Continuity and change in theories of organizational action

March, James Continuity and change in theories of
organisationnal action. Administrative Science
Quaterly, 1996
Traduit et présenté par Serge Desrochers
Préambule
Au meilleur de mon jugement, j’ai tenté de traduire ce texte et d’en extraire les éléments
qui m’ont semblé les plus importants. Deux tâches très périlleuses qui, je l’espère n’ont
pas trahies les propos de l’auteur.
Tout comme son titre l’évoque, ce texte présente une série de dipôles en équilibre
Continuity ----------- Change
Exploitation ----------- Exploration
Discipline ----------- Libre pensée
qui, selon les théories de l’adaptation, sont pré requis à un apprentissage efficace.
Il propose au lecteur une fable de son cru inspirée de ses 40 années de recherche dans
le monde des organisations pour illustrer son propos dont la morale est selon lui,
superficielle, simpliste et même romantique. Sa syntaxe est suréminente: il qualifie
l’écriture de l’histoire comme un sophisme de survivants, la survie comme un
phénomène temporaire et l’Histoire elle-même à un concept éphémère... À ce stade, on
se demande à quoi l’auteur veut en venir et si le ton qu’il prend est tout simplement
condescendant ou empreint de pédagogie…
Le contexte des années 1956-1996
Les fondations intellectuelles de l’étude systématique des organisations s’étend de la
période entre les guerres et prends son essor principalement dans les années 50,
période dans laquelle prend naissance le prestigieux Administrative Science Quaterly.
Son ton laisse toujours le lecteur perplexe: il taxe cette évolution comme le passage
d’un enthousiasme innocent aux angoisses reliées aux espérances optimistes
d’obtention de bourses d’études... Appelons ça une autocritique associée à un certain
sens de l’humour...
La progression de sa propre recherche semble intimement liée à la croissance de
l’ASQ... Donc pas surprenant qu’il puisse aisément y publier ses recherches… Dans un
ouvrage qu’il a publié au début des années 60 intitulée Handbook of Organisations, il
présente dans l’introduction trois observations générales sur l’étude des organisations:
Elle est tributaire de recherches antérieures sur l’ensemble des sciences sociales
sans vraiment de liens définis et structuraux.
Qualifiant l’étude des organisations comme une semi-discipline, malgré de grands
efforts de ses chercheurs pour se différencier, ce domaine dépends viscéralement
d’autres sciences bien établies pour ces concepts et sa reconnaissance.
Son évolution s’est étendue parallèlement à celle des techniques de gestion. De
plus son enseignement s’est intégré à celle des techniques de gestion.
Il poursuit en affirmant qu’il n’existe pas vraiment de liens clairs entre recherche et
techniques. Plusieurs techniques organisationnelles n’ont pas d’assises théoriques et
réciproquement, plusieurs recherches ont peu d’impact sur les techniques relatives aux
organisations. De plus, il affirme que la situation actuelle est encore celle qui prévaut
depuis les 40 dernières années. Toutefois, il n’en va pas de même avec l’évolution des
théories organisationnelles qui a été influencée par la croissance vertigineuse de
plusieurs entreprises contemporaines.
L’avènement de nouveaux chercheurs, de documentation et de recherches ont créé un
univers intellectuel où foisonnent programmes académiques, conférences et
publications qui ont ostensiblement changé la vision des processus organisationnels.
Parmi les plus importants changements, l’auteur note que depuis les années 60, les
composantes sociologiques, économiques et politiques des perspectives
institutionnelles des organisations ont été profondément ré-élaborées. On accorde
maintenant plus d’importance aux liens entre hiérarchies organisationnelles et marchés
ou encore entre ces hiérarchies et les rôles des réseaux intervenant dans les
comportements organisationnels humains.
Les études sur l’évolution des organisations (organizationnal change) sont maintenant
étendues à l’étude portant sur l’évolution des populations, les formes et des règles
organisationnelles ou encore sur les dynamiques des écologies de l’apprentissage
mutuel.
Tout ce questionnement a amené des considérations portant sur la culture
organisationnelle, l'ethnicité, les modes d'échange d'informations et les protocoles de
négociations de contrats pour n’en citer que quelques uns. Ainsi, les 40 dernières
années représentent une époque où un nombre sans cesse croissant de chercheurs et
praticiens sont venus enrichir le domaine des sciences sociales et comportementales.
Expansion, diversification et réintégration.
Cette période d’évolution a entraîné la balkanisation des sciences des organisations. Le
texte s’attarde principalement aux 5 sous-domaines suivants :l’économie des
organisations, la base institutionnelle des organisations, la théorie d’interprétation
critique des organisations, l’analyse les liens entre les cycles intra et interorga-
nisationnels et l’étude des processus d’adaptation en termes d’évolution et
d’apprentissage des écosystèmes organisationnels.
Cette diversification a été circonscrite par deux traditions développées et maintenues
depuis les débuts : une ouverture interdisciplinaire qui a permis des collaborations entre
les chercheurs des sous-domaines et l’existence d’une ligne directrice interdépendante
à tous ces sous-domaines qui a permis la continuité de la recherche. Plusieurs
exemples sont cités dans le texte et en particulier, l’auteur utilise ce préambule pour
introduire les théories de l’action.
Les théories de l’action
L’action transitive autodéterminée (autonomous consequential choice…)
Son propos débute sur la théorie des choix transitifs autodéterminés. Sommairement,
disons que cette théorie s’articule sur le postulat que l’action découle de choix et que
ces choix découlent de conjectures sur des éventualités. Des éléments de cette théorie
ont fait partie du discours intellectuel occidental au 17e et 18e siècle à l’apogée de la
pensée rationaliste et utilitairienne.
Des recherches au début du 20e siècle se sont aussi appuyées sur cette pensée de
deux façons. Premièrement, elles se sont liées à une perspective probabiliste de la
structure utilitairienne pour créer une théorie statistique de la décision. Deuxièmement,
ces recherches ont permis l’élaboration d’axiomes servant de référence à des fonctions
utilitaires cardinales issues de sous-ensembles de choix consistents. Tous ces
développements ont servi de tremplin à la pensée conséquentaliste. À ce chapitre, nous
aurons tous besoin des lumières de M. Crespo !!!
Quand à la seconde moitié du 20e siècle, comme mentionné précédemment, les
théories de la décision et des organisations se sont progressivement révisées pour tenir
compte des nouvelles observations découlant des dernières recherches dans les
domaines des sciences sociales. La suite du texte décrit sommairement ces influences
qui ont servi à façonner la version contemporaine de la théorie de l’action transitive
autodéterminée.
L’action conditionnée autodéterminée (Autonomous rule-based Action)
Le concept des choix transitifs autodéterminés a développé parallèlement un autre
ensemble d’idées partageant l’hypothèse qu’un acteur individuel ou collectif constitue
un système autonome. Le processus d’un choix est une logique d’appropriation plutôt
qu’une logique de conséquences. Ainsi, l’action est perçue comme le résultat d’une
correspondance entre un ensemble de règles et de situations. Quant à l’acteur, il est
perçu comme un ensemble d’identités qui dictent l’action appropriée compte tenu de
situations particulières.
La prise de décision conditionnée autodéterminée prends ses assises des théories de
l’action, des domaines sociologiques, des domaines économiques et de la
jurisprudence. L’importance de tels concepts a été démontrée par plusieurs recherches
portant sur la prise de décision organisationnelle quant à la diversité des procédures
opérationnelles, aux règles d’éthiques, aux normes sociales et aux règles de l’action
organisationnelle. Ainsi, l’action, par exemple, dans l’adoption d’une nouvelle
technologie ou d’une forme organisationnelle, était présentée non pas pour ses
conséquences sur la productivité mais plutôt pour satisfaire un besoin d’identité
ou de légitimité.
Conséquemment, les théories de choix se confondaient en théories de reconnaissance
sociale, de socialisation, d’institutionnalisation. Des liens plus étroits se tissaient avec
d’autres théories comme celles associées à des processus cognitifs et/ou d’intelligence
artificielle.
La mécanique de création du conditionnement (rule) est le résultat d’un processus
combinant l’apprentissage suite à l’expérience d’expansion et de survie de
l’organisation elle-même ou à l’expérience d’autres organisations. L’auteur ajoute que
ces conditionnements peuvent changer dans le temps mais la séquence de ces
changements n’est pas assurée de mener inexorablement vers un équilibre optimal.
En ce sens, l’apprentissage sert à très court terme et l’histoire est inefficiente. L’érosion
de la confiance dans l’efficience de l’histoire est devenue problématique dans les
aspects de la théorie des organisations portant sur la statique comparative des
conditionnements et des institutions en particulier dans la théorie de la contingence ou
dans l'analyse des coûts de transactions. Houps… Des lumières, s.v.p…
Écologies de l’Action
La première reconnaissance significative du contexte écologique de l’action se retrouve
dans les recherches portant sur l’action rationnelle stratégique dans le cadre des
théories classiques de la compétition. Ces choix rationnels sont enchâssés dans un
environnement dans lequel chaque acteur anticipe la rationalité des autres et que ces
derniers se comporteront d’une façon similaire. L’analyse des jeux devenant un art
passablement développé, elle apporta de nouvelles perceptions sur l’importance des
réunions répétitives, des réputations, sur la confiance entre acteurs rationnels, les
difficultés de communication, de contrôle et de coopération face aux conflits d’intérêts.
Les préférences (choix conséquentiels) et les identités (choix conditionnés) sont tout
aussi des dimensions importantes dans la perspective écologique de l’action
organisationnelle.
Composante majeure dans le comportement humain tout aussi dans l’écologie des
organisations, l’imitation occupe une place importante dans les recherches
sociologiques et politiques des institutions tout autant que dans l’étude des pratiques
organisationnelles. Toutes les principales composantes du processus de la décision-
informations, alternatives, attentes, désires, identités, conditionnements de situations-
se propagent dans les populations des organisations et conditionnent les dynamiques
de changement. Les aspirations, la prise de décision, la propension à prendre des
risques sont tributaires non-seulement des performances passées d’un acteur mais
aussi de celle des autres acteurs en particulier pour ceux dont la réputation est
reconnue.
Action, ambiguïté et interprétation
L’idée que les bases de l’action sont des perceptions de la réalité est une doctrine
largement acceptée aujourd’hui malgré que plusieurs controverses subsistent au sujet
de la nature de ces mêmes perceptions et l’existence d’une réalité absolue. Les
recherches relèvent l’existence d’un contrôle subjectif des acteurs sur les facteurs
normatifs et perceptuels guidant leur action.
Certaines priorisent une structure de préférences génériques d’autres estiment que les
attentes approximent la réalité objective ou encore qu’elles suggèrent que les croyances
et les perceptions imposent plus ou moins la réalité. Ces conceptions stimulent un
intérêt commun dans l’amélioration des habiletés des acteurs quant à leur perception
de la prise de décision idéale et à l’identification des biais systématiques dans les
jugements et les décisions collectifs. Toutefois, l’ambiguïté étant une caractéristique
fondamentale de la vie, peut paradoxalement être dépeinte comme possédant des
avantages de survie pour une organisation.
Une doctrine largement reçue est celle concevant que les prémisses de l’action sont
construites socialement. Préférences, attentes, identités et conditionnements de
situations surgissent des interactions entre éléments de systèmes sociaux comportant
des normes sociales et conventions culturelles du discours. Dans ces perspectives, les
explications sur l’action acquièrent une légitimité par l’évocation de compréhensions
partagées dans le discours. Ces compréhensions partagées sont le résultat d’échanges
sociaux médiatisés par une panoplie d’éléments sociaux : structure sociale, mythes,
langage et distribution des ressources.
L’action et les processus de décision sont perçus comme des symboles de légitimité
quoi qu’il advienne des conséquences. Ces processus se distinguent du discours. Les
organisations peuvent discourir sur des domaines dans lesquels leur agir est restreint et
réciproquement, elles agissent dans des domaines dans lesquels elles ne peuvent
parler. Aspect vital de la prise de décision, son sens symbolique n’est pas
nécessairement lié à son implémentation.
Morale… Mineure…
Il aurait probablement été plus simple de considérer les théories organisationnelles
établies dès 1956 et les préciser ou encore tout abandonner et réinventer de nouvelles
visions. Toutefois, les chercheurs en action organisationnelle ont évité de se faire piéger
d’une façon ou d’une autre. Le domaine a été relativement ouvert aux récents
développements dans d’autres domaines tels l’analyse des réseaux, la sociologie
institutionnelle, les sciences politiques, l’analyse interprétive ainsi que les théories
d’évolution et d’apprentissage.
Le résultat n’est ni unique ou mystérieux mais possiblement instructif… La première
composante de l’histoire intellectuelle est le changement. La deuxième est l’existence
d’une continuité. L’Histoire est éphémère… Les historiens doivent lier leurs nouvelles
interprétations à celles du passé. Ces liens peuvent être contestés mais il rappellent
que nous sommes à la recherche d’une chaîne de cohérence qui a débuté bien avant
nous.
La réalisation d’un équilibre effectif de continuité et de changement est rendu possible
par des structures intellectuelles et sociales qui entretiennent une tension entre
exploitation et exploration. C’est la chance de la recherche sur les organisations qui, par
son ouverture, a suscité des recherches dans plusieurs autres domaines tout en
maintenant sa propre semi-discipline.
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