1. Quels sont les fondements du sentiment national pour l

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1ères ES – Option SES - Chapitre 2. Le pouvoir politique et sa spécificité –
Dossier documentaire
Document 1. Le pouvoir politique
Nous avons défini le pouvoir comme étant une
relation qui permet à un individu d’obtenir un
comportement souhaité d’un autre individu. Un
chef d’entreprise, un enseignant, un père ou une
mère de famille ont donc du pouvoir.
Le pouvoir politique est une forme particulière de
pouvoir qui concerne tous les membres d’une
société. Il prend toute son importance dans les
sociétés complexes composées de groupes sociaux aux intérêts potentiellement
divergents
(propriétaires
d’entreprises/salariés,
catholiques/protestants,
hommes/femmes…). Ces divergences d’intérêts peuvent déboucher sur des
conflits susceptibles de faire « éclater la société ». Le pouvoir politique a pour
fonction d’éviter cet éclatement, soit en imposant un ordre au sein de la société,
soit en facilitant la conciliation entre les groupes éventuellement en conflit. La
solution apportée aux conflits peut principalement reposer sur la violence (cas
d’une dictature) mais peut aussi consister à élaborer en commun des règles de
vie en société. On a alors affaire à un pouvoir politique démocratique.
Dans les sociétés féodales, le pouvoir politique était incarné par des hommes
(les seigneurs) qui régnaient chacun sur leur propre territoire. A partir du XI e
siècle en Europe, on a d’abord assisté à une lente concentration du pouvoir
politique au profit du roi (la collecte des impôts, la monnaie, la sécurité
publique, la défense sont devenues quelques-unes de ses attributions). Puis le
pouvoir politique s’est institutionnalisé, ce qui signifie à la fois qu’il ne réside
plus dans un individu mais dans une fonction (ex. : la présidence de la
république) et qu’il doit respecter les lois. L’arbitraire est donc, en principe,
exclu. C’est ainsi que s’est constitué l’Etat, qui est l’organisation exerçant le
pouvoir politique dans une société.
M. Hasting, Aborder la science politique, Seuil, 1996
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Quand peut-on dire que le pouvoir est politique ?
Quelles fonctions particulières assure le pouvoir politique ?
Que signifie que le pouvoir politique devient institutionnalisé ?
Quelle forme prend aujourd’hui le pouvoir politique dans la société ?
Document 2. Qu’est-ce que l’État ?
[L’État] ne se laisse définir sociologiquement que par le moyen spécifique qui
lui est propre, ainsi qu'à tout autre groupement politique, à savoir la violence
physique. « Tout État est fondé sur la force », disait un jour Trotsky à BrestLitovsk. En effet, cela est vrai. S'il n'existait que des structures sociales d'où
toute violence serait absente, le concept d'État aurait alors disparu et il ne
subsisterait que ce qu'on appelle, au sens propre du terme, l' « anarchie ». La
violence n'est évidemment pas l'unique moyen normal de l'État, - cela ne fait
aucun doute - mais elle est son moyen spécifique. De nos jours la relation entre
État et violence est tout particulièrement intime. Depuis toujours les
groupements politiques les plus divers - à commencer par la parentèle - ont tous
tenu la violence physique pour le moyen normal du pouvoir. Par contre il faut
concevoir l'État contemporain comme une communauté humaine qui, dans les
limites d'un territoire déterminé - la notion de territoire étant une de ses
caractéristiques - revendique avec succès pour son propre compte le monopole
de la violence physique légitime. Ce qui est en effet le propre de notre époque,
c'est qu'elle n'accorde à tous les autres groupements, ou aux individus, le droit
de faire appel à la violence que dans la mesure où l'État le tolère : celui-ci passe
donc pour l'unique source du « droit » à la violence.
Max Weber, « Le métier et la vocation d’homme politique » (1919), Le
savant et le politique, Paris, 1959.
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Comment Max Weber définit-il l’État dans ce texte ?
Expliquez la phrase soulignée.
Illustrez la définition de l’État à l’aide d’exemples contemporains.
Pourquoi l’État doit-il être le seul à exercer la violence, dans un territoire
donné ?
Document 3. La féodalité
Dans l’histoire de l’Europe occidentale, la féodalité représente un moment
fondamental qui se caractérise par l’éclatement de l’autorité publique et la
multiplication des relations d’homme à homme. […] Pour affermir leur pouvoir,
les Carolingiens prirent l’habitude, à partir du VIIIe siècle, d’exiger de tous ceux
qui exerçaient l’autorité en leur nom qu’ils devinssent leurs vassaux en se
confiant à eux par un engagement personnel strict.
Le service militaire du vassal constitue la justification essentielle du contrat
vassalique. Dans une période sans cesse troublée par les guerres et les invasions
barbares, le seigneur a besoin de chevaliers pour garantir sa sécurité. De son
coté, le seigneur doit défendre le vassal, l’aider et le conseiller. Il doit surtout lui
concéder un office ou un bénéfice viager (villa, domaine, monastère…) pour le
mettre à même de remplir ses obligations. Par ce biais, le vassal obtient
fréquemment des pouvoirs de commandement et de justice sur les habitants des
territoires qui lui sont concédés.
Au fur et à mesure que les relations d’homme à homme se multiplient, l’autorité
publique se disperse. Le pouvoir de commander, de punir et de taxer les
populations se répartit désormais entre un nombre croissant de petites unités de
domination. Morcelé, le pouvoir tend à devenir un patrimoine privé.
Yves Déloye, Sociologie historique du politique, Paris, La découverte, 2003.
1. Indiquez comme le pouvoir féodal était organisé.
2. En quoi peut-on dire que le pouvoir féodal différait d’un pouvoir d’État ?
Document 4. La loi du monopole
Dans les États, la libre disposition des moyens militaires est retirée au particulier
et réservée au pouvoir central quelle que soit la forme qu’il revête ; la levée des
impôts sur les revenus et les avoirs est également du domaine exclusif du
pouvoir social central. Les moyens financiers qui se déversent ainsi dans les
caisses de ce pouvoir central permettent de maintenir le monopole militaire et
policier qui, de son coté, est le garant du monopole fiscal. […] Comment et
pourquoi ces monopoles se sont-ils formés ? […]
C'est à partir du XIe siècle qu'on assiste à leur lente apparition dans les
domaines issus de la France occidentale. Au début, chaque guerrier exerce sur
le lopin de terre qu'il contrôle toutes les fonctions gouvernementales qui,
administrées par le moyen d’un mécanisme spécialisé, se transforment peu à peu
en monopole d’un pouvoir central. […]
Quand, dans une unité sociale d'une certaine étendue, un grand nombre d'unités
sociales plus petites, qui par leur interdépendance forment la grande unité,
disposent d'une force sociale à peu près égale et peuvent de ce fait librement sans être gênées par des monopoles déjà existants - rivaliser pour la conquête
des chances de puissance sociale, en premier lieu des moyens de subsistance et
de production, la probabilité est forte que les uns sortent vainqueurs, les autres
vaincus de ce combat et que les chances finissent par tomber entre les mains
d'un petit nombre, tandis que les autres sont éliminés ou tombent sous la coupe
de quelques-uns.
Norbert Elias, La dynamique de l’Occident, Paris, Calmann-Levy, 1975.
1. Expliquez à quoi correspondent les deux monopoles dont disposent les
États modernes selon Elias.
2. Par quels mécanismes la féodalité a-t-elle aboutie à la construction d’un
pouvoir central ?
Document 5. Des sociétés sans Etat
Il n'y a donc pas de roi dans la tribu, mais un chef qui n'est pas un chef d'État.
Qu'est-ce que cela signifie ? Simplement que le chef ne dispose d'aucune
autorité, d'aucun pouvoir de coercition, d'aucun moyen de donner un ordre. Le
chef n'est pas un commandant, les gens de la tribu n'ont aucun devoir
d'obéissance. L'espace de la chefferie n'est pas le lieu du pouvoir, et la figure
(bien mal nommée) du " chef " sauvage ne préfigure en rien celle d'un futur
despote. Ce n'est certainement pas de la chefferie primitive que peut se déduire
l'appareil étatique en général.
En quoi le chef de la tribu ne préfigure-t-il pas le chef d'État ? En quoi une telle
anticipation de l'État est-elle impossible dans le monde des Sauvages ? Cette
discontinuité radicale - qui rend impensable un passage progressif de la chefferie
primitive à la machine étatique - se fonde naturellement sur cette relation
d'exclusion qui place le pouvoir politique à l'extérieur de la chefferie. Ce qu'il
s'agit de penser, c'est un chef sans pouvoir, une institution, la chefferie,
étrangère à son essence, l'autorité. Les fonctions du chef, telles qu'elles ont été
analysées ci-dessus, montrent bien qu'il ne s'agit pas de fonctions d'autorité.
Essentiellement chargé de résorber les conflits qui peuvent surgir entre
individus, familles, lignages, etc., il ne dispose, pour rétablir l'ordre et la
concorde, que du seul prestige que lui reconnaît la société. Mais prestige ne
signifie pas pouvoir, bien entendu, et les moyens que détient le chef pour
accomplir sa tâche de pacificateur se limitent à l'usage exclusif de la parole : non
pas même pour arbitrer entre les parties opposées, car le chef n'est pas un juge, il
ne peut se permettre de prendre parti pour l'un ou l'autre ; mais pour, armé de sa
seule éloquence, tenter de persuader les gens qu'il faut s'apaiser, renoncer aux
injures, imiter les ancêtres qui ont toujours vécu dans la bonne entente.
Entreprise jamais assurée de la réussite, pari chaque fois incertain, car la parole
du chef n'a pas force de loi. Que l'effort de persuasion échoue, alors le conflit
risqué de se résoudre dans la violence et le prestige du chef peut fort bien n'y
point survivre, puisqu'il a fait la preuve de son impuissance à réaliser ce que l'on
attend de lui.
Pierre Clastres, La société contre l'État, Paris, Minuit, 1974.
1. Quelle est la principale caractéristique des sociétés décrites dans ce
document ?
2. Quelle est la fonction principale du chef, dans ce type de sociétés ?
3. De quels moyens dispose un chef pour résoudre les conflits dans ces
sociétés ?
4. Qu’est-ce qui peut expliquer l’absence d’État et l’impossibilité de
recourir à la coercition dans ce type de sociétés ?
Document 6. Les formes du pouvoir politique
Formes de pouvoir
politique
Pas d’institutionnalisation
Institutionnalisation
(Agents seulement
(Agents mandatés comme
spécialisés)
organes du Pouvoir)
Absence de monopole
de la coercition
légitime
Sociétés « coutumières »
Société internationale
Monopole de la
coercition légitime
Empires, monarchies et
tyrannies patrimoniales
Etat
Ph. Braud, « Du pouvoir en général au pouvoir politique », in M. Grawitz
et J. Leca, Traité de science politique, PUF, 1985 (p. 389)
1. Quelles sont les différences entre sociétés à Etat et sociétés « primitives »
et sociétés coutumières ? Entre sociétés à Etat et sociétés féodales ?
Document 7. Les deux facettes de la définition de la Nation
C’est seulement au cours du XVIIIème siècle que le
terme commence à acquérir son sens moderne, c’est
à dire politique. Les luttes d’indépendance en
Amérique, la Révolution française, la résistance des
populations victimes de l’occupation des troupes
napoléoniennes, tels sont les événements fondateurs
à l’ombre desquels, entre les années 1770 et 1810, se
fixe la définition toujours en vigueur de la nation.
Deux points surtout doivent être retenus. D’abord, il
faut insister sur la relation étroite qui est établie, dès
cette époque, entre nation et citoyenneté (…) la nation c’est un ensemble
d’hommes libres qui décident eux-mêmes, en toute indépendance, de leur vie
commune (…) la nation « une et indivisible », c’est la volonté collective
d’exister comme peuple souverain (…) [Mais quand] les troupes
révolutionnaires [après 1789] partent à la conquête de l’Europe, (…) aux yeux
des populations victimes de ces exactions, les représentants du peuple français
ne sont que des oppresseurs (…) des voix s’élèvent alors appelant à la résistance
contre cette domination impérialiste, exaltant les traditions, la culture et
l’histoire des peuples vaincus. C’est dans ce contexte qu’est élaborée,
principalement en Allemagne, ce que l’on peut appeler la dimension identitaire
de la nation.
Gérard Noiriel, La construction historique de la nation,
UTLS vol.9, Odile Jacob 2002.
1. A quelle époque se constituent les nations ?
2. D’après le texte, expliquez quelles sont les deux conceptions de la nation.
Document 8. La conception subjective de la nation
Qu’est-ce qu’une nation ?
Conférence prononcée par Ernest Renan à la
Sorbonne le 11 mars 1882
Une nation est une âme, un principe spirituel :
deux choses qui, à vrai dire n’en font qu’une,
constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une
est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est
la possession en commun d’un riche legs de
souvenir ; l’autre est le consentement actuel, le
désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à
faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis. […]
Un passé héroïque, des grands hommes, de la gloire (j’entends de la véritable),
voilà le capital social sur lequel on assied une idée nationale. Avoir des gloires
communes dans le passé, une volonté commune dans le présent ; avoir fait de
grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà les conditions
essentielles pour être un peuple. On aime en proportion des sacrifices qu’on a
consenti, des maux qu’on a soufferts. On aime la maison qu’on a bâtie et qu’on
transmet. Le chant spartiate : « nous sommes ce que vous fûtes, nous serons ce
que vous êtes » est dans sa simplicité l’hymne abrégé de toute patrie.
Dans le passé, un héritage de gloire et de regret à partager, dans l’avenir un
même programme à réaliser ; avoir souffert, joui, espéré ensemble, voilà ce qui
vaut mieux que des douanes communes et des frontières conformes aux idées
stratégiques ; voilà ce que l’on comprend malgré les diversités de race et de
langue. Je disais tout à l’heure : « avoir souffert ensemble » ; oui, la souffrance
en commun unit plus que la joie. En fait de souvenir nationaux, les deuils valent
mieux que les triomphes, car ils imposent des devoirs, ils commandent l’effort
en commun.
Une nation […] suppose un passé ; elle se résume pourtant dans le présent
par un fait tangible : le consentement, le désir clairement exprimé de continuer
la vie commune. L’existence d’une nation est (pardonnez-moi cette métaphore)
un plébiscite de tous les jours. […] Une nation n’a pas plus qu’un roi le droit de
dira à une province : « tu m’appartiens, je te prends. » Une province, pour nous,
ce sont ses habitants ; si quelqu’un en cette affaire a droit d’être consulté, c’est
l’habitant. Une nation n’a jamais un véritable intérêt à s’annexer ou à retenir un
pays malgré lui. Le vœu des nations est, en définitive, le seul critérium légitime,
celui auquel il faut toujours en revenir. […]
Je me résume, messieurs. L’homme n’est esclave ni de sa race, ni de sa
langue, ni de sa religion, ni du cours des fleuves, ni de la direction des chaînes
de montagnes. Une grande agrégation d’hommes, saine d’esprit et chaude de
cœur, crée une conscience morale qui s’appelle une nation. Tant que cette
conscience morale prouve sa force par les sacrifices qu’exige l’abdication de
l’individu au profit d’une communauté, elle est légitime, elle a le droit d’exister.
Si des doutes s’élèvent sur ses frontières, consultez les populations disputées.
Ernest Renan, Qu’est-ce qu’une nation ? (1882), Imprimerie Nationale,
1996, pp. 240-242
1. Quels sont les fondements du sentiment national pour l’auteur ? Soulignez
deux phrases dans le texte illustrant particulièrement bien la pensée de
Renan.
2. En quoi un passé commun vous semble-t-il de nature à développer la
conscience nationale ? S’agit-il d’une condition suffisante ?
3. A votre avis quel passé commun aux Français l’auteur a-t-il en tête
lorsqu’il écrit son texte ?
Document 9. La conception objective de la nation
Johann Fichte (1762-1814), philosophe d’origine
saxonne, accuse Napoléon d’avoir trahi les espérances
nées de la Révolution. Il prononce ses célèbres Discours à
la nation allemande à l’Université de Berlin, alors que la
ville est encore occupée par les troupes françaises (18071808). Dans cet extrait, il compare l’occupation française
à l’antique invasion romaine.
[Pour nos ancêtres], la liberté consistait à rester allemands,
à conserver eux-mêmes avec indépendance la direction de leurs intérêts,
conformément à leur caractère originel, à transmettre cette autonomie à leurs
futurs descendants, conformément à leur esprit originel ; pour eux l’esclavage
eût consisté à accepter les bienfaits que les Romains leur offraient et qui les
auraient rendus non-allemands et à moitié romains. On comprend facilement que
chacun ait préféré mourir plutôt que se soumettre, et que tout véritable Allemand
doit vouloir vivre seulement pour être et rester Allemand, et préparer les siens à
une pareille vocation [...]. Nous, héritiers directs de leur sol, de leur langue et de
leur pensée, soyons leur reconnaissants d’être encore Allemands et de pouvoir
vivre d’une existence indépendante et autonome ; soyons leur reconnaissants de
tout ce que nous avons été depuis, comme nation, et de tout ce que nous serons
dans l’avenir […] s’il reste dans nos veines encore un peu de leur sang.
Johann Gottlieb Fichte, Discours à la Nation allemande, « Huitième discours »,
traduit par Léon Philippe, Paris, Delagrave, 1895, 264 p., p. 160.
1. Quels sont les fondements du sentiment national allemand pour l’auteur ?
Soulignez une phrase qui vous parait résumer la pensée de Fichte.
2. La langue vous paraît-elle un bon critère de définition identitaire de la
nation ?
Document 10. Le modèle français de construction de la nation
Si l’idée nationale était née au Moyen Age, si la monarchie avait mené pendant
des siècles le projet national et organisé les premières institutions étatiques, les
républicains de la IIIe République, à leur arrivée au pouvoir dans les années
1880, ont créé en toute conscience les institutions chargées de constituer la
nation moderne. Les institutions nationales – l’Ecole ou l’Armée – ont organisé
la vie collective autour de pratiques régulières et diffusé un système de valeurs
nationales cohérentes. L’unification de la société par la centralisation de
l’enseignement et, plus généralement, de l’administration française, même s’ils
avaient été, au moins en partie, hérités de la monarchie, furent renforcés par la
volonté, transmise des rois aux républicains, de construire la nation moderne
autour de et par l’Etat. […] Les instituteurs de la IIIe République ont
effectivement nationalisé les enfants des paysans des provinces de France et des
immigrés en leur apprenant, éventuellement avec brutalité, le français et le
calcul et en leur interdisant d’user de la langue de leurs parents. L’armée
contribuait aussi à cette nationalisation des populations dont la guerre de 19141918 a tragiquement démontré l’efficacité. A la suite de l’établissement de la
conscription (1872) et d’une loi sur la nationalité qui imposait la nationalité
française aux enfants d’étrangers nés sur le sol français pour pouvoir les
recruter, elle brassait des populations issues de tous les pays d’émigration, de
toutes les régions et de toutes les classes sociales. Elle entretenait le sentiment
de communauté nationale avec l’aide d’instituteurs qui poursuivaient la
scolarisation des recrues et la diffusion du patriotisme.
Dominique Schnapper, La communauté des citoyens, Folio
Gallimard, 1994, pp. 66-67.
1. Comment la construction de l’Etat a-t-elle entraîné celle de la nation dans
le cas français ?
2. Cette façon de construire la nation est-elle toujours actuelle ?
Document 11. La conception de la nation en France et en Allemagne
En France, État territorialement uni longtemps avant la Révolution et la
naissance du nationalisme, la création de la nation devint un projet politique
basé sur les principes d’égalité, de liberté et de fraternité : était donc français qui
était né sur le territoire français. Du fait de l’inexistence d’un État allemand au
moment de la naissance du nationalisme, celui-ci dut aller chercher les
composantes de la nation dans d’autres références, comme la langue, la culture,
la généalogie. […]
Au-delà des déchirements provoqués par la recherche du concept de nation, et
des divergences sur la forme institutionnelle que devait prendre un État national
allemand, la question de la définition de la nation allemande impliquait aussi les
deux principales forces hégémoniques de l’ancien Saint Empire romain
germanique : la dynastie des Habsbourg et la Prusse. Désormais, la définition de
la nation allemande oscillait entre la solution d’une “grande Allemagne”, basée
sur la langue et donc incorporant la plus grande partie de l’Empire des
Habsbourg (mais pas ses territoires slaves et hongrois), et la solution d’une
“petite Allemagne” qui excluait l’Empire des Habsbourg au profit d’une
hégémonie prussienne. Ainsi, les critères de définition avaient immédiatement
des conséquences au niveau de la définition territoriale du futur État national
allemand.
Werner Ruf, « La conception de la nation en France et en Allemagne »,
Hommes & Migrations, 1223, 2000.
1. Qu’est ce qui explique selon l’auteur les différences de conception de la
nation entre la France et l’Allemagne ?
2. Qu’est ce qui va influencer la constitution de l’Etat national allemand
selon l’auteur ?
3. Résumez en un paragraphe les différences qui opposent la France et
l’Allemagne dans le processus de construction de l’Etat et de la nation.
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