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1er mars 2016
Pourquoi la réforme du droit du travail est-elle nécessaire ?
Rappelons une évidence : l’emploi est créé par les entreprises, que ce soit directement ou
indirectement (la sphère publique vit en effet grâce aux rentrées fiscales en provenance des
entreprises et de leurs salariés). Les créations d’emplois en France dépendent ainsi, d’abord et avant
tout, des entreprises, de leur compétitivité et de leur capacité à investir et à se développer. Or la job
machine hexagonale fonctionne mal. La décennie 2005-2015 a été calamiteuse sur le front de l’emploi.
Au troisième trimestre 2015, on comptabilisait à peine plus de 200 000 emplois dans le secteur
marchand non agricole que dix ans auparavant. Au même moment, l’Allemagne a créé 2,9 millions
d’emplois, le Royaume-Uni 980 000 et l’Italie 490 000. Il faut s’interroger sur les raisons de cette
mauvaise performance dont les premières victimes sont nos 3,5 millions de concitoyens au chômage
(pour la seule catégorie A).
Restaurer la compétitivité des entreprises françaises
La première raison, c’est l’insuffisante compétitivité de nos entreprises, dont témoignent les mauvais
chiffres du commerce extérieur. Après dix ans d’excédents, notre balance commerciale enchaîne les
déficits depuis 2004 (53 milliards d'euros en 2014), tandis qu’au même moment l’Allemagne
additionne les excédents record (217 milliards d'euros en 2014). Autre constat inquiétant : la France
perd des parts de marché à l’international, mais également vis-à-vis de ses voisins européens. Les
entreprises n’innovent pas assez, expliquent certains. Peut-être, mais pour innover, les entreprises
doivent dégager des marges suffisantes pour pouvoir investir. Or, elles sont pénalisées par un niveau
très élevé de prélèvements obligatoires, lequel résulte dans notre pays d’un niveau de dépenses
publiques parmi les plus élevés au monde : rapportées au PIB, leur part s’élevait à 56,9 % en 2014, soit
pratiquement dix points de plus que la moyenne européenne (47,4 %).
Résultat : selon une étude annuelle de la Banque mondiale et du cabinet PwC portant sur les régimes
fiscaux de 189 pays, la France affichait en 2014 un taux d'imposition record de 64,7 % du résultat
commercial des PME. Ce taux inclut l'impôt sur les bénéfices, les cotisations et les charges sociales
supportées par l'employeur, ainsi que d'autres prélèvements comme la taxe foncière, l'imposition des
dividendes, l'impôt sur les plus-values ou les taxes sur les transports ou la collecte des déchets… Seule
l’Italie fait pire en Europe (65,7 %), tandis que la moyenne mondiale s'élève à 43,1 %, et que la
moyenne européenne s’établit à 41,1 %.
Loin d’être un « marché de dupes », comme l’affirme la tribune signée par Martine Aubry dans Le
Monde du 25 février, le Pacte de responsabilité, qui permet d’alléger de 40 milliards d’euros sur trois
ans les charges pesant sur les entreprises et qui sera définitivement concrétisé fin 2017, était donc
absolument nécessaire pour contribuer à restaurer la compétitivité des entreprises. D’autant qu’il
vient après un choc fiscal d’une trentaine de milliards d’euros sur les entreprises entre 2010 et 2013,
alors qu’au même moment la plupart des pays de l’OCDE engageaient une diminution de la pression
fiscale sur les entreprises. Mais il ne faut pas se le cacher : la France est encore loin de l’effort
d’allégement nécessaire pour revenir dans la moyenne européenne et, pour obtenir un impact
puissant en termes de créations d’emplois, il faudra poursuivre cet effort dans les années qui viennent.
Redonner de l’agilité aux entreprises
La deuxième raison de notre mauvaise performance sur le front de l’emploi, ce sont la complexité et
les pesanteurs de notre droit du travail, et les rigidités qu’il fait peser sur le fonctionnement du marché
du travail. A l’inverse de beaucoup de pays européens (les pays scandinaves, l’Allemagne, les pays
anglo-saxons), la France a privilégié une conception très pyramidale du droit du travail, combinant un
droit pléthorique et de plus en plus complexe d’origine légale et réglementaire, une insécurité
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juridique résultant de l’intervention d’un juge très imaginatif, et une place résiduelle laissée au
dialogue social d’entreprise dans la production de la norme sociale.
Ce système a fonctionné à peu près correctement pendant les Trente Glorieuses, dans un contexte de
croissance élevée et d’économie peu ouverte sur l’international, mais il n’est plus du tout adapté à la
donne actuelle. Le monde a changé. Les entreprises sont confrontées à un environnement de plus en
plus mouvant : une mondialisation des échanges qui s’accentue sur longue période, des cycles
économiques de plus en plus aléatoires, et une transition numérique de l’économie qui bouscule à la
fois leur façon de concevoir, leur façon de produire et les business models de nombre de filières.
Dans cet environnement qui recèle pour elles des risques mais aussi des opportunités, les entreprises
ont, beaucoup plus qu’hier, besoin d’être agiles, réactives, de pouvoir s’adapter aux évolutions
conjoncturelles, technologiques et commerciales de leurs marchés, aux exigences nouvelles des
consommateurs en termes de qualité et différenciation des produits et des services. Une agilité qui
nécessite un fonctionnement beaucoup plus souple du marché du travail, un dialogue social plus
proche des réalités du terrain et un Code du travail notablement allégé. Celui-ci comportait 600 articles
en 1974. Quarante ans plus tard, il en compte plus de 8 000. Sa lourdeur, sa complexité contribuent à
alimenter les contentieux devant le juge, à freiner les organisations nécessaires des entreprises, et à
décourager l’embauche dans les PME
Ayant comme objectif de redonner de l’agilité aux entreprises, l’avant-projet de loi El Khomri va
indéniablement dans le bon sens.
Oui, il faut changer la manière de produire la norme sociale dans notre pays. Non plus la même
règle descendant de Paris pour toutes les entreprises, quels que soient leur secteur d’activité et
leur taille, mais une règle créée, négociée dans l’entreprise, pour l’adapter à sa situation
particulière et à celle de ses salariés. C’est au plus près du terrain que l’on conciliera de façon la
plus pertinente les exigences de compétitivité et les besoins d’adaptation des entreprises avec les
attentes des salariés, et que l’on trouvera des arbitrages favorables à l’emploi.
Oui, le projet de loi va conforter l’accord de branche en réduisant le nombre des branches,
remettant ainsi en cause une fragmentation excessive qui nuit au dynamisme et à la qualité des
négociations conduites à ce niveau.
Oui, il faut fixer des critères clairs pour objectiver le recours au licenciement économique (baisse
de chiffre d’affaires, perte d’exploitation…). Car qui croit sérieusement que le juge est le mieux
qualifié pour porter une appréciation sur le motif économique du licenciement ?
Oui, le plafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif (lesquelles
viennent en sus des indemnités légales et conventionnelles) est de nature à rassurer le chef
d’entreprise lorsqu’il embauche.
Oui, la multiplication des barrières au licenciement censées protéger les salariés en place
contribue à freiner les recrutements ou à favoriser le recours à l’intérim ou aux CDD, au détriment
des outsiders sur le marché du travail.
Oui, donner plus de souplesse aux entreprises dans la gestion du temps de travail est de nature à
améliorer leur compétitivité, à leur permettre d’investir pour innover et donc à créer de l’emploi.
Revenir au quasi-plein emploi
Il est temps d’engager des réformes courageuses pour sortir notre pays de l’ornière, en finir avec une
forme de préférence collective pour le chômage, recréer une dynamique de créations d’emploi, tirer
parti des opportunités qu’offrent la mondialisation et les révolutions en cours (transition numérique,
transition énergétique…). Après le pacte de responsabilité, l’avant-projet de loi El Khomri est une
réforme qui doit être menée à son terme, sans en affaiblir l’ambition. Non, nous n’avons pas tout
essayé contre le chômage. Non, notre pays n’est pas condamné à vivre avec un chômage de masse. Il
peut, en quelques années, comme certains de nos voisins européens, revenir au quasi-plein emploi.
Encore faut-il s’en donner collectivement les moyens.
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