Protection de l’emploi et procédures de licenciement
Rapport CAE Blanchard Tirole 2003
I) Principales propositions.
1) responsabilisation financière des entreprises par un taux de contribution positif, mais
inférieur à l’unité.
Aujourd’hui, les entreprises payent des cotisations d’assurance chômage élevées qui ne sont
pas liées à leur comportement de licenciement.
Il en résulte une double incitation au licenciement :
- en raison de l’absence d’internalisation du coût du licenciement sur la caisse
d’allocation chômage. (certaines entreprises transforment même des démissions en
licenciement pour que leurs salariés bénéficient des allocations chômages)
- Les cotisations renchérissent le coût du travail.
La proposition du rapport : il s’agit de faire payer par l’entreprise une partie du coût
qu’engendre son licenciement pour l’assurance chômage. (La contribution Delalande -1987-
sur le licenciement des personnes âgées participe de cette logique).
Ce système existe déjà aux USA et au Canada (l’ « experience rating »). Chaque année, la
caisse d’allocation calcule ce que « coûte » l’entreprise et ses licenciements et lui fait payer
une taxe en proportion (le facteur de proportion est inférieur à 1, la mutualisation reste forte
environ 40%).
La problème de la double peine (aux problèmes financiers justifiant le licenciement s’ajoutent
les coûts de la taxe de licenciement) peut être surmonter par un étalement des paiements,
même si les entreprises pourraient être tentées de faire immédiatement faillite après leur
licenciement, pour ne pas payer la taxe (afin de limiter ce risque, l’Etat pourrait exiger des
garanties sur le paiements des taxes, ou demander des priorités en cas de faillite).
2) Simplification des procédures administratives et diminution du rôle des instances
judiciaires dans le processus de licenciement.
C’est la contrepartie du point 1).
Le rôle du juge devrait être limià déterminer si un licenciement économique n’a pas été
transformé en licenciement pour faute ou en démission, si il n’y a pas eu discrimination… Au
moins, ce type de maquillage est détectable, parce qu’un des acteurs se sent lésé ; alors que
dans le cas (actuel) où une démission est transformée en licenciement pour toucher les
allocations, elle demeure invisible.
Le rôle du juge doit être limité à la vérification de la procédure.
Le rôle de l’administration devrait lui aussi être limité, et la lourdeur des procédures (type
LMS) devrait être réduite.
3) Mettre fin à la dualité du marché du travail CDD CDI, créer un système unique de
protection de l’emploi.
Il s’agit de limiter les effets de seuil entre les deux types de contrats, qui limitent l’entrée des
jeunes sur le marché du travail, en assurant une progression de la protection du salarié à
l’ancienneté par la caisse d’assurance chômage (là encore sans effets de seuil type Delalande)
et en renforçant le rôle de la période d’essai.
Il s’agit aussi d’assurer une protection par l’assurance chômage de l’ensemble des chômeurs
(aujourd’hui, 50% seulement des chômeurs bénéficient de l’allocation, le reste étant dans
le système de solidarité) qui sont allés au-delà de la période d’essai.
4) Annexes de la réforme.
- prévoir des subventions à la création d’emploi et des aides aux travailleurs « à risque »
pour ne pas pénaliser la création d’emploi, renchérie du fait de la responsabilisation ?
Blanchard et Tirole jugent ses subventions inefficaces.
- Développement de la formation continue. Le développement de la responsabilisation
poussera les entreprises à améliorer la formation de leurs salariés, qui retrouveront un
emploi plus facilement en cas de licenciement, et coûteront moins chers à leur
entreprise.
II) Protection de l’emploi et marché du travail : vue générale.
Une plus forte protection de l’emploi en place a pour corollaire :
- des flux moins importants sur le marché du travail
- des durées de chômage plus élevées
- Peu de corrélation empirique entre taux de chômage et niveau de protection de
l’emploi. Mais les études suggèrent que dans la mesure elle rigidifie le marché du
travail, la protection de l’emploi rend l’augmentation du chômage plus persistante.
Depuis 20 ans, de nombreux pays européens ont réduit leur protection de l’emploi à la marge,
en autorisant l’existence de contrats courts. Ex : en France, les CDD constituent 70% des
nouvelles embauches et 11% de l’emploi (46% de l’emploi des 20 24 ans)
Le développement de ces contrats précaires a un effet négatif sur le marché du travail : les
entreprises préfèrent souvent engager un nouveau CDD plutôt que de garder un CDD existant
dont le contrat arrive à terme. Ainsi s’est créé un marché du travail dual et inégalitaire.
III) Protection de l’emploi en France.
1) Le coût des licenciements
Aujourd’hui, les coûts légaux directs de licenciement sont faibles :
- le taux de contribution à l’allocation chômage est nul (sauf Delalande)
- les indemnités légales de licenciement sont faibles (2 mois pour dix ans d’ancienneté).
Mais de fait, les coûts réels sont plus élevés :
- existence de congés de reclassement
- périodes de préavis longues (3 mois pour les salariés anciens), et procédure longue
pour les grandes entreprises (100 salariés) : réunions avec les représentants du
personnel, préparation d’un plan de sauvegarde de l’emploi.
- définition d’indemnités fortes dans les conventions collectives.
- Procédures de justice longue (10 mois d’attente en moyenne pour le premier jugement,
alors que 50% des procès sur des procédures de licenciement vont en appel). Les
procédures de justice sont en augmentation (200 000 nouveaux cas par an).
2) La dualité CDD CDI.
Les CDD ont été introduits en 1979.
En théorie, les CDD ne peuvent pourvoir qu’au remplacement d’un employé en congé, à un
accroissement temporaire d’activité, à une activité saisonnière ou à l’emploi d’une personne
d’un groupe ciblé (chômeur de longue durée, jeune).
La durée totale d’un CDD ne peut excéder 24 mois. Les licenciements de CDD sont coûteux
(10% du salaire déjà perçu plus paiement intégral du salaire), mais les entreprises les utilisent
fortement (70% des embauches sont en CDD).
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