BRETON Armelle CAMPAN Anne-sophie Éthique, 21/03/13 Dr MOREL Quelques repères éthiques pour faciliter la prise de décision, questions de l’euthanasie et du suicide assisté Ce cours est plutôt une réflexion sur la fin de vie, l'euthanasie et le suicide assisté dans le contexte actuel. I ) Contexte -C’est un débat récurrent, réactualisé par le changement de gouvernement -Mesure 21 de François Hollande : dépénaliser une aide active pour mourir dans la dignité -Constat d’une insuffisance de diffusion de la démarche palliative (rapport 2012 de l’ONFV) -La mission Sicard puis le CCNE (comité consultatif national d'éthique) -Une nouvelle proposition de loi déposée le 26 septembre 2012 à l’Assemblée Nationale, relative à l’assistance médicalisée pour une fin de vie dans la dignité… -En juillet, visite du Président François Hollande (missionné par Sicard), dans un service de fin de vie, pour voir comment se passe la fin de vie, recueillir le ressenti des patients. Les médecins sont remis vivement remis en cause, les malades se plaignent de leur médecin : Pas de bonne prise en charge en soins palliatifs Sont présents mais pas assez Critiques vives sur l’acharnement thérapeutique Critiques sur la formation et l'enseignement accès sur le curatif Apprentissage de la technique, mais peu de formation sur ce qu’on doit faire de la technique à notre disposition, méconnaissance de la loi Léonetti. Réflexion autour de la dépénalisation de l’euthanasie, soulèvement de questions du suicide assisté. Dans le champ politique, beaucoup sont pour une dépénalisation de l’euthanasie, il y aurait pu y avoir une loi la semaine prochaine pour cette dépénalisation. Enfaîte, sont en prévision, en juinseptembre, des textes concernant le suicide assisté. II) Définitions et Sondages (Attention, les médias confondent souvent ces termes et ne les définissent pas avant de les employer) A) Euthanasie C’est l’acte de donner la mort à un patient à sa demande pour atténuer des souffrances qu’il juge insupportable. Provocation de la mort de manière médicale. Dépénalisée en Belgique, Hollande et au Luxembourg. B) Suicide assisté C’est donner les moyens à un malade de se donner lui-même la mort. Dépénalisé en Suisse. C) Limitation de soins Interdiction de l’acharnement thérapeutique, ne pas s’opposer à une mort qui survient par l’action de la maladie, le malade n’est plus maintenu en vie par le traitement. (~euthanasie passive) D) Sondages IFOP pour le Pèlerin 86% de gens favorables IFOP pour l’ADMD 89% de gens favorables Certes, oui…mais (sondage Pèlerin) : 61% n’ont jamais été confrontés à l’accompagnement, 56% (des 39% de concernés) pensent que les souffrances n’ont pas été suffisamment, soulagées et que des traitements ont fait souffrir inutilement. Au Massachusetts (USA), en septembre 2012, après des sondages créditant le « oui » de 65%, le référendum a vu la victoire du « non » à la dépénalisation de l’euthanasie à 51%. Méfiance car dans les sondages, la réponse peut être trop hâtive. La première raison donnée en faveur de la dépénalisation est la crainte par la population générale de l’acharnement thérapeutique paradoxal car existe la loi Leonetti. III) Réflexion La question n’est pas d’être pour ou contre la dépénalisation, mais d’analyser les conséquences d’une dépénalisation de l’euthanasie, de regarder comment ça se passe dans les autres pays et de s’intéresser à ce qui sous tend cette demande. A) Réfléchir au rapport à la mort, à la médecine, et à la loi : => Rapport à la médecine : le progrès et son revers, la nécessité de prendre des décisions éthiques complexes : On voudrait que la médecine fasse tout et soit capable de tout, la médecine est toujours appelée en réponse à la question de la mort. Pour la population, on doit mourir d’une cause médicale, d’une décision, ou d’une conséquence médicale. Les progrès techniques de la médecine conduisent eux-mêmes à ses propres excès (ecmo dans l’insuffisance cardiaque sévère, scanner dans la prise en charge de l’AVC aigu, et la nutrition artificielle), la médecine est capable de produire des situations à laquelle il faudra qu’elle trouve des réponses. Les progrès techniques ont amenés les questions éthiques qui n'existaient pas lorsqu'il n'y avait pas autant de matériels. Nous voulons maîtriser la mort : Via l’acharnement thérapeutique : maîtrise en maintenant en vie à tous prix. Via l’euthanasie / suicide assisté : maîtrise en l’anticipant. => Rapport à la mort : TABOU ! Le désarroi face à la perspective du mourir s’accroît : c’est devenu inacceptable ! Par exemple, l’interdiction des visites d’enfants dans les services… On devrait laisser le choix aux enfants. => Rapport à la loi : l’éthique n’est pas la loi même si elle prend appui dessus, Le problème est que le moindre événement a tendance à « être mis en Loi ». Transgresser la loi en donnant la mort peut-être la moins mauvaise des décisions éthique, cependant, est-ce que c’est parce que c’est éthique dans cette situation que ceci doit être dépénalisée. B) Constat global Lors des débats, constat global : mise en évidence des points de consensus importants entre partisans et opposants de la dépénalisation, mais aussi bien sûr des points de divergence. Éléments partagés : - La subjectivité : peut être que la réflexion éthique vise à prendre de le distance avec propre histoire personnelle - Le refus de l’acharnement thérapeutique - Le refus de souffrir - Le souhait de donner une place centrale au malade/ décisions qui le concernent - La nécessité de développer les soins palliatifs Éléments pris en compte par le législateur (1999,2002,2005) , mais il existe un écart entre les textes et leur application. Éléments de divergence : - La sémantique (euthanasie passive-active-directe-indirecte ; suicide assisté; aide active à mourir; limitation de traitement; bien définir au départ du mot utilisé par exemple le mot dignité) : - L’individuel et le collectif (principe de liberté / solidarité avec les plus vulnérables) : la conséquence de mon acte sera regardée - Le concept d’autonomie (libre arbitre « absolu » /attention aux éléments contextuels et relationnels/choix à faire) : pour certains, l’homme est toujours autonome et peut décider pour lui-même, pour d’autres, l’homme n’est pas tant autonome que ça, nécessitant toujours avec autrui. La loi Léonetti relativise le principe d’autonomie : meilleure sera la décision avec le plus grand nombre. - Éthiques différentes (le résultat / l’intention) : conséquentialiste / intentionnaliste Ex : utilisation de la morphine La fonction de la médecine (donner la mort/ne pas la donner) : contradiction car certains disent que le médecin peut donner la mort, pourtant thèse/serment : le médecin doit protéger la vie, interdiction de donner la mort. La dépénalisation de l'euthanasie ou suicide assisté risquerait de mettre un terme à la question de la fin de vie alors que pour autant le débat serait loin d'être clos. IV) Analyse comparée entre la France et la Belgique (Euthanasie dépénalisée) En France, les actes d'euthanasie déclenchent la saisie de la justice. Le juge étudie les faits a posteriori et sans critères. Soit il y a suffisamment d'éléments pour poursuivre, auquel cas il décide ou non de poursuivre, soit il n'y a pas assez d'élément. Si poursuite il y a => Cour d'Assise qui, jusqu'à présent, n'a jamais condamné pour euthanasie. Il y a juste eu des peines symboliques ou des acquittements. Remarque : en France, il y a deux exceptions pour lesquels on ne risque pas de poursuite, c'est l'état de nécessité et état de contrainte (légitime défense) En Belgique, les actes d'euthanasie sont déclarés à une commission qui est ainsi saisie (absurdité que le médecin saisisse lui même la commission pour qu'elle vérifie si son acte d'euthanasie à été fait dans les bonnes règles). Elle regarde les faits a posteriori, ils doivent respecter des critères de minutie prédéfinis. Si tous les critères sont remplis, alors il n'y a pas de poursuite. En 10 ans il n'y a eu aucune poursuite. Concernant l'expérience troublante de la Belgique, on constate : => Des dérives : Toutes les euthanasies ne sont pas déclarées : on se retrouve avec des « euthanasies clandestines ». Lorsqu'on étudie les certificats de décès et qu'on analyse les conditions des morts avec les produits utilisés et qu'on compare avec la déclaration de la commission on remarque que seulement 50% sont déclarées. Donc 50% des morts provoquées ne seraient pas déclarées. De plus, 20 à 40% des gestes sont réalisés par des IDE alors que c'est un acte médical. On remarque donc même si en Belgique, il y a un encadrement par la loi, cette dernière ne permet pas d’empêcher la dérive. => Des défauts de vigilance : -Compétence : S'assurer que la prise en charge est adéquate. Il ne faut pas une demande d'euthanasie pour une incompétence médicale. -Liberté des acteurs : S'assurer que la personne qui demande l'euthanasie ou le médecin qui fait l'euthanasie est totalement libre, qu'il n'y ait pas de pression sociétale, économique ou familiale. -Qualité de délibération avant la décision. =>L’influence de la loi sur le rapport à la mort (modifications des repères, la loi devient la norme, l’amnésie d’une éthique de soins pour les générations à venir) : En Belgique, cette dépénalisation était initialement une règle d'exception. Actuellement, elle est devenue un droit. Il y a eu un glissement de l'exception vers le droit et qui tend de plus en plus vers la norme. Lorsque le médecin belge présente les solutions concernant la fin de vie au patient, l'euthanasie est présentée comme une solution thérapeutique au même titre que les traitements possibles et les autres issues. V) Une loi qui dépénaliserait l'euthanasie serait inutile et dangereuse A) Inutile Les malades veulent avant tout être soulagés par des équipes compétentes (écoute et respect de l’ambivalence naturelle du patient et de ses angoisses, compétence antalgique forte, mais aussi disponibilité et accessibilité) Le dispositif législatif Français nous convient, mais il est peu connu et trop peu appliqué. La loi Léonetti bien appliquée réglerait 99,9% des problèmes !! B) Dangereuse LA SFAP avance 6 arguments : 1-Le patient ne pourrait plus changer d’avis 2-Les équipes de soins auraient alors une solution facile (perte de créativité, de questionnement, de compétence) 3-Moindre protection des personnes vulnérables 4-Geste impossible, contraire au principe fondamental du soin 5-Renforcement paradoxal du pouvoir médical (médecin qui fait l'expertise, donne son accord et fait l'acte, sans aucun contrôle!!) 6-Renforcement de la demande sociétale/médecine Selon Vincent MOREL, démédicaliser l'euthanasie n'est plus vraiment le problème actuel, la vraie question concerne surtout les modalités de mise en place du suicide assisté. VI) Et le suicide assisté ? Un autre débat... -C'est la vraie question : autodétermination de la personne. -Paradoxe sur les termes utilisés : s'agirait-il -d'un suicide pharmacologique assisté (l'état mettrait à disposition de quoi mourir), -d'un suicide médicalement assisté (le médecin qui délivre) -d'un suicide physiquement assisté (si une personne ne peut se suicider par exemple locked-in syndrome). Il faudrait donc prendre toutes les situations en considération. -La doctrine juridique mériterait d'être éclaircie : l'assistance au suicide n'est pas réprimée en France. (Actuellement fournir une arme pour que quelqu'un se suicide n'est pas puni, (attention différent de non-assistance à personne en danger)) -L'impact sociétal est inconnu. -Des exemples étrangers non satisfaisants. En Oregon ou en Suisses, ce sont des associations qui gèrent la question du suicide assisté. - Des questions pratiques sans réponses : -Quelles phases de la maladie ? Qui ? -Quelles personnes pourraient en bénéficier ? Qui déciderait ? -Quelles procédures à respecter, à suivre ? Actuellement il faudrait tendre à : Sortir du débat binaire dans lequel on nous enferme. Accepter que la loi ne peut prétendre gérer toutes les singularités et complexités de la vie. Chercher des pistes d’amélioration de la loi Léonetti et de sa diffusion.