L’étude symbolique de l’archétype de l’hermaphrodite nous permet de trouver des liens
avec un individu né de relation incestueuse, par nature donc un être créé de matière
spontanée, symboliquement à partir de son propre corps, de son propre sang.
En explication, nous lisons Genèse 1.27, au sixième jour : « Dieu créa l’homme à son
image, il le créa à l’image de Dieu, il créa l’homme et la femme. Dieu les bénit et Dieu leur
dit : soyez féconds, multipliez et remplissez la terre. »
Et, au septième jour seulement, le lendemain donc… « l’éternel Dieu forma une femme
de la côte qu’il avait prise de l’homme, et il l’amena vers l’homme. »
Ce passage pourrait également sous-tendre la naissance de Lilith mais nous ne
retiendrons ici que l’émanation d’un hermaphrodite primordial, fils du soleil et de la
lune dans la tradition Hermétique, Adam haRichon ou Adam haKadmon selon la
Kabbale.
Cet homme primordial donc, fait à l’image de dieu est un androgyne, bivalent et
autosuffisant comme l’indique ce « multipliez et remplissez la terre » ; un hermaphrodite
fertile dont le philosophe théologien Amaury de Bennes* professe au treizième siècle
« qu’à la fin du monde, les deux sexes seront réunis dans » cette « même personne, que
cette réunion avait commencé en Jésus Christ ; et que si l’homme était demeuré dans l’état
où Dieu l’avait produit, il n’y aurait eu nulle distinction des sexes »
.
Mais sans distinction de dieu, nulle humanité donc : l’homme céleste se devait d’être
séparé de dieu(x) afin de prendre connaissance de lui-même. Par cette hypothèse, la
source du péché originel serait cette dissociation sexuée d’un être hermaphrodite,
symboliquement parfait, en deux parties distinctes, mâle et femelle, et le bannissement
du jardin d’Eden ne serait qu’une conséquence de cette cause première : la distinction.
Il me semble que l’on peut considérer l’acte d’inceste dans le cadre divin (lorsque celui-
ci se solde par une reproduction en tout cas), comme se rapprochant symboliquement de
cet être hermaphrodite capable, par sa prédisposition reproductive autosuffisante, de
s’offrir une descendance à partir de la matière même qui le forme, sans l’apport d’un
corps autre comme fertiliseur ou réceptacle du nouveau né.
A l’image de l’ouroboros, dont Alain Gheerbrantd souligne qu’il renferme l’idée
d’autofécondation et d’union des principes opposés (soit le ciel et la terre, le bien et le
.Amaury de Chartres ou Amaury de Bène (en latin, Amalricus de Bene, mort en 1209)
est un philosophe et théologien français du XIIe siècle.
Il professa une sorte de panthéisme mystique, dit du Libre-Esprit, qu’il avait puisé dans
les écrits de Jean Scot Erigène, qui le fit condamner en 1204 par le pape Innocent III et,
en 1215, par le IVe concile du Latran.
Il enseigne la théologie et la philosophie à l’université de Paris. Il eut un grand nombre
de disciples, parmi lesquels on remarque David de Dinan. On nomme ceux-ci les
Amauriciens : un grand nombre d'entre eux furent jugés au cours d'un concile réuni à
Paris en 1210, et brûlés en dehors de Paris, au-delà de la porte des Champeaux, après
avoir été livrés à la justice royale alors qu’Amaury semble avoir préféré renier ses
propres propos afin d’éviter ce bucher.