Systèmes de Gestion des Connaissances et prise de décision

Soumission à la revue SIM, Janvier 2007
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Cartographie des connaissances et prise de cision stratégique :
exemple de l’ambiguïté cognitive des Systèmes de Gestion des
Connaissances
Résumé :
La maturité des technologies d’analyse, de traitement et de visualisation des informations et des
connaissances conduit de plus en plus d’organisations à utiliser des Systèmes de Gestion des
Connaissances (SGC) pour la prise de décision stratégique. Au travers de l’étude d’un type de SGC
particulier (les cartographies de connaissances métiers) cet article discute de la pertinence des
décisions stratégiques qui résultent de leur utilisation. A partir d’une revue de littérature et d’une
analyse de discours d’une dizaine de dirigeants d’organisations françaises, cette recherche étudie la
manière dont la prise de décision née de l’utilisation de cartographies de connaissances est perçue
dans les organisations et apporte un éclairage sur la performance des SGC dans les organisations.
Mots clefs : Cartographies des connaissances, cartes cognitives, prise de décision stratégique, Gestion
des Connaissances
Abstract :
Because of the maturity of Knowledge Management Technologies (Information Retrieval Tools, Text-
Mining, Mind-Maping…) companies use more and more Knowledge Management Systems (KMS) as
Decision-Making Tools. This paper deals with the use of specific KMS, Knowledge Maps, in order to
take strategic decisions in companies. Thanks to a litterature review and a discourse analysis of ten
Top-Managers in French companies, this paper studies the impact of Knowledge Maps on Strategic
Decision-Making and discusses KMS performance.
Keywords: Knowledge Maps, Cognitive Maps, Strategic Decision-Making, Knowledge Management
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Introduction :
Si la perspective de la Gestion des Connaissances est très profondément ancrée dans les théories et
concepts issus du Management Stratégique (Resource-Based View et Knowledge Based-View), la
multiplication des Systèmes de Gestion des Connaissances (SGC) dans les organisations, outillés par
des Technologies de l’Information a conduit à rendre moins lisible le lien entre conception et utilisation
des SGC et prise de décision stratégique. Effectivement l’émergence d’un courant de recherche en
Gestion des Connaissances a d’abord conduit les auteurs à se centrer sur la définition et les conditions
favorables à la mise en œuvre de ces démarches. Cette littérature descriptive concernant la GC révèle
que la GC ne peut se réduire à une seule réalité mais recouvre des formes aussi variées que : la
formalisation et la préservation des savoirs, la création de connaissances nouvelles, l’échange et le
partage des meilleures pratiques, Ce concept protéiforme est ainsi défini par Schultze et Leidner
(2002, p 218) : « La Gestion des Connaissances est la génération, la représentation, le stockage, le
transfert, la transformation, l'application, l'enracinement et la protection de connaissances
organisationnelles. Mémoire organisationnelle, partage d'informations et travail collaboratif sont
étroitement associés à la notion de Gestion des Connaissances »
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. Point commun de l’ensemble de ces
démarches, les Systèmes de Gestion des Connaissances (SGC), structures organisationnelles et
technologiques supports du management des connaissances (Dudezert, 2003), prennent également
des formes diverses : base de connaissances, forum de discussion, Weblog, plate-forme intranet, outil
de groupware, qu’il faut concevoir, piloter et utiliser de manière optimale. Aujourd’hui, après une
première période descriptive et normative, de nombreux auteurs s’interrogent sur l’impact des
démarches de GC et des SGC sur l’organisation (Lee et Choi, 2003 ; Melville et ali, 2004 ; Shin, 2004).
C’est dans ce cadre que ce situe notre travail en analysant plus précisément l’impact de Systèmes de
Gestion des Connaissances spécifiques (les cartographies de connaissances métier) sur l’organisation.
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« Knowledge Management is the generation, representation, storage, transfer, transformation,
application, embedding and protecting of organizational knowledge. Organizational Memory,
Information Sharing and Collaborative Work are closely related to Knowledge Management »
(Schultze et Leidner, 2002, p 218)
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La cartographie des connaissances est un Système de Gestion des Connaissances décrit par Aubertin
et ali (2003, p 495) comme «une identification du patrimoine de connaissances » qui permet aux
« organisations désireuses de gérer leur patrimoine de connaissances d’en faire une analyse fine afin
de déterminer, dans leur stratégie, quelles sont les connaissances qu’elles doivent renniser,
développer, abandonner etc. La cartographie devient alors un outil d’aide à la cision ». Eppler
(2001, p 1) va plus loin en décrivant la cartographie des connaissances comme « devant assister un
employé, une équipe ou un département à caractériser et à utiliser les connaissances disponibles au
sein d’une organisation »
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. Outil d’aide à la décision pour une gestion optimale des connaissances de
l’entreprise, la cartographie des connaissances métier est donc à la fois un outil d’aide à l’allocation de
ressources comme un outil de définition des orientations stratégiques à privilégier
(développement/suppression de tel ou tel domaine de connaissance…). Or ces cartographies mises en
place pour identifier et repérer les connaissances de l’organisation afin de les gérer et de décider des
orientations stratégiques sont très fortement empreintes d’ambiguïté car elles-mêmes le produit d’un
certaine vision de l’entreprise et l’expression d’un schéma cognitif individuel (du dirigeant) ou collectif
(d’un groupe d’acteurs). Elles peuvent alors apparaître comme l’explicitation de la représentation d’un
groupe d’acteurs sur ce qu’est le patrimoine de connaissances de l’entreprise et peuvent être
suspectées d’enfermer la prise de décision stratégique dans une illusion sur les caractéristiques des
connaissances de l’organisation.
Dans ce contexte, la multiplication de ces cartographies des connaissances dans les organisations ces
dernières années sous l’influence du développement et de la maturité de technologies d’analyse de
données (data et text-mining) et de visualisation de données conduit à s’interroger sur l’efficacité de la
prise de décision qui découle de leur utilisation. L’apparente simplicité d’élaboration et d’utilisation d’une
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« A knowledge map should assist an individual employee, a team or an organizational unit in
understanding and using the knowledge available in an organizational setting » (Eppler, 2001, p 1)
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cartographie des connaissances métier conduit-elle à des décisions pertinentes en matière d’allocation
de ressources et de finition d’orientations stratégiques ou conduit-elle à renforcer des illusions sur ce
que sont les connaissances de l’organisation et sur les modes de gestion qu’il est possible de leur
attribuer ?
Cet article traite de cette problématique au travers d’une analyse de discours d’une dizaine de
dirigeants d’organisations françaises utilisant des cartographies de connaissances métiers. En
caractérisant plus précisément ce que sont les cartographies de connaissances métier (Partie 1) et le
lien entre ces cartographies cognitives et la prise de décision stratégique (Partie 2) nous proposons un
schéma d’interprétation du lien entre cartographies de connaissances métier et prise de décision
stratégique (Partie 3) qui nous permet d’analyser en détail la manière dont la prise de décision née de
l’utilisation de cartographies de connaissances est perçue dans les organisations (Partie 4). L’ensemble
de ce travail nous permet en conclusion d’apporter un éclairage sur la pertinence et la performance des
SGC dans les organisations.
I. Les cartographies de connaissances métier : des Systèmes de Gestion
des Connaissances spécifiques
Les cartographies de connaissances métier sont apparues relativement récemment dans les
entreprises, concomitamment au développement des Systèmes de Gestion des Connaissances mais
également au développement des technologies d’analyse et de visualisation des données. Ces
Knowledge Maps, Knowledge Mapping, Knowledge Cartography , Knowledge Landscape, Cartes de
compétences ou Cartographies des Connaissances métier se sont mises en place pour faire face à la
variété et la multiplicité des expertises et connaissances présentes désormais dans les organisations et
également pour dépasser la difficulté d’accéder à cette expertise via une communication informelle
(Eppler, 2001) comme pour mettre en valeur les connaissances dites « critiques » de l’entreprise
(Pachulski et ali, 2000) (Saas et ali, 2003). Effectivement la finalité première de ces cartographies est
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l’identification de connaissances. La cartographie des connaissances permet de visualiser les domaines
de connaissances de l’entreprise dans un cadre compréhensible (Speel et ali, 1999). En ce sens ces
cartographies s’inscrivent dans une des premières étapes spécifiques de la valorisation des
connaissances des entreprises : identifier le patrimoine de connaissances et tout particulièrement les
domaines de connaissances sur lesquels il faudra faire porter en priorité les démarches de Gestion des
Connaissances pour obtenir un avantage concurrentiel durable.
Le caractère récent du développement des cartographies de connaissances dans les entreprises fait
qu’il n’existe aujourd’hui que peu de travaux académiques sur le sujet. (Ermine et ali, 2006) identifie
cependant deux types d’approches repérables dans la littérature sur les cartographies des
connaissances :
Des approches dites « processus » qui s’appuient sur une modélisation, description et analyse
des processus métiers de l’entreprise pour cartographier et terminer les connaissances dites
critiques. Dans cette approche (Ermine et ali, 2006) classent la méthode GAMETH (Grundstein,
2003) ou la méthode de (Tseng et Huang, 2005). Ces approches sont notamment développées
dans les activités de conception de produits. En France, elles ont particulièrement été testées
auprès d’organisations comme PSA-Peugeot Citroën (Saad et ali, 2003) ou la SNCF. Les
démarches d’élaboration de ces cartographies visent à analyser les processus d’une activité et
à déterminer au sein de ce processus les connaissances qui si elles venaient à disparaître
causeraient un dysfonctionnement dans la mise en œuvre du processus.
Des approches dites « domaines » qui partent de l’analyse de représentations de l’entreprise
sur son patrimoine de connaissances (documents et/ou témoignages d’acteurs) et regroupent
les connaissances dans une logique autre que fonctionnelle, les associant en domaines
d’expertise. La méthode M3C (Tounkara et ali, 2005), la méthode des arbres de connaissances
(Authier et vy, 1992) ou la méthode de (Pomian et Roche, 2002) sont classées dans ces
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