COLONISATION ET TIERS MONDE
Bernard PHAN
INTRODUCTION :
La conquête coloniale de la fin du 19è s’inscrit dans un contexte d’Europe à l’apogée de sa
puissance. Milieu 19è, l’expansion coloniale est à proscrire, avec des groupes d’opposants comme
les Little Englanders, économistes anglais dénonçant le coût des colonies. Pour eux, il faut
accéder aux ressources mais éviter toute prise en charge, à l’origine de coûts.
Le contexte économique aura tôt eu raison de ces théories, l’époque est à l’industrialisation et les
économies apparaissent comme rivales. Obtenir des territoires et leurs matières premières
nécessaires aux industries (hévéa pour le caoutchouc donc l’automobile) devient un priorité, ainsi
que la recherche de nouveaux marchés captifs pour écouler les productions.
Entre 1850 et 1914, la marine est passée d’une presque totalité de navires à voile et coques en
bois à des navires à vapeur en fer. Les escales pour le ravitaillement deviennent indispensables.
L’Europe est également à l’apogée de sa puissance intellectuelle. Elle attire les élites et se situe
au cœur de la création artistique, littéraire et scientifique. Sa supériorité intellectuelle sert à
bâtir la légitimation de la conquête coloniale à travers le thème du fardeau de l’homme blanc ;
Jules Ferry parle d’une race supérieure ayant des devoirs sur les races inférieures. Les gens sont
empreints de commisération pour les sauvages.
Les religieux sont les premiers à s’être intéressés aux terres vierges dès le début du 19è. Par
nostalgie de l’Europe chrétienne, ils furent à l’origine de reconquêtes religieuses en se lançant
dans l’évangélisation. Le regain de foi en France donne une dimension humanitaire dans le
contexte de lutte contre l’esclavage.
I. Les différents systèmes d’alliances et le rôle des colonies
A la veille de 1914, les puissances sont bien identifiées sous le terme de « courant des
puissance ». On entend par là les 4grandes : GB, F, ALL (progrès spectaculaires) , Russie (lourde
de 1 M habitants) et les 3 autres : A-H (serait-elle un modèle en construction ?), I (souffre
d’infériorité), Empire Ottoman (impérialisme semi-colonial).
Axe Berlin- Vienne- Rome. L’obsession de Bismarck est de maintenir le Reich en isolant la France,
les régimes monarchiques contre une République révolutionnaire. (la F s’est autoproclamée patrie
des droits de l’homme). Mais il n’aura jamais le tsar. Avec l’A-H l’alliance politique des deux
monarchies est complétée par une dimension militaire. Avec l’Italie l’alliance est plus fragile, mais
c’est un jeune pays qui a besoin des capitaux allemands. (En 1880 la Tunisie passe sous
protectorat français ce qui a offensé l’Italie et amorcé le début d’une guerre douanière).
L’élément de faiblesse est la compétition pour des territoires communs. Avec la chute de l’Empire
Ottoman et l’affirmation du nationalisme slave, les Serbes visent la côte occidentale des Balkans
pour une grande Serbie, mais l’Italie les considère comme des terres de l’irrédentisme
(mouvement de revendication territoriale).
La France et la Russie sont dans un autre système d’alliance, politique, militaire et financier
(emprunts russes en F et investissements en Russie).
La GB est dans sa période de splendide isolement où elle a fort à faire avec ses colonies et ne
peut pas réellement s’impliquer dans l’Europe. (les guerres napoléoniennes ont montré le danger
d’une puissance en Europe). Mais elle a conscience d’un nécessaire changement des systèmes.
Elle n’a pas d’engagement militaire mais les Anglais craignent l’Allemagne militaire et une guerre
non souhaitée. (clause d’automaticité entre Russie et F).
1904 les Britanniques ont mettent un terme à leur contentieux colonial avec la F. (Egypte…) et en
1907 avec les Russes (Afghanistan, Perse..)
La conquête coloniale aura été facteur de tensions, jamais de conflit (sauf au Japon). En 1898, la
guerre n’a jamais été envisagée à Fachoda. Lors des crises marocaines, les Allemands n’ont jamais
eu l’intention d’envahir le Maroc, juste de profiter des ressources.
Deux anciens Empires feront l’objet de partage, reliquats de l’Empire colonial du XVIème. Les
restes des Empires français et britanniques sont des territoires coloniaux plus ou moins en déclin
(quelques îles à sucre pour les Anglais) ou déjà intégrés à la République (Martinique, Guyane,
Réunion).
II. Les différents modèles de colonisation
Les puissants ont conquis leurs Empires face à des peuples qui n’avaient pas les moyens de se
défendre (sous équipement), en ayant recours à la levée d’armées dans les 1ères colonies
(Indes :réservoir). Les impôts levés auprès des colonisés financent la conquête. Aux yeux de la
métropole, les Européens ne peuvent s’appauvrir dans les conquêtes
le modèle français : entre assimilation( pour une période plus ou moins longue) et association
(population sous souveraineté dotées d’une identité propre). Les indigènes restent ce qu’ils
sont, en s’installant sur leur territoire ils finiront par devenir français. 2 guerres de 8 ans.
Le modèle anglais : préserver les différences. Un Bengali est un Bengali. Ils s’installent dans
certaines parties du monde pour commercer. Les partenariats sont sûrs, avec une confiance
en la population indigène et la préservation des intérêts . Les Anglais n’auront pas de guerre
de décolonisation, la séparation se négocie, au pire quelques opérations de maintien de l’ordre.
Les Allemands ont une vision analogue mais plus dure, avec une notion de racisme. Les
Portugais eux connaîtront une situation de métissage.
Le déroulement de la colonisation
La question de la colonisation pose le problème de la terre, qui est déjà peuplée. Des attitudes
contradictoires face aux indigènes (non respect de tombes de marabout), des chocs culturels,
des pratiques religieuses (vêtir les indigènes) auront contribué à la construction d’images
caricaturales, sorte de clichés amplifiés avec la décolonisation.
Polynésien : paradis transporté sur terre, indolence, femmes belles et accueillantes, musique
douce. Mélanésien : Kanak moche, agressif, limite cannibale. Africain : un grand enfant, qui rit
beaucoup. Arabe : fourbe, cruel, traître.
La colonisation en voie de démocratisation
Dans la seconde moitié du XIXème, le progrès technique facilite l’accès à l’information. La
presse, la photo, les illustrations contribuent à faire connaître l’expansion coloniale quand les pas
colonisateurs ne voient pas toujours bien l’intérêt. Le niveau d’instruction s’élève et l’adhésion ou
du moins la neutralisation de l’opinion est nécessaire. La 1ère action, plutôt neutre, sera de faire
connaître les découvertes (cartes faussées avec mines d’or pour convaincre l’Assemblée), et dès
1880 la dimension sera plus intéressée ( logique d’appropriation).
A la fin du XIXème, le contexte intellectuel (Darwin) est porteur pour des discours sur la
supériorité des blancs sur les races nègres vouées à disparaître. Le contexte global de
positivisme et de foi dans les progrès permet de profiter des sous-développés et l’église apporte
un élément de réponse quant aux questions sur le droit de s’approprier. Si Dieu a créé des
richesses mais que les détenteurs temporaires n’en font pas le meilleur usage, il convient de
s’approprier. (vieil argument de la colonisation hispano-portugaise).
Les Lobby coloniaux
La coopération évangélique, le clerc est fragile car désarmé. IL ne se constitue pas en lobby
car il doit être protégé, mais jouit d’un véritable soutien (à la mort d’un missionnaire une
expédition punitive est lancée). L’anticléricalisme d’avant 1914 ne se verra ainsi pas exporté.
Les militaires sont très implantés, une vie sans combat étant une vie triste. Dans les colonies,
ils imposent leur combat de manière plus intéressante qu’une guerre banale. En Angleterre le
lobby militaire(=le landed interest) est encore plus important, c’est une fraction de la
noblesse anglaise où se recrutent les cadres des colonies.
L’ensemble des milieux économiques qui vivent de la colonisation. Industries de textile,
compagnies de transports, raffineries de sucre. Différents groupes s’organisent dans ce
monde économique. Les compagnies de géographie qui popularisent la connaissance des terres
(conférences, financements de travaux de recherche). Les comités (colonial society, Deutsch
colonial Gesellschaft), structure privée qui bénéficie d’une reconnaissance d’utilité publique.
Réunit des banquiers, bourgeois cultivés, intellectuels qui reçoivent des bulletins et sont
susceptibles de constituer des relais d’opinion.
Coûts financiers et humains
Les opinions ont fini par adhérer mais les frais devaient être réduits, avec des colonies qui
s’auto-suffisent. Une lourde fiscalité y est mise en place et les colonies sont autorisées à
emprunter à la métropole. En ce qui concerne le coût humain, il doit être nul (ineptie de la guerre
à zéro mort) et la priorité est la revanche sur l’Allemagne. Des troupes spécifiques sont créées
par recrutement local et des troupes de volontaires professionnels engagés sont mise en place
pour partir en Outre-mer.
Enracinement dans la durée
L’église joue une rôle dans la mesure où ses missionnaires rentrent en France en vacances et
partagent leurs récits (écrits, photos). La diffusion d’informations positives avec des indigènes
heureux du christianisme contribuera à l’incompréhension, par les opinions métropoles, du rejet
des colonies par les colonisés.
L’école fait elle une présentation poétique de la colonisation. Elle encre dans l’opinion française
que c’est un acte univoque, bienfaisant. (si un indigène résiste c’est qu’un Anglais l’y pousse).
Les personnes hostiles à la colonisation :
Face à la popularité du phénomène il est difficile de se positionner contre. Les Little Englanders
disparaissent et ce n’est qu’en 1956 que renaîtra un lobby anti-colonial.
Lors des crises marocaines, le nationalisme devient de l’anti-germanisme. L’hostilité au
colonialisme disparaît avec cette crise.
Ce qui ont prêté la main à la conquête puis en sont devenus des adversaires auraient pu être des
dangereux opposants. (Vigné, médecin et militaire, témoin de nombreux excès, quitte l’armée et
rédige des ouvrages). Mais ils ne remporteront pas de réelle adhésion, l’opinion métropolitaine
étant déjà trop convaincue. A la veille de 1914 l’œuvre réalisée est sujet de fierté.
Les colonisés se sont-ils opposés ?
L’ Européen est associé à la lutte contre les fléaux de l’esclavage, des maladies (Livingston et la
vague anti-esclavagiste), ce qui lui vaut un accueil plutôt favorable. Ayant ensuite compris les
buts de la colonisation, l’infériorité technique limite les possibilités de soulèvement. Les élites
locales n’ont pas été hostiles au progrès technique et ont fait confiance au conquérant européen.
Mais l’absence d’encadrement n’engendre pas de chef capable de prendre la tête de la
résistance, les populations hostiles étant aussi sanctionnées puis déportées (une partie des
dirigeants de l’insurrection de Kabylie déportés en Nouvelle Calédonie). La recomposition
ethnique neutralise aussi ces individus, assignés à résidence. Les combats n’ont pas pour autant
été oubliés par les populations chez qui subsiste un phénomène de permanence.
Enfin, l’Europe n’aura jamais été mise en échec par une autre puissance dans sa conquête coloniale
(Japon).
Les Sociétés coloniales au Xxme siècle
Le recensement :
Dans un domaine difficilement pénétrable les valeurs sont souvent assez fausses. Comme
l’administration dénombre la population à des fins fiscales, les indigènes donnent peu d’indices,
déclarent les enfants en bloc et se retrouvent avec des états civils incertains. La colonisation
aura eu pour effet de faire chuter les chiffres de la population pour deux raisons principales :
L’apport de maladies nouvelles et l’exploitation du peuple qui aura vécu des famines. Ces deux
causes sont à l’origine d’un affaissement psychologique certain.
Aux environs de la 1ère GM l’amélioration sanitaire (encadrement sanitaire avec vaccins
obligatoires, établissements et centres de recherche) aura pour effet la reprise démographique.
L’armée, avec ses propres structures sanitaires pour ses besoins, et l’église, avec son dispensaire
en brousse prodiguant les premiers soins, contribuent à un meilleur quadrillage . Possédant leurs
propres traditions médicales indigènes (souvent très efficaces), il aura parfois fallu quelques
expériences spectaculaires pour convaincre les plus réticents (ce siècle est celui des grandes
avancées médicales).
Composition et métissage
Le nombre d’Européens dans les colonies aura rarement dépassé 1% de la population, sauf en
Algérie (8%) et en Océanie (2%). Le continent américain ayant supprimé les Indiens, il n’en est
pas ici question. Ce sont des sociétés masculines et qui se métissent peu. L’interdiction est
réglementée, allant pour les militaires jusqu’au rapatriement. Dans la bourgeoisie européenne le
mariage est une affaire économique, une femme d’officier doit avoir une dote et son mariage doit
avoir été autorisé par les supérieurs (des jeunes Anglaises découvrent les Indes tous les étés).
Les colonies portugaises sont une exception, on y trouve un plus grand métissage et des préjugés
moins forts, du fait du Brésil qui constitue déjà un premier métissage, et de la population
portugaise en elle-même qui est plus pauvre ou issue du milieu pénitentiaire.
Modifications ethniques :
Déplacements à caractère militaire (lever une armée), économique (besoin de main d’œuvre), et
punitif (déportations).
Caractère inégalitaire de ces sociétés :
L’Européen jouit de l’intégralité de ses droits dans les colonies, avec cependant un droit
d’expression réduit (presse, association, syndicats). Sinon, un poste dans les colonies est
synonyme de pouvoirs exceptionnels, de prestige, de personnel de maison.
L’indigène voit tous ses droits entravés, la liberté de mouvement en premier (boyerie dans la
propriété, couvre-feu, sanctions pour un indigène surpris dans la zone du colon) les droits
professionnels ensuite (travail forcé, chaînes). Dans la législation du travail, les colonies ne sont
pas obligatoirement placées sous l’autorité de la métropole, la loi pouvant s’adapter selon des
modalités, souvent restrictives. L’administration leur confère des prérogatives exceptionnelles,
les délits et fautes n’étant pas sanctionnés par l’autorité juridique, mais par l’autorité
administrative (châtiments corporels).
Les vieilles élites locales tombent en désuétude. Le chef africain voit son pouvoir diminué, son
prestige atténué. De nouvelles élites européanisées apparaissent, issues des milieux aisés des
sociétés indigènes, fréquentant les universités d’Alger, d’Hanoi. Ils représentent l’espoir pour de
futures revendications nationales. Or ces élites nouvelles ne parlent pas le même langage que les
élites traditionnelles déconsidérées, ce qui rend le développement d’un tel mouvement impossible.
Perception du colonisateur :
Les sociétés européennes dans les domaines coloniaux regroupent des gens riches (plusieurs
milliers d’hectares de plantations, de vastes carrières de marbres, des mines de nickel) avec des
fonctionnaires coloniaux mieux payés qu’en métropole. Les militaires assurent l’ordre ; ils ont une
image plus neutre, qui n’est jamais durablement négative. Les religieux, seuls présents en brousse
et en charge des premiers secours, ont développé un côté positif dans leur image contrastée. Ils
sont des éléments d’interface indépendants des intérêts nationaux, parmi les plus visible pour les
indigènes.
Ces sociétés vivent plus juxtaposées qu’ensemble.
Les Européens et la Chine en 1914
Une société semi-coloniale
Dans le milieu du XIXème siècle les Européens sont fascinés par le marché que représente la
Chine, plutôt réticente à l’ouverture de son commerce. Elle vend certes laques et porcelaines
mais achète peu à l’étranger. Selon le système de pensée de l’Empire du milieu, la Chine serait le
reflet de l’ombre lunaire, ce qui ne va pas sans un certain complexe de supériorité et un rejet du
monde extérieur.
Seul un organisme habilité ( le Cohong) peut autoriser l’entrée de biens sur le territoire. A la fin
du siècle les Britanniques, qui poussent à la consommation d’opium en provenance des Indes, ne
respectent pas cette règle et font rentrer par effraction leur marchandise. Ils provoquent ainsi
la 1ère guerre de l’opium ce qui force la Chine à ouvrir son territoire.
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