la réalité psychologique des personnages fut une donnée initiale fondamentale pour
l’élaboration de la mise en scène d’HEDDA GABLER et pour la continuité du travail de
réflexion mené sur l’acteur au Théâtre d’Art.
En 1979 chez PETER ZADEK, le point de départ de la mise en scène d’HEDDA GABLER
est le personnage éponyme, perçu non pas tant dans sa densité psychologique de prime abord,
mais selon sa fonctionnalité dans un réseau relationnel social. Ainsi elle représente pour
Peter Zadek: « la femme fatale, qui pour les hommes sera porteuse de mort, qui les castre, qui
les détruit.» Elle devient un personnage stéréotypé et mythique. La tension dramatique
mise en exergue repose alors sur une tension fonctionnelle et relationnelle. On sent
l’influence des lectures structuralistes qui marquèrent la critique et l’analyse littéraires dans
cette focalisation sur la place et le rôle du personnage d’Hedda. Elle est perçue, ici, comme
une incarnation d’une fonction dans un schéma à partir duquel tout se structure et s’explique :
« que ces femmes démoniaques meurent à la fin de l’œuvre, assassinat ou suicide, cela a
certainement quelque chose à voir avec le fait que les artistes qui les ont créées sont des
hommes, qui soulageant leurs angoisses et/ou leur vanité ont réussi en rêve à vaincre leur
vainqueur parce qu’ils n’y sont pas parvenus dans la vie. » La mise en scène reposera sur la
même tension, c’est-à-dire, l’équilibre/déséquilibre relationnel.
Pour ALAIN FRANCON, en 1987, le point de départ a été donné par Michel VITTOZ qui en
traduisant le texte lui a trouvé des caractéristiques spécifiques du point de vue de sa
structure : « fragmentaire, composite, voire hétéroclite. » Ce fut une révélation pour Alain
FRANCON. Il y a trouvé de suite les fondements de sa mise en scène. « Sur ce texte
chaotique, je n’ai pas voulu imposer le regard du metteur en scène, et j’ai refusé de dire
« JE ». Peut-être par réaction à la trop grande suprématie donnée aux metteurs en scène dans
les années 70. Pour Michel Vittoz, à l’évidence dans la lignée deVitez, la mise en scène
commence dès la traduction : « Au début, ma traduction ne marchait pas sur le plateau : Les
répétitions ont duré très longtemps.(…) Il faut être juste là, dans une présence quasi-
musicale, en laissant se constituer le sens, fragments après fragments. Mais dès la première
lecture, la dynamique, le vertige, la folie du texte m’ont semblé être convoqués. Alain
Françon s’est attaché à faire rendre par les comédiens le surgissement de chacun de ces
lambeaux de paroles, tous ont accepté de jouer le jeu de cette langue accidentelle. »
GLORIA PÂRIS elle, en 1999, est partie d’une donnée psychologique : le vide intérieur,
qui caractérise le personnage d’Hedda. Un vide qui contaminera tout le plateau d’une
blancheur clinique. Et, par opposition ou phénomène de repoussoir, Théa Elvsted apparaît
comme pleine, exubérante, vivante, tout simplement existante, car : « elle a trouvé, elle, une
raison de vivre ». La tension dramatique dans ce cas repose sur une tension entre les
caractères, repoussoirs ou aimants.
Pour BRIGITTE JACQUES, à la Comédie de Genève,( 2000) Le travail de mise en scène
est parti d’une sorte de point de mire autour duquel semble se structurer la pièce et de ce fait,
la mise en scène. Il s’agit de la scène où Lovborg évoque ses rencontres avec Hedda. La
tension dramatique est ici dominée par le fantôme, si ce n’est le fantasme d’un passé révolu,
sorte d’âge d’or, mélange de pureté virginale et de jouissance par procuration. Hedda
jouissant des récits des débordements de Lovborg. « Le théâtre comme lieu de l’incarnation
du fantasme » repose sur un désir refoulé rappelé lors d’une scène clé qui fonctionne comme
un punctum pictural, point de mire ou de nœud dramatique autour duquel s’organise la
dramaturgie.