Word - Collectif Inceste

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L’inceste ça fait des dégâts de partout…
Mais encore plus en France
le 13 septembre 2012 17H35 | par
the-autist
« L’inceste paternel ça fait pas tellement de dégats, ça rend juste les filles un peu débiles,
mais l’inceste maternel, ça fait de la psychose. »
Cette affirmation est de Jacqueline Schaeffer, psychanalyste, dans le film « Le mur ;
la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme »
À la sortie de ce documentaire, des personnes victimes d’inceste ont envoyé à la réalisatrice
Sophie Robert des témoignages décrivant leur prise en charge par des professionnels
d’orientation psychanalytique.
Prenant conscience de l’emprise de la psychanalyse sur toutes sortes de
pathologies/traumatismes j’ai voulu sortir du champ de l’autisme.
Marie-Hélène Delteil est fondatrice de l’association « Collectif Inceste », qui organise des
groupes de parole non thérapeutiques pour les victimes à Bordeaux et Toulouse. Elle accueille
et conseille bénévolement des victimes d’inceste et de pédophilie depuis quatre ans.
Son collectif soutient Sophie Robert, pour la diffusion de son film « Le mur ;
la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme ».
Marie-Hélène Delteil
Quelle est la prise en charge des victimes d’inceste (et de pédophilie ?) actuellement en
France ? Vers quels professionnels sont orientées les victimes ?
- Il existe très peu de centres spécialisés dans la prise en charge des victimes d’inceste et de
pédophilie en France. Il existe un réseau constitué d’associations locales d’aides aux victimes
(INAVEM) mais ces associations sont généralistes. Quand on demande à ces associations si
elles connaissent un psy spécialiste de l’inceste, la question étonne parfois. Elle étonne ceux
qui ignorent encore que les conséquences de l’inceste ou de la pédophilie nécessitent une
prise en charge adaptée et multi-disciplinaire. Quelques rares spécialistes existent toutefois.
La plupart sont localisés en région parisienne.
- Il faut savoir que la très grande majorité des victimes d’inceste ou de pédophilie n’est pas
orientée à proprement parler. En effet, beaucoup ne parlent de leur(s) viol(s) ou de leur(s)
agression(s) que des années après, et ces victimes ne vont pas par conséquence dans un centre
d’urgence ni même dans une association. Faute de campagnes d’informations, ces personnes
ignorent les conséquences « normales » d’un inceste (ou d’un acte pédophile). L’inceste est
une bombe à retardement dans la tête des victimes et elles sont souvent complètement livrées
à elles-mêmes lorsque cette bombe explose des années après. Non correctement traitées à
temps, les conséquences peuvent être terribles, et avoir un impact tant sur leur santé, leur
sexualité, leur couple, que sur leurs relations sociales et leur devenir professionnel.
En conséquences, c’est souvent dans un sentiment « d’urgence » qu’elles entament la
démarche de trouver par elles-mêmes un psy. Et même une fois dans le cabinet d’un
thérapeute, il leur est parfois impossible d’aborder le sujet !
Quelle est la formation de ces professionnels ? comment prennent ils l’acte de l’inceste ?
comment essaient-ils d’aider les victimes ?
Vous trouvez :
* des psychologues (formation initiale : fac de psychologie),
* des psychiatres (formation initiale : fac de médecine),
* autres profils : « coachs », « thérapeutes », « psychanalystes ».
Un psychologue, un psychiatre et tout individu peut apposer le terme de psychanalyste à côté
du nom de sa profession s’il a suivi lui-même une psychanalyse.
À propos de psychanalyse, la France est l’un des derniers pays où la psychanalyse,
notamment la théorie de la sexualité de Freud, largement controversée même de son vivant,
occupe encore étrangement une place prépondérante dans l’enseignement théorique des
psychologues, et même des psychiatres. Contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays
(Canada, Belgique, Etats-Unis, etc…) où l’on s’est posé il est vrai la question du traitement et
de l’accompagnement des victimes de violences sexuelles il y a plus de vingt ans déjà.
C’est incompréhensible quand on sait le peu d’efficacité de la psychanalyse dans
l’amélioration de l’état psychique des victimes d’inceste ou de pédophilie (d’autres formes de
soins ont fait leur preuve : thérapies comportementales, EMDR, etc..). Je ne nie pas les
bienfaits d’une analyse pour d’autres problématiques, pour peu que l’analyste n’en soit pas
resté à Freud ou Lacan… Mais de là à prétendre que la psychanalyse peut « soigner » des
victimes d’inceste ou de pédophilie… Non… Elle peut s’envisager après une thérapie
adaptée, peut-être, mais n’est pas indispensable. Les erreurs de Freud sont connues,
maintenant, et dans le milieu psychanalytique aussi, notamment sur le complexe d’Œdipe.
Rappelons que Freud avait émis une première hypothèse : l’adulte désire l’enfant (au vu de la
proportion élevée de victimes d’inceste ou de pédophilie qu’il recevait dans son cabinet).
Mais il s’est vite rétracté face au scandale que cela aurait pu susciter à l’époque et aux
violentes critiques de ses pairs et a préféré retourner la formule : ce ne sera donc plus l’adulte
qui désire l’enfant mais l’enfant qui désire l’adulte ! La révolution psychanalytique n’a pas eu
lieu. Oui, la psychanalyse a évolué, mais entre les discussions de salon (ou les colloques) et le
terrain, il y a un fossé (au-delà du périphérique parisien, j’entends). La majorité des victimes
retrouve face à elle un professionnel (psychothérapeute, mais aussi éducateur, assistant social,
etc…) qui semble ignorer les travaux et écrits hors Freud ou Lacan. Et je ne m’étendrai pas
non plus sur certains concepts qui affirment en quelque sorte le droit à la perversion au nom
de la liberté et la culpabilisation systématique du parent protecteur (celui-celle qui n’a pas
agressé l’enfant).
S’il veut traiter un patient de manière autre que par une « analyse », le professionnel doit être
curieux, motivé et entreprendre de lui-même une démarche personnelle de formation.
La preuve que très peu de professionnels ont reçu une formation adaptée au soins des victimes
d’inceste ou de pédophilie, c’est qu’ils sont très peu nombreux aujourd’hui à diagnostiquer un
syndrôme de stress-post traumatique, par exemple, dont souffrent une grande partie des
victimes, et peuvent confondre des hallucinations provoquées par ce syndrôme avec la
manifestation clinique d’une psychose. Il faut savoir qu’en France il n’y a pas ou peu de
politique gouvernementale de formation de spécialistes sur ce syndrôme.
Parfois une dépression s’est déjà installée, conséquence fréquente qui peut apparaître 10 ans
après des abus sexuels chez un enfant, et le praticien va solutionner le problème du patient en
se contentant de lui prescrire des anti-dépresseurs, ou imputer son « mal-être » à une vague
crise d’adolescence (lorsqu’il a en face de lui un adolescent « mal dans sa peau »), quand ce
n’est pas chez la mère qu’il va chercher le problème. Et bien sûr les dépressions vont se
reproduire d’années en années sans pour cela que le médecin ou le psychologue ne fasse le
lien avec l’agression, surtout si celle-ci est ancienne.
Les victimes sont elles globalement contentes de leur prise en charge ?
Les victimes que j’ai rencontrées ont des vécus différents bien sûr vis-à-vis des thérapeutes.
D’abord, il y a celles qui ont rencontré des praticiens mais « qui n’y croient plus »,
découragées par le manque de résultats. Il y a celles qui suivient une analyse depuis 15 ans,
qui pratiquent parfaitement l’introspection et ont examiné longuement leur inconscient et leur
propre fonctionnement, mais dont l’état de santé ne s’améliore pas (phobies, paniques,
addictions, dépressions, problème de confiance en soi, dissociations, sentiment d’irréalité,
sentiments suicidaires, problèmes alimentaires, problèmes d’hygiène, et j’en passe). Celles
qui ont rencontré un thérapeute avec qui cela se passe bien mais qui arrêtent parfois faute de
moyens. Enfin, il y a ceux ou celles à qui il ne faut plus parler de psys. Certains témoignent de
mots très destructeurs entendus lors de consultations, mots prononcés par les thérapeutes euxmêmes. Exemple : « C’était une initiation sexuelle, quoi » (cas d’un homme violé
sexuellement à 5 ans par un cousin plus âgé), ou alors « Mais vous avez ressenti du plaisir ou
pas ? » ou alors « Le problème n’est pas là. Le problème est en vous. » Etc… Donc, pour
conclure, globalement, elles sentent que ce n’est pas suffisant ce qui leur est proposé. Et je
pense qu’elles ont raison. Je ne suis pas la seule à le penser. Des professionnels de santé euxmême le pensent.
Si non, quelles seraient les actions à faire pour les améliorer ?
Les actions à entreprendre d’urgence seraient :
* de créer des centres de soins spécialisés et gratuits pour les victimes d’inceste et de
pédophilie
* de former les médecins, les psychologues, les psychiatres, et les autres professionnels
concernés à accueillir, prendre en charge et traiter correctement ces victimes
Liens annexes
Manuel pratique à l’intention des professionnels de la santé
Les limites de la psychanalyse face à l’inceste
Témoignages de personnes sur leurs parcours de soin
Pétition pour que les victimes obtiennent le droit à être entendues, secourues, informées, à
recevoir des soins appropriés et ne plus subir de maltraitance dans le cadre de la prise en
charge.
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