« Le sens du mot socialisme s’est totalement dégradé dans le triomphe du socialisme totalitaire, puis totalement discrédité dans sa chute. Le sens du mot socialisme s’est progressivement étiolé dans la socialdémocratie, laquelle est arrivée à bout de souffle partout où elle a gouverné. On peut se demander si l’usage du mot est encore recommandable. Mais ce qui reste et restera ce sont les aspirations qui se sont exprimées sous ce terme : aspirations à la fois libertaires et « fraternitaires », aspirations à l’épanouissement humain et à une société meilleure. […] Beaucoup d’idées de Marx sont et resteront fécondes. Mais les fondements de sa pensée sont désintégrés. Les fondements, donc, de l’espérance socialiste sont désintégrés. A la place, il n’y a plus rien, sinon quelques formules litaniques et un pragmatisme au jour le jour. A une théorie articulée et cohérente a succédé une salade russe d’idées reçues sur la modernité, l’économie, la société, la gestion. Les dirigeants s’entourent d’experts, énarques, technocrates, éconocrates. Ils se fient au savoir parcellaire des experts qui leur semble garanti (scientifiquement, universitairement). Ils sont devenus aveugles aux formidables défis de civilisation, à tous les grands problèmes. La consultation permanente des sondages tient lieu de boussole. Le grand projet a disparu. […] » MORIN Edgar. La pensée socialiste en ruine. Le Monde, 1993, 21 avril La pertinence de cette observation, réalisée et écrite il y a de cela 14 années, laisse dubitatif. Elle pourrait par ailleurs choquer par sa valeur d’actualité. Comment, en effet, comprendre les mécanismes qui conduisent à ce qu’un texte d’humeur, rédigé pour et dans une circonstance particulière, conserve si longtemps après, et en tout point de son développement, son inscription dans le présent ? Plus qu’un « écho », ces sagesses antiques qui entrent en résonance avec un contexte actuel, cet article semble à ce point représenter une « réponse adéquate » que le journal Témoignage Chrétien l’a reproduit dans son numéro du 24 Mai 2007 et que de très nombreux blogs, sites et forums se le sont pour l’occasion appropriés. L’adéquation temporelle de cet « héritage » et des représentations collectivement partagées dans le champ politique au niveau du groupe socialiste1, tel que semblent l’indiquer les phénomènes médiatiques de sa réactualisation, est un constat dramatique et incite à reprendre la réflexion afin d’élaborer2 un « socialisme du 21ème siècle ». 1 A FINIR Je parle ici tout autant des militants du parti socialiste que des sympathisants et autres « non affiliés ». Dans une certaine mesure, ce groupe socialiste peut être élargi à l’ensemble de l’électorat de gauche. C’est ainsi que nous le verrons dans le reste de ce document. 2 A FINIR Il faut comprendre ici « faire émerger ». 1. De l’ « écho » à la prégnance d’une forme historique : l’affaiblissement des capacités instituantes des acteurs 1.1 L’ « écho », un phénomène naturel 1.1.1 Mémoire collective et cognition distribuée Avant d’aborder la notion de mémoire collective, il me semble judicieux de commencer par définir son « pendant », la mémoire individuelle. Tout d’abord, parce que l’une ne peut se penser sans l’autre, comme nous allons le voir. Ensuite, par soucis de facilités introductives, puisque la mémoire individuelle a déjà bénéficié d’une analyse poussée de la part de nombreux chercheurs, en psychologie cognitive notamment. Dans une vision généraliste, la mémoire peut se définir comme la trace concrète conservée d’un apprentissage par un système cognitif. Ainsi, chez l’Homme, cet apprentissage se matérialise par une structure particulière du réseau de neurones. Cette structure ne sera cependant jamais la même d’un individu à un autre. La perception d’un évènement est située, c’est-à-dire également dépendante d’un contexte particulier : la forme, la couleur, l'odeur de l’objet sont enregistrés mais en même temps que des éléments relevant de l’émotion ressentie, l’humeur, le bruit ambiant… Dés lors, il est impossible qu’un stimulus identiquement présenté produise les mêmes effets chez deux individus différents. La mémoire individuelle possède deux caractéristiques majeures : (i) elle est essentiellement associative : on retient mieux lorsqu'on peut relier la nouvelle information à des connaissances déjà acquises. On parlera également de processus analogique ; (ii) elle ne peut être une collection de données archivées : nos « souvenirs » sont des reconstructions. C'est la relation entre ces assemblées de neurones réparties à différents endroits dans le cerveau, correspondant aux différentes interactions avec l’environnement, qui constitue notre perception de cette chose. Or, comme le souligne SALLABERRY (2005, 2006) reprenant EDDELMAN (1992), son souvenir n'est pas différent : nous devons reconstruire à chaque fois ces relations pour se rappeler cette chose. Pour toutes ces raisons, les travaux sur la mémoire suggèrent qu’elle subit des altérations/modifications suite aux reconstructions tributaires du traitement en parallèle de « l'information3 » dans le cortex. La « mémoire », le système mnémonique reconstruit. Et sans mauvais jeux de mots, re-présente. Non pas au sens classique de la représentation vue comme un tenant lieu d’un référent predonné, mais bien comme un processus, une activité de rendre présent. C’est sous cet angle d’observation que certains auteurs parlent de « mémoire représentative », bien que les représentations soient des objets cognitifs complexes requièrant d’autres processus mentaux, tels que la perception et le raisonnement. Donc, si la mémoire ne peut être la représentation, la mémoire est le processus de réactualisation des représentations. La mémoire manipule des représentations, ce qui la rend mécaniquement représentative mais les Plus précisément d’ « in-formation » du latin in formare (produit de l’intérieur), comme le souligne très bien VARELA, et les épistémologies constructivistes. 3 représentations garde une dynamique propre (pour plus de détails, voir SALLABERRY, 1996,1997…). Celles-ci semble avoir pour principaux modes le langage et l'image mentale visuelle. Or le langage ne peut pas être un mode inné de représentation, puisqu’il s’acquiert historiquement, à partir de l'enfance, par étapes de maturation, d’acquisition du langage et de développement des structures logiques (PIAGET, 1987). Considéré le langage comme un « artefact social » issu (émergé) de l’histoire de l’espèce humaine, permettant dans le même temps notre mémorisation individuelle, sensibilise à l’importance de l’interaction sociale et de la co-émergence individuel/collectif chez l’Homme (BARREL&CASTORIADIS 1992, SALLABERRY 1996, 2006). En guise d’exemple, il est possible de se poser la question suivante : notre mémoire ne serait-elle pas défaillante, incomplète, sans les repères chronologiques institués permettant d’évaluer le temps que sont le calendrier ou le découpage horaire ? Comment rendre possible la référence au passé, alors même que cet outillage culturel ne suffit pas à lutter contre la dégradation de la précision d’un souvenir dans le temps (PIET, 2006 reprenant Warrington et Sanders, 1971, Bahrick et Wittlinger, 1975) ? A mon sens, il s’agit d’autant de produits culturels qui permettent l’émergence de cette mémoire représentative dans sa phénoménologie, donc de son identité. L’acquisition de la mémoire émerge de la construction sociale de l’individu. ATTENTION DOIT FAIRE SUR EPRESENTATION ET MEMOIRE Initiées par Halbwachs (1925, 1950) et Bartlett (1932), la réflexion et la recherche concernant la notion de mémoire collective ont bénéficié récemment d'un regain d'intérêt (Middleton et Edwards, 1997; Penebaker, Paez, et Rimé, 1997; Haas et Jodelet, 1999). La mémoire collective contribue à façonner l'identité d'un groupe; elle est donc un enjeu social et politique crucial. De ce fait, elle est susceptible de subir des distorsions afin de servir les intérêts identitaires du groupe (Baumeister, 1997). Car la notion de mémoire collective : La question devient alors : comment passe-t-on de la multiplicité des expériences et des souvenirs, à l’unicité d’une mémoire dite " collective " ? Comment, non pas à l’inverse mais dans le même mouvement, une mémoire dite collective parce que portée par des groupes, partis, associations et autres porte-parole autorisés, peut-elle agir sur les représentations individuelles ? En d’autres termes, les mémoires collectives se constituent dans le travail d’homogénéisation des représentations du passé et de réduction de la diversité des souvenirs, s’opérant éventuellement dans les " faits de communication " entre individus et dans la transmission (Marc Bloch) ; dans les " relations inter-individuelles " qui constituent la réalité des groupes sociaux comme ensembles " structurés " (Roger Bastide), au sein de " communautés affectives " ; ou de " groupes intermédiaires " entre l’individu et la Nation (Maurice Halbwachs) ; ou encore de groupes définis comme " réalité symbolique " fondée dans l’histoire (Anselm Strauss, Miroirs et masques). Un système cognitif est ainsi un système de traitement de l’information. Il peut être incorporé dans un individu unique ou distribué sur un grand nombre d’individus. On parlera alors de cognition individuelle ou de cognition distribuée. La cognition sociale est une cognition distribuée sur l’ensemble des individus d’une société, en interaction au sein d’un réseau social. La cognition individuelle peut, elle aussi, être considérée comme une cognition distribuée sur le réseau neuronal. Toutefois, « Nous défendons ici l'idée que la cognition sociale est un raffinement du concept de cognition distribuée plutôt qu'un équivalent. C'est un phénomène propre aux sociétés humaines qui permet de penser leur propriété d'autotransformation ». Chavalarias (2006) Dans les réseaux sociaux, une information touche certains agents puis son contenu est traité par le réseau social, produisant d'autres informations et d'autres liens sociaux par des interactions en chaîne. Ce processus de cognition sociale peut alors donner lieu une transformation du réseau social. Aussi bien au niveau individuel que collectif, des contraintes fortes s’appliquent aux processus cognitifs : rien ne peut être fait par des individus en dehors de ce qu'ils savent faire seuls ou en interaction avec les autres ; rien ne peut être anticipé en dehors de ce qu'ils savent prédire seuls ou en interaction avec d’autres. La structure des réseaux et la nature des interactions constituent en elles-mêmes des contraintes sur les processus cognitifs. La cognition distribuée peut être définie comme un traitement de l'information effectué par un ensemble d'entités éventuellement hétérogène. Par exemple, Hutchins (1995) défend l'idée d'un traitement de l'information au sein d'un système hétérogène homme/machine. Lorsque que le système est homogène, on emploie souvent le terme de cognition collective 1.1.2 Un artefact phylogénétique 1.1.3 Dynamique des systèmes représentationnels 1.2 La prégnance d’une forme historique, ou l’affaiblissement des capacités instituantes des acteurs 1.2.1 Les conclusion du modèle institutionnel 1.2.2 Perspectives sociales 2 Vers un socialisme du 21èmè siècle : réflexions sur l’exemple Vénézuélien 2.1 Le cas VIVE TV : phénoménologie et téléologie 2.2 Changement de paradigme et renforcement des capacités instituantes Que nous puissions en « hériter » (y accéder à travers le temps) est indéniablement une bonne chose et relève de notre processus de « mémoire collective » ; c’est même anthropologiquement constitutif (appartenant à notre phylogenèse) si l’on considère que ce texte est également un artefact technologique. En outre, il est possible De plus, nous sommes bel et bien dans un cas de cognition distribuée : si je ne suis pas capable de formuler les idée à la manière de MORIN, je peux leur trouver une utilité par leur pertinence à décrire ce que je ressens, à donner quelques contours plus précis à mes représentations. En définitive, les idées de MORIN existent socialement parce qu’elles sont aussi mes représentations, bien qu’elles leurs aient donné forme pour partie. MORIN peut donc être vu comme un processus de diffusion des idées (processus communicationnel), de connaissances, coproduites. Mais qu’il soit encore une « réponse adéquate »4, fait frémir. En outre, si l’on considère que l’agent Edgar MORIN est un processus, une tendance communicationnelle d’un nombre donné d’agents de cette même société5, il devient urgent de réfléchir et d’interpréter ce phénomène de stagnation… « La plus importante faculté de toute cognition vivante est précisément de poser les questions pertinentes qui surgissent à chaque moment de notre vie. Elles ne sont pas prédéfinies mais enactées, on les fait émerger sur un arrière-plan et les critères de pertinence sont dictés par notre sens commun d'une manière toujours contextuelle » Varela F.J. (1989b) Autonomie et connaissance, Seuil, Paris. « un grand nombre de ces recherches sur l'enaction témoignent d'une relecture de la philosophie et de la psychologie phénoménologiques de Husserl, Heidegger, Schutz, Sartre, Merleau-Ponty » THEUREAU J. (1999) Cours des UV SC 23 (Théories et méthodes d’analyse de l’action & ingénierie) et SH 12 (Anthropologie cognitive & ingénierie), UTC/SHT, Compiègne caractéristique négative: contester que la cognition repose sur des "représentations d'un monde extérieur prédéterminé qui ont une réalité physique sous forme de code symbolique dans un cerveau ou une machine". L'hypothèse de l'"autopoïèse", qui concerne l'ensemble des systèmes vivants, propose de clarifier ce regroupement En se situant dans la perspective des épistémologies constructivistes (dit aussi de l’autonomie des systèmes vivants), et particulièrement dans l’optiques des théories de l’enaction (VARELA), une réponse adéquate est une réponse émergée de l’interaction d’un agent (sujet/acteur) avec son environnement (ici, MORIN et le groupe social « société »). Il s’agit de la seule réponse valable pour le système biologique complexe considéré puisque c’est la seule qui lui permette de préserver son intégrité. 5 Socialement, MORIN peut être perçu comme un vecteur d’idées : les siennes. Mais pour que ses idées existent, qu’elles circulent et qu’existe MORIN, il faut pouvoir bénéficier d’une capacité plus importante d’expression, d’une « dominance médiatique » (si l’on suit les hypothèses de BOURDIEUX). Cette dominance médiatique émerge des interactions entre acteurs sociaux. Appelons ça le principe de « l’investiture » : MORIN devient la « voix », le véhicules d’idées et de valeurs (de représentations) d’un nombre n de personnes et parce qu’il est la voix d’un nombre n de personnes, les médias, canaux de communication social, lui permettent de s’exprimer dans un environnement élargi (adéquation des outils). Une fois le processus émergé des interactions des acteurs sociaux, il s’auto-entretient : MORIN devient susceptible dés lors d’augmenter le nombre n d’individu qui se reconnaissent dans les idées de MORIN. L’organisation/processus MORIN doit se percevoir comme un état global du système. 4 On peut la ramener à deux idées étroitement liées: considérer que le phénomène central de la cognition est celui de l'autonomie des systèmes vivants; prendre en compte le rôle et la place de l'observateur dans la définition de ce qui peut être connu d'un système vivant. Elle prolonge une partie essentielle du programme piagétien, celle qui est liée aux notions d'assimilation et accommodation Varela F.J. (1989b) Autonomie et connaissance, Seuil, Paris. Cette hypothèse affirme d'abord (première thèse fondamentale) qu'un système vivant est "autopoïétique", c'est-à-dire "organisé comme un réseau de processus de production de composants qui : (a) régénèrent continuellement par leurs transformations et leurs interactions le réseau qui les a produit, et qui (b) constituent le système en tant qu'unité concrète dans l'espace où il existe, en spécifiant le domaine topologique (la structuration de cet espace) où il se réalise comme réseau" Les rapports dynamiques d'un système vivant avec son environnement constituent son couplage structurel : - "Les interactions continues d'un système structurellement plastique au sein d'un environnement source de perturbations récurrentes produiront une sélection continue au sein des structures possibles du système. Cette structure (produit de la sélection) déterminera, d'une part, l'état du système et le domaine de perturbations permises (celles qui ne tuent pas le système), d'autre part elle lui permettra de fonctionner sans se désintégrer au sein de cet environnement. Nous nommons ce processus le couplage structurel" (ibidem, p.64); - "L’ontogenèse est l'histoire du changement structurel dans une unité sans perte de l'organisation dans cette unité. Ce changement structurel continu se produit dans l'unité d'instant en instant, ou comme un changement déclenché par les interactions venant de l'environnement dans lequel elle existe, ou comme un résultat de sa dynamique interne. En ce qui concerne ses interactions continues avec l'environnement, la cellule unité les classe et les considère en accord avec sa structure à chaque instant. Cette structure, à son tour, change continuellement du fait de sa dynamique interne. Le résultat final est que la transformation ontogenique d'une unité cesse seulement avec sa désintégration" (Maturana & Varela, 1987, p.74). Maturana H.R., Varela F. (1987) The tree of Knowledge, Shambala, Boston & London. C'est le couplage structurel qui apparaît d'abord à un observateur du système vivant, constitue pour lui un domaine de phénomènes. l'autopoïèse engendre une unité, le système vivant, qui, à son tour, spécifie les interactions de ce système vivant avec son environnement. Ces interactions sont donc asymétriques : le domaine de perturbations permises du système vivant par son environnement émerge du système vivant. Un système vivant possède des composants; en particulier, s'il est évolué, un système nerveux. C'est là qu'intervient une seconde thèse fondamentale: "le système nerveux est un réseau opérationnellement clos". La notion de clôture opérationnelle caractérise les systèmes autonomes, dont les systèmes autopoïétique ne constituent qu'une partie. Elle est donc plus large que celle d'"autopoïèse". Elle se distingue de celle de "fermeture" qui traduirait l'absence d'interaction avec l'extérieur. On peut la définir ainsi: "Nous dirons d'un système... est opérationnellement clos si son organisation est caractérisée par des processus: (a) dépendant récursivement les uns des autres pour la génération et la réalisation des processus eux-mêmes, et (b) constituant le système comme une unité reconnaissable dans l'espace (le domaine) où les processus existent" (ibidem, p.86). Comme l'autopoïèse, la clôture opérationnelle engendre une unité, qui à son tour spécifie un domaine phénoménal: "Dès qu'une unité est mise en place par sa clôture, elle va spécifier un domaine avec lequel elle peut interagir sans perdre ni sa clôture ni son identité. Vu par l'observateur, un tel domaine est un domaine d'interactions descriptives avec l'environnement; pour l'unité, c'est un "domaine cognitif". Les mécanismes de l'identité, de la génération d'une phénoménologie et d'un domaine cognitif sont des notions connexes, relatives à une organisation spécifiée par sa clôture dans un domaine donné" (ibidem, p. 88). le système ne peut distinguer intrinsèquement les perturbations qui proviennent de l'extérieur des perturbations qui proviennent de l'intérieur, et n'a donc ni entrée ("input") ni sortie ("output"). il ne faut pas oublier qu'une des intentions fondamentales de l'étude de l'autopoïèse et de la clôture opérationnelle est de décrire un système sans entrées ni sorties... et de se concentrer sur sa constitution autonome; ce point de vue est parfaitement étranger à l'idée de feed-back chez Wiener" Au contraire de l'"information", qui est "instructionnelle", "référentielle", "représentationnelle", l'"in-formation" est "construite" (c'est-à-dire n'est pas commandée de l'extérieur), "non-référentielle" ( c'est-à-dire n'est pas dans une relation de correspondance avec un élément prédéfini du monde), "co-dépendante" (c'est-à-dire dépend à la fois de l'environnement et de l'organisation du système) Maturana et Varela distinguent trois ordres de couplage structurel: - un couplage structurel de premier ordre, entre une unité autopoïétique et son environnement; - un couplage structurel de second ordre, entre un organisme ayant un système nerveux et ce système nerveux; - un couplage structurel de troisième ordre (ou couplage "social", "structurel mutuel ontogenique") entre de tels organismes ayant un système nerveux. "Une fois que des organismes avec un système nerveux surgissent, si ces organismes prennent part à des interactions récurrentes, ces couplages (de troisième ordre) surgiront - avec une véritable complexité et stabilité, mais comme résultat naturel de leurs ontogenèses respectives" (Maturana & Varela, 1987, p. 180); Nous appelons linguistique un comportement communicatif ontogenique, c'est-à-dire un comportement qui naît dans un couplage structurel ontogenique entre organismes et qu'un observateur peut décrire en termes sémantiques. Nous appelons domaine linguistique d'un organisme le domaine de tous ses comportements linguistiques. Les domaines linguistiques sont en général variables; ils changent avec les ontogenèses des organismes qui les génèrent. Les êtres humains ne sont pas les seuls animaux qui génèrent des domaines linguistiques dans leur existence sociale. Ce qui leur est particulier est que, dans leur coordination linguistique d'actions, ils donnent naissance à un nouveau domaine phénoménal, le domaine du langage" Avec le langage naît aussi l'observateur comme entité pourvue d'un langage; en opérant dans le langage avec d'autres observateurs, cette entité génère le moi et ses circonstances comme distinctions linguistiques de sa participation à un domaine linguistique. De cette façon, la signification naît comme relations entre distinctions linguistiques. Et la signification devient partie intégrante de notre domaine de conservation et d'adaptation" (ibidem, p.211). Les couplages structurels de premier et de second ordre constituent des domaines de phénomènes, respectivement celui des interactions du système vivant avec son environnement (domaine cognitif) et celui des interactions du système nerveux avec l'ensemble du système vivant (domaine de structure), qui sont spécifiés par des unités, respectivement le système vivant et le système nerveux. Par contre, le couplage structurel de troisième ordre, s'il constitue bien un nouveau domaine de phénomènes (domaine consensuel), n'est pas spécifié, à proprement parler, par une nouvelle unité. Les systèmes vivants qui entrent dans un couplage structurel de troisième ordre ne constituent pas un super-système vivant, "nation", "culture", "race" ou "travailleur collectif". C'est chacun d'entre eux qui devient une nouvelle unité: un "acteur". En ce qui concerne la cognition des acteurs, on devra donc s'intéresser à trois domaines de phénomènes: - le domaine de structure de chaque acteur, le couplage structurel de second ordre de son système nerveux avec l'ensemble du système vivant qui le constitue: (2) ; - le domaine consensuel entre plusieurs acteurs, le couplage structurel de troisième ordre entre ces acteurs: l'articulation de (3) et (3') ; - le domaine cognitif de chaque acteur, couplage structurel de premier ordre de l'acteur avec son environnement tant matériel que social: articulation de (1), (3) et (4) pour l'acteur A; articulation de (1'), (3') et (4') pour l'acteur B. Historique et définition Vive TV, chaîne de télévision communautaire lancée en novembre 2003, peut être perçue comme emblématique de la dynamique transitionnelle dite « de révolution bolivarienne » expérimentée et mise en place au Venezuela depuis 1998. En effet, Vive TV est tout à la fois un produit de cette transition, un processeur qui agit pour cette transition et un processus de cette dynamique particulière. C’est en confrontant les visées téléologiques et la phénoménologie propre à Vive TV que ce présent document mettra en lumière l’importance du renforcement des « capacités instituantes » individuelles (BARREL & CATORIADIS, 1994) dans la création d’un groupe, ici de grande taille. [informations partagées/distribuées – pouvoir] Reste à prouver que les médias influencent les représentations « collective donc individuelle et individuelle donc collective », ce qui sera fait par l’apport des notions de culture et d’identité. au travers de la notion de représentation Un produit, parce que ce n’est pas la révolution bolivarienne n’a ainsi pas créé les médias communautaires, ces derniers lui préexistant. parole à la population construction d’une "nouvelle identité citoyenne", dignité retrouvée des exclus de " l’ancien régime " respect des différences élaboration d’une démocratie participative projet qui visait à "créer une vitrine nationale pour tous les mouvements locaux de communication locale dans le pays." La question des rapports entre médias et société Pour la présidente de la chaîne, Blanca Eekhout, l’objectif est de "créer un espace de communication lié au développement du "processus" et à la construction d’un nouveau pays." Le processus bolivarien n’a pas créé les médias communautaires. le gouvernement vénézuélien décida, en 2000, de rendre légaux des organes de communication locaux qui n’étaient jusque là que tolérés ou clandestins. la nouvelle Constitution, qui date de 1999, établit en effet le "droit à la communication" comme l’un des outils cruciaux de la "démocratie participative"« Tous les citoyens et les citoyennes ont le droit de participer librement dans les affaires publiques, directement ou par l’intermédiaire de leurs représentant(e)s élu(e)s. La participation du peuple dans la formation, l’exécution et le contrôle de la gestion des affaires publiques est un moyen nécessaire pour atteindre le processus qui garantisse un complet développement, tant individuel que collectif. C’est une obligation de L’État et un devoir de la société de faciliter l’émergence des conditions les plus favorables pour sa pratique. » Article 62 de la Constitution de la République Bolivarienne du Venezuela]] qu’elle institutionnalise : "La création culturelle est libre, cette liberté comprend le droit de production, d’investissement et diffusion des œuvres créatrices, scientifiques, techniques et humanistes, et incluant la protection légale des droits d’auteurs, homme et femme, sur leurs œuvres (...)." une intégration basée sur la coopération et non sur la concurrence, qui reposerait sur les bases d’un développement endogène et prendrait en compte les franges de population les plus défavorisées Phénoménologie Sur le premier, une chaîne privée à succès : RCTV, Globovision ou Venevision. On y montre des personnages à la peau blanche, bercés par la ronde des biens de consommation et souffrant les affres de l’amour déçu, trahi ou fécond. Pour l’observateur européen, rien de très exotique Vive TV, une chaîne de télévision communautaire. On y parle de réforme agraire, de programme d’alphabétisation, d’accès aux soins. Les visages y sont ceux de chauffeurs de taxi métisses, de vendeurs indigènes, de jeunes mères à la peau mâte. Ils ressemblent à la très grande majorité des personnes que l’on peut croiser dans la rue, Alors que 70% de la population - la tranche la moins intéressante pour les annonceurs n’existe tout simplement pas sur les médias traditionnels privés "l’expérience de terrain." Là où la logique commerciale pousse les chaînes privées à limiter les tournages "en extérieur", plus coûteux, Vive TV met en avant la formation des équipes et l’enrichissement individuel. A l’antenne, on prend le temps de la lenteur et de la discussion. Ainsi, les musiciens qui passent à l’émission Creadores (créateurs), par exemple, n’ont pas forcément d’album à vendre. Ils viennent jouer leur musique, mais aussi en parler, partager leur expérience. Seulement quarante pour cent des programmes sont produits en interne de façon à soutenir la production nationale indépendante, créer des liens avec les initiatives locales et assurer un pluralisme réel dans les contenus. Puisque "définir ce que nous entendons par communication revient à définir le type de société dans lequel nous souhaitons vivre," [6] permettre à la "communauté" de construire des médias qui lui ressemblent revient à lui permettre de réfléchir à son identité. Ainsi, les personnes qui passent à l’écran et discutent de telles ou telles initiatives gouvernementales, de tel ou tel point de l’actualité, ne sont ni des membres du gouvernement, ni des hommes politiques, ni des "experts." Ce sont des membres de la Communauté. Ils témoignent de la façon dont ils vivent, au jour le jour, les réformes en cours. Ils commentent simplement les faits, loin des programmes politiques et loin des idéologies. Voir l’idée d’absence journalistique comme un dogme de rupture : l’info de la communauté et pas les journaleux qui ne sont que des vecteurs des médiateurs pro Une brève comparaison s’impose. Sur la chaîne privée d’information en continu Globovision (surnommée Globoterror par les vénézuéliens qui ne supportent plus le ton alarmiste sur lequel la chaîne traite l’actualité du pays) il était encore possible, en décembre 2002, de s’exclamer, au sujet des hommes et des femmes noirs ou indigènes que l’on voit à la télévision "des gens si laids, d’où les sortent-ils ? Cela ressemble à un film de Fellini, sans le talent de l’italien (...) on dirait des hommes de cro-magnon (...) des singes (...)." [8] [8] Orlando Urdaneta, sur Globovision, le 19 décembre 2004. De son côté, Vive TV forme elle-même les équipes de tournage qui alimentent ses programmes. Ces personnes sont issues des "barrios" (la communauté) pour lesquels ils travaillent, gage ultime de la proximité de la chaîne avec son public et seul moyen véritable de donner la parole aux victimes du racisme des grands médias privés : les noirs, les indigènes, les métisses, bref, les non-blancs. Le concept de « média communautaire », fait par et pour la communauté, s’ancre dans la réalité des quartiers. Bien sûr, la participation des dominés n’est pas à elle seule un gage de qualité. La ligne éditoriale peut paraître réduite à sa plus simple expression : si un programme ne donne pas dans la diffamation, « il passe ». Alors, beaucoup de choses passent... Un peu faible comme alternative aux médias dominants, ces projections dont on pourrait craindre qu’elles ne s’apparentent à des séances « diapo vacances », avec leurs longueurs et leurs maladresses ? Pas si sûr, car il n’est nullement question d’ériger l’amateurisme en vertu. Par ailleurs, elles répondent au besoin réel d’une population exclue des autres médias : « Les gens, explique l’une des participantes, avaient une soif immense de se reconnaître, de s’autoreprésenter. » [...]