La notion de rattrapage permet-elle de rendre compte des pno-
mènes de croissance depuis lavolution Industrielle ?
Introduction :
difficulté de l'introduction : arriver à montrer l'intérêt du sujet dans ses dimensions historiques et con-
temporaines ; poser clairement et précisément la problématique : le rattrapage permet-il d'expliciter tout
ou partie des séquences de croissance depuis la RI ? quels sont les liens entre rattrapage et croissance ?
s'agit-il d'un phénomène automatique ou suppose-t-il des conditions ?
nécessité préalable de proposer une définition du terme «rattrapage», dans le domaine économique :
rattrapage concerne des économies qui sont marquées par un retard de développement par rapport à une
économie dominante ou par rapport à une tendance antérieure et qui vont «bénéficier» de ce retard pour
connaître un processus de croissance accélérée
A) L’EXISTENCE D’UN PHÉNOMÈNE DE RATTRAPAGE SEMBLE FOURNIR UNE
GRILLE AQUATE POUR EXPLIQUER LA CROISSANCE DES PDEM
1- Le mécanisme néral du rattrapage
impact positif du rattrapage passe par l’idée que la croissance est fondée sur des transformations qualita-
tives dans le domaine économique et social ; ces transformations qualitatives sont, dans un premier
temps, «expérimentées» par des économies leaders
les conditions de la croissance vont alors se diffuser, à partir de plusieurs canaux : transferts de technolo-
gie formels ou informels, espionnage, flux d’investissements directs, flux de main d’œuvre, ...
les pays qui mettent en œuvre ces innovations dans un deuxième temps vont bénéficier d’un ef-
fet d’expérience qui leur permettra d’atteindre rapidement une forte efficacité productive, ce qui
se traduira par l’apparition de taux de croissance élevés et une réduction de l’écart relatif exis-
tant avec les économies dominantes
le rattrapage peut également bénéficier aux pays leaders qui trouveront des relais de croissance
2- L'application aux expériences historiques
principe des étapes du développement de Rostow peut être considéré comme orienté autour d’une lo-
gique de rattrapage : les différents stades du développement se réalisent de manière échelonnée dans le
temps avec des pays leaders et des économies qui continuent à connaître certains blocages
les transformations qualitatives nécessaires au «take off», puis à la réalisation des étapes ulté-
rieures de la marche vers la consommation de masse peuvent alors être reproduites dans des
conditions facilitées par les économies suiveuses
la logique de rattrapage est au cœur du modèle de Gerschenkron de la 2ème vague d’industrialisation :
les pays qui enclenchent leur développement à ce stade connaissent immédiatement des taux de crois-
sance élevés, principalement car ils peuvent développer rapidement l’industrie lourde grâce aux progrès
technologiques réalisés dans les périodes antérieures (exemples typiques de ce processus sont ceux de
l’Allemagne et du Japon)
logique du rattrapage semble essentielle pour comprendre les modalités du développement dans l’après-
guerre à travers le double phénomène de domination et de diffusion du modèle américain (analyses de D.
Cohen et de J. Marseille)
croissance américaine apparaît fondée sur un certain nombre de transformations majeures dans
le domaine de l’organisation de la production (OST) et dans celui du mode de vie (logique de la
consommation de masse) ; la combinaison de ces deux éléments permettant d’assurer une crois-
sance parallèle de la production et des débouchés
l’après-guerre est alors marqué par la diffusion par des canaux divers de ces principes dans
l’ensemble des économies occidentales (argument clé : l’après-guerre n’est pas marquée par une
accélération de la croissance de l’économie américaine)
le processus se fait d’autant plus efficacement que les États-Unis, puissance dominante, imposent
un ordre international, dans le domaine commercial et monétaire qui favorise la stabilité des re-
lations économiques internationales et donc garantit une croissance rapide
3- L'intégration dans les théories de la croissance et du développement
modèle de croissance de Solow intègre la dynamique du rattrapage à travers le processus de décrois-
sance de la productivité marginale des facteurs de production dans la marche vers un état d'équilibre
modèle du développement en "vol d'oies sauvages" (Akamatsu) propose une stratégie de développe-
ment s'inscrivant dans la dynamique de rattrapage
le principe du rattrapage fondé autour du couple mutations structurelles - puissance dominante semble
donc particulièrement efficace pour rendre compte de la dynamique économique depuis le déclenche-
ment de la Révolution Industrielle
B) LE RATTRAPAGE NE PERMET PAS D’ÉPUISER LES
EXPLICATIONS DES PHÉNOMÈNES DE CROISSANCE
1- Le rattrapage n’est pas un processus automatique
schéma précédent laisse penser que le rattrapage se produit de manière relativement automatique dès
que se met en place une nouvelle logique de croissance
Or
le rattrapage nécessite des conditions préalables pour assurer un développement efficace,
comme le montre l’exemple comparé de la Russie et du Japon à la fin du 19ème siècle qui
s’engagent dans une logique comparable, mais avec un succès notable pour le Japon, alors que
l’industrialisation russe reste parcellaire et limitée ou l’étude des «miracles» de l’après guerre,
basés sur des atouts nationaux indéniables
exemple de l'organisation des systèmes de formation selon la situation du pays par rapport à la
"frontière de la science"
la logique du rattrapage suppose implicitement qu’il n’existe qu’une voie de développement que
l’ensemble des pays doivent suivre (raisonnement de base du modèle de Rostow), ce qui peut être criti-
qué au regard des voies nationales connues dans l’histoire (exemple le plus flagrant est celui de la France
au 19ème siècle)
2- Rattrapage et domination
le principe du rattrapage suppose que l’économie dominante «accepte» la dispersion de ses avantages
comparatifs au profit d’autres nations
on peut considérer que l’économie dominante met en place des processus visant à garantir sa
prééminence sur le monde, plus qu’à laisser diffuser une logique de croissance (exemple de la
marche vers le libre-échange initiée par le Royaume-Uni à partir du milieu du 19ème siècle ou
des aspects très favorables pour les Etats-Unis du système de Bretton-Woods)
principe de domination se lit également dans les relations entre les économies dominantes et le Tiers
Monde où la logique de rattrapage apparaît secondaire par rapport aux principes de domination et de
blocage du développement
possibilité de phénomènes cumulatifs dans le processus de croissance (théories de la croissance endo-
gène) qui permettent d'expliquer le maintien d'une avance des économies leaders
3- Des phénones qui restent inexpliqués
apparition des transformations majeures qui impulsent de nouvelles vagues de croissance restent en de-
hors du champ d’interprétation de la croissance en termes de rattrapage
nécessité de prendre en compte d’autres logiques pour comprendre l’impulsion initiale des trans-
formations structurelles à la base de la croissance (question des origines du développement an-
glais ou du dynamisme actuel de l'économie américaine)
problème de la prise en compte des fluctuations de la croissance et des dynamiques d’accélération et de
ralentissement qui ne peuvent être complètement explicitées en termes de rattrapage
Conclusion :
dynamique du rattrapage permet de rendre compte d'un certain nombre de phénomènes de croissance
depuis la Révolution Industrielle à partir de l’existence d’une puissance dominante qui diffuse un modèle
de développement, les pays suiveurs bénéficiant des effets d’expérience
ce modèle ne peut cependant suffire pour comprendre l’intégralité des phénomènes de croissance,
essentiellement parce qu’il suppose un développement orienté de manière uniforme et qu’il ne prend pas
suffisamment en compte les conditions nationales de fonctionnement des économies
la question de l’actualité de ce type de raisonnement reste cependant posée, principalement à travers la
situation des pays de l’Est (où le rattrapage est poussé à sa logique extrême, celle de la mise en place
complète d’un nouveau système économique) et celle d’un certain nombre de pays du Tiers Monde, mais
aussi au vu du décrochage actuel entre l'Europe et les États-Unis
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