La régulation des émotions chez les états-limites

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Les Etats Limites: Revue et Mise au point
Bernadette Grosjean MD.12
1- Introduction
2- Définition du concept clinique TPL
3- L’évolution d’un concept: du patient intraitable à la régulation des émotions
4- Etiologies et développement
5- La régulation des émotions chez les TLP : du côté des neurosciences
6- Modalités de traitement
7- Perspectives et conclusions
8- Bibliographie
1- Introduction.
Si la pathologie limite et ses corrélats d’émotions pauvrement régulées ne connaissent pas
de frontières, le portrait que l’on en dresse est souvent déterminé par un vocabulaire
propre à l’école de pensée qui s’y intéresse. Débordé par la polysémie des termes et les
pluralités des définitions, le risque est pour le rédacteur/soignant de s’enfermer dans un
langage unique, réductionniste et autoritaire. Ce chapitre se veut une approche à la fois
globale et éclectique des Troubles de la Personnalité Limite (TPL) 3. En essayant
d’intégrer les données de la clinique traditionnelle avec les découvertes récentes des
neurosciences et de la biologie moléculaire, nous voulons offrir au lecteur une base de
recherche et de réflexion originale. Une sorte d’argile aux formes relativement définies
mais dont la glaise n’est jamais tout à fait sèche.
Le TPL est une pathologie complexe et répandue. Pour les patients qui en souffrent
comme pour leur entourage, il est évident que les émotions, la capacité, ou l’incapacité,
de les identifier et de les « réguler » sont au cœur de cette problématique douloureuse
(Putnam and Silk 2005). Une détresse généralisée et persistante combinée à une
inaptitude à maintenir des émotions positives, peuvent être vécues par le patient, et par
son soignant, comme une forme de prison sans autre échappatoire qu’un passage à l’acte
plus ou moins destructeur. Ce phénomène est d’autant plus singulier que dans un certain
nombre de circonstances, le même individu peut être à même d’utiliser ses mécanismes
de régulation des émotions de manière appropriée. Il est de plus en plus évident que cette
symptomatologie aux expressions multiples, est le résultat d’une combinaison de facteurs
génétiques et environnementaux, ces derniers plus spécialement liés aux événements et
circonstances de la petite enfance.
Plus peut-être que d’autres troubles rencontrés dans la pratique psychiatrique, les patients
« borderline » bousculent nos savoirs plus ou moins figés, questionnent nos moyens
1
Assistant Professeur Département de Psychiatrie Harbor UCLA (USA). [email protected]
Remerciements, A mes parents et ma psychanalyste qui m’ont appris, chacun a leur manière, la patience
nécessaire aux aventures humaines. A Otto Kernberg qui m’a ouvert les portes de l’Amérique. A Frank
Yeomans pour son attentive relecture.
3
Dans ce chapitre nous utiliserons indifféremment les termes « borderline », « borderline personality
disorder » ou BPD ou TPL pour évoquer le Trouble de la Personnalité Limite.
2
1
d’entendement de la détresse humaine et forcent les remises en questions de nos
approches thérapeutiques. Mais les savoirs médicaux et psychiatriques ne sont pas
nécessairement amateurs de ce genre de challenge. Comme des vieux maitres un peu
rigides, ils n’aiment pas trop les changements, les imprévus et les émotions fortes.
C’est ainsi que les patients TPL ont payé le prix fort pour leurs mises à l’épreuve de nos
théories et pratiques psychiatriques. Ils furent largués des divans comme de la
pharmacothérapie, errant pendant longtemps à la recherche d’une identité dans les limbes
d’une absence de définition. Incapable de leur offrir une prise en charge efficace tout
autant que de reconnaitre sa propre impuissance à les soulager, la psychiatrie et ses
acolytes envoyaient aux patients les messages de ce qu’ils n’étaient de vrais
malades mais des êtres « difficiles, résistants et manipulateurs ». Par le biais de ces
invalidations réitérées, la boucle de la répétition du traumatisme était bouclée avec la
complicité plus ou moins inconsciente des mécanismes d’identifications projectives.
Si j’insiste sur cet aspect social et historique de l’évolution du concept « état-limite »,
c’est parce qu’une des raisons pour de tels « acting out » de la communauté des soignants
est bien sûr notre réponse plus ou moins inadaptée aux émotions intenses vécues au
contact de ces patients. La régulation des émotions nous concerne tous et toutes, et la
pathologie limite en est à coup sur un des révélateurs les plus puissants, contraignant
soigné comme soignant à un intense effort d’observation, de re-contextualisation, de
mise en parole avec, ou non, des mises en acte. C’est un travail lent et difficile de
reconnexion et de construction ou reconstruction avec soi-même et le monde qui nous
entoure. Comme nous allons le voir, ces processus complexes et singuliers sont soustendus par les forces combinées de la plasticité de nos cerveaux et de la puissance, quasi
magique, de la relation interhumaine. Après une revue des principaux aspects de la
pathologie, nous envisageons l’évolution presque centenaire du concept borderline et de
place qu’y occupe la symptomatique émotionnelle et les troubles de la régulation des
émotions en particulier. Nous verrons ensuite comment les récentes avancées des
sciences neurocognitives peuvent nous aider à comprendre non seulement ce qui peut
favoriser l’apparition de cette symptomatologie, mais nous donner des indices du
pourquoi de l’efficacité de la psychothérapie. La conclusion tentera d’articuler cet
ensemble avec une fenêtre ouverte sur le futur.
2- Définition du concept clinique TPL
Selon des études récentes, la prévalence des troubles borderline chez l’adulte varie de
0.7% en Norvège à 2 à 6 % aux USA (Lenzenweger, Lane et al. 2007; Grant, Chou et al.
2008). Les troubles borderline sont principalement diagnostiqués chez les femmes (près
de 75%), quoique les études portant sur la population générale ne présentent pas de
différence de prévalence majeure entre les deux sexes (Johnson, Shea et al. 2003). Les
premiers symptômes apparaissent généralement au début de l’adolescence et il semble
que la prévalence des troubles de la personnalité en général diminue significativement
entre l’adolescence et l’âge adulte. La pathologie borderline présente une comorbidité
importante avec d’autres problèmes psychiatriques en particulier les troubles de
l’humeur, les addictions, les pathologies post-traumatiques, les troubles anxieux et les
désordres alimentaires (Zanarini, Frankenburg et al. 2004; Zanarini 2005)
2
La psychiatrie internationale contemporaine utilisant la classification du manuel
Diagnostique et Statistique des troubles Mentaux (DSM), nous ne pouvons faire ici
l’économie de cette perspective De nombreux critères utilisés par le DSM-IV-TR
(American Psychiatric Association. and American Psychiatric Association. Task Force on
DSM-IV. 2000) reflètent des problèmes au niveau du fonctionnement émotionnel. Par
exemple l’instabilité affective, les épisodes de colères intenses et les sentiments
chroniques de vide sont l’expression de difficultés émotionnelles et de problèmes
identitaires. De plus, d’autres critères, comme le phénomène d’automutilation, sont le
plus souvent l’expression d’une réponse comportementale –inadaptée– à un problème
émotionnel (Klonsky 2007). Enfin, parmi les critères DSM, il semblerait que celui d’
“instabilité affective » et «de trouble de l’identité » soient les plus utiles et spécifiques
quand il s’agit de différencier les patients borderline des non-borderline (Clifton &
Pilkonis, 2007). De nombreux spécialistes s’accordent à reconnaitre que les critères du
DSM, essentiellement descriptifs, ne sont pas toujours à même de représenter avec la
précision de rigueur les différents problèmes à un niveau inter et intra-personnels.
(Shedler, Beck et al. 2010). Notre approche en termes de tableau clinique relèvera donc
plus de la description phénoménologique.
Les critères diagnostiques du TPL peuvent être classés en quatre catégories (Niedtfeld,
Schulze et al. 2010),(Zanarini and Frankenburg 2007)
1- Les problèmes affectifs. Ceux-ci sont caractérisés par un affect dysphorique,
renvoyant à des états de tensions plus ou moins déplaisants y compris des sentiments
diffus de rage, de peur, de tristesse, de culpabilité et de vacuité. Les changements
d’humeurs soudains et fréquents relèvent également de cette catégorie.
2- Des problèmes au niveau cognitif, le plus souvent non psychotiques, transparaissent
comme des perceptions exagérées d’être « mauvais », des expériences de dissociations,
de dépersonnalisation et de pseudo hallucinations (c'est-à-dire que le patient en reconnait
la nature délirante) (Zanarini, Gunderson et al. 1990). Cependant des épisodes
psychotiques peuvent être présents, typiquement de manière transitoire, et circonscrits par
nature. Ils sont le plus souvent en relation avec des expériences traumatiques antérieures
et surgissent dans un contexte hautement émotionnel. Des troubles de la mémoire et du
fonctionnement exécutif et de perception des émotions chez l’autre, notamment au niveau
des expressions faciales, ont aussi été clairement démontrés (Koenigsberg, Siever et al.
2009) . Dans cette même catégorie, on pourrait ajouter les difficultés identitaires avec des
représentations de soi et des autres précaires et contradictoires. Finalement Bateman et
Fonagy ont mis en évidence un déficit de la « théorie de l’esprit. » (Choi-Kain and
Gunderson 2008).
3- Des problèmes au niveau des comportements et de l’impulsivité sont reflétés dans les
différents modes de passage à l’acte suicidaire et para-suicidaire, mais aussi dans les
problèmes d’addiction, les troubles alimentaires, les conduites dangereuses, etc. Des
conduites agressives à l’égard d’autrui sont également possibles. Les TLP sont les
troubles de la personnalité les plus fréquents dans le milieu carcéral (Coid, Moran et al.
2009)
4- En conséquence logique des caractéristiques ci-dessus, les patients présentent des
difficultés au niveau des relations interpersonnelles (en général d’autant plus
importantes que la relation devient intime), dominées par des peurs d’abandon, et des
3
changements rapides et imprévisibles entre l’idéalisation et le désir de rapprochement
d’une part, et les conflits et ruptures brutales de l’autre.
Les patients TPL ont une mortalité élevée (environ 10%) similaire à celle des patients
maniaco-dépressifs et cinquante fois plus que celle de la population générale (Paris
2002). D’une manière générale, l’évolution clinique des Troubles Limites est lente. Il est
à noter cependant que la plupart des patients vont connaitre une rémission, à tout le moins
des symptômes aigus. Une majorité (88%) de patients diagnostiqués BPD, ne remplissent
plus les critères DSM du diagnostic après 10 ans avec ou sans traitement à long terme et
moins de 20% rechutent (Zanarini, Frankenburg et al. 2010). Les raisons de cette
évolution ne sont pas bien élucidées. Les processus thérapeutiques plus ou moins
spécifiques, tout comme les processus de réparation et de reconstruction offerts par la vie
adulte pourraient faciliter les processus de réadaptation. Le niveau général de
réhabilitation psycho-social varie. Une minorité de patients va développer une carrière
professionnelle satisfaisante et des relations intimes épanouies. Une autre minorité restera
très symptomatique. Dans une majorité de cas, l’impulsivité comme l’instabilité
émotionnelle vont s’atténuer, et le patient pourra fonctionner à un niveau
raisonnablement correct même si la plupart des individus conservent une vulnérabilité
particulière au stress.
3- L’évolution d’un concept: du patient intraitable à la régulation des émotions4
En 1934 Helene Deutsch décrit un type de perturbation émotionnelle où la relation entre
le monde extérieur et le moi apparaît appauvrie ou absente. Elle définit les personnalités
«as if» (comme si), élaborées plus tard par Donald Winnicott dans sa description de
«faux-self» (Winnicott 1965). En 1938, Adolph Stern fût le premier à utiliser le terme
«borderline» pour décrire des patients développant une psychose de transfert lors de la
cure psychanalytique et utilisant le clivage comme mécanisme de défense. En 1947,
Melitta Schmideberg proposa qu’une des problématiques majeures de ces patients
« borderline » fût un trouble de la régulation des émotions. Il fallut cependant attendre 20
ans pour que les symptômes de labilité émotionnelle soient considérés comme un aspect
essentiel de la présentation clinique des TPL. En 1967, Otto Kernberg, un psychiatre et
psychanalyste curieux des limites de l’analysable, va contribuer d’une manière majeure à
la définition du concept et être le premier à offrir une approche thérapeutique structurée
avec une adaptation du cadre analytique classique. Pour Kernberg, les principales
caractéristiques psychopathologiques du trouble borderline sont la carence d’organisation
du moi (avec ce que l’auteur appelle un « syndrome d’identité diffuse »), le recours à des
mécanismes de défense peu structurés, primitifs (clivage, identification projective,
idéalisation-dévalorisation, déni) et la une perception relativement stable de l’épreuve de
réalité sujette à distorsion en cas de stress important (Kernberg 1975). Sur cette base
théorique, Kernberg et son équipe vont développer la première psychothérapie
manualisée spécifiquement conçue pour le traitement des états limites : la Psychothérapie
Focalisée sur le Transfert (Tranference Focused Psychotherapy ou TFP).
Pendant que Kernberg affine et teste son modèle théorique et thérapeutique, en France,
Bergeret apporte une première étude5 clinique détaillée des états-limites (Bergeret 1974),
4
Les textes cités dans cette revue historique peuvent être retrouvés dans Stone, M. H. (1986). Essential
Papers on Borderline Disorders: One Hundred Years at the Border New York, NYU Press.
4
Les années 70-80 voient le développement de la psychiatrie descriptive et du DSM, et la
psychopharmacologie occupe de plus en plus de place dans la formation et la pratique des
psychiatres. En 1975, Gunderson and Singer (Gunderson and Singer 1975) introduisent
des critères diagnostiques pour BPD intégrés dans le DSM. Ils introduisent ainsi les
concepts de fluctuations de l’humeur et d’instabilité relationnelle et comportementale
comme des éléments majeurs du diagnostic. Il faudra cependant attendre 1980 pour que
les Etats Limites gagnent leur statut officiel et une définition dans le manuel de
classification DSM III (Pope, Jonas et al. 1983)
La recherche des années 80 établit que la pathologie borderline est un ensemble clinique
cohérent, présentant une évolution différente de la schizophrénie ou la dépression. Les
études démontrent également le peu d’efficacité du traitement médicamenteux, et la
comorbidité fréquente avec les troubles post-traumatiques. On découvre aussi qu’une
grande majorité des patients ont une histoire d’abus sexuel ou physique.
La dernière décennie du XX siècle voit la consolidation du diagnostic, l’exploration de
ses possibles tenants biologiques et le développement de nouvelles approches
thérapeutiques. La publication de livre de Marsha Linehan en 1993 marque la naissance
officielle des traitements comportementaux dialectiques (DBT) basés sur un modèle biopsycho-social (Linehan 1993). La réflexion se poursuit parallèlement en psychanalyse sur
les patients limites, leurs difficultés de symbolisation et la place singulière du
psychanalyste et de son contretransfert avec, entre autre André Green (Green 1990) et
René Roussillon en France (Roussillon 1991), et Jacqueline Godfrind (Godfrind 1993)
en Belgique. Le début du second millénaire voit se confirmer l’efficacité des traitements
manualisés dans des études comparatives qui se multiplient. En Angleterre, Peter Fonagy
et Anthony Bateman intègrent les leçons de la psychanalyse, des théories de
l’attachement, de la théorie de l’esprit et des approches comportementales dans un
nouveau modèle théorique et thérapeutique de la pathologie limite: la Thérapie Focalisée
sur la Mentalisation (MBT) (Bateman and Fonagy 2004). Aux Pays-Bas, Jeffrey Young
démontre l’efficacité de son modèle thérapeutique la Thérapie des Schémas (GiesenBloo, van Dyck et al. 2006). Simultanément, la recherche dans les domaines des
processus cognitifs et de l’imagerie médicale confirme que les patients borderline
possèdent des mécaniques et dynamiques cérébrales spécifiques.
Un autre mouvement important se développe aux Etats-Unis : la reconnaissance et la
prise en compte des souffrances de l’entourage direct des patients et leur inclusion
comme partenaires dans le processus thérapeutique. Dans une répétition sinistre de
l’Histoire, et de la même manière que les mères de patients schizophrènes ou autistes
avaient été accusées d’être à l’origine des souffrances de leurs enfants, l’entourage des
BPD est en général considéré avec suspicion par le monde des soignants (Porr 2010).
Comme nous le verrons dans ce chapitre, si le milieu d’origine peut être plus ou moins
préjudiciable, l’entourage familial peut aussi être la victime impuissante de l’état
pathologique douloureux et complexe du patient limite. Le développement de groupes
thérapeutiques pour les proches du patient, en parallèle avec l’établissement (entre autres
grâce à Internet) d’associations de soutien de patients et leurs proches en coordination
avec la communauté des soignants, est un autre pas important dans le travail
Bergeret décrit la pathologie limite comme un mode d’organisation anaclitique de la personnalité résultant
d’un aménagement instable, fragile, lié à un traumatisme précoce.
5
5
d’information et de coordination d’une approche thérapeutique globale de la
problématique borderline.
4- Etiologies et développement
De nombreuses études rétrospectives supportent les observations cliniques et les modèles
théoriques qui suggéraient que des expériences/relations traumatiques précoces (sous
formes de séparation, de chaos ou de maltraitance par exemple) étaient rencontrées
fréquemment chez des adultes BPD. On comprenait moins bien cependant la survenue de
pathologie borderline chez des enfants qui n’avaient apparemment pas fait l’objet de
maltraitance ou de négligence, ou la variabilité de l’apparition de troubles dans une
fratrie. L’application des découvertes des neurosciences aux pathologies limites enrichit
d’une manière extraordinaire la compréhension non seulement des problèmes
développementaux rencontrés par ces patients, de la naissance à l’âge adulte, mais elles
apportent aussi un éclairage nouveau sur leur potentiel de réponse quand ils sont exposés
à un environnement social ou thérapeutique approprié (Steele and Siever 2010).
Des études récentes suggèrent des liens entre une hypersensibilité aux relations
interpersonnelles, des attachements de types ambivalent/désorganisés, et le
développement ultérieur de TPL (Gunderson and Lyons-Ruth 2008; BakermansKranenburg and Van IJzendoorn 2009; Crawford, Cohen et al. 2009). Ces recherches,
couplées aux progrès de la génétique moléculaire, apportent un éclairage nouveau sur les
intrications entre des prédispositions génétiques et des types d’attachements développés
par le jeune enfant. En fait, l’environnement initial va directement affecter l’expression
du code génétique de l’individu en développement et, ce faisant, déterminer ses
compétences futures en particulier au niveau des capacités de mentalisation et de
régulation des émotions (Belsky, Jonassaint et al. 2009), (Belsky and Beaver 2010;
Bernier, Carlson et al. 2010).
Par exemple, on a découvert que le polymorphisme de l’allèle DRD4 (qui intervient dans
la génération de sub-récepteurs pour la dopamine) influence les aléas du mode
d’attachement développé par l’enfant.6 Il est à remarquer que pour un certain
polymorphisme génétique qui a été retrouvé plus souvent chez des patients borderline, les
chercheurs ont pris soin de ne pas utiliser le terme de vulnérabilité mais plutôt de
« plasticité » génétique. En effet, une équipe Hollandaise a démontré que la présence
d’un polymorphisme du gène DRD4, qui semblait être un « marqueur » de risque pour le
développement d’un attachement de type désorganisé, est aussi un indicateur d’une
réponse plus favorable à une intervention thérapeutique extérieure destinée à de jeunes
enfants (Bakermans-Kranenburg, Van et al. 2008). Ces chercheurs proposent donc que le
même polymorphisme génétique puisse à la fois représenter un facteur de risque quand
l’environnement est défavorable et un facteur de résilience quand il est favorable (Belsky
2007). Ces mêmes recherches ont identifié les effets potentiels épigénétiques7 de certains
De nombreuses études ont aussi démontré que les types d’attachements présentés par les parents (ou le
caregiver), sont eux-mêmes déterminants du type d’attachement que l’enfant aura tendance à développer,
ceci ouvrant aussi une voie additionnelle aux transmissions intergénérationnelles.
7
L'épigénétique est le domaine qui étudie comment l'environnement et l'histoire individuelle influe sur
l'expression des gènes, et plus précisément l'ensemble des modifications transmissibles d'une génération à
l'autre et réversibles de l'expression génique sans altération des séquences nucléotidiques.
6
6
états psychologiques du caregiver sur le développement de l’enfant, en particulier en
relation avec des problèmes de stress et de deuil non résolu chez le parent (Bernier and
Meins 2008; Bernier and Miljkovitch 2009)8.
Kochanska a également proposé une corrélation entre un certain type de polymorphisme
d’un gène codant pour un transporteur de la sérotonine (5-HTTLPR) et un type de
modalité d’attachement précoce impliqué dans certains aspects de dysregulation
comportementale (Kochanska, Philibert et al. 2009).
Cette mise au jour des intrications étroites du milieu (Levy, Beeney et al. 2011), de
l’hérédité et de la « plasticité » génétique dans le développement de l’individu, est bien
sûr une forme d’écho moléculaire aux versions théoriques du développement psychique
proposées par des générations de maîtres cliniciens (voir également le chapitre sur la
génétique de la régulation émotionnelle). Chacun, par le biais du vocabulaire et de l’outil
de réflexion propre à son école théorique, a confirmé les effets délétères sur le
développement d’aléas encourus à l’aube de l’existence. Certains penseurs
psychanalytiques comme Mahler et Kernberg furent les premiers à invoquer des
problèmes au niveau du développement des relations d’objet précoces, et les
conséquences du clivage du monde intrapsychique sur le développement du moi.
Linehan, confrontée à une population d’états limites très particulière a insisté sur les
contributions destructives d’un entourage social invalidant, une tendance biologique à
réagir de manière trop intense, une hypersensibilité aux stress, et une capacité limitée de
modulation de la réponse émotionnelle. Quant à Bateman et Fonagy, ils ont mis l’accent
sur l’origine infantile des difficultés de mentalisation rencontrées chez l’Etat Limite.
Finalement, dans nos sociétés occidentales hyperactives et fragmentées, on peut aussi
faire l’hypothèse que, la désagrégation rapide du lien social direct
et l’existence de familles de plus en plus réduites numériquement, limitent tant la
quantité que la qualité (en termes de variété) des expériences affectives interpersonnelles
essentielles aux apprentissages émotionnels précoces. Il faut peut-être y voir une des
explications pour l’observation des différences de prévalence des pathologies TPL parmi
des cultures différentes, mais aussi pour une possible augmentation de leur prévalence
dans nos pays industrialisés.
5- La régulation des émotions chez les TPL : du côté des neurosciences.
Comprendre les bases biologiques des processus mentaux fut l’un des buts originaux de
la psychanalyse. Le développement actuel des neurosciences et de leurs méthodes
d’exploration peut contribuer à réactualiser cette quête initiale. Il est évident cependant
que nous ne pouvons, dans le cadre de ce bref chapitre, donner à l’apport des
neurosciences l’espace qui lui convient et qu’il dès lors excuser le réductionnisme
subséquent de la présentation.
8
Ni X, Chan K (2006) ont également proposé une association entre un certain type of sérotonine
transporteur et le développement of TPL.
7
5-a. Du côté de la neurobiologie
Certaines caractéristiques biologiques (souvent reprises sous le terme de « facteurs
tempéramentaux ») des états limites ont fait l’objet de recherches depuis de nombreuses
années, en particulier dans les domaines de l’anxiété/impulsivité (sérotonine), de la
réactivité au stress (axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien) et des sentiments
d’affiliation (neuropeptide/vasopressine et oxytocine).
Siever a émis l’hypothèse que des problèmes au niveau de certains neurotransmetteurs
pouvaient jouer un rôle dans des problèmes comportementaux présentés par les TLP
(Siever and Davis 1991). Des travaux plus récents suggèrent que les différentes
dimensions du comportement comme l’impulsivité ou l’agressivité relèvent en fait
d’interactions complexes au niveau d’une multiplicité de systèmes de communication
intracérébrale (Depue and Collins 1999; Depue and Morrone-Strupinsky 2005; Depue
2009). Au niveau cognitif et émotionnel, nous avons proposé que des états de stress
chroniques ou une insuffisance de stimulations extérieures pendant les périodes de
développement, pouvaient influencer le déploiement des circuiteries
NMDA/glutamatergique, avec des possibles conséquences négatives au niveau des
futures capacités d’apprentissages émotionnels et symboliques (Grosjean and Tsai 2007).
La capacité de faire confiance et de s’engager dans une coopération franche et de longue
haleine est un challenge tout particulier pour le patient borderline. On a démontré par
exemple que les TLP ont des résultats assez médiocres dans des jeux qui demandent la
compréhension de situations impliquant des phénomènes de trahison et de loyauté (KingCasas, Sharp et al. 2008). Des recherches récentes considèrent le rôle possible de
l’hormone oxytocine tant sur le développement des circuits neuronaux impliqués dans les
phénomènes de confiance (Baumgartner, Heinrichs et al. 2008), que les processus
d’attachement (Buchheim, Heinrichs et al. 2009) et de mentalisation (Domes, Heinrichs
et al. 2007; Domes, Lischke et al. 2010).
Enfin, Prossin et collègues (2010) ont démontré chez les états-limites une altération dans
le fonctionnement des récepteurs opioïdes endogènes en particulier au niveau des régions
du cerveau impliquées entre autre dans l’appréhension et la gestion des émotions et du
stress et la régulation de l’appréhension de la douleur.
Comme on le voit la recherche dans ces domaines en est encore à ses balbutiements et
élude les efforts de ceux qui voudraient trouver à la pathologie borderline une origine
biologique simpliste voire réductionniste.
5- b. Etudes neurocognitives et de neuroimagerie
De nombreuses études ont désormais confirmé que les patients borderline présentent des
troubles cognitifs spécifiques. Ces recherches apportent un éclairage nouveau sur
certaines difficultés d’apprentissages et problèmes interpersonnels propres aux TPL.
Nous en donnons quelques exemples ci-après. Posner et ses collègues rapportent des
déficits dans les circuits cérébraux impliqués dans la résolution des conflits et l’inhibition
volontaire de la pensée et des comportements (Posner, Rothbart et al. 2003; Silbersweig,
Clarkin et al. 2007). Des difficultés spécifiques pour des tâches qui requièrent une bonne
8
intégration de l’information ont aussi été confirmées (Fertuck, Lenzenweger et al. 2005;
Fertuck, Jekal et al. 2009). Dans ce contexte, il a été proposé récemment une relation
possible entre une défaillance au niveau des processus d’attention exécutive et la
difficulté singulière à établir une alliance thérapeutique stable avec ces patients. Selon ces
chercheurs, un système exécutif déficient pourrait favoriser des états mentaux de
« vacillation » (c’est à dire par exemple, des alternances entre idéalisation et diabolisation
ou des changements rapides dans les représentations de l’autre et de soi) (Levy, Beeney
et al. 2010).
Ces observations neurocognitives ont été étayées par les études en imagerie cérébrale qui
ont commencé à identifier les circuits cérébraux impliqués dans les TLP. En bref, ces
études révèlent chez ces patients des circuits neuronaux dysfonctionnels reflétant, entre
autres, des problèmes de coordinations entre le cortex pré-frontal et l’amygdale (voir
également le chapitre sur les corrélats cérébraux de la régulation émotionnelle).
En pratique, cela peut renvoyer un déséquilibre entre les systèmes sous-corticaux, plus
archaïque, impulsifs, non conscients et impliqués en particulier dans les réactions de peur
et les systèmes corticaux complexes, plus accessibles à la conscience, et dont une des
fonctions est de moduler les réponses des structures sous corticales.
Les études structurales réalisées chez TPL ont toutes démontrés, comparativement à des
individus non TPL, des réductions de volume de l’hippocampe (Nunes, Wenzel et al.
2009), du cortex cingulaire antérieur (Tebartz van Elst, Hesslinger et al. 2003; Hazlett,
New et al. 2005) et du cortex orbito-frontal (Tebartz van Elst, Hesslinger et al. 2003).
Une réduction du volume de l’amygdale a été retrouvée régulièrement mais pas dans
toutes les études (Mauchnik and Schmahl 2010). L’observation d’une réduction de
l’épaisseur du corps calleux chez certaines patientes TLP, a conduit les auteurs a proposer
l’existence d’un problème de connectivité entre les hémisphères cérébrales (Williams,
Sidis et al. 2006).
Les études fonctionnelles au repos chez les TPL pointent les mêmes régions que dans les
études de structures, à savoir l’amygdale et le cortex préfrontal. On observe de manière
répétée un hypermetabolisme au niveau de l’amygdale et de l’insula en conjonction avec
un hypométabolisme du cortex fronto-orbital (Soloff, Meltzer et al. 2003; Schulze,
Domes et al. 2010). Dans la mesure où le cortex orbito- frontal est impliqué dans la
régulation des émotions, ces données éclairent les problèmes particuliers que présentent
les patients TPL dans ces domaines.
Des études plus spécifiques ont démontré que les patient BPD répondent aux scènes
d’interaction sociales avec système d’intégration visuel hypervigilant et une activation
accrue du cortex pré-moteur. En outre, quand le stimulus présenté a une valeur négative,
les sujets BPD présentent une plus grande activité cérébrale au niveau de l’amygdale, et
ce contrairement aux sujets témoins qui mobilisent les régions dorso- latérales et
insulaire. Ces découvertes sont consistantes avec l’observation que les patients BPD
utilisent un système plus réflexif, hyper vigilant et orienté dans « l’action » physique et
peut expliquer leurs modalités particulières d’hyperréactivité émotionnelle.
9
(Koenigsberg, Siever et al. 2009). Koeningsberg conclu de ces études que les patients
BPD ont une sensitivité visuelle accrue qui leur permet d’identifier les expressions
faciales des émotions. Il n’est pas encore établi clairement cependant si les patient BPD
présentent une perception altérée de reconnaissance des émotions (Levine, Marziali et al.
1997) ou si il s’agit d’une une aptitude plus performante que chez des sujets témoins, y
compris dans la perception de stimuli masqués (Wagner and Linehan 1999; Whalen,
Kagan et al. 2004; Fertuck, Jekal et al. 2009). Comme nous le verrons dans les
conclusions, ces données de la recherche fondamentale peuvent nous aider à comprendre,
interpréter et donner sens à certains moments cliniques difficiles voire dramatiques et qui
semblaient défier toute logique psychothérapeutique classique.
6- Modalités de traitement
La psychothérapie est reconnue comme la principale modalité de traitement pour les
troubles limites, la pharmacologie étant tout au plus un adjuvant aidant à traiter les
comorbidités ou une impulsivité majeure.
Diverses approches de psychothérapie véritablement adaptées aux troubles de la
personnalité ont été développées depuis les années 70. Certaines ont fait l’objet à la fois
d’expérimentations cliniques étendues et d’au moins une étude validant leur efficacité. Il
s’agit, dans la tradition psychodynamique de la psychothérapie focalisée sur le transfert
du groupe de Kernberg (Kernberg, Yeomans et al. 2008) et du traitement basé sur la
mentalisation développé par Fonagy (Bateman and Fonagy 2006). Dans la perspective
cognitivo-comportementale, on retrouve la thérapie dialectique comportementale de
Linehan (Linehan 1993) ainsi que la thérapie des schémas de Young (Young, Klosko et
al. 2003) .
Malgré leurs divergences, ces pratiques se recoupent à de nombreux niveaux. Toutes les
théories insistent sur la nécessité d’un cadre thérapeutique rigoureux dans lequel le
praticien va construire une relation affective et interactive avec le patient. Tant la théorie
que les modalités pratiques de ces approches reconnaissent également l’importance pour
le thérapeute d’être averti, de « contrôler » voire, dans les approches psychodynamiques,
d’analyser, les mouvements contre-transférentiels suscités par ces patients. Globalement,
les quatre modalités de traitement recommandent d’intervenir en priorité sur les
comportements autodestructeurs, et ce avant la perlaboration de ce qui se passe dans
l’«ici et maintenant » de la séance, voire des traumatismes du passé. Enfin, elles utilisent
des interventions qui combinent la validation et l’empathie pour la subjectivité du patient
avec l’exigence de s’adapter à la réalité externe, et qui favorisent la mentalisation d’une
manière ou d’une autre.
Une première étape commune est la définition explicite du cadre et de la structure dans
laquelle le processus thérapeutique va avoir lieu. Un autre focus initial est l’édification
d’une alliance thérapeutique solide et l’établissement d’un cadre de travail où le patient
se sentira en sécurité. L’équivalent de la secure base de Bowlby en quelque sorte, à partir
de laquelle patient et thérapeute vont explorer les aspects souvent terrifiants de l’univers
psychique passé et présent du patient.
10
Un second objectif commun sera d’aider le patient à apprendre à observer, identifier et
nommer les émotions (en soi et chez l’autre), et à en comprendre les origines. Le
développement plus ou moins complexe de ces nouvelles capacités cognitives va devenir
un instrument essentiel dans l’apprentissage de la gestion des mouvements émotionnels et
de l’impulsivité qui y est souvent liée.
Voici en bref quelques données plus spécifiques propres à chaque approche théorique.
6-a. Psychothérapie Focalisée sur le Transfert (TFP)
D’orientation psychanalytique, la thérapie focalisée sur le transfert repose sur l’hypothèse
théorique que l’excès d’agression précoce endurée par le jeune enfant (du fait de sa
vulnérabilité constitutionnelle et/ou de trauma endurés) l’amène à un clivage des
représentations positives et négatives de lui-même et de son caregiver. Ces
représentations internes peuvent être plus ou moins extrêmes, influencées par les
processus inconscients, et sans véritable continuité dans le psychisme de l’individu. Ces
représentations erronées « du soi et des autres » - qu’elles soient idéalisées ou de nature
hostiles - peuvent être activées par des événements mineurs dans la vie de l’individu.
Elles vont déterminer la perception qu’a l’individu de la « réalité » et peut conduire à des
affects et comportements plus en relation avec le monde fantasmatique interne qu’avec le
monde extérieur proprement dit. Au travers d’un long et patient travail
psychothérapeutique, de clarification, confrontation et interprétation ; et en insistant en
particulier sur l’interprétation du transfert négatif, le thérapeute va aider le patient à
devenir conscient de l’existence et de la puissance des représentations internes, les
dépasser, et accéder à une image plus réaliste et nuancée de lui-même et du monde qui
l’entoure (Kernberg, Yeomans et al. 2008).
6-b. Thérapie Comportementale Dialectique (TCD/ DBT)
Dans la lignée cognitive comportementale, la TCD (Linehan 2000) utilise une approche
didactique où le thérapeute encourage le patient à être plus conscient de son état
émotionnel interne et à adopter la position mentale d’un esprit « sage » (wise mind)
grâce à des pratiques de type méditative ( mindfullness). Lorsque le patient parvient à
trouver un certain équilibre grâce à cette méthode, on observe un plus grand calme, un
sentiment de maîtrise de soi et une meilleure capacité cognitive à analyser et à nommer
les émotions plutôt qu’à réagir impulsivement ou à être submergé par l’affect. Par le biais
de sessions individuelles et de groupes didactiques, le patient sera instruit
« intellectuellement » des caractéristiques et aléas d’émotions, de leur régulation et des
vicissitudes des relations interpersonnelles. On lui enseigne également des
techniques/compétences à utiliser dans des circonstances à haute valence émotionnelle
(Linehan 2000). Si le thérapeute est souvent conscient de la dynamique profonde qui
l’unit à son « client » il n’y a généralement pas de relecture des événements du passé (en
tous cas pas initialement) ni d’analyse des phénomènes transférentiels et contre
transférentiels en termes de fonctionnement inconscient.
11
6-c Traitement basé sur le développement de la mentalisation (MBT9)
Bateman et Fonagy ont développé un traitement spécialisé pour les patients limites qui
est basé sur un travail d’amélioration des capacités de mentalisation10.Ce traitement vise
à corriger les distorsions et les déficits dans le processus de mentalisation de ces patients
à partir de techniques thérapeutiques favorisant une prise de distance cognitive pour
parvenir à mieux réguler les affects (Bateman and Fonagy 2006).
6-d. Thérapie des Schémas.
Jeffrey Young définit sa méthode thérapeutique comme une approche intégrative fondée
sur les méthodes cognitives et comportementales (cette composante étant l’essentiel du
traitement) et assimilant des techniques issues de la psychodynamique, de la Gestalt et
des théories de l’Attachement (Young, Klosko et al. 2003).
6-e. Comparaison des techniques
Dans une récente méta-analyse, Zanarini démontre que les traitements manualisés décrits
ci dessus ont tous prouvé leur efficacité dans le traitement de la pathologie borderline, ou
du moins certains aspects de celle-ci (Zanarini 2009). Les améliorations symptomatiques
sont particulièrement remarquables dans le domaine des automutilations et des tentatives
de suicide ; et ce, pour les quatre modes d’intervention. Il ne faut cependant pas perdre de
vue que si la moitié des symptômes sont de l’ordre de la crise aigue (comme les épisodes
automutilatoires et les actes suicidaires) et s’améliorent rapidement, l’autre moitié est de
l’ordre plus tempéramental, voire existentiel (Zanarini and Frankenburg 2007). Ces
derniers symptômes, comme des épisodes de colère intense ou des sentiments de vide et
peurs d’abandon sont la source de souffrances considérables chez les patients TPL et sont
généralement associés à un handicap psycho-social considérable.
Selon une recherche comparative, ces problèmes existentiels pourraient être traités avec
plus de succès dans le long terme par une approche d’orientation plus psychodynamique.
Dans une étude où on observait les changements possibles dans les modalités
d’attachement après un an de thérapie, les chercheurs relèvent que les patients en TFP
présentent une plus grande amélioration que dans les autres modalités de traitement (TCD
et soutien) dans deux domaines psychodynamiques importants : ils développent un
9
En sciences cognitives, l'expression mentalisation ou "théorie de l'esprit" désigne les processus cognitifs
permettant à un individu d'expliquer ou de prédire ses propres actions et celles des autres agents
intelligents. Cette aptitude enrichit qualitativement les interactions sociales (communication, collaboration,
compétition, apprentissage, etc.); elle relève donc de la cognition sociale. Le concept de Théorie de l'esprit
se distingue de celui d'Empathie car il désigne la compréhension de tous les types d'états mentaux, alors
que l'empathie s'applique aux sentiments et aux émotions.
10
Le terme “mentalisation” est issu de L’Ecole Psychosomatique de Paris et fut utilisé jusqu’à un certain
point par les chercheurs dans le domaine de la théorie de l’esprit. Il fut utilisé pour la première fois en 1989
par Fonagy dans un sens plus large et a, depuis, été utilisé dans la compréhension d’autres troubles
psychiatriques. La mentalisation est le processus cognitif par lequel nous tâchons de comprendre et ce qui
se passe en nous et chez l’autre, implicitement et explicitement, en termes d’états psychiques et de
processus mentaux. C’est une construction éminemment sociale dans le sens où nous sommes attentifs à
l’état mental de ceux avec qui nous nous trouvons, physiquement ou psychologiquement.
12
attachement plus sécurisé et une plus grande capacité réflexive (Levy, Meehan et al.
2006). Une autre étude comparative démontre un avantage de la TFP sur les thérapies
cognitives en termes de contrôle de la colère et de l’agressivité (Clarkin, Levy et al.
2007).
8- Perspectives et conclusions
La pathologie borderline est l’illustration par excellence des conséquences individuelles
et sociales dramatiques d’une pauvre intégration des systèmes de régulation
émotionnelle. On peut lui donner deux caractéristiques essentielles. La première est un
tourment intérieur profond et chronique. Cette souffrance se distingue de maux
émotionnels « communs » tant par la diversité de son expression que par sa portée. La
seconde caractéristique est la nature perturbante des efforts réalisés par les patients TPL
pour exprimer ou camoufler cette douleur interne. Ces efforts peuvent prendre la forme
de passages à l’acte impulsifs comme des comportements d’auto-mutilation ou des
tentatives de suicide répétées. D’autres activités autodestructrices plus discrètes peuvent
également être utilisées, consciemment ou pas : addictions, troubles des conduites
alimentaire, promiscuité sexuelle etc. Dans tous les cas ces comportements tendent à
entretenir les cercles vicieux de honte, d’abus et rejet. Dans ces conditions, incapable
d’identifier correctement les émotions, d’en comprendre les origines et de les contrôler, il
est bien difficile voire impossible pour l’individu d’établir une identité stable et solide.
Cette « inaptitude » chronique à intégrer, entendre et jouer les gammes de l’expression
affective trouve son origine dans l’expérience primaire de dérégulation émotionnelle,
partie intégrante de l’expérience BPD.
Quand on s’interroge sur l’origine de ces dérégulations primaires, la recherche confirme
les interdépendances extraordinaires et parfois indiscernables des effets de la nature
(plasticité génétique par exemple) et de l’environnement, et leurs influences sur le
développement de l’individu jusqu'à dans ses connections synaptiques… pour le meilleur
ou pour le pire. En effet, si il semble évident que les patients borderline présentent une
sensibilité toute particulière à leur environnement, il n’est pas exclu que cette même
sensibilité puisse les rendre plus réceptifs à des interventions extérieures réparatrices.
La recherche dans le domaine de l’attachement établit que les modèles de représentations
internes peuvent être conceptualisées comme des constructions (symboliques et
synaptiques) qui relèvent et influencent à la fois les domaines affectifs et cognitifs. La
réponse émotionnelle elle, a été conceptualisée comme le résultat d’un réflexe initial
rapide suivi d’un processus de régulation émotionnelle y compris une réévaluation
cognitive (Gross 2002) (voir le chapitre sur ce sujet dans le présent ouvrage). Cette
réévaluation entraine des changements au niveau de la perception consciente et des
réponses physiologiques. En termes neurobiologiques, quand on parle de dysrégulation
émotionnelle, on observe un état de repos hypervigilant et une hyper sensitivité
émotionnelles avec des anomalies structurales et dynamiques au niveau du réseau
cérébral cortico-limbique. On observe avant tout une hypoactivité frontale et une
hyperactivité au niveau de l’amygdale et de l’insula.
13
Quand on examine les fonctions de la psychothérapie des états limites sous l’angle
neurobiologique, on réalise que les mêmes régions du cerveau pour lesquelles les étatslimites présentent des anormalités, sont des cibles importantes de l’intervention
psychosociale qu’est la psychothérapie et ce du fait non seulement du contenu des
séances mais aussi du contenant, et du fait très spécifique qu’il s’agit d’une relation
d’attachement entre deux individus capables de communications émotionnelles, et
symbolique implicites et explicites. La recherche a démontré qu’un attachement sécurisé
est associé avec une amygdale moins active (avec une diminution de l’anxiété) et une
augmentation de l’activité du Nucleus Accumbens (lié aux systèmes motivationnels)
(Bartels and Zeki 2004).
Une fois que la relation et le cadre sont établis et que l’amygdale est plus calme, les
phénomènes d’apprentissage peuvent se déployer, plus ou moins rapidement et avec des
niveaux de sophistication symbolique et thérapeutique qui peuvent s’étendre de la simple
action de nommer une émotion jusqu'à l’utilisation du « contre transfert symbolisant »
(Godfrind 1993) en passant par tous les stages de développement des capacités de
mentalisation.
Il est aujourd’hui reconnu que le travail psychothérapeutique, comme toute influence de
l’environnement peut avoir un impact direct sur notre circuiterie cérébrale (Grosjean
2005). Nommer les émotions par exemple, entraine une diminution de l’activité de
l’amygdale et une augmentation de l’activité préfrontale (Hariri, Bookheimer et al. 2000).
On a aussi démontré que les pratiques de méditation (dont certaines modalités pourraient
être comparables à la consigne d’associations libres), et les exercices de
« mindfulness /pleine conscience » (composante essentielle des thérapies dialectiques)
sont associés à des changements structuraux, entre autres dans des régions impliquées
dans les processus d’apprentissage et de régulation des émotions (Rubia 2009; Davanger,
Ellingsen et al. 2010; Holzel, Carmody et al. 2011) (voir le chapitre sur ce sujet dans le
présent ouvrage).
Dans le cadre de la thérapie, l’individu peut développer ses capacités de réévaluation
cognitive des situations problématiques. Les études en résonance magnétique démontrent
des associations entre la réévaluation cognitive de stimuli aversifs avec une activité au
niveau des cortex préfrontal dors-latéral, orbitofrontal et antérieur cingulaire. Ces études
démontrent aussi que les activités de l’amygdale et de l’insula peuvent être altérées en
fonction de l’objectif présupposé de la régulation (Eippert, Veit et al. 2007; Johnstone,
van Reekum et al. 2007; Ochsner, Ray et al. 2009; Schulze, Domes et al. 2010). Ce
développement va littéralement aider le patient à progressivement acquérir un meilleur
contrôle affectif et moteur en réponse à des reflexes émotionnels archaïques.
Le développement d’une meilleure capacité de réévaluation des événements passés et
présents peut résulter, entre autre, du travail (de l’exercice répété ?) de remémoration de
son histoire et de la construction d’une nouvelle version celle-ci. Tout au long de cette
tâche de réélaboration (« working through »), souvenirs, connaissances, sensations,
émotions et comportement sont « réactivés », combinant ainsi des processus originaires
de différents circuits neuronaux en une histoire cohérente de l’individu.
14
Dans le même ordre d’idées, on a récemment démontré la possibilité de supprimer
sélectivement des souvenirs traumatiques en utilisant les fonctionnalités uniques de notre
cerveau plastique (Schiller, Monfils et al. 2010). On sait que quand le souvenir est
« retrouvé » de manière consciente, son empreinte biologique devient « instable ». Des
manipulations pharmacologiques ou électriques (électro convulsivothérapie) peuvent en
prévenir la remémoration consciente future, mais ces méthodes grossières et imprécises
ont des effets secondaires importants. Dans son modèle expérimental Daniela Schiller
démontre que les sentiments de peur associés à un événement particulier, peuvent être
supprimés si, pendant la période de reconsolidation mnésique, ce souvenir plus ou moins
traumatique est associé avec une information de valence neutre ou positive. Cette
démonstration est très importante parce qu’elle démontre une manière de contrôler une
amygdale hyperactive différente peut-être de la méthode « top down », et liée directement
à la transformation de la trace mnésique dans nos circuits neuronaux.
Ces capacités transformatives de notre système nerveux doivent aussi nous inciter à la
plus grande prudence. On peut concevoir par exemple combien une thérapie mal menée,
chaotique et plus ou moins « dysrégulée » risque de consolider avec plus de force des
souvenirs déjà traumatiques tout en envoyant au patient le signal que la relation
psychothérapeutique est inutile voire dangereuse.
Par ailleurs on peut noter combien un traitement médicamenteux inapproprié risque
d’entraver les mécanismes moléculaires essentiels aux phénomènes d’apprentissage, et
d’empêcher ainsi le déploiement des capacités cognitives indispensables au
développement chez le patient borderline d’un système de régulation émotionnel plus
performant.
En conclusion, nous espérons que ce chapitre pourra vous convaincre que, si la régulation
des émotions chez les états limite est un problème complexe et tragique, elle recèle en sa
compréhension la source de sa résolution. Plus peut-être que dans d’autres
psychopathologies, le devenir du patient TPL sera dépendant de la possibilité pour le/la
thérapeute d’offrir sa capacité de percevoir, contenir, tolérer, penser, partager et traduire
les émotions de son patient et leurs aléas. Ce faisant il/elle offrira à ce dernier la
possibilité de devenir « l’éditeur de sa propre histoire » et ainsi, peut-être, de changer le
cours de sa destinée.
C’est l’art, la science et l’essence de la fonction thérapeutique.
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