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Introduction
La plupart du temps la théorie macro-économique suppose que le système financier ne
joue pas un rôle principal dans la formation des prix et des équilibres sur les marchés. C’est
pour cette raison que les théoriciens ont souvent fait abstraction du système financier et, plus
particulièrement, des intermédiaires financiers. A cette limitation n’échappe pas non plus la
théorie financière moderne qui suppose que la structure financière n’a aucun impact dans la
formation des prix (ceci est surtout vrai dans les modèles théoriques qui supposent une
économie pure et parfaite). Selon de nombreux économistes le seul canal à travers lequel le
système financier (sphère financière) peut influencer la croissance économique (sphère réelle)
est celui de la masse monétaire ou bien du simple numéraire.
Au cours de notre travail nous nous intéresserons aux liens entre le système financier
et l’économie réelle. Plus particulièrement, nous enquêterons sur les relations entre le
développement des intermédiaires financiers et la croissance économique. Comme nous
l’avons mentionné précédemment, ce sujet n’a pas beaucoup été analysé par la théorie
économique et financière traditionnelle. Depuis seulement une vingtaine d’années les
chercheurs ont commencé à analyser les impacts de l’intermédiation financière et du crédit sur
la croissance économique. Tout récemment la Banque Mondiale a institué une mission
scientifique qui est chargée de mettre en évidence les liens entre le développement financier et
la croissance économique. Les chercheurs veulent aussi comprendre s’il y a un lien de
causalité entre eux et dans quel sens il se dirige.
Notre travail s’inspire de cette mission scientifique, tout en essayant de donner une
vision plus globale que celle des chercheurs de la Banque Mondiale. Dans la première partie
de ce document nous essayerons de présenter comment la théorie économique du vingtième
siècle a étudié les liens entre la finance et l’économie réelle. Nous passerons d’un point de
vue générale du système financier à une vision plus concentrée sur les intermédiaires
financiers et l’importance du crédit. Dans une deuxième partie nous monterons que le
développement des intermédiaires financiers conduit à une augmentation de la croissance
économique. Nous mettrons aussi en évidence les canaux économiques à travers lesquels cet
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impact se manifeste. Lors de cette section nous porterons notre attention sur les types de
variables économiques que les différents chercheurs ont utilisés pour montrer l’influence du
secteur financier sur l’économie réelle. Dans une troisième partie nous prendrons en compte
les déterminants du développement du secteur financier. Parmi ces déterminants nous
analyserons les aspects légaux et culturels. Enfin, nous conclurons en mettant en évidence le
processus du développement financier et de ses effets sur l’économie réelle.
1 L’influence du secteur financier sur l’économie réelle dans la théorie
économique et financière du vingtième siècle.
Dans cette section nous présenterons brièvement comment les théories économiques et
financières ont traité la relation entre le développement financier et l’économie réelle. Tout
d’abord, nous présenterons la vision théorique traditionnelle parmi laquelle nous trouvons la
théorie de Keyns et les monétaristes. Ensuite, nous analyserons les théories actuelles qui
essaient de comprendre l’existence et le développement des intermédiaires financiers à travers
les imperfections de marché. Nous mentionnerons seulement les éléments principaux de ces
dernières recherches car ces théories ont été bien étudiées lors du cours Institutions
financières : théories et pratiques. Au cours de cette section nous passerons donc d’un intérêt
vers le système financier global à une analyse plus spécifique sur les intermédiaires
financiers.
1.1 Les théories traditionnelles
La théorie économique a longuement analysé l’existence de liens entre la finance et la
croissance économique. Pour Shumpeter (1911) la finance est un élément central qui favorise
la croissance économique. Grâce aux banquiers, les entrepreneurs peuvent réaliser leurs
projets et l’innovation économique et technologique peut se matérialiser et contribuer à la
croissance économique : « ..one can only become an entrepreneur by previously becoming a
debtor…..What the entrepreneur first wants is credit. Before he requires any goods whatever,
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he requires purchasing power. He is the typical debtor in capitalist society…the banker is
not so much primarly the middleman in the commodity purchasing power as a producer of
this commodity…He is the ephor of the exchange economy..» (page 102). Nous verrons par
la suite que le fait d’affirmer une relation de causalité entre le développement du secteur
financier et la croissance économique n’a pas eu beaucoup de succès et le concept n’a pas été
retenu par les théories suivantes. Seulement au cours de cette décennie ce concept a refait
surface.
Le premier économiste qui semble être conscient de l’importance du crédit est Fischer
(1933) qui considère que la conjoncture économique de la Grande Dépression a été causée par
la piètre performance des marchés financiers. Selon cet auteur, l’économie du début des
années trente, a été rendue vulnérable par le taux élevé d’endettement des emprunteurs.
L’endettement a eu des conséquences directes et indirectes sur l’économie. Tout d’abord, les
faillites causées par l’endettement ont fait plonger l’économie en récession. Ensuite, la
déflation a transféré de la richesse des emprunteurs aux créanciers empirant, ainsi, encore plus
la situation. Fischer a calculé que du début de la récession jusqu’en Mars 1933 le poids réel
de l’endettement a augmenté de 40% à cause de la déflation. Le concept de « dette-
déflation » a été très important dans la théorie financière et constitue un point de départ pour
l’analyse de plusieurs autres chercheurs.
Dans la pensée de Keyns le système financier n’était pas central mais il faisait partie
de la théorie de la détermination de la richesse. Les marchés financiers sont importants car ils
déterminent la quantité des investissements qui sont à la base de la création de la richesse
travers le multiplicateur des investissements). Le concept de crédit est abordé par Keyns
selon une vision des anticipations rationnelles. D’après cet auteur la quantité de crédit est
gouvernée par la confiance des emprunteurs et créanciers. Les emprunteurs doivent anticiper
des rendements supérieurs au coût du crédit et les prêteurs doivent avoir confiance en la
possibilité de remboursement des débiteurs. Une diminution de la confiance pourrait causer
une baisse du rythme de l’économie. Dans le modèle keynésien le crédit est important mais
seulement à la lumière des anticipations des individus. Un affaiblissement des attentes se
traduit en une baisse du crédit et donc une faible croissance économique. Les auteurs
d’inspirations keynésienne ont peu analysé le rôle du crédit mais plutôt ont mis en évidence le
rôle de la finance à travers les politiques monétaires. Les théories économiques voient la
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finance encore sous l’angle de marché l’offre et la demande de monnaie se rencontrèrent
pour déterminer le taux d’intérêt et, par conséquent, l’investissement. Aucune mention est
faite de la structure financière et des intermédiaires financiers.
Si les keynésiens ont surtout mis en évidence les politiques budgétaires, les
monétaristes ont focalisé leur attention sur le marché financier. Friedman et Schwartz (1963)
montrent que pendant la Grande Dépression la masse monétaire a fortement baissé en même
temps que l’output économique. Pour les monétaristes, la relation finance/économie est
représentée par la relation masse monétaire/output. Encore une fois le système financier est
présent mais seulement sous la forme d’un marché monétaire. Les institutions financières et
leurs services ne sont pas pris en compte.
Gurley et Shaw (1955) présentent une rupture avec la plupart des économistes de leur
époque car ils analysent le rôle des intermédiaires financiers et, plus particulièrement, leur
fonction d’offreur de crédit et non pas d’offreur de monnaie. Selon les deux auteurs les
intermédiaires financiers jouent un rôle majeur dans l’amélioration de l’efficience des
échanges inter-temporels et par conséquent, ils influencent le facteur clé qui gouverne
l’activité économique générale. Ils partagent la vision traditionnelle que, les institutions
financières n’ont pas beaucoup d’importance mais seulement dans le cas l’activité
financière est strictement liée à la quantité du stock de monnaie d’un pays. Du moment que
les intermédiaires financiers peuvent satisfaire la demande de fond avec des dettes non
monétaires, elles acquièrent une grande importance car ils fournissent à l’économie un canal
parallèle à celui strictement monétaire. L’attention se porte donc non plus sur la banque
centrale (la seule qui peut émettre de la monnaie) mais sur les intermédiaires financiers qui
peuvent créer une offre de monnaie privée et de quasi monnaie. Gurley et Shaw considèrent
que les intermédiaires financiers, du fait de leurs moyens et de leur savoir faire, augmentent le
crédit qu’un individu peut obtenir et minimisent son coût par rapport au marché financier.
Grâce à leur activité, les intermédiaires financiers augmentent la capacité financière des
individus c’est-à-dire la capacité d’un emprunteur d’absorber du crédit. L’augmentation de la
capacité financière favorise la croissance. Nous pouvons remarquer que dans la pensée de ces
deux auteurs on retrouve des concepts d’amélioration des conditions du marché qui sont à la
base de toute la littérature actuelle, qui analyse l’existence et le développement des
institutions financières d’un point de vue des imperfections de marché.
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Contrairement aux deux auteurs que nous venons de présenter, Modigliani et Miller
(1958) considèrent que les décisions d’économie réelle sont indépendantes de la structure
financière. Non seulement les intermédiaires financiers ne peuvent pas influencer la
croissance économique mais les marchés financiers en générale ne jouent aucun rôle. Il est
intéressant de remarquer que l’article de Modigliani et Miller, qui est considéré comme le
point de départ de la finance corporative
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ne donne aucun pouvoir à la finance (« détruit d’une
façon théorique la raison même d’existence du secteur financier ») et le seul élément digne
d’attention est l’investissement. Les théories économiques traditionnelles n’intègrent pas la
structure financière car celle-ci rend plus difficile la modélisation. Donc, les biens qu’on
essaie d’analyser sont de type Arrow-Debreu où aucune place est accordée aux intermédiaires
financiers.
D’autres auteurs ont essayé de donner à la finance d’intermédiation la place qu’elle
mérite. Mishkin (1978) par exemple conclut que la position nette financière des ménages a un
grand pouvoir explicatif sur la consommation. Bernanke (1983) montre que les facteurs
monétaires ne peuvent pas expliquer à eux seuls la conjoncture de la période 1929-1933
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. Le
phénomène de restriction de crédit a été fondamental dans la diminution de la richesse. Des
secteurs entiers de l’économie se sont trouvés sans crédit, aussi parce que leurs garanties
(titres et immobilier) n’étaient plus suffisantes. Friedman B. (1980), compare la masse
monétaire et les variables d’endettement par rapport à la production et il conclut que le ratio
d’endettement est un élément clé et donc les intermédiaires financiers créent des substituts de
la monnaie.
D’après cette brève revue de littérature, nous pouvons remarquer que pour plusieurs
chercheurs (par exemple Modigliani et Miller..) le secteur financier n’a pas été un élément
central de la théorie économique et s’il a été étudié il a été considéré seulement sous la forme
de marché « simple », où l’offre et la demande de monnaie se rencontrent (Keyns et les
monétaristes). Très peu d’auteurs ont su analyser l’importance de la structure du secteur
financier et ont su comprendre le rôle des intermédiaires financiers qui existent pour faciliter
la consommation et les investissements.
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Cet article, au même titre que le CAPM, peuvent être considéré comme les fondements de la finance en
générale.
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