Historique et définition

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« Le sens du mot socialisme s’est totalement dégradé dans le triomphe
du socialisme totalitaire, puis totalement discrédité dans sa chute. Le
sens du mot socialisme s’est progressivement étiolé dans la socialdémocratie, laquelle est arrivée à bout de souffle partout où elle a
gouverné. On peut se demander si l’usage du mot est encore
recommandable. Mais ce qui reste et restera ce sont les aspirations
qui se sont exprimées sous ce terme : aspirations à la fois libertaires et
« fraternitaires », aspirations à l’épanouissement humain et à une
société meilleure. […]
Beaucoup d’idées de Marx sont et resteront fécondes. Mais les
fondements de sa pensée sont désintégrés. Les fondements, donc, de
l’espérance socialiste sont désintégrés. A la place, il n’y a plus rien,
sinon quelques formules litaniques et un pragmatisme au jour le jour.
A une théorie articulée et cohérente a succédé une salade russe
d’idées reçues sur la modernité, l’économie, la société, la gestion. Les
dirigeants s’entourent d’experts, énarques, technocrates, éconocrates.
Ils se fient au savoir parcellaire des experts qui leur semble garanti
(scientifiquement, universitairement). Ils sont devenus aveugles aux
formidables défis de civilisation, à tous les grands problèmes. La
consultation permanente des sondages tient lieu de boussole. Le grand
projet a disparu. […] »
MORIN Edgar. La pensée socialiste en ruine. Le Monde, 1993, 21 avril
La pertinence de cette observation, réalisée et écrite il y a de cela 14 années, laisse
dubitatif. Elle pourrait par ailleurs choquer par sa valeur d’actualité. Comment, en
effet, comprendre les mécanismes qui conduisent à ce qu’un texte d’humeur, rédigé
pour et dans une circonstance particulière, conserve si longtemps après, et en tout
point de son développement, son inscription dans le présent ? Plus qu’un « écho »,
ces sagesses antiques qui entrent en résonance avec un contexte actuel, cet article
semble à ce point représenter une « réponse adéquate » que le journal Témoignage
Chrétien l’a reproduit dans son numéro du 24 Mai 2007 et que de très nombreux
blogs, sites et forums se le sont pour l’occasion appropriés. L’adéquation temporelle
de cet « héritage » et des représentations collectivement partagées dans le champ
politique au niveau du groupe socialiste1, tel que semblent l’indiquer les phénomènes
médiatiques de sa réactualisation, est un constat dramatique et incite à reprendre la
réflexion afin d’élaborer2 un « socialisme du 21ème siècle ».
1
A FINIR Je parle ici tout autant des militants du parti socialiste que des sympathisants et autres « non affiliés ».
Dans une certaine mesure, ce groupe socialiste peut être élargi à l’ensemble de l’électorat de gauche. C’est ainsi
que nous le verrons dans le reste de ce document.
2
A FINIR Il faut comprendre ici « faire émerger ».
1. De l’ « écho » à la prégnance d’une forme historique :
l’affaiblissement des capacités instituantes des acteurs
1.1 L’ « écho », un phénomène naturel
1.1.1 Mémoire collective et cognition distribuée
Avant d’aborder la notion de mémoire collective, il me semble judicieux de
commencer par définir son « pendant », la mémoire individuelle. Tout d’abord, parce
que l’une ne peut se penser sans l’autre, comme nous allons le voir. Ensuite, par
soucis de facilités introductives, puisque la mémoire individuelle a déjà bénéficié
d’une analyse poussée de la part de nombreux chercheurs, en psychologie cognitive
notamment.
Dans une vision généraliste, la mémoire peut se définir comme la trace concrète
conservée d’un apprentissage par un système cognitif. Ainsi, chez l’Homme, cet
apprentissage se matérialise par une structure particulière du réseau de neurones.
Cette structure ne sera cependant jamais la même d’un individu à un autre. La
perception d’un évènement est située, c’est-à-dire également dépendante d’un
contexte particulier : la forme, la couleur, l'odeur de l’objet sont enregistrés mais en
même temps que des éléments relevant de l’émotion ressentie, l’humeur, le bruit
ambiant… Dés lors, il est impossible qu’un stimulus identiquement présenté produise
les mêmes effets chez deux individus différents.
La mémoire individuelle possède deux caractéristiques majeures : (i) elle est
essentiellement associative : on retient mieux lorsqu'on peut relier la nouvelle
information à des connaissances déjà acquises. On parlera également de processus
analogique ; (ii) elle ne peut être une collection de données archivées : nos
« souvenirs » sont des reconstructions. C'est la relation entre ces assemblées de
neurones réparties à différents endroits dans le cerveau, correspondant aux
différentes interactions avec l’environnement, qui constitue notre perception de cette
chose. Or, comme le souligne SALLABERRY (2005, 2006) reprenant EDDELMAN
(1992), son souvenir n'est pas différent : nous devons reconstruire à chaque fois ces
relations pour se rappeler cette chose. Pour toutes ces raisons, les travaux sur la
mémoire suggèrent qu’elle subit des altérations/modifications suite aux
reconstructions tributaires du traitement en parallèle de « l'information3 » dans le
cortex.
La « mémoire », le système mnémonique reconstruit. Et sans mauvais jeux de
mots, re-présente. Non pas au sens classique de la représentation vue comme un
tenant lieu d’un référent predonné, mais bien comme un processus, une activité de
rendre présent. C’est sous cet angle d’observation que certains auteurs parlent de
« mémoire représentative », bien que les représentations soient des objets cognitifs
complexes requièrant d’autres processus mentaux, tels que la perception et le
raisonnement. Donc, si la mémoire ne peut être la représentation, la mémoire est le
processus de réactualisation des représentations. La mémoire manipule des
représentations, ce qui la rend mécaniquement représentative mais les
Plus précisément d’ « in-formation » du latin in formare (produit de l’intérieur), comme le souligne
très bien VARELA, et les épistémologies constructivistes.
3
représentations garde une dynamique propre (pour plus de détails, voir
SALLABERRY, 1996,1997…). Celles-ci semble avoir pour principaux modes le
langage et l'image mentale visuelle. Or le langage ne peut pas être un mode inné de
représentation, puisqu’il s’acquiert historiquement, à partir de l'enfance, par étapes
de maturation, d’acquisition du langage et de développement des structures logiques
(PIAGET, 1987). Considéré le langage comme un « artefact social » issu (émergé)
de l’histoire de l’espèce humaine, permettant dans le même temps notre
mémorisation individuelle, sensibilise à l’importance de l’interaction sociale et de la
co-émergence individuel/collectif chez l’Homme (BARREL&CASTORIADIS 1992,
SALLABERRY 1996, 2006). En guise d’exemple, il est possible de se poser la
question suivante : notre mémoire ne serait-elle pas défaillante, incomplète, sans les
repères chronologiques institués permettant d’évaluer le temps que sont le calendrier
ou le découpage horaire ? Comment rendre possible la référence au passé, alors
même que cet outillage culturel ne suffit pas à lutter contre la dégradation de la
précision d’un souvenir dans le temps (PIET, 2006 reprenant Warrington et Sanders,
1971, Bahrick et Wittlinger, 1975) ? A mon sens, il s’agit d’autant de produits
culturels qui permettent l’émergence de cette mémoire représentative dans sa
phénoménologie, donc de son identité. L’acquisition de la mémoire émerge de la
construction sociale de l’individu.
ATTENTION DOIT FAIRE SUR EPRESENTATION ET MEMOIRE
Initiées par Halbwachs (1925, 1950) et Bartlett (1932), la réflexion et la recherche
concernant la notion de mémoire collective ont bénéficié récemment d'un regain
d'intérêt (Middleton et Edwards, 1997; Penebaker, Paez, et Rimé, 1997; Haas et
Jodelet, 1999). La mémoire collective contribue à façonner l'identité d'un groupe; elle
est donc un enjeu social et politique crucial. De ce fait, elle est susceptible de subir
des distorsions afin de servir les intérêts identitaires du groupe (Baumeister, 1997).
Car la notion de mémoire collective : La question devient alors : comment passe-t-on de la
multiplicité des expériences et des souvenirs, à l’unicité d’une mémoire dite " collective " ?
Comment, non pas à l’inverse mais dans le même mouvement, une mémoire dite collective
parce que portée par des groupes, partis, associations et autres porte-parole autorisés, peut-elle
agir sur les représentations individuelles ?
En d’autres termes, les mémoires collectives se constituent dans le travail d’homogénéisation
des représentations du passé et de réduction de la diversité des souvenirs, s’opérant
éventuellement dans les " faits de communication " entre individus et dans la transmission
(Marc Bloch) ; dans les " relations inter-individuelles " qui constituent la réalité des groupes
sociaux comme ensembles " structurés " (Roger Bastide), au sein de " communautés
affectives " ; ou de " groupes intermédiaires " entre l’individu et la Nation (Maurice
Halbwachs) ; ou encore de groupes définis comme " réalité symbolique " fondée dans
l’histoire (Anselm Strauss, Miroirs et masques).
Un système cognitif est ainsi un système de traitement de l’information. Il peut être incorporé
dans un individu unique ou distribué sur un grand nombre d’individus. On parlera alors de
cognition individuelle ou de cognition distribuée. La cognition sociale est une cognition
distribuée sur l’ensemble des individus d’une société, en interaction au sein d’un réseau
social. La cognition individuelle peut, elle aussi, être considérée comme une cognition
distribuée sur le réseau neuronal. Toutefois, « Nous défendons ici l'idée que la cognition
sociale est un raffinement du concept de cognition distribuée plutôt qu'un équivalent. C'est un
phénomène propre aux sociétés humaines qui permet de penser leur propriété d'autotransformation ».
Chavalarias (2006)
Dans les réseaux sociaux, une information touche certains agents puis son contenu est traité
par le réseau social, produisant d'autres informations et d'autres liens sociaux par des
interactions en chaîne. Ce processus de cognition sociale peut alors donner lieu une
transformation du réseau social.
Aussi bien au niveau individuel que collectif, des contraintes fortes s’appliquent aux
processus cognitifs : rien ne peut être fait par des individus en dehors de ce qu'ils savent faire
seuls ou en interaction avec les autres ; rien ne peut être anticipé en dehors de ce qu'ils savent
prédire seuls ou en interaction avec d’autres. La structure des réseaux et la nature des
interactions constituent en elles-mêmes des contraintes sur les processus cognitifs.
La cognition distribuée peut être définie comme un traitement de l'information effectué par un
ensemble d'entités éventuellement hétérogène. Par exemple, Hutchins (1995) défend l'idée
d'un traitement de l'information au sein d'un système hétérogène homme/machine. Lorsque
que le système est homogène, on emploie souvent le terme de cognition collective
1.1.2 Un artefact phylogénétique
1.1.3 Dynamique des systèmes représentationnels
1.2 La prégnance d’une forme historique, ou l’affaiblissement des
capacités instituantes des acteurs
1.2.1 Les conclusion du modèle institutionnel
1.2.2 Perspectives sociales
2 Vers un socialisme du 21èmè siècle : réflexions sur
l’exemple Vénézuélien
2.1 Le cas VIVE TV : phénoménologie et téléologie
2.2 Changement de paradigme et renforcement des capacités
instituantes
Que nous puissions en « hériter » (y accéder à travers le temps) est indéniablement
une bonne chose et relève de notre processus de « mémoire collective » ; c’est
même anthropologiquement constitutif (appartenant à notre phylogenèse) si l’on
considère que ce texte est également un artefact technologique. En outre, il est
possible De plus, nous sommes bel et bien dans un cas de cognition distribuée : si
je ne suis pas capable de formuler les idée à la manière de MORIN, je peux leur
trouver une utilité par leur pertinence à décrire ce que je ressens, à donner quelques
contours plus précis à mes représentations. En définitive, les idées de MORIN
existent socialement parce qu’elles sont aussi mes représentations, bien qu’elles
leurs aient donné forme pour partie. MORIN peut donc être vu comme un processus
de diffusion des idées (processus communicationnel), de connaissances, coproduites. Mais qu’il soit encore une « réponse adéquate »4, fait frémir. En outre, si
l’on considère que l’agent Edgar MORIN est un processus, une tendance
communicationnelle d’un nombre donné d’agents de cette même société5, il devient
urgent de réfléchir et d’interpréter ce phénomène de stagnation…
« La plus importante faculté de toute cognition vivante est précisément de poser les
questions pertinentes qui surgissent à chaque moment de notre vie. Elles ne sont
pas prédéfinies mais enactées, on les fait émerger sur un arrière-plan et les critères
de pertinence sont dictés par notre sens commun d'une manière toujours
contextuelle »
Varela F.J. (1989b) Autonomie et connaissance, Seuil, Paris.
« un grand nombre de ces recherches sur l'enaction témoignent d'une relecture de la
philosophie et de la psychologie phénoménologiques de Husserl, Heidegger, Schutz,
Sartre, Merleau-Ponty »
THEUREAU J. (1999) Cours des UV SC 23 (Théories et méthodes d’analyse de l’action & ingénierie) et SH 12
(Anthropologie cognitive & ingénierie), UTC/SHT, Compiègne
caractéristique négative: contester que la cognition repose sur des "représentations
d'un monde extérieur prédéterminé qui ont une réalité physique sous forme de code
symbolique dans un cerveau ou une machine". L'hypothèse de l'"autopoïèse", qui
concerne l'ensemble des systèmes vivants, propose de clarifier ce regroupement
En se situant dans la perspective des épistémologies constructivistes (dit aussi de l’autonomie des
systèmes vivants), et particulièrement dans l’optiques des théories de l’enaction (VARELA), une
réponse adéquate est une réponse émergée de l’interaction d’un agent (sujet/acteur) avec son
environnement (ici, MORIN et le groupe social « société »). Il s’agit de la seule réponse valable pour
le système biologique complexe considéré puisque c’est la seule qui lui permette de préserver son
intégrité.
5 Socialement, MORIN peut être perçu comme un vecteur d’idées : les siennes. Mais pour que ses
idées existent, qu’elles circulent et qu’existe MORIN, il faut pouvoir bénéficier d’une capacité plus
importante d’expression, d’une « dominance médiatique » (si l’on suit les hypothèses de
BOURDIEUX). Cette dominance médiatique émerge des interactions entre acteurs sociaux. Appelons
ça le principe de « l’investiture » : MORIN devient la « voix », le véhicules d’idées et de valeurs (de
représentations) d’un nombre n de personnes et parce qu’il est la voix d’un nombre n de personnes,
les médias, canaux de communication social, lui permettent de s’exprimer dans un environnement
élargi (adéquation des outils). Une fois le processus émergé des interactions des acteurs sociaux, il
s’auto-entretient : MORIN devient susceptible dés lors d’augmenter le nombre n d’individu qui se
reconnaissent dans les idées de MORIN. L’organisation/processus MORIN doit se percevoir comme
un état global du système.
4
On peut la ramener à deux idées étroitement liées: considérer que le phénomène
central de la cognition est celui de l'autonomie des systèmes vivants; prendre en
compte le rôle et la place de l'observateur dans la définition de ce qui peut être
connu d'un système vivant. Elle prolonge une partie essentielle du programme
piagétien, celle qui est liée aux notions d'assimilation et accommodation
Varela F.J. (1989b) Autonomie et connaissance, Seuil, Paris.
Cette hypothèse affirme d'abord (première thèse fondamentale) qu'un système vivant
est "autopoïétique", c'est-à-dire "organisé comme un réseau de processus de
production de composants qui : (a) régénèrent continuellement par leurs
transformations et leurs interactions le réseau qui les a produit, et qui (b) constituent
le système en tant qu'unité concrète dans l'espace où il existe, en spécifiant le
domaine topologique (la structuration de cet espace) où il se réalise comme réseau"
Les rapports dynamiques d'un système vivant avec son environnement constituent
son couplage structurel :
- "Les interactions continues d'un système structurellement plastique au sein d'un
environnement source de perturbations récurrentes produiront une sélection continue
au sein des structures possibles du système. Cette structure (produit de la sélection)
déterminera, d'une part, l'état du système et le domaine de perturbations permises
(celles qui ne tuent pas le système), d'autre part elle lui permettra de fonctionner
sans se désintégrer au sein de cet environnement. Nous nommons ce processus le
couplage structurel" (ibidem, p.64);
- "L’ontogenèse est l'histoire du changement structurel dans une unité sans perte de
l'organisation dans cette unité. Ce changement structurel continu se produit dans
l'unité d'instant en instant, ou comme un changement déclenché par les interactions
venant de l'environnement dans lequel elle existe, ou comme un résultat de sa
dynamique interne. En ce qui concerne ses interactions continues avec
l'environnement, la cellule unité les classe et les considère en accord avec sa
structure à chaque instant. Cette structure, à son tour, change continuellement du fait
de sa dynamique interne. Le résultat final est que la transformation ontogenique
d'une unité cesse seulement avec sa désintégration" (Maturana & Varela, 1987,
p.74).
Maturana H.R., Varela F. (1987) The tree of Knowledge, Shambala, Boston & London.
C'est le couplage structurel qui apparaît d'abord à un observateur du système vivant,
constitue pour lui un domaine de phénomènes.
l'autopoïèse engendre une unité, le système vivant, qui, à son tour, spécifie les
interactions de ce système vivant avec son environnement. Ces interactions sont
donc asymétriques : le domaine de perturbations permises du système vivant par
son environnement émerge du système vivant.
Un système vivant possède des composants; en particulier, s'il est évolué, un
système nerveux. C'est là qu'intervient une seconde thèse fondamentale: "le
système nerveux est un réseau opérationnellement clos". La notion de clôture
opérationnelle caractérise les systèmes autonomes, dont les systèmes autopoïétique
ne constituent qu'une partie. Elle est donc plus large que celle d'"autopoïèse". Elle se
distingue de celle de "fermeture" qui traduirait l'absence d'interaction avec l'extérieur.
On peut la définir ainsi: "Nous dirons d'un système... est opérationnellement clos si
son organisation est caractérisée par des processus: (a) dépendant récursivement
les uns des autres pour la génération et la réalisation des processus eux-mêmes, et
(b) constituant le système comme une unité reconnaissable dans l'espace (le
domaine) où les processus existent" (ibidem, p.86).
Comme l'autopoïèse, la clôture opérationnelle engendre une unité, qui à son tour
spécifie un domaine phénoménal: "Dès qu'une unité est mise en place par sa clôture,
elle va spécifier un domaine avec lequel elle peut interagir sans perdre ni sa clôture
ni son identité. Vu par l'observateur, un tel domaine est un domaine d'interactions
descriptives avec l'environnement; pour l'unité, c'est un "domaine cognitif". Les
mécanismes de l'identité, de la génération d'une phénoménologie et d'un domaine
cognitif sont des notions connexes, relatives à une organisation spécifiée par sa
clôture dans un domaine donné" (ibidem, p. 88).
le système ne peut distinguer intrinsèquement les perturbations qui proviennent de l'extérieur des
perturbations qui proviennent de l'intérieur, et n'a donc ni entrée ("input") ni sortie ("output").
il ne faut pas oublier qu'une des intentions fondamentales de l'étude de l'autopoïèse et de la clôture
opérationnelle est de décrire un système sans entrées ni sorties... et de se concentrer sur sa
constitution autonome; ce point de vue est parfaitement étranger à l'idée de feed-back chez Wiener"
Au contraire de l'"information", qui est "instructionnelle", "référentielle",
"représentationnelle", l'"in-formation" est "construite" (c'est-à-dire n'est pas commandée de
l'extérieur), "non-référentielle" ( c'est-à-dire n'est pas dans une relation de correspondance
avec un élément prédéfini du monde), "co-dépendante" (c'est-à-dire dépend à la fois de
l'environnement et de l'organisation du système)
Maturana et Varela distinguent trois ordres de couplage structurel:
- un couplage structurel de premier ordre, entre une unité autopoïétique et son
environnement;
- un couplage structurel de second ordre, entre un organisme ayant un système
nerveux et ce système nerveux;
- un couplage structurel de troisième ordre (ou couplage "social", "structurel mutuel
ontogenique") entre de tels organismes ayant un système nerveux.
"Une fois que des organismes avec un système nerveux surgissent, si ces
organismes prennent part à des interactions récurrentes, ces couplages (de
troisième ordre) surgiront - avec une véritable complexité et stabilité, mais comme
résultat naturel de leurs ontogenèses respectives" (Maturana & Varela, 1987, p.
180);
Nous appelons linguistique un comportement communicatif ontogenique, c'est-à-dire un
comportement qui naît dans un couplage structurel ontogenique entre organismes et qu'un
observateur peut décrire en termes sémantiques. Nous appelons domaine linguistique d'un
organisme le domaine de tous ses comportements linguistiques. Les domaines linguistiques
sont en général variables; ils changent avec les ontogenèses des organismes qui les génèrent.
Les êtres humains ne sont pas les seuls animaux qui génèrent des domaines linguistiques dans
leur existence sociale. Ce qui leur est particulier est que, dans leur coordination linguistique
d'actions, ils donnent naissance à un nouveau domaine phénoménal, le domaine du langage"
Avec le langage naît aussi l'observateur comme entité pourvue d'un langage; en
opérant dans le langage avec d'autres observateurs, cette entité génère le moi et ses
circonstances comme distinctions linguistiques de sa participation à un domaine
linguistique. De cette façon, la signification naît comme relations entre distinctions
linguistiques. Et la signification devient partie intégrante de notre domaine de
conservation et d'adaptation" (ibidem, p.211).
Les couplages structurels de premier et de second ordre constituent des domaines
de phénomènes, respectivement celui des interactions du système vivant avec son
environnement (domaine cognitif) et celui des interactions du système nerveux avec
l'ensemble du système vivant (domaine de structure), qui sont spécifiés par des
unités, respectivement le système vivant et le système nerveux. Par contre, le
couplage structurel de troisième ordre, s'il constitue bien un nouveau domaine de
phénomènes (domaine consensuel), n'est pas spécifié, à proprement parler, par une
nouvelle unité. Les systèmes vivants qui entrent dans un couplage structurel de
troisième ordre ne constituent pas un super-système vivant, "nation", "culture", "race"
ou "travailleur collectif". C'est chacun d'entre eux qui devient une nouvelle unité: un
"acteur".
En ce qui concerne la cognition des acteurs, on devra donc s'intéresser à trois domaines de
phénomènes:
- le domaine de structure de chaque acteur, le couplage structurel de second ordre de son
système nerveux avec l'ensemble du système vivant qui le constitue: (2) ;
- le domaine consensuel entre plusieurs acteurs, le couplage structurel de troisième ordre
entre ces acteurs: l'articulation de (3) et (3') ;
- le domaine cognitif de chaque acteur, couplage structurel de premier ordre de l'acteur avec
son environnement tant matériel que social: articulation de (1), (3) et (4) pour l'acteur A;
articulation de (1'), (3') et (4') pour l'acteur B.
Historique et définition
Vive TV, chaîne de télévision communautaire lancée en novembre 2003, peut être perçue
comme emblématique de la dynamique transitionnelle dite « de révolution bolivarienne »
expérimentée et mise en place au Venezuela depuis 1998. En effet, Vive TV est tout à la fois
un produit de cette transition, un processeur qui agit pour cette transition et un processus de
cette dynamique particulière. C’est en confrontant les visées téléologiques et la
phénoménologie propre à Vive TV que ce présent document mettra en lumière l’importance du
renforcement des « capacités instituantes » individuelles (BARREL & CATORIADIS, 1994)
dans la création d’un groupe, ici de grande taille. [informations partagées/distribuées –
pouvoir] Reste à prouver que les médias influencent les représentations « collective donc
individuelle et individuelle donc collective », ce qui sera fait par l’apport des notions de
culture et d’identité.
au travers de la notion de représentation
Un produit, parce que ce n’est pas la révolution bolivarienne n’a ainsi pas créé les médias
communautaires, ces derniers lui préexistant.
parole à la population
construction d’une "nouvelle identité citoyenne",
dignité retrouvée des exclus de " l’ancien régime "
respect des différences
élaboration d’une démocratie participative
projet qui visait à "créer une vitrine nationale pour tous les mouvements locaux de
communication locale dans le pays."
La question des rapports entre médias et société
Pour la présidente de la chaîne, Blanca Eekhout, l’objectif est de "créer un espace de
communication lié au développement du "processus" et à la construction d’un nouveau pays."
Le processus bolivarien n’a pas créé les médias communautaires.
le gouvernement vénézuélien décida, en 2000, de rendre légaux des organes de
communication locaux qui n’étaient jusque là que tolérés ou clandestins.
la nouvelle Constitution, qui date de 1999, établit en effet le "droit à la communication"
comme l’un des outils cruciaux de la "démocratie participative"« Tous les citoyens et les
citoyennes ont le droit de participer librement dans les affaires publiques, directement ou par
l’intermédiaire de leurs représentant(e)s élu(e)s. La participation du peuple dans la formation,
l’exécution et le contrôle de la gestion des affaires publiques est un moyen nécessaire pour
atteindre le processus qui garantisse un complet développement, tant individuel que collectif.
C’est une obligation de L’État et un devoir de la société de faciliter l’émergence des
conditions les plus favorables pour sa pratique. » Article 62 de la Constitution de la
République Bolivarienne du Venezuela]] qu’elle institutionnalise : "La création culturelle est
libre, cette liberté comprend le droit de production, d’investissement et diffusion des œuvres
créatrices, scientifiques, techniques et humanistes, et incluant la protection légale des droits
d’auteurs, homme et femme, sur leurs œuvres (...)."
une intégration basée sur la coopération et non sur la concurrence, qui reposerait sur les bases
d’un développement endogène et prendrait en compte les franges de population les plus
défavorisées
Phénoménologie
Sur le premier, une chaîne privée à succès : RCTV, Globovision ou Venevision. On y montre
des personnages à la peau blanche, bercés par la ronde des biens de consommation et
souffrant les affres de l’amour déçu, trahi ou fécond. Pour l’observateur européen, rien de très
exotique
Vive TV, une chaîne de télévision communautaire. On y parle de réforme agraire, de
programme d’alphabétisation, d’accès aux soins. Les visages y sont ceux de chauffeurs de
taxi métisses, de vendeurs indigènes, de jeunes mères à la peau mâte. Ils ressemblent à la très
grande majorité des personnes que l’on peut croiser dans la rue,
Alors que 70% de la population - la tranche la moins intéressante pour les annonceurs n’existe tout simplement pas sur les médias traditionnels privés
"l’expérience de terrain." Là où la logique commerciale pousse les chaînes privées à limiter
les tournages "en extérieur", plus coûteux, Vive TV met en avant la formation des équipes et
l’enrichissement individuel. A l’antenne, on prend le temps de la lenteur et de la discussion.
Ainsi, les musiciens qui passent à l’émission Creadores (créateurs), par exemple, n’ont pas
forcément d’album à vendre. Ils viennent jouer leur musique, mais aussi en parler, partager
leur expérience.
Seulement quarante pour cent des programmes sont produits en interne de façon à soutenir la
production nationale indépendante, créer des liens avec les initiatives locales et assurer un
pluralisme réel dans les contenus.
Puisque "définir ce que nous entendons par communication revient à définir le type de société
dans lequel nous souhaitons vivre," [6] permettre à la "communauté" de construire des médias
qui lui ressemblent revient à lui permettre de réfléchir à son identité.
Ainsi, les personnes qui passent à l’écran et discutent de telles ou telles initiatives
gouvernementales, de tel ou tel point de l’actualité, ne sont ni des membres du gouvernement,
ni des hommes politiques, ni des "experts." Ce sont des membres de la Communauté. Ils
témoignent de la façon dont ils vivent, au jour le jour, les réformes en cours. Ils commentent
simplement les faits, loin des programmes politiques et loin des idéologies.
Voir l’idée d’absence journalistique comme un dogme de rupture : l’info de la communauté et
pas les journaleux qui ne sont que des vecteurs des médiateurs pro
Une brève comparaison s’impose. Sur la chaîne privée d’information en continu Globovision
(surnommée Globoterror par les vénézuéliens qui ne supportent plus le ton alarmiste sur
lequel la chaîne traite l’actualité du pays) il était encore possible, en décembre 2002, de
s’exclamer, au sujet des hommes et des femmes noirs ou indigènes que l’on voit à la
télévision "des gens si laids, d’où les sortent-ils ? Cela ressemble à un film de Fellini, sans le
talent de l’italien (...) on dirait des hommes de cro-magnon (...) des singes (...)." [8]
[8] Orlando Urdaneta, sur Globovision, le 19 décembre 2004.
De son côté, Vive TV forme elle-même les équipes de tournage qui alimentent ses
programmes. Ces personnes sont issues des "barrios" (la communauté) pour lesquels ils
travaillent, gage ultime de la proximité de la chaîne avec son public et seul moyen véritable de
donner la parole aux victimes du racisme des grands médias privés : les noirs, les indigènes,
les métisses, bref, les non-blancs.
Le concept de « média communautaire », fait par et pour la communauté, s’ancre dans la
réalité des quartiers. Bien sûr, la participation des dominés n’est pas à elle seule un gage de
qualité. La ligne éditoriale peut paraître réduite à sa plus simple expression : si un programme
ne donne pas dans la diffamation, « il passe ». Alors, beaucoup de choses passent... Un peu
faible comme alternative aux médias dominants, ces projections dont on pourrait craindre
qu’elles ne s’apparentent à des séances « diapo vacances », avec leurs longueurs et leurs
maladresses ? Pas si sûr, car il n’est nullement question d’ériger l’amateurisme en vertu. Par
ailleurs, elles répondent au besoin réel d’une population exclue des autres médias : « Les
gens, explique l’une des participantes, avaient une soif immense de se reconnaître, de
s’autoreprésenter. » [...]
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