« Le sens du mot socialisme s’est totalement dégradé dans le triomphe
du socialisme totalitaire, puis totalement discrédité dans sa chute. Le
sens du mot socialisme s’est progressivement étiolé dans la social-
démocratie, laquelle est arrivée à bout de souffle partout elle a
gouverné. On peut se demander si l’usage du mot est encore
recommandable. Mais ce qui reste et restera ce sont les aspirations
qui se sont exprimées sous ce terme : aspirations à la fois libertaires et
« fraternitaires », aspirations à l’épanouissement humain et à une
société meilleure. […]
Beaucoup d’idées de Marx sont et resteront fécondes. Mais les
fondements de sa pensée sont désintégrés. Les fondements, donc, de
l’espérance socialiste sont désintégrés. A la place, il n’y a plus rien,
sinon quelques formules litaniques et un pragmatisme au jour le jour.
A une théorie articulée et cohérente a succédé une salade russe
d’idées reçues sur la modernité, l’économie, la société, la gestion. Les
dirigeants s’entourent d’experts, énarques, technocrates, éconocrates.
Ils se fient au savoir parcellaire des experts qui leur semble garanti
(scientifiquement, universitairement). Ils sont devenus aveugles aux
formidables défis de civilisation, à tous les grands problèmes. La
consultation permanente des sondages tient lieu de boussole. Le grand
projet a disparu. […] »
MORIN Edgar. La pensée socialiste en ruine. Le Monde, 1993, 21 avril
La pertinence de cette observation, réalisée et écrite il y a de cela 14 années, laisse
dubitatif. Elle pourrait par ailleurs choquer par sa valeur d’actualité. Comment, en
effet, comprendre les mécanismes qui conduisent à ce qu’un texte d’humeur, rédigé
pour et dans une circonstance particulière, conserve si longtemps après, et en tout
point de son développement, son inscription dans le présent ? Plus qu’un « écho »,
ces sagesses antiques qui entrent en résonance avec un contexte actuel, cet article
semble à ce point représenter une « réponse adéquate » que le journal Témoignage
Chrétien l’a reproduit dans son numéro du 24 Mai 2007 et que de très nombreux
blogs, sites et forums se le sont pour l’occasion appropriés. L’adéquation temporelle
de cet « héritage » et des représentations collectivement partagées dans le champ
politique au niveau du groupe socialiste
1
, tel que semblent l’indiquer les phénomènes
médiatiques de sa réactualisation, est un constat dramatique et incite à reprendre la
réflexion afin d’élaborer
2
un « socialisme du 21ème siècle ».
1
A FINIR Je parle ici tout autant des militants du parti socialiste que des sympathisants et autres « non affiliés ».
Dans une certaine mesure, ce groupe socialiste peut être élargi à l’ensemble de l’électorat de gauche. C’est ainsi
que nous le verrons dans le reste de ce document.
2
A FINIR Il faut comprendre ici « faire émerger ».
1. De l’ « écho » à la prégnance d’une forme historique :
l’affaiblissement des capacités instituantes des acteurs
1.1 L’ « écho », un phénomène naturel
1.1.1 Mémoire collective et cognition distribuée
Avant d’aborder la notion de mémoire collective, il me semble judicieux de
commencer par définir son « pendant », la mémoire individuelle. Tout d’abord, parce
que l’une ne peut se penser sans l’autre, comme nous allons le voir. Ensuite, par
soucis de facilités introductives, puisque la mémoire individuelle a déjà bénéficié
d’une analyse poussée de la part de nombreux chercheurs, en psychologie cognitive
notamment.
Dans une vision généraliste, la mémoire peut se définir comme la trace concrète
conservée d’un apprentissage par un système cognitif. Ainsi, chez l’Homme, cet
apprentissage se matérialise par une structure particulière du réseau de neurones.
Cette structure ne sera cependant jamais la même d’un individu à un autre. La
perception d’un évènement est située, c’est-à-dire également dépendante d’un
contexte particulier : la forme, la couleur, l'odeur de l’objet sont enregistrés mais en
même temps que des éléments relevant de l’émotion ressentie, l’humeur, le bruit
ambiant… Dés lors, il est impossible qu’un stimulus identiquement présenté produise
les mêmes effets chez deux individus différents.
La mémoire individuelle possède deux caractéristiques majeures : (i) elle est
essentiellement associative : on retient mieux lorsqu'on peut relier la nouvelle
information à des connaissances jà acquises. On parlera également de processus
analogique ; (ii) elle ne peut être une collection de données archivées : nos
« souvenirs » sont des reconstructions. C'est la relation entre ces assemblées de
neurones réparties à différents endroits dans le cerveau, correspondant aux
différentes interactions avec l’environnement, qui constitue notre perception de cette
chose. Or, comme le souligne SALLABERRY (2005, 2006) reprenant EDDELMAN
(1992), son souvenir n'est pas différent : nous devons reconstruire à chaque fois ces
relations pour se rappeler cette chose. Pour toutes ces raisons, les travaux sur la
mémoire suggèrent qu’elle subit des altérations/modifications suite aux
reconstructions tributaires du traitement en parallèle de « l'information
3
» dans le
cortex.
La « mémoire », le système mnémonique reconstruit. Et sans mauvais jeux de
mots, re-présente. Non pas au sens classique de la représentation vue comme un
tenant lieu d’un référent predonné, mais bien comme un processus, une activité de
rendre présent. C’est sous cet angle d’observation que certains auteurs parlent de
« mémoire représentative », bien que les représentations soient des objets cognitifs
complexes requièrant d’autres processus mentaux, tels que la perception et le
raisonnement. Donc, si la mémoire ne peut être la représentation, la mémoire est le
processus de réactualisation des représentations. La mémoire manipule des
représentations, ce qui la rend mécaniquement représentative mais les
3
Plus précisément d« in-formation » du latin in formare (produit de l’intérieur), comme le souligne
très bien VARELA, et les épistémologies constructivistes.
représentations garde une dynamique propre (pour plus de détails, voir
SALLABERRY, 1996,1997…). Celles-ci semble avoir pour principaux modes le
langage et l'image mentale visuelle. Or le langage ne peut pas être un mode inné de
représentation, puisqu’il s’acquiert historiquement, à partir de l'enfance, par étapes
de maturation, dacquisition du langage et de développement des structures logiques
(PIAGET, 1987). Considéré le langage comme un « artefact social » issu (émergé)
de l’histoire de l’espèce humaine, permettant dans le même temps notre
mémorisation individuelle, sensibilise à l’importance de l’interaction sociale et de la
co-émergence individuel/collectif chez l’Homme (BARREL&CASTORIADIS 1992,
SALLABERRY 1996, 2006). En guise d’exemple, il est possible de se poser la
question suivante : notre mémoire ne serait-elle pas défaillante, incomplète, sans les
repères chronologiques institués permettant d’évaluer le temps que sont le calendrier
ou le découpage horaire ? Comment rendre possible la référence au passé, alors
même que cet outillage culturel ne suffit pas à lutter contre la dégradation de la
précision d’un souvenir dans le temps (PIET, 2006 reprenant Warrington et Sanders,
1971, Bahrick et Wittlinger, 1975) ? A mon sens, il s’agit d’autant de produits
culturels qui permettent l’émergence de cette mémoire représentative dans sa
phénoménologie, donc de son identité. L’acquisition de la mémoire émerge de la
construction sociale de l’individu.
ATTENTION DOIT FAIRE SUR EPRESENTATION ET MEMOIRE
Initiées par Halbwachs (1925, 1950) et Bartlett (1932), la réflexion et la recherche
concernant la notion de mémoire collective ont bénéficié récemment d'un regain
d'intérêt (Middleton et Edwards, 1997; Penebaker, Paez, et Rimé, 1997; Haas et
Jodelet, 1999). La mémoire collective contribue à façonner l'identité d'un groupe; elle
est donc un enjeu social et politique crucial. De ce fait, elle est susceptible de subir
des distorsions afin de servir les intérêts identitaires du groupe (Baumeister, 1997).
Car la notion de mémoire collective : La question devient alors : comment passe-t-on de la
multiplicité des expériences et des souvenirs, à l’unicité d’une mémoire dite " collective " ?
Comment, non pas à l’inverse mais dans le même mouvement, une mémoire dite collective
parce que portée par des groupes, partis, associations et autres porte-parole autorisés, peut-elle
agir sur les représentations individuelles ?
En d’autres termes, les mémoires collectives se constituent dans le travail d’homogénéisation
des représentations du passé et de réduction de la diversité des souvenirs, s’opérant
éventuellement dans les " faits de communication " entre individus et dans la transmission
(Marc Bloch) ; dans les " relations inter-individuelles " qui constituent la réalité des groupes
sociaux comme ensembles " structurés " (Roger Bastide), au sein de " communautés
affectives " ; ou de " groupes intermédiaires " entre l’individu et la Nation (Maurice
Halbwachs) ; ou encore de groupes définis comme " réalité symbolique " fondée dans
l’histoire (Anselm Strauss, Miroirs et masques).
Un système cognitif est ainsi un système de traitement de l’information. Il peut être incorporé
dans un individu unique ou distribué sur un grand nombre d’individus. On parlera alors de
cognition individuelle ou de cognition distribuée. La cognition sociale est une cognition
distribuée sur l’ensemble des individus d’une société, en interaction au sein d’un réseau
social. La cognition individuelle peut, elle aussi, être considérée comme une cognition
distribuée sur le réseau neuronal. Toutefois, « Nous défendons ici l'idée que la cognition
sociale est un raffinement du concept de cognition distribuée plutôt qu'un équivalent. C'est un
phénomène propre aux sociétés humaines qui permet de penser leur propriété d'auto-
transformation ».
Chavalarias (2006)
Dans les réseaux sociaux, une information touche certains agents puis son contenu est traité
par le réseau social, produisant d'autres informations et d'autres liens sociaux par des
interactions en chaîne. Ce processus de cognition sociale peut alors donner lieu une
transformation du réseau social.
Aussi bien au niveau individuel que collectif, des contraintes fortes s’appliquent aux
processus cognitifs : rien ne peut être fait par des individus en dehors de ce qu'ils savent faire
seuls ou en interaction avec les autres ; rien ne peut être anticipé en dehors de ce qu'ils savent
prédire seuls ou en interaction avec d’autres. La structure des réseaux et la nature des
interactions constituent en elles-mêmes des contraintes sur les processus cognitifs.
La cognition distribuée peut être définie comme un traitement de l'information effectué par un
ensemble d'entités éventuellement hétérogène. Par exemple, Hutchins (1995) défend l'idée
d'un traitement de l'information au sein d'un système hétérogène homme/machine. Lorsque
que le système est homogène, on emploie souvent le terme de cognition collective
1.1.2 Un artefact phylogénétique
1.1.3 Dynamique des systèmes représentationnels
1.2 La prégnance d’une forme historique, ou l’affaiblissement des
capacités instituantes des acteurs
1.2.1 Les conclusion du modèle institutionnel
1.2.2 Perspectives sociales
2 Vers un socialisme du 21èmè siècle : flexions sur
l’exemple Vénézuélien
2.1 Le cas VIVE TV : phénoménologie et téléologie
2.2 Changement de paradigme et renforcement des capacités
instituantes
Que nous puissions en « hériter » (y accéder à travers le temps) est indéniablement
une bonne chose et relève de notre processus de « mémoire collective » ; c’est
même anthropologiquement constitutif (appartenant à notre phylogenèse) si l’on
considère que ce texte est également un artefact technologique. En outre, il est
possible De plus, nous sommes bel et bien dans un cas de cognition distribuée : si
je ne suis pas capable de formuler les idée à la manière de MORIN, je peux leur
trouver une utilité par leur pertinence à décrire ce que je ressens, à donner quelques
contours plus précis à mes représentations. En définitive, les idées de MORIN
existent socialement parce qu’elles sont aussi mes représentations, bien qu’elles
leurs aient donné forme pour partie. MORIN peut donc être vu comme un processus
de diffusion des idées (processus communicationnel), de connaissances, co-
produites. Mais qu’il soit encore une « réponse adéquate »
4
, fait frémir. En outre, si
l’on considère que l’agent Edgar MORIN est un processus, une tendance
communicationnelle d’un nombre donné d’agents de cette même société
5
, il devient
urgent de réfléchir et d’interpréter ce phénomène de stagnation…
« La plus importante faculté de toute cognition vivante est précisément de poser les
questions pertinentes qui surgissent à chaque moment de notre vie. Elles ne sont
pas prédéfinies mais enactées, on les fait émerger sur un arrière-plan et les critères
de pertinence sont dictés par notre sens commun d'une manière toujours
contextuelle »
Varela F.J. (1989b) Autonomie et connaissance, Seuil, Paris.
« un grand nombre de ces recherches sur l'enaction témoignent d'une relecture de la
philosophie et de la psychologie phénoménologiques de Husserl, Heidegger, Schutz,
Sartre, Merleau-Ponty »
THEUREAU J. (1999) Cours des UV SC 23 (Théories et méthodes d’analyse de l’action & ingénierie) et SH 12
(Anthropologie cognitive & ingénierie), UTC/SHT, Compiègne
caractéristique gative: contester que la cognition repose sur des "représentations
d'un monde extérieur prédéterminé qui ont une réalité physique sous forme de code
symbolique dans un cerveau ou une machine". L'hypothèse de l'"autopoïèse", qui
concerne l'ensemble des systèmes vivants, propose de clarifier ce regroupement
4
En se situant dans la perspective des épistémologies constructivistes (dit aussi de l’autonomie des
systèmes vivants), et particulièrement dans l’optiques des théories de l’enaction (VARELA), une
réponse adéquate est une réponse émergée de l’interaction d’un agent (sujet/acteur) avec son
environnement (ici, MORIN et le groupe social « société »). Il s’agit de la seule réponse valable pour
le système biologique complexe considéré puisque c’est la seule qui lui permette de préserver son
intégrité.
5
Socialement, MORIN peut être perçu comme un vecteur d’idées : les siennes. Mais pour que ses
idées existent, qu’elles circulent et qu’existe MORIN, il faut pouvoir bénéficier d’une capacité plus
importante d’expression, d’une « dominance médiatique » (si l’on suit les hypothèses de
BOURDIEUX). Cette dominance médiatique émerge des interactions entre acteurs sociaux. Appelons
ça le principe de « l’investiture » : MORIN devient la « voix », le véhicules d’idées et de valeurs (de
représentations) d’un nombre n de personnes et parce qu’il est la voix d’un nombre n de personnes,
les médias, canaux de communication social, lui permettent de s’exprimer dans un environnement
élargi (adéquation des outils). Une fois le processus émergé des interactions des acteurs sociaux, il
s’auto-entretient : MORIN devient susceptible dés lors d’augmenter le nombre n d’individu qui se
reconnaissent dans les idées de MORIN. L’organisation/processus MORIN doit se percevoir comme
un état global du système.
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