Maladies bulleuses de l’adulte Définitions Une éruption bulleuse est caractérisée par la présence de lésions élémentaires formées de soulèvements épidermiques dûs à des collections liquidiennes intra ou sous-épidermiques. Celles-ci résultent selon les affections en cause soit : - d'une altération des cellules épidermiques - d'une altération de la cohésion de la jonction dermo-épidermique - ou d'une destruction du derme superficiel. Une réaction inflammatoire plus ou moins importante peut y être associée Conduite à tenir devant une éruption bulleuse de l'adulte. 1) Le diagnostic positif d’éruption bulleuse est clinique et facile. 2) Le diagnostic étiologique repose : - sur l'aspect clinique (siège de bulles, signes cutanés associés en particulier placards inflammatoires et signe de Nikolsky) et l'interrogatoire. - sur les examens paracliniques, en particulier bactériologie du liquide de bulles,cytodiagnostic du fond d'une bulle, biopsie d'une bulle pour examen histologique, biospie de la peau para-bulleuse pour examen en immunofluorescence direct, prélèvement sanguin pour rechercher l'existence d'anticorps circulants anti-peau. 3) La conduite à tenir est fonction de l'étiologie. Néanmoins devant toute éruption bulleuse étendue, un certain nombre de mesures symptomatiques s'imposent : - surveillance étroite des paramètres vitaux - lutte contre l'infection : mise à plat des bulles, antisepsie locale, antibiothérapie en cas de surinfection - rééquilibration hydroélectrolytique et calorique - prévention de l'aggravation d’une tare préexistantes. Diagnostic positif Le diagnostic clinique qui est en règle facile, devant des lésions bulleuses plus ou moins volumineuses (taille > 3mm), plus ou moins tendues, contenant un liquide séreux ou hémorragique. Ces bulles vont très rapidement se rompre laissant place à des lésions érosives et croûteuses, donnant à l'ensemble un aspect polymorphe sur lequel de nouvelles lésions bulleuses peuvent réapparaître. L'existence d’un décollement cutané à la moindre pression digitale, appelé siqne de Nikolsky, témoigne d'une décollement intra épidermique. Le diagnostic est plus difficile en cas d’atteinte limitée aux muqueuses où les bulles sont fragiles et éphémères, et où l'aspect est essentiellement celui d’érosion ou d'ulcération post-bulleuse. Diagnostics différentiels - les lésions vésiculeuses, de tailles plus petites (inférieures à 3 mm) - les lésions pustuleuses, à contenu d'emblée purulent - les érosions et les ulcérations non bulleuses, d'origine traumatique ou trophique (ex : ulcère de jambes) - les aphtes sur la muqueuse buccale Diagnostic étiologique Il conditionne le pronostic et la thérapeutique. 1- Eruption bulleuse auto-immune : pemphigus vulgaire, pemphigoide bulleuse 2- Toxidermie bulleuse 3- Bulles de cause externe 4- Porphyrie cutanée tardive 5- Bulles d’origine infectieuse 6 Genodermatoses bulleuses 1. Maladies bulleuses autoimmunes Pemphigus Bulles intra-épidermiques, dues à une altération de la cohésion interkératinocytaire (acantholyse) par des anticorps dirigés contre les ponts d’union intercellulaire de l'épiderme. Clinique : - Sujet d'âge moyen de la vie (50-60 ans). - Eruption faites de bulles flasques, reposant en peau saine. Signe de Nikolsky positif. Absence de prurit. - Fréquence importante de l'atteinte des muqueuses qui est souvent inaugurale. - Evolution des lésions vers des excoriations douloureuses cicatrisant lentement. - Fréquemment associées à une altération de l'état général. * Formes cliniques : - Le plus fréquemment pemphigus vulgaire. - Plus rarement pemphigus végétant, pemphigus séborrhéique, pemphigus foliacé, pemphigus induit (médicamenteux : D pénicillamine). * Examens complémentaires : - Cytodiagnostic : grandes cellules acantholytiques dystrophiques. - Histologie : bulles intra-épidermiques par acantholyse. - Immunofluorescence directe (cutanée) : dépôts d'anticorps intercellulaires au niveau de l'épiderme le plus souvent de type IgG. - Immunofluorescence indirecte (sérique) : anticorps circulants antisubstances intercellulaires. * Evolution : Chronique et grave posant un problème thérapeutique. * Traitement : - Corticothérapie à 1 mg/k/j en traitement d’attaque, avec dégression progressive jusqu'à la dose minimale efficace (5 à 10 mg/jour en entretien). - En cas de cortico-résistance ou de cortico-dépendance, association d'immunosuppresseurs de type azathriopine (Imurel*) ou cyclophosphamide (Endoxan*). Pemphigoïde bulleuse Bulles sous-épidermiques par altération de la cohésion de la jonction dermoépidermique. Clinique: - sujet âgé (supérieur à 70 ans) - éruption faites de bulles tendues, parfois volumineuses, reposant sur des placards érythémato-papuleux. Prurit intense, précédant souvent les lésions. Muqueuses rarement atteintes. * Examens complémentaires : - Eosinophilie sanguine parfois importante. - Cytodiagnostic négatif. - Histologie : bulles sous épidermiques dont le toit est constitué d'un épiderme intact. - Immunofluorescence directe : dépôts linéaires d'IgG et de complément le long de la jonction dermo-épidermique . - Immunofluorescence indirecte : présence fréquente d'anticorps circulants anti-membrane basale. * Evolution : Chronique, plus favorable que le pemphigus, mais complications souvent liées à l'âge et à la corticothérapie au long cours. * Traitement : - Corticothérapie générale 1 mg/k/j en attaque, avec dégression rapide par palier de 5 mg. - En cas de cortico-résitance ou de cortico-dépendance, ce qui est moins fréquent que pour le pemphigus, on peut tenter les sulfones (dapsone), ou les immunosuppresseurs type azathrioprine ou cyclophosphamide Dermatite herpetiforme Bulles de petite taille situées sous la membrane basale de la jonction dermoépidermique. Clinique : - Peut débuter à tout âge. - Eruption faites de vésiculo-bulles à groupement annulaire sur des placards érythémato-papuleux volontiers symétriques (coudes, genoux, épaules, région lombo-sacré), souvent rompues et prenant un aspect eczématiforme. Prurit important. Examens complémentaires : - Histologie : bulles sous épidermiques formées de microabcès de polynucléaires neutrophiles groupées au sommet des papilles dermiques. - Immunofluorescence directe : dépôts granuleux d'IgA et de C3 dans les papilles dermiques. - Immunofluorescence indirecte : absence d'anticorps antipeau. Affections associées : La dermatite herpétiforme peut être associée à une maladie coeliaque, clinique ou infraclinique, mais nécessitant sa recherche par des examens complémentaires : stéatorrhée, créatorrhée, test au D-xylose, transit du grêle, biopsie jéjunale. Traitements : - Régime sans gluten. - Parfois associé à des sulfones (dapsone). Pemphigoide gestationnelle : Maladie rare, observée chez les femmes enceintes de plus de trois mois. Clinique : Prurit majeur plus ou moins associé à des bulles de taille variable, à début souvent péri-ombilical. Examens complémentaires: - Histologie : bulles sous-épidermiques. - Immunofluorescence directe : dépôts d'IgG et de C3 le long de la membrane basale. - Immunofluorescence indirecte : présence d'Herpès Gestationis Factor (HGF), correspondant à une IgG capable de fixer le complément et de traverser la barrière placentaire. 2- Toxidermie bulleuse Eruption bulleuse survenant après la prise de certains médicaments (ex : antiinflammatoire non stéroïdien, antibiotique, sulfamide...). Clinique: Sous ce terme, on rassemble diverses réactions cutanées. - Erythème pigmenté fixe bulleux : éruption faites de tâches pigmentées brunes ou violacées, bien limitées, parfois bulleuses récidivant au même emplacement à chaque nouvelle prise du médicament en cause. Persistance de la pigmentation après la phase aiguë. Médicaments en cause le plus souvent : phénothiazines, barbituriques, sulfamides, cyclines, phénylbutazone. - Toxidermie bulleuse par photosensibilisation : Bulles sur les zones exposées au soleil. Médicaments en cause : psoralène, tétracyclines, quinolones, sulfamides, phénothiazines, griséfuline, furosémide - Iodides et bromides : Bulles tendues sur plaques érythémateuses prédominant au visage et aux plis de flexion, pouvant éventuellement devenir purulentes ou végétantes. - Epidermolyse nécrosante suraiguë ou syndrome de Lyell médicamenteux : début brutal caractérisé par un érythème généralisé rapidement avec de larges décollements cutanés s'accompagnant d'une altération de l'état général, signe de Nikolsky positif, pronostic sévère sur le plan vital et fonctionnel (séquelles occulaires). - Erythème polymorphe bulleux. * Examens complémentaires : - Histologie : décollement sous-épidermique ou parfois de la partie inférieure de l'épiderme, et nécrose épidermique. - Immunofluorescence directe et indirecte : négative. Etiologie : - Médicamenteuse le plus souvent (Sulfamides, antibiotiques, vaccination). - Infectieuse (en particulier herpès virus ++ mycoplasme). - Traumatique. - Souvent idiopathique et volontiers récidivante. Traitements : - Traitement de la cause (traitement de l'infection ou suppression du médicament). - Corticothérapie contre-indiquée (plus d'effets indésirables que bénéfiques). 3- Bulles de cause externe : Le siège et la nette limitation de l'éruption sont souvent évocateur. * Agents chimiques : Produits caustiques. Dermite de contact suraiguë. * Agents végétaux : Dermite des prés, par contact végétal d'une peau humide exposé au soleil. * Agents animaux : Piqûres d'insecte ou de chenille. * Agents physiques : - traumatique (frottement répétés responsable des ampoules des mains ou des pieds ) - thermiques (brulûres du deuxième degré ou gelures) - ionisants (radiodermite aiguë) - solaire (lucite) survenant sur peau normale ou sur peau sensibilisée par la prise buccale ou l'application per cutanée de substance photosensibilisante (psoralène). 4- Porphyrie cutanée tardive Liée à la formation en excès de porphyrine. Favorisée par certains facteurs : génétique, alcoolisme chronique, médicament (sulfamide, oestroprogestatif, antimalarique, grisefuline). * Clinique : - Touche l'adulte d'âge moyen. - Eruption caractérisée par des bulles du dos des mains après exposition solaire, et associée à une fragilité cutanée, des microkystes au niveau des zones photoexposées, une hypertrichose temporo-malaire, des troubles pigmentaires, et des urines qui prennent une teinte rouge orangée à la lumière. Examens complémentaires : - Histologie : bulles sous-épidermiques non inflammatoires acellulaires entre un épiderme et des papilles dermiques intactes. - Dosage des uroporphyrines urinaires . Traitement : - Arrêt de l'intoxication alcoolique ou des médicaments en cause. - Saignées répétées. - En cas d'échec, antipaludéens de synthèse. 5- Bulles d’origine infectieuse * Impétigo * Syndrome de Lyell staphylococcique : - Décollement cutané intra-épidermique diffus survenant chez des jeunes enfants ayant un foyer infectieux staphyloccique, par libération d’une toxine exfoliante. - Nikolsky positif. - Pronostic moins sévère que pour le Lyell médicamenteux car décollement plus superficiel. - traitement : antibiothérapie générale et asepsie locale. 6-Génodermatoses bulleuses * Epidermolyse bulleuse congénitale * Epidermolyse bulleuse acquise * Pemphiqus bénin familial de Hailey-Hailey. * Incontinentia pigmenti.