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unifié par la civilisation. Au XV, ce monde ancien, héritier de l’Empire Romain d’Orient 
disparaît pour la chrétienté car aux mains d’un Empire considéré déjà comme étranger à 
la civilisation européenne. L’Europe a d’abord fait son deuil du sud de la Méditerranée, 
et  fait  alors  le  deuil  de  la  partie  orientale  de  la  Méditerranée.  L’idée  d’une  chrétienté 
universelle s’efface progressivement. Depuis longtemps certes, Byzantins et Croisées se 
combattaient,  mais  il  restait  un  fond  commun,  une  idée  confuse  de  catholicité, 
d’universalité  portée  par  l’Antiquité  et  la  Chrétienté.  La  Méditerranée  était  le  centre 
même de la civilisation. La chute de Constantinople est bien la perte du monde ancien, 
d’une idée rêvée, virtuelle. 
1492 :  la  découverte  des  Amériques  par  Christophe  Colomb.  L’Europe  perd  le  monde 
ancien pour découvrir un nouveau monde. L’Europe avait encore un ancrage très fort en 
Méditerranée, mais par delà l’Atlantique, on découvre un Nouveau Monde, un Nouveau 
Continent.  La  chute  de  Constantinople  est  intrinsèquement  liée  à  une  vision  liée  de 
l’Europe, centre d’une Terre plate centre de l’univers et du cosmos, création de Dieu. Le 
moment  de  Christophe  Colomb  démontre  autre  chose.  Christophe  Colomb,  à  la 
recherche  d’une  nouvelle  route  commerciale,  comptait  découvrir  les  côtes  de  l’Inde, 
prouvant que  la Terre était  ronde, en faisant le  voyage inverse que ce  qui avait guidé 
l’Europe jusque là. Cette démonstration est capitale d’un point de vue anthropologique. 
Les  Européens  prennent  conscience  qu’ils  ne  sont  pas  seuls  au  monde :  le  centre  du 
Monde était  Jérusalem –  Constantinople  –  Rome, et  la chrétienté définissait  les autres 
civilisations comme une périphérie. On avait établi des relations commerciales avec la 
Chine  par  exemple,  ou  les  Musulmans,  certes  différents  mais  très  proches  de  la 
civilisation  européenne.  On  ne  découvre  pas  simplement  qu’une  terre  vierge : 
l’Humanité ne se limite pas à ce que l’Europe avait pu en penser, à ce que les Ecritures 
disposaient. Les Indiens d’Amérique semblaient n’avoir aucun rapport avec les canons 
culturels  européens.  Ces  populations  ne  peuvent  être  placées  dans  aucune  catégorie 
mentale. La question est suffisamment impérieuse pour que l’Eglise se pose la question 
de l’Humanité de ces Indiens : sont-ils des hommes, au sens anthropologique, culturel, 
civilisationnel ?  Avons-nous  une  commune  humanité ?  Dans  ce  cas,  le  plan  divin  les 
concerne, il faut donc les convertir, les faire entrer dans notre humanité en les sauvant 
de  leur  ignorance,  en  les  sortant  de  leur  condition  inférieure.  La  découverte  des 
Amériques  est  débord  et  avant  tout  la  conséquence  d’une  révolution  culturelle  et 
scientifique du XV : Copernic, Galilée… Si la Terre est ronde, au milieu d’un univers sans 
fin  et  sans  limite, toutes  les  conceptions  traditionnelles  sont  ébranlées.  La modernité, 
c’est  à  la  fois  cette  science  et  les  conséquences  de  cette  révolution  scientifique, 
notamment sur les conceptions religieuses. Le Dieu chrétien est un Dieu de l’Antiquité, 
un  Dieu  de  proximité,  qui  intervient  dans  l’Histoire  des  hommes :  les  prophètes,  les 
Plaies d’Egypte, etc. si Dieu est créateur de l’Univers comme de la Terre et des Hommes, 
il  s’éloigne  considérablement  et  ébranle  toutes  les  conceptions  traditionnels.  C’est  un 
décentrement du monde. Sortira de cette crise, une nouvelle civilisation dite moderne. 
 
L’Europe considère à partir du XVI qu’elle ne peut envisager ce monde qu’à partir d’elle 
–même. Néanmoins on va convertir les Indiens à bien plus qu’une religion : un type de 
société, une manière d’envisager le monde. L’Europe n’est plus tout le monde, mais elle 
veut changer le monde. L’universalité avait été pensé dans un monde clôt, l’universalité 
d’une civilisation héritée de l’Empire. Des modèles politiques se fondaient sur l’idée d’un