COLONISATION ET TIERS MONDE Bernard PHAN INTRODUCTION : La conquête coloniale de la fin du 19è s’inscrit dans un contexte d’Europe à l’apogée de sa puissance. Milieu 19è, l’expansion coloniale est à proscrire, avec des groupes d’opposants comme les Little Englanders, économistes anglais dénonçant le coût des colonies. Pour eux, il faut accéder aux ressources mais éviter toute prise en charge, à l’origine de coûts. Le contexte économique aura tôt eu raison de ces théories, l’époque est à l’industrialisation et les économies apparaissent comme rivales. Obtenir des territoires et leurs matières premières nécessaires aux industries (hévéa pour le caoutchouc donc l’automobile) devient un priorité, ainsi que la recherche de nouveaux marchés captifs pour écouler les productions. Entre 1850 et 1914, la marine est passée d’une presque totalité de navires à voile et coques en bois à des navires à vapeur en fer. Les escales pour le ravitaillement deviennent indispensables. L’Europe est également à l’apogée de sa puissance intellectuelle. Elle attire les élites et se situe au cœur de la création artistique, littéraire et scientifique. Sa supériorité intellectuelle sert à bâtir la légitimation de la conquête coloniale à travers le thème du fardeau de l’homme blanc ; Jules Ferry parle d’une race supérieure ayant des devoirs sur les races inférieures. Les gens sont empreints de commisération pour les sauvages. Les religieux sont les premiers à s’être intéressés aux terres vierges dès le début du 19è. Par nostalgie de l’Europe chrétienne, ils furent à l’origine de reconquêtes religieuses en se lançant dans l’évangélisation. Le regain de foi en France donne une dimension humanitaire dans le contexte de lutte contre l’esclavage. I. Les différents systèmes d’alliances et le rôle des colonies A la veille de 1914, les puissances sont bien identifiées sous le terme de « courant des puissance ». On entend par là les 4grandes : GB, F, ALL (progrès spectaculaires) , Russie (lourde de 1 M habitants) et les 3 autres : A-H (serait-elle un modèle en construction ?), I (souffre d’infériorité), Empire Ottoman (impérialisme semi-colonial). Axe Berlin- Vienne- Rome. L’obsession de Bismarck est de maintenir le Reich en isolant la France, les régimes monarchiques contre une République révolutionnaire. (la F s’est autoproclamée patrie des droits de l’homme). Mais il n’aura jamais le tsar. Avec l’A-H l’alliance politique des deux monarchies est complétée par une dimension militaire. Avec l’Italie l’alliance est plus fragile, mais c’est un jeune pays qui a besoin des capitaux allemands. (En 1880 la Tunisie passe sous protectorat français ce qui a offensé l’Italie et amorcé le début d’une guerre douanière). L’élément de faiblesse est la compétition pour des territoires communs. Avec la chute de l’Empire Ottoman et l’affirmation du nationalisme slave, les Serbes visent la côte occidentale des Balkans pour une grande Serbie, mais l’Italie les considère comme des terres de l’irrédentisme (mouvement de revendication territoriale). La France et la Russie sont dans un autre système d’alliance, politique, militaire et financier (emprunts russes en F et investissements en Russie). La GB est dans sa période de splendide isolement où elle a fort à faire avec ses colonies et ne peut pas réellement s’impliquer dans l’Europe. (les guerres napoléoniennes ont montré le danger d’une puissance en Europe). Mais elle a conscience d’un nécessaire changement des systèmes. Elle n’a pas d’engagement militaire mais les Anglais craignent l’Allemagne militaire et une guerre non souhaitée. (clause d’automaticité entre Russie et F). 1904 les Britanniques ont mettent un terme à leur contentieux colonial avec la F. (Egypte…) et en 1907 avec les Russes (Afghanistan, Perse..) La conquête coloniale aura été facteur de tensions, jamais de conflit (sauf au Japon). En 1898, la guerre n’a jamais été envisagée à Fachoda. Lors des crises marocaines, les Allemands n’ont jamais eu l’intention d’envahir le Maroc, juste de profiter des ressources. Deux anciens Empires feront l’objet de partage, reliquats de l’Empire colonial du XVIème. Les restes des Empires français et britanniques sont des territoires coloniaux plus ou moins en déclin (quelques îles à sucre pour les Anglais) ou déjà intégrés à la République (Martinique, Guyane, Réunion). II. Les différents modèles de colonisation Les puissants ont conquis leurs Empires face à des peuples qui n’avaient pas les moyens de se défendre (sous équipement), en ayant recours à la levée d’armées dans les 1ères colonies (Indes :réservoir). Les impôts levés auprès des colonisés financent la conquête. Aux yeux de la métropole, les Européens ne peuvent s’appauvrir dans les conquêtes le modèle français : entre assimilation( pour une période plus ou moins longue) et association (population sous souveraineté dotées d’une identité propre). Les indigènes restent ce qu’ils sont, en s’installant sur leur territoire ils finiront par devenir français. 2 guerres de 8 ans. Le modèle anglais : préserver les différences. Un Bengali est un Bengali. Ils s’installent dans certaines parties du monde pour commercer. Les partenariats sont sûrs, avec une confiance en la population indigène et la préservation des intérêts . Les Anglais n’auront pas de guerre de décolonisation, la séparation se négocie, au pire quelques opérations de maintien de l’ordre. Les Allemands ont une vision analogue mais plus dure, avec une notion de racisme. Les Portugais eux connaîtront une situation de métissage. Le déroulement de la colonisation La question de la colonisation pose le problème de la terre, qui est déjà peuplée. Des attitudes contradictoires face aux indigènes (non respect de tombes de marabout), des chocs culturels, des pratiques religieuses (vêtir les indigènes) auront contribué à la construction d’images caricaturales, sorte de clichés amplifiés avec la décolonisation. Polynésien : paradis transporté sur terre, indolence, femmes belles et accueillantes, musique douce. Mélanésien : Kanak moche, agressif, limite cannibale. Africain : un grand enfant, qui rit beaucoup. Arabe : fourbe, cruel, traître. La colonisation en voie de démocratisation Dans la seconde moitié du XIXème, le progrès technique facilite l’accès à l’information. La presse, la photo, les illustrations contribuent à faire connaître l’expansion coloniale quand les pas colonisateurs ne voient pas toujours bien l’intérêt. Le niveau d’instruction s’élève et l’adhésion ou du moins la neutralisation de l’opinion est nécessaire. La 1 ère action, plutôt neutre, sera de faire connaître les découvertes (cartes faussées avec mines d’or pour convaincre l’Assemblée), et dès 1880 la dimension sera plus intéressée ( logique d’appropriation). A la fin du XIXème, le contexte intellectuel (Darwin) est porteur pour des discours sur la supériorité des blancs sur les races nègres vouées à disparaître. Le contexte global de positivisme et de foi dans les progrès permet de profiter des sous-développés et l’église apporte un élément de réponse quant aux questions sur le droit de s’approprier. Si Dieu a créé des richesses mais que les détenteurs temporaires n’en font pas le meilleur usage, il convient de s’approprier. (vieil argument de la colonisation hispano-portugaise). Les Lobby coloniaux La coopération évangélique, le clerc est fragile car désarmé. IL ne se constitue pas en lobby car il doit être protégé, mais jouit d’un véritable soutien (à la mort d’un missionnaire une expédition punitive est lancée). L’anticléricalisme d’avant 1914 ne se verra ainsi pas exporté. Les militaires sont très implantés, une vie sans combat étant une vie triste. Dans les colonies, ils imposent leur combat de manière plus intéressante qu’une guerre banale. En Angleterre le lobby militaire(=le landed interest) est encore plus important, c’est une fraction de la noblesse anglaise où se recrutent les cadres des colonies. L’ensemble des milieux économiques qui vivent de la colonisation. Industries de textile, compagnies de transports, raffineries de sucre. Différents groupes s’organisent dans ce monde économique. Les compagnies de géographie qui popularisent la connaissance des terres (conférences, financements de travaux de recherche). Les comités (colonial society, Deutsch colonial Gesellschaft), structure privée qui bénéficie d’une reconnaissance d’utilité publique. Réunit des banquiers, bourgeois cultivés, intellectuels qui reçoivent des bulletins et sont susceptibles de constituer des relais d’opinion. Coûts financiers et humains Les opinions ont fini par adhérer mais les frais devaient être réduits, avec des colonies qui s’auto-suffisent. Une lourde fiscalité y est mise en place et les colonies sont autorisées à emprunter à la métropole. En ce qui concerne le coût humain, il doit être nul (ineptie de la guerre à zéro mort) et la priorité est la revanche sur l’Allemagne. Des troupes spécifiques sont créées par recrutement local et des troupes de volontaires professionnels engagés sont mise en place pour partir en Outre-mer. Enracinement dans la durée L’église joue une rôle dans la mesure où ses missionnaires rentrent en France en vacances et partagent leurs récits (écrits, photos). La diffusion d’informations positives avec des indigènes heureux du christianisme contribuera à l’incompréhension, par les opinions métropoles, du rejet des colonies par les colonisés. L’école fait elle une présentation poétique de la colonisation. Elle encre dans l’opinion française que c’est un acte univoque, bienfaisant. (si un indigène résiste c’est qu’un Anglais l’y pousse). Les personnes hostiles à la colonisation : Face à la popularité du phénomène il est difficile de se positionner contre. Les Little Englanders disparaissent et ce n’est qu’en 1956 que renaîtra un lobby anti-colonial. Lors des crises marocaines, le nationalisme devient de l’anti-germanisme. L’hostilité au colonialisme disparaît avec cette crise. Ce qui ont prêté la main à la conquête puis en sont devenus des adversaires auraient pu être des dangereux opposants. (Vigné, médecin et militaire, témoin de nombreux excès, quitte l’armée et rédige des ouvrages). Mais ils ne remporteront pas de réelle adhésion, l’opinion métropolitaine étant déjà trop convaincue. A la veille de 1914 l’œuvre réalisée est sujet de fierté. Les colonisés se sont-ils opposés ? L’ Européen est associé à la lutte contre les fléaux de l’esclavage, des maladies (Livingston et la vague anti-esclavagiste), ce qui lui vaut un accueil plutôt favorable. Ayant ensuite compris les buts de la colonisation, l’infériorité technique limite les possibilités de soulèvement. Les élites locales n’ont pas été hostiles au progrès technique et ont fait confiance au conquérant européen. Mais l’absence d’encadrement n’engendre pas de chef capable de prendre la tête de la résistance, les populations hostiles étant aussi sanctionnées puis déportées (une partie des dirigeants de l’insurrection de Kabylie déportés en Nouvelle Calédonie). La recomposition ethnique neutralise aussi ces individus, assignés à résidence. Les combats n’ont pas pour autant été oubliés par les populations chez qui subsiste un phénomène de permanence. Enfin, l’Europe n’aura jamais été mise en échec par une autre puissance dans sa conquête coloniale (Japon). Les Sociétés coloniales au Xxme siècle Le recensement : Dans un domaine difficilement pénétrable les valeurs sont souvent assez fausses. Comme l’administration dénombre la population à des fins fiscales, les indigènes donnent peu d’indices, déclarent les enfants en bloc et se retrouvent avec des états civils incertains. La colonisation aura eu pour effet de faire chuter les chiffres de la population pour deux raisons principales : L’apport de maladies nouvelles et l’exploitation du peuple qui aura vécu des famines. Ces deux causes sont à l’origine d’un affaissement psychologique certain. Aux environs de la 1ère GM l’amélioration sanitaire (encadrement sanitaire avec vaccins obligatoires, établissements et centres de recherche) aura pour effet la reprise démographique. L’armée, avec ses propres structures sanitaires pour ses besoins, et l’église, avec son dispensaire en brousse prodiguant les premiers soins, contribuent à un meilleur quadrillage . Possédant leurs propres traditions médicales indigènes (souvent très efficaces), il aura parfois fallu quelques expériences spectaculaires pour convaincre les plus réticents (ce siècle est celui des grandes avancées médicales). Composition et métissage Le nombre d’Européens dans les colonies aura rarement dépassé 1% de la population, sauf en Algérie (8%) et en Océanie (2%). Le continent américain ayant supprimé les Indiens, il n’en est pas ici question. Ce sont des sociétés masculines et qui se métissent peu. L’interdiction est réglementée, allant pour les militaires jusqu’au rapatriement. Dans la bourgeoisie européenne le mariage est une affaire économique, une femme d’officier doit avoir une dote et son mariage doit avoir été autorisé par les supérieurs (des jeunes Anglaises découvrent les Indes tous les étés). Les colonies portugaises sont une exception, on y trouve un plus grand métissage et des préjugés moins forts, du fait du Brésil qui constitue déjà un premier métissage, et de la population portugaise en elle-même qui est plus pauvre ou issue du milieu pénitentiaire. Modifications ethniques : Déplacements à caractère militaire (lever une armée), économique (besoin de main d’œuvre), et punitif (déportations). Caractère inégalitaire de ces sociétés : L’Européen jouit de l’intégralité de ses droits dans les colonies, avec cependant un droit d’expression réduit (presse, association, syndicats). Sinon, un poste dans les colonies est synonyme de pouvoirs exceptionnels, de prestige, de personnel de maison. L’indigène voit tous ses droits entravés, la liberté de mouvement en premier (boyerie dans la propriété, couvre-feu, sanctions pour un indigène surpris dans la zone du colon) les droits professionnels ensuite (travail forcé, chaînes). Dans la législation du travail, les colonies ne sont pas obligatoirement placées sous l’autorité de la métropole, la loi pouvant s’adapter selon des modalités, souvent restrictives. L’administration leur confère des prérogatives exceptionnelles, les délits et fautes n’étant pas sanctionnés par l’autorité juridique, mais par l’autorité administrative (châtiments corporels). Les vieilles élites locales tombent en désuétude. Le chef africain voit son pouvoir diminué, son prestige atténué. De nouvelles élites européanisées apparaissent, issues des milieux aisés des sociétés indigènes, fréquentant les universités d’Alger, d’Hanoi. Ils représentent l’espoir pour de futures revendications nationales. Or ces élites nouvelles ne parlent pas le même langage que les élites traditionnelles déconsidérées, ce qui rend le développement d’un tel mouvement impossible. Perception du colonisateur : Les sociétés européennes dans les domaines coloniaux regroupent des gens riches (plusieurs milliers d’hectares de plantations, de vastes carrières de marbres, des mines de nickel) avec des fonctionnaires coloniaux mieux payés qu’en métropole. Les militaires assurent l’ordre ; ils ont une image plus neutre, qui n’est jamais durablement négative. Les religieux, seuls présents en brousse et en charge des premiers secours, ont développé un côté positif dans leur image contrastée. Ils sont des éléments d’interface indépendants des intérêts nationaux, parmi les plus visible pour les indigènes. Ces sociétés vivent plus juxtaposées qu’ensemble. Les Européens et la Chine en 1914 Une société semi-coloniale Dans le milieu du XIXème siècle les Européens sont fascinés par le marché que représente la Chine, plutôt réticente à l’ouverture de son commerce. Elle vend certes laques et porcelaines mais achète peu à l’étranger. Selon le système de pensée de l’Empire du milieu, la Chine serait le reflet de l’ombre lunaire, ce qui ne va pas sans un certain complexe de supériorité et un rejet du monde extérieur. Seul un organisme habilité ( le Cohong) peut autoriser l’entrée de biens sur le territoire. A la fin du siècle les Britanniques, qui poussent à la consommation d’opium en provenance des Indes, ne respectent pas cette règle et font rentrer par effraction leur marchandise. Ils provoquent ainsi la 1ère guerre de l’opium ce qui force la Chine à ouvrir son territoire. L’implantation Les Européens s’installent dans une quarantaine de concessions portuaires comme Shanghai, avec leurs domestiques chinois (boys, coolies…). Les intermédiaires étant indispensables, un certain nombre de Chinois tirent leur épingle du jeu de cette collaboration. Les concessions sont des outils de commerce et bénéficient de l’exterritorialité (plus tard appliquée aux domestiques). Un étranger inculpé dans une affaire de crime sera ainsi jugé par les tribunaux nationaux selon la loi de son pays, ce que les Chinois trouvent particulièrement humiliant. Des missions protestantes et catholiques sont également présentes dans le territoire et sur les littoraux, au XVIIème les Jésuites avaient été expulsé, l’église voulait ainsi récupérer ces terres acquises deux siècles plus tôt. Enfin une main mise sur la propriété chinoise s’opérait avec les implantations ferroviaires après 1995, permettant aux étrangers de rentrer dans le territoire et de prospecter dans la zone concédée (éventuelle présence minière sur le terrain entre 10 et 30 km autour de la voie). L’affermissement Dès 1995, la Chine est mise sous tutelle. L’insurrection des Boxers de 1901 débouche sur la signature de traités et des versements en or. Les douanes sont contrôlées, la gabelle s’impose sur le sel, des indemnités sont versés en annuités. Des sanctions sont imposées aux fonctionnaires, et le gouvernement chinois doit procéder à des punitions et exécutions en cas de litige entre un étranger et un négociant par exemple. La société chinoise se replie sur elle-même et les incidents se multiplient. L’ordre social est atteint quand les orphelins recueillis par les étrangers finissent par mourir (victimes de malnutrition), ce qui provoque chez les Chinois des croyances de meurtres d’enfants par les Européens. L’ingérence déstabilise les structures La dynastie va finir par s’effondrer, le mandat du ciel est perdu (croyance de la confirmation ou du rejet par le ciel des actions de l’Empereur), les territoires ne sont plus sous contrôle. L’échec face aux Européens a conduit le gouvernement à accepter des compromis. Il a donné aux gouverneurs le droit de gouverner leur province natale. Des armées se sont levées et ont pris le pouvoir à peine le souverain tombé (1911). La Chine est aux mains des seigneurs de guerre, personne ne sait ce qui va se passer. (Suite à l’insurrection Taiping de 1860 le gouvernement a abandonné les règles d’organisation de son administration). L’Empire ottoman en 1914 I. Les enjeux Géographiques : Les détroits du nord- est donnent sur une mer libre, la Méditerranée, qui représente pour de nombreux pays un enjeu de communication. L’Empire russe est privé de débouchés par exemple et aura maintes tentatives pour accéder aux détroits. Le canal de Suez est une voie d’accès privilégiée vers l’Inde ; depuis 1904 les Français et les Britanniques se sont mis d’accord sur la présence anglaise en Egypte. La Perse craint toujours une attaque russe par l’Afghanistan et l’Iran. Pétroliers : Les Anglais ont la main mise sur les gisements persans et ont imposés en Mésopotamie ( auj. Irak) un accord à l’Allemagne avec 1/3 pour la marine britannique, 1/3 pour la marine allemande et 1/3 sur le marché (1912). Ferroviaire : Lors de sa modernisation au XIXème l’Empire ottoman s’est lourdement endetté auprès de la France notamment, qui est le plus gros détenteurs de capitaux. Si l’Empire ne rembourse pas, la France récupère une partie des infrastructures. Culturel : Le proche Orient est le berceau de l’humanité et comprend de nombreux sites archéologiques. Le monde découvre l’orientalisme au XIXème avec Delacroix. Cet univers fascine, il est la destination de tous les voyages culturels de la bourgeoisie. II. Une région en plein malaise Cette puissance apparente n’en est pas moins l’homme malade de l’Europe. Depuis l’irruption de Bonaparte le bassin méditerranéen a pris conscience de son retard technique et de sa place à la périphérie sous zone d’influence européenne. Lorsque le Sultan réalise le décalage entre la zone e puissance durant deux siècles et le déclin annoncé il prend une série de dispositions (Tanzimat) pour moderniser l’administration. Mais l’espace vital est déjà rogné par les guerres russes et les Grecs d’abord suivis des Slaves des Balkans se sont débarrassés de la tutelle ottomane. A la veille de 14, l’émergence de deux projets vont contribuer à l’éclatement de l’Empire : - la création du mouvement jeune turque qui prône des réformes drastiques et le renversement du Sultan par un coup d’état. Les Arabes sont d’accord avec les Turques pour une séparation, une construction politique laïque et le développement d’une relation sur pied d’égalité avec l’espace européen. - La question israélo-palestinienne. A la fin du XIXème, une partie des Juifs est en processus d’assimilation et se demande si son intégration a quelque chance d’aboutir (affaire Dreyfus), une autre est victime de pogroms depuis l’assassinat du tsar (1881) et cantonnée sur le front russe occidental (actuelle Pologne, Biélorussie). De la rencontre de ces deux groupes naît le mouvement sioniste, fédéré par Théodore Herzl. Mouvement laïque au départ, il confirme un besoin d’affirmation du peuple juif, veut donner un foyer national et tente de modifier la psychologie collective. La Terre sainte apparaît comme une solution envisageable, des colons et pionniers s’implantent en 1914 et les Juifs s’installent partout en Proche Orient (Bagdad, Syrie). L’Empire ottoman applique le millet, système où chaque communauté religieuse choisit ses responsables pour jouer l’interface avec le Sultan et gère le droit qui relève du droit civil. Les Britanniques sont défenseurs d’une tutelle du Sultan, ils ont obtenu Chypre en échange d’une protection de l’Empire ottoman contre les Russes. Deux écoles concernent le Moyen Orient : le colonial office (en charge de l’Inde) et le foreign office pour un impérialisme semi-colonial. La 1ère guerre mondiale et les mondes dominés I. Le déclenchement de la guerre Si les colonies n’ont jamais été à l’origine du déclenchement de la guerre, elles sont rapidement devenues un enjeu important. Le début de la guerre déclenche de grandes manœuvres pour avoir dans son camp diplomatique l’Empire ottoman et l’Italie. Le Sultan choisit l’Allemagne, 80% des dettes de son Empire étant contrôlées par la France, il espère être dans le camp des vainqueurs et abroger ses dettes (une indemnité de guerre lui permettra aussi de redevenir une puissance libre). Les Turcs s’étant vexés de l’attitude de Churchill à Gallipoli, ils entrent également en guerre aux côtés de l’Allemagne, fermant ainsi les détroits, isolant ainsi la Russie bloquée par sa frontière avec l’Allemagne (pour le ravitaillement par ses alliés). Or la bataille de la Marne n’a pu être réalisée qu’avec la Russie qui a tenu tous ses engagements (envoi du rouleau compresseur sur le front est). L’Italie est depuis 1890 dans une alliance avec l’Allemagne qui semble de plus en plus hypocrite. Elle a obtenu au cours des guerres balkaniques de 1910 et 1913 la Libye, mais elle attend d’autres promesses sur ses terres irrédentes. En avril 1915 elle bascule du côté allié, elle représente une puissance navale non négligeable. II. Les colonies, un théâtre d’opération limité Durant cette période, on enregistre très peu de troubles pour l’indépendance. Quand, en octobre 1914, on prend conscience d’une guerre longue, de nombreuses unités militaires sont rapatriées, un effectif très réduit maintenant l’ordre (même lors du protectorat sur le Maroc en 1912). Les Britanniques eux ont moins d’inquiétude quant à la sécurité, ayant éliminé les indigènes plus massivement au Canada, Australie, NZ. Les Français d’Algérie son rapatriés, 100 000 hommes sont levés comme main d’œuvre (volontariat puis coercition) pour la production de denrées de guerre, les populations participent financièrement en donnant leur épargne ( les fonds en France viennent surtout d’Algérie). En tout 8 millions d’hommes passent sous l’uniforme dont 10% sont issus des colonies. Les indigènes sont témoins de la réalité des tranchées, des hommes envoyés au casse-pipe pour gagner 10 mètres, des nettoyages au casse-tête (matraque pour achever les blessés du fond de la tranchée) et sont amenés à se poser des questions sur les Européens, porteurs de civilisation. Ils prennent également conscience que si la colonisation leur fut aussi facile, le combat à armes égales lui dure quatre ans. La relation de l’Européen face au colonisé change radicalement. Partageant les permissions, les convalescences, la relation sur pied d’égalité s’impose, avec un droit du travail, la syndicalisation, les revendications…. Cet ensemble de données tranche radicalement avec l’environnement colonial. III. L’ambiguïté dans la compréhension Des deux côtés la guerre est vécue sans compréhension mutuelle. La participation des colonisés à l’effort de guerre est présentée aux Européens comme spontanée. L’Afrique sera pendant quatre ans sous informée sur le sort de ses hommes, des mouvements de femmes ont lieu face à la médiocrité des permissions. Une fois finie, la guerre a pour effet de développer le sentiment pro français par rapport à celui indépendantiste. Elle a laissé des souvenirs, des décorations motifs d’obtention de la nationalité française, a renforcé le lien entre la métropole et les colonies. Mais la situation y est souvent critique, avec une situation économique et financière difficile, doublée d’un lourd bilan humain et de famines. Le Japon et la Chine 1- Les Européens et les Japonais Si la Chine représente un marché considérable pour les Européens, le Japon, lui, est un élément de maîtrise du Pacifique. L’ouverture de leurs pays va être imposée aux Japonais et aux Chinois, avec des droits de douane élevés notamment, mais les Japonais sont plus conscients du risque que cette ouverture représente. Du fait de leur psychologie collective ils vont réagir en instaurant l'ère Meiji, dite de politique éclairée. La 1ère étape est la modernisation ou occidentalisation, malgré l’ indifférence des Européens pour leur démarche, et la 2nde l’appropriation de la modernité économique tout en renforçant l’identité japonaise. Le pays est en proie à une révolution intérieure avec la chute du shogunat, il est alors temps de montrer ce qu’est le Japon. La guerre sino-japonaise (1895) montre les capacités du pays, même si les Européens relativisent une victoire entre Asiatiques, mais la guerre russo-japonaise (1904- 05) assoit la puissance japonaise dans le Pacifique où elle est désormais la 1ère marine de guerre. Certes le Japon n’égalise pas avec les puissances européennes et reste tributaire de capitaux étrangers, mais à la veille de 14 il s’installe comme concurrent pour les territoires à bail et concessions en Chine. 2- La 1ère guerre mondiale Dès le début du conflit, le Japon, contre l’Allemagne, se charge du maintien de l’ordre en Chine où il débute sa mainmise. Ne pouvant plus assurer la couverture de ses besoins alimentaires il affiche de très forte ambitions mais n’ira pas jusqu’à imposer sa tutelle à la Chine. Après avoir cédé aux exigences japonaises dans les 1ère années de guerre, le gouvernement américain reprend ses possessions en 1922, le Japon perdant ainsi ce qu’il avait acquis. Or la guerre a fait progresser le pays, son industrie s’est développée, ses concurrents européens sont affaiblis, et il se lance en 1929 dans un phase d’expansionnisme particulièrement agressive. La crise économique et la dévaluation de la livre sterling en 1931 ont des conséquences financières désastreuses pour le Japon. En effet, la moitié de son commerce s’effectue en livres, les réserves financières sont largement amputées et de nombreux pays se ferment aux importations japonaises à travers des quotas. La compétition économique se ferme, le Japon n’a d’autre choix de se lancer dans la colonisation pour survivre. En quête de produits alimentaires, le Japon met la main sur la Mandchourie, région démographiquement déprimée que Chiang kai shek repeuplait dans le cadre de la beifa. Inquiet de cette immigration chinoise, le Japon crée l’ Etat souverain du Mandchoukouo, cette installation n’inquiétant pas les Européens outre mesure. Ceux-ci sont présents dans le bassin du Yangtsé (Shanghai, Canton) et se satisfont même de voir une sanction infligée aux Chinois. 1937 le Japon doit écouler davantage de production, il agresse la Chine et contrôle 1 an plus tard 40% de l’espace chinois, 60% de l’espace utile. 3- La 2nde guerre mondiale Le Japon développe sa puissance au détriment de la France (Indochine) et ce n’est qu’en 1941 que les Américains arrêtent leurs exportations de pétrole au Japon. Le 7 décembre 1941 ils sont attaqués à Pearl Harbor, épisode qui marque le déferlement japonais en Asie du sud-est et l’avènement de la sphère de co-prospérité. Si les populations asiatiques avaient vu dans la modernisation du Japon un espoir (panasiatisme), l’idée de leur libération d’une tutelle européenne a vite été remise en cause. L’archipel n’a pas la vocation d’un libérateur, sa tutelle est souvent même pire que celle des Européens. Voyant la progression américaine, l’archipel tente de promouvoir les leaders nationalistes afin de proclamer la souveraineté et l’indépendance des excolonies et ainsi empêcher les grandes puissances de revenir sur ces territoires. Contrairement à l’Allemagne, le Japon n’aura jamais eu à rendre de comptes. Il avance des agissements sur des territoires étrangers, et donc le manque d’information durant les événements pour se justifier. L’entre-deux guerres 1- l’Empire britannique La 1ère GM a creusé la différence entre les deux grandes composantes de l’Empire britannique : les colonies à peuple blanc (extermination ou implantation massive) et les autres. La NZ, l’Australie, le Canada sont des territoires déjà autonomes, associés après guerre au War Cabinet, qui signent Versailles en 1919. L’Inde et ses 10 000 Anglais a un statut particulier qui lui fait espérer la reconnaissance d’un dominion (Etat indépendant et souverain, membre du Commonwealth). Mais les tensions à caractère religieux jouent en sa défaveur. En 39 la situation est détestable et pourrait évoluer en guerre. Les élites sont conscientes de la perte de puissance de la GB en terme de géostratégie, notamment en cas de conflit avec le Japon. Les Australiens, Néo-zélandais font pression pour que la GB assure la sécurité dans le Pacifique, au lieu de gaspiller les troupes en Libye. Au plus proche de la 2nde GM les liens se renforcent avec les EU, en mesure d’assurer la sécurité de la GB. Les Anglais sont poussés dans ce choix par le Commonwealth, une communauté d’intérêt. 2- l’Empire colonial français Suite à la promesse de Wilson des peuples à disposer d’eux-mêmes (1919), l’Empire colonial français connaît une certaine agitation. La Tunisie, l’Algérie, l’Indochine envoient des mémorandums à Wilson, celui-ci ne répondra pas. Il n’y aura pas non plus d’appui international. Quelques concessions seront faites, comme l’accord de la citoyenneté française à une poignée d’Algériens qui font preuve d’occidentalisation (bac, décoration, concours…) Dans les années 30, la crise renforce le protectionnisme et tend les relations. Au Maroc est appliqué le dahir berbère, texte qui met en place une structure juridique vue comme une volonté française de « diviser pour gagner ». En Algérie sont commémorés les 100 ans de la prise du pays, ce qui s’ajoute au contentieux avec le pays. En Tunisie est organisé un Congrès eucharistique, mal vécu par Bourguiba lui-même, qui prônait pourtant la laïcité comme progrès sur les peuples. Les agitations nationalistes su Maghreb sont relancées et s’attachent au Front populaire, ouvert, en principe, aux revendications des colonisés. En Indochine, la France suscite une série de mécontentements. Le Vietnam est en pleine mise en valeur économique ; les violences contre le colonisateur et l’insurrection d’une troupe vietnamienne contre ses officiers français marquent le franchissement d’un degré de contestation. Deux provinces échappent même une année à l’autorité française. Dans les années 30 celles-ci s’inquiètent face à la victoire japonaise qui pourrait être bénéfique au Vietnam. Face à cette situation tendue, Daladier ira en 1939 réaffirmer au Maghreb que la France est chez elle. Mais certains hommes politiques se demandent s’il ne vaut pas mieux faire un sacrifice contre la paix, la question coloniale réapparaît au sein du contentieux.