologie.
Fig. 5.2
La cellule devient polarisée : la distribution de masse est modifiée avec une distinction nette
entre ‘avant’ et ‘arrière’, le noyau étant très souvent en partie postérieure de la cellule. La
vitesse de migration varie beaucoup mais est souvent comprise entre 20 et 100 m/h. Certains
facteurs comme le TGF pour les cellule épithéliales induisent la motilité cellulaire. Ce sont
les facteurs chimiocinétiques.
Fig5.4.
Quand les facteurs induisent à la fois la motilité et une certaine direction, ils sont dits facteurs
chimiotactiques. Par exemple certaines bactéries relarguent ces facteurs ce qui permet leur
localisation par les lymphocytes.
20
Fig. 5.5 : différences entre filopodes et lamellipodes. Les lamellipodes permettent une
rétraction plus rapide, contrairement aux filopodes.
La migration et le cytosquelette :
Pour se défendre contre des agressions mécaniques, adopter diverses formes, effectuer des
mouvements coordonnées et dirigés, les cellules eucaryotes utilisent un réseau complexe de
filaments protéiques qui s’étendent dans tout le cytoplasme. Ce réseau est appelé
cytosquelette et contrairement à un squelette d’os rigides, il est une structure très dynamique.
Il se réorganise continuellement quand la cellule change de forme, se divise et répond à son
environnement. Les filaments protéiques sont tous formés de longues structures grâce à la
polymérisation de structures monomériques. Trois grands types de filaments protéiques
forment le cytosquelette :
- Filaments d’actine : 5 à 9 nm de diamètre. Ils sont constitués à partir de monomères
d’actine et sont essentiels pour les mouvements. Ils forment la ceinture d’adhérence.
- Filaments intermédiaires, de diamètre de 10 nm. Ils sont constitués à partir de monomères
de lamine (noyau), vimentine ou kératine (cellule épithéliale). Ils procurent à la cellule
une résistance mécanique.
- Microtubules : 25 nm de diamètre. Ils sont constitués à partir de monomères de tubuline.
Ils sont importants pour le transport des vésicules d’exocytose et d’endocytose et pour la
ségrégation des chromosomes pendant la mitose. Ils sont aussi des organisateurs du
cytosquelette en général.
Le rôle de l’actine dans la migration cellulaire :
L’actine est la protéine la plus abondante pour de nombreuses cellules (en moyenne elle
représente 5% des protéines totales). Les filaments d’actine peuvent former des structures
stables ou labiles. Les structures stables forment les microvillosités et sont un composant
fondamental des cellules musculaires. Il y a au moins 6 types d’actine, réparties en 3 classes :
-actinine (muscle) qui est stable, -actinine et -actinine dans les cellules musculaires.
Chaque molécule monomérique d’actine lie une molécule d’ATP. la tubuline se lie avec le
GTP. Les filaments intermédiaires ne se lient avec ni l’un ni l’autre et sont ainsi plus stables.
Fig. 5.6 : Polymérisation de l’actine.
L’actine s’organise en une hélice serrée qui forme une structure flexible et polaire de 5 à 9 nm
de diamètre. Plusieurs hélices d’actine forment les filaments d’actine. une extrémité est
capable de croissance rapide (extrémité + ou pointue) alors que l’autre extrémité a tendance à
perdre des sous-unités si elle n’est pas stabilisée (extrémité – ou barbelée). Les molécules
monomériques d’actine liées à l’ATP sont ajoutées à l’extrémité + à l’aide d’un complexe
protéique ARP2/ARP3 (actine-related protein). L’activité de ces complexes est dirigée par la
protéine N-WASP (Wiskott-Aldrich syndrome). Lors de la réaction de polymérisation, l’ATP
est hydrolysé, laissant l’ADP piégé dans le polymère. Les molécules d’actine liées à l’ADP
sont enlevées à l’extrémité -. Ce processus est catalysé par la cofiline qui se lie à l’actine-ADP
et la détache du filament. Les monomères d’actine doivent être rechargés en ATP avant de
rejoindre l’extrémité + du filament. La profiline accélère l’échange d’ADP pour ATP.
Dans un état de repos, les molécules d’actine sont ajoutées continuellement à l’extrémité + et
sont perdues continuellement à l’extrémité -. C’est un mouvement de tapis roulant. Dan un
état de croissance du filament, les molécules d’actine sont ajoutées plus vite qu’elles ne sont
perdues, soit par l’inhibition de la cofiline soit par activation de ARP2/3.
Plusieurs types d’assemblage de l’actine :
Fig. 5.7 : il a y trois types d’arrangements :
- Les faisceaux parallèles serrés : orientés avec la même polarité, les filaments sont espacés
étroitement grâce à une liaison avec la fimbrine. La myosine I peut aussi se lier à ces
filaments.
21
-
Les réseaux semblables à une maille : les filaments sont organisés en un arrangement
lâche, avec beaucoup d’interconnexions orthogonales formées par la filamine.
- Les faisceaux contractiles où les filaments sont arrangés avec des polarités opposées et un
espacement plus lâche grâce à la liaison avec l’actinine. la protéine motrice, la myosine II,
se trouve entre les filaments et génère la contraction. Le mécanisme de contraction de ces
faisceaux repose sur le glissement des filaments d’actine et de myosine imbriqués,
entraînés par l’hydrolyse de l’ATP. les muscles ont une autre actine et myosine plus
stable.
Le rôle des petites GTPases de la famille Rho dans la formation des filopodes et lamellipodes
et fibres de stress :
Fig. 5.8 : la partie (a) correspond à une colocalisation des contacts focaux et des fibres de
stress. En (b), on peut voir le noyau et peu de fibres de stress et peu de contacts focaux. En
(c), on voit des cellules de type mésenchymateuses qui forment les filopodes.
Les faisceaux contractiles d’actine sont un type particulier de fibres de tension.
En ce qui concerne son cytosquelette, une cellule épithéliale en migration est caractérisée par
une perte des fibres de stress, par une augmentation du réseau d’actine cortical (réseau
semblable à une maille) et par des sites d’adhésion focaux moins marqués. Le réarrangement
d’actine est une conséquence de l’action des petites GTPases de la famille Rho. Trois rôles
ont été attribués à trois membres de la famille Rho :
- le Cdc42 est responsable de la nucléation de filaments d’actine et de la formation de
faisceaux parallèles, les filopodes. La séquence des évènements est la suivante : Cdc42
active N-WASP qui à son tour active le complexe ARP2-3, ceci provoquant une
augmentation de la nucléation des filaments d’actine. fig. 5.8c et 5.9a.
- RAC1 est responsable de la formation d’un réseau semblable à une maille, les
lamellipodes. La séquence des évènements est la suivante : RAC1 active la kinase LIM
qui à son tour phosphoryle la cofiline, qui facilite la dépolymérisation. Du fait de son
inactivation, les filaments d’actine peuvent s’allonger. fig. 5.8b et 5.9b.
- RhoA est responsable de la formation des contacts focaux suivie par la formation de
faisceaux contractiles, les fibres de stress. La séquence des évènements est la suivante :
RhoA active la kinase ROCK qui à son tour phosphoryle et inactive la phosphatase de la
myosine. Cette cascade de réaction a pour conséquence une augmentation de la
phosphorylation et de l’activation de la myosine II. La myosine II activée interagit avec
l’actine et forme les fibres de stress. Fig. 5.8a et 5.9c.
L’idée générale est que les facteurs qui induisent la migration ont un effet activateur sur le
Cdc42 et Rac et un effet inhibiteur sur RhoA, produisant ainsi l’ancrage des cellules,
éliminant les fibres de stress et favorisant la formation des filopodes et lamellipodes.
22
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