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Des sociétés secrètes au XIXe
NB
Loge = réunion
Orient : lieu sacré
Grande loge : réunion de plusieurs loges d’un même rite
Obédience : réunion de plusieurs loges de différents rites
Introduction
Nb signe de détresse : cri « à moi les enfants de la veuve » + geste complexe
Notamment le 21 juin 1900 par Brisson lors de la présentation du ministère Waldeck
Un sujet assez exotique mais qui prend de l’importance quand on observe les démêlés de
l’Eglise avec la maçonnerie, ou bien les hésitations de la maçonnerie vis à vis de ses
fondements spirituels et de sa constitution.
Le XIXe fut un siècle riche en sociétés secrètes, de diverses tendances : républicaine ou
légitimiste, catholique ou anticléricale… La littérature a d’ailleurs contribué à cette image,
sous des plumes aussi célèbres qu’Eugène Sue (Le juif errant), Alexandre Dumas (Joseph
Balsamo), Honoré de Balzac (Ferragus, histoire des Treize), Georges Sand (Jean Ziska)… La
société secrète est à la mode, et faute de publicité, on lui attribue toutes les influences, tous les
complots… Thème du complot se développe en conséquence (cf Girardet), qui témoigne des
peurs diverses et de l’imaginaire d’une société.
Pb d’une société libérale, moderne, sans véritable espace public de débat et sans institutions
ouvertes. Comme l’a montré Agulhon, on assiste aussi à la transition entre différentes
sociabilités, des confréries aux loges. De ce point de vue, l’Angleterre offre l’exemple le plus
abouti d’une association insérée dans la société et contribuant à en définir l’esprit : au XVIIIe,
maçonnerie anglaise prospère et joue le rôle d’un frein moral (Ligou) en réunissant
gentilshommes et bourgeois autour de l’idéal du « gentleman » si important au XIXe. En
outre, sa présence dans l’empire contribue, dans la mesure des préjugés de l’époque, à la
formation des élites indigènes.
Diverses problématiques : naissance, avant l’heure, d’une « internationale » non sans
difficultés et incohérences. Par ailleurs, quel peut être le statut d’une « société secrète » dans
les Etats modernes, quelle culture véhicule-t-elle et quels rapports entretient-elle avec ces
autres sociétés de pensée que sont les Eglises ?
La maçonnerie
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en Europe au XIXe
Statistiques
Année
Grande loge de France
effectifs
1903
95 (1907)
4300
1912
149 (1914)
8400
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NB
Loge : réunion
Orient : lieu sacré
Grande loge : réunion de plusieurs loges d’un même rite
Obédience : réunion de plusieurs loges de différents rites
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Année
GOdF
effectifs
1861
190
?
1870
?
24000
1882
352
17000
1905
322 (1898)
27000
1910
470
31000
ateliers
En province
A l’extérieur
1813
404
104
1931
2739
642 + 2 loges mili
Année
Nbre de loges
en Allemagne
effectifs
1859
280
21600
1878
352
41600
1900
427
48700
1919
606
60300
I une affaire d’Etat ?
De même qu’on a pu parler de l’alliance du trône et de l’autel, on pourrait commencer par
évoquer l’alliance du trône et de la loge. En effet, la maçonnerie entre dans le XIXe escorté
d’une réputation sulfureuse, celle d’être à l’origine de la Révolution : il s’agit donc pour les
Etats de contrôler cette menace. Par ailleurs, les Lumières s’imposent et les princes subissent
comme leurs sujets l’influence des nouvelles idées. Entre surveillance et soutien, l’Etat
apparaît comme un partenaire des loges.
En Angleterre, les relations entre le pouvoir et la maçonnerie sont étroites : de même que pour
l’Eglise anglicane, c’est un membre de la famille royale qui en est le grand-maître.
La maçonnerie s’impose en Allemagne avec l’initiation maçonnique en 1738 du futur
Frédéric II. En 1794, l’empereur François va tenter d’impose à la Diète l’interdiction des
loges, mais veto de l’Allemagne du Nord et échec. La Prusse est le royaume cette alliance
est la plus forte : trois obédiences s’imposent dès la fin XVIIIe : « aux trois globes » (1740),
« Royal York » (1798), « grande loge de Hambourg » (1811). Ces loges disposent de 1798 à
1862 du monopole de la maçonnerie en Prusse par décret royal, et le chef de chaque
obédience est responsable devant le souverain…
NB Cas inverse de la Bavière maçonnerie interdite de 1785 à 1811, date à laquelle la
Bavière ayant reçu des territoires prots où maçonnerie développée, la tolère.
La FM allemande ne semble pas avoir joué de rôle dans l’unité. De fait, maçonnerie très
divisée, malgré tentatives de fédération (1810, 1839, 1872…)
C’est dans la France impériale que l’alliance est la plus manifeste : sous le Consulat et
l’Empire, il s’agit surtout d’une sorte de religion déiste succédant aux cultes révolutionnaires.
Persécutée sous la Terreur, elle se reconstitue et s’unifie sous le Directoire. En 1799, la
Grande Loge et le Grand Orient fusionnent
2
, en 1801, le Grand chapitre d’Arras se joint au
Grand Orient.
2
Suite à ces accords, le rite français, à 7 degrés (apprenti, compagnon, maître, élu, écossais, Chevalier d’Orient,
Chevalier de la Rose croix) s’impose et le nombre d’ateliers augmente, passant de 70 (1800) à 114 (1802) puis
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En 1803, le rite écossais (hauts grades) apparaît en France, importé d’Amérique par un
français, de Grasse-Tilly, et qui nomme Louis Bonaparte grand maître… mais l’unité,
menacée, est reformée pour faire face à la renaissance du catholicisme : les deux rites
(français et écossais) fusionnent le 5 décembre 1804. Le Grand Orient parvient durant tout
l’Empire à maintenir l’unité de la maçonnerie française en tolérant une variété de rites
(toutefois, certains n’adhèrent pas au Grand Orient, pour raisons politiques comme le rite
égyptien de Misraïm, républicain).
Activité florissante des loges sous l’Empire, en France et dans les pays annexés (où la
maçonnerie regroupe les partisans de l’Empire) : ces organisations, loyales à l’Empire,
contribuèrent à soutenir sa propagande et son autorité. Mais surveillance exercée par
l’empire : art du code pénal de 1810 prohibe tte association de plus de 20 personnes pour
s’occuper d’objets relig, littéraires, polit ou culturels sauf autorisation du gvt… En outre, à
partir 1805, Joseph et Louis Bonaparte sont respectivement grd maître et GM adjoint du
Grand Orient, avec haut personnel civil et mili (+ titres de loges symboliques comme Amis
fidèles de St Napoléon à Marseille 1806, voire Napoléonmagne à Toulouse en 1801) :
enthousiasme napoléonien dans les loges (bustes, poèmes..). de fait, une enquête de 1811
montre que majorité des ateliers formée de mili (nbreuses loges de régiment) et de
fonctionnaires, donc loyalistes.
A la Restauration, malgré des témoignages de loyalisme aux Bourbons (nomination dans des
hauts grades, érection d’une statue de HIV…), la FM n’est que tolérée, tant elle est apparue au
service de l’Empire. A partir de 1845, la noblesse perd la direction du GO
La FM française va rapidement virer à l’anticléricalisme quarante-huitard, et se heurte au 2nd
empire protecteur du StS. Napoléon III tranche le pb de la direction en nommant grand maître
un profane, le gal Magnan (hâtivement initié à tous les grades). Ce dernier décide, soutenu par
l’empereur, d’opérer la fusion des loges ‘écossaises et GO) manu militari et obtient la
dissolution du rite écossais. En outre, une circulaire Persigny de 1861 compare les loges aux
sociétés de bienfaisance relig en terme de statut. Mais Magnan sait par ailleurs se faire
accepter en pratiquant politique libérale et en ouvrant la FM.
Forte pénétration de la FM dans le milieu républicain (du reste, 7 des 12 mbres du gvt
provisoire de 1870 sont maçons). Idem en 1895 le gvt Bourgeois compte 8 maçons.
Signalons que lors de la loi de 1901, la FM ne posa jamais de demande d’autorisation et ne
déposa jamais ses statuts, ses comptes ou de quelconques registres…
II une internationale avant la lettre ?
Angleterre est terre de naissance de la maçonnerie moderne, « spéculative » : la « Mother
lodge ». Mais connaît une scission en 1752 entre loges « Ancients » (attachées à rites tradi et
aux 3 grades) et « Moderns » (hauts grades en plus). Tentative de réunion en 1799, sans suite.
La réunion a finalement lieu le 25 novembre 1813, par la signature des 31 articles d’union, au
sein d’une « Grande loge unie d’Angleterre ». Après qq difficultés, cette obédience se
développe dans le RU et dans tt l’Empire (Cf poème Kipling « la loge mère »)
Siège de la grande loge unie : le Freemason’s Hall. La plupart des villes ont des temples
autonomes (mais ce n’est pas systématique). Il existe un bureau de bienveillance (Board of
benevolence)…
La grande loge unie d’Angleterre se considère comme la « mère loge du monde », apte à dire
le droit maçonnique… mais rupture avec la France en 1877, suite à proposition du pasteur
Desmons, mais aussi du fait de attitude nationaliste du GO français. En 1914, c’est avec les
grandes loges allemandes qu’il y a rupture, toujours pour cause de nationalisme. Depuis,
1223 (1814, regroupés en 886 loges et 337 chapitres) : une nouvelle maçonnerie, rationaliste et républicaine est
née.
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France a développé, avec Association maçonnique internationale, un cadre libéral qui
accueille la majeure partie des loges européennes…
En terme d’unité, les loges connaissent des situations variées. L’exemple allemand est le plus
marquant d’une unité maçonnique tardive, contrairement à politique… :
- courant prussien, marqué par luthéranisme et illuminisme.
- Courant « humanitaire »implanté dans le SW et en Saxe depuis 1741
- Courant « suédois » implanté en Allemagne du N depuis 1770
La maçonnerie allemande
Pb jusqu’en 1871 car diversité des conditions. Maçonnerie s’impose en Allemagne avec
l’initiation maçonnique en 1738 du futur Frédéric II. En 1794, l’empereur François va tenter
d’impose à la Diète l’interdiction des loges, mais veto de l’Allemagne du Nord et échec. Sous
l’empire napoléonien, maçonnerie prospère avec occupation française et ce pendant tout
XIXe :
Année
Nbre de loges
effectifs
1859
280
21600
1878
352
41600
1900
427
48700
1919
606
60300
FM allemande partagée entre divers courants (unité maçonnique tardive, contrairement à
politique…) :
- courant prussien, marqué par luthéranisme et illuminisme. Forte influence
anglaise. Antisémitisme parfois. Trois obédiences s’imposent dès la fin XVIIIe :
« aux trois globes » (1740, 21000 maçons en 1930), « Royal York » (1798, 11000
mbres en 1932), « grande loge de Hambourg » (1811, 5000 frères en 1832). Ces loges
disposent de 1798 à 1862 du monopole de la maçonnerie en Prusse par décret royal, et
le chef de chaque obédience est responsable devant le souverain… NB Cas inverse de
la Bavière maçonnerie interdite de 1785 à 1811, date à laquelle la Bavière ayant
reçu des territoires prots où maçonnerie développée, la tolère.
- Courant « humanitaire »implanté dans le SW et en Saxe, avec 7 obédiences et
18500 frères en 1932 : « grande loge du Soleil levant, (1907) », « grande loge au
Soleil (1741) », « grande loge éclectique (1822) », « grande loge symbolique
d’Allemagne (1903) », …
- Courant « suédois » implanté en Allemagne du N depyuis 1770, et 20 300
mbres en 1932.
La FM allemande ne semble pas avoir joué de rôle dans l’unité. De fait, maçonnerie très
divisée, malgré tentatives de fédération (1810, 1839, 1872…)
Une internationale masculine
Dès sa fondation, la maçonnerie est interdite aux femmes (constitutions d’Anderson), ce qui
entraîne assez rapidement la naissance d’associations maçonniques féminines plus ou moins
élaborées. Il existe un antiféminisme maçonnique qui fait de la femme la créature du prêtre…
mais certaines loges sauront se montrer plus ouvertes et l’on voit ainsi une loge parisienne
initier en 1882 Maria Deraismes, grande militante féministe… pour reculer quasi
immédiatement devant les réactions d’hostilité. Il faut attendre 1893 pour voir se fonder une
première loge mixte (le Droit humain), puis une autre (1901), toutes mises au ban de la
maçonnerie par les obédiences tradi.
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La question pacifiste
La question de savoir si la FM constitue une internationale entraîne à observer son action dans
une situation décisive, la guerre. Certes, individuellement, de nombreux maçons appartiennent
aux diverses organisations pacifistes du XIXe. Ainsi, la conférence de la paix de la Haye
(1899) met en lumière l’action des frères Léon Bourgeois et du belge Henri Lafontaine, tous
les deux futurs prix Nobel.
Mais face à une guerre européenne comme celle de 1870, les maçonneries françaises et
allemandes, en dépit d’appels au calme, ne se tendront pas la main. Les loges allemandes
porteront même plainte auprès du suprême conseil de Belgique (dont émane l’appel). En effet,
la discussion politique est proscrite des loges… En outre, en 1871, les loges allemandes,
appliquant à la lettre les constitutions qui font de la fidélité au souverain et aux lois un devoir
maçonnique, avalisent l’annexion de l’AL… ce qui entraîne la rupture complète avec les
frères français : les nationaux allemands sont exclus des loges françaises, et 7 loges d’AL se
mettent en sommeil. La ligue de l’enseignement, où les maçons sont présents, naît sous
l’invocation « pour la patrie, par le livre et par l’épée »A Paris, en 1889, à l’occasion d’un
congrès commémorant le centenaire de la RF, un congrès maçonnique international réunit la
maçonnerie latine (et qq excentriques) autour de l’idée d’une structure internationale… sans
l’Allemagne et en rappelant le souvenir des provinces détachées. Il faut attendre 1894 et la
conférence maçonnique d’Anvers pour voir se côtoyer des maçons français et allemands, et
1900 pour voir une amorce de réconciliation.
C’est seulement en 1902 qu’un organisme maçonnique international, le Bureau international
des relations maçonniques, voit le jour, à Berne. Si la paix est au centre des débats, les frères
admettent n’avoir pas su réagir face à la guerre des Boers, de même qu’ils se tairont lors du
conflit russo-japonais. A son actif, le BIRM a toutefois l’organisation de rencontres
maçonniques franco-allemandes (1907 à la frontière, Bâle 1908, Baden 1909, Paris 1911,
Luxembourg 1912, la Haye 1913). La réunion de 1914 était prévue à Francfort pour le 16
août…
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III vers une société nouvelle ?
On doit se demander quelle fut la part maçonnique dans la nouvelle société qui apparaît au
cours du XIXe ? Quel est l’apport de la maçonnerie à la modernité ?
En terme de sociabilité, la FM fonctionne alors comme un atelier intellectuel, un labo
d’idées : à partir de 1865, le modèle de l’exposé débat s’impose, sur tous les sujets (sauf
critique des croyances relig et des actes du pouvoir). Le modèle du gentleman s’impose en
Angleterre, et l’anglomanie l’impose au monde…
La question religieuse se pose également : la FM fut-elle le bras armé de la laïcité ?
La question religieuse dans la maçonnerie
1717 : constitutions d’Anderson, statuts de la FM spéculative (détachée de la corporation des
tailleurs de pierre). Introduction en France en 1725.
1849 Convent de Paris du GO de F : le GO vote une « constitution de l’ordre maçonnique de
France » confirmant les traditions anciennes de croyance en Dieu comme lien entre les
maçons… mais crise couve et certains demandent suppression férence au grand architecte
(GADLU).
Jusque vers 1860, problème religieux ne se pose guère : on ouvre et on ferme les séances à la
gloire du grand architecte de l’univers (assez proche de l’être suprême de l’an II…). Mais vers
3
Dès l’invasion de la Belgique, la grande loge suisse Alpina rompt avec les loges allemandes, les loges belges
sont mises en sommeil… tandis que les loges allemandes, interrogées, démentent toute atrocité.
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