STANISLAVSKI – page 24
A propos de son travail (naturaliste) sur Hedda Gabler, Stanislavski refuse d’opposer
naturalisme et symbolisme, comme cela s’est fait en France puis en Russie lorsqu’on a
découvert le théâtre d’Ibsen. Mais évitons des confusions :
1- A cette occasion, Stanislavski parle du jeu , non de la scénographie ni de l’ensemble
de la démarche de mise en scène:
Un jeu naturaliste,dit-il, s’il pousse l’acteur à la plus grande sincèrité et à la plus grande
intensité,devrait lui permettre de prendre en compte les forces inconscientes ,obscures, qui
habitent le personnage,et donc de travailler aussi sur le symbolisme de la pièce . (Il revient
sur son travail passé).Autrement dit, ce n’est pas par excès de réalisme qu’a pêché son travail
sur Hedda Gabler , mais plutôt par insuffisance.Les jours où il intériorisait vraiment l’état
mental de son personnage, Lovborg, jusque dans ce qui agite son inconscient, Stanislavski a
eu le sentiment d’être au plus près du personnage, sans clivage entre naturalisme et
symbolisme.
2 - Cette analyse vaut pour le travail naturaliste de Stanislavski sur Ibsen , mais il ne faut
pas la généraliser, par exemple en conclure que ,si ,du point de vue des sentiments du
personnage, le naturalisme dans le jeu de Stanislavski permettait selon lui d’aller vers les
enjeux portés par le symbolisme de la pièce, les deux manières de jouer se ressemblaient. En
France,par exemple, il y avait une forte différence entre les deux : le jeu symboliste des
acteurs du théâtre de l’Oeuvre était très spécial : le texte était psalmodié (= dit comme un
psaume)d’une voix blanche, par des acteurs comme somnambules, comme traversés par des
voix venues d’ailleurs... C’était une manière de jouer qui exaspérait les uns et bouleversait les
autres, ceux qui étaient sensibles à une sorte de rituel mystérieux, ou à l’idée que l’acteur est
possédé, à moins que ce ne soit le personnage...
3- L’ensemble de la démarche est différent : Pour les naturalistes, il s’agit de considérer le
texte comme reflet du réel, et donc de donner à voir cette réalité au théâtre . Il faut créer un
effet de réel .De plus, le théâtre naturaliste est un théâtre psychologique, où les dialogues
mettent en relation des rapports cause(s) / conséquence(s) ou le couple stimulus/réponse,
pour éclairer les mouvements intérieurs du personnage.Même si il ne s’agit finalement pas de
le réduire à ces tentatives d’élucidation.La démarche des symbolistes interroge un sens caché
au-delà de ce qui est perceptible dans la psychologie du personnage.
Si dans le contexte de l’époque où la pièce s’est fait connaître , en France, on a tendance à
polémiquer autour de ces deux courants théâtraux , le naturalisme, le symbolisme, la question
aujourd’hui peut être aussi posée autrement ; mais elle continue à traiter ,par un bout ,du
naturalisme, c’est-à-dire de l’ancrage historique et sociologique de la pièce, qu’il soit
respecté, dépassé , nié.
II – LA PORTEE SOCIALE / L’INTEMPORALITE
CITATION D’IBSEN,page 56.
« Je ne suis même pas certain de savoir ,au juste, ce que sont les droits de la femme.
(...) Bien sûr, il est souhaitable de résoudre, au passage, les problèmes de la femme ;
mais, je le répète, ce ne fut pas là mon dessein. Mon objet est de peindre l’être humain. »
Il faut retenir cette citation. Elle a une grande importance car elle montre qu’Ibsen ne veut pas
qu’on réduise la pièce à une étude naturaliste sur la condition des femmes ,les effets du
milieu social (familial) .Il ne prend pas la défense d’Hedda, comme il l’a fait pour Nora, dans