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I- L’instrument de diffusion de la pensée du siècle des Lumières
A- Une large diffusion géographique
Depuis les premières créations parisiennes et provinciales des années 1730, la Maçonnerie
s’impose de façon importante surtout après 1750. Fait parisien au départ, elle s’élargit aux
dimensions du royaume et les fondations de loges croissent de décennie en décennie. En
province comme à Paris on est passé de la phase de curiosité et d’inquiétude surveillé par les
autorités à un mouvement dynamique et ample. Pour les premières implantations, la
Maçonnerie s’installe surtout dans les centres provinciaux notables, où le rôle des fonctions
urbaines diversifiées a été très important. Le décalage chronologique entre les fondations
maçonniques provinciales et celle de Paris est de moins de dix ans, ce qui fait contraste avec
les lenteurs et les hésitations des créations culturelles. A partir des premières capitales, la
Maçonnerie rayonne tout de suite, mettant à profit les relations déjà existantes, mouvements
des négociations et trafic des voyageurs, déplacements marchands, militaires, curiosité des
intellectuels. L’attraction exercée partout par l’ordre permet de comprendre la tolérance des
autorités. Sauf éclat exceptionnel, les intendants laissent faire et la croissance des loges
progresse régulièrement. Quand le Grand Orient de France entreprend la réorganisation
générale de la Maçonnerie française, aux environ de 1773, la presque totalité des villes
académique a été gagnée par le mouvement. La France provinciale qui pense à suivi la
capitale en moins de vingt ans. Le réseau se calque approximativement sur celui des villes de
plus de dix mille habitants. De 1770 à 1789, tous les centres urbains d’importance sont
touchés. La multiplication des ateliers resserre les mailles de la trame urbaine en Guyenne, en
Languedoc, en Provence, en Moselle, etc.… Par un phénomène de contamination immédiate,
les créations se multiplient, en grappe, autour des villes où la Franc-maçonnerie est fortement
implantée. L’expansion est la règle dans tout le royaume. En 1777, il y a environ 300 ateliers
qui maçonnent en France, et ce chiffre dépasse les 700 en 1789. Le tournant 1780-1785 se
marque par une dernière poussée de fondations qui se ralentit après. La diffusion des loges se
fait toujours des grandes villes vers les petites, et de la périphérie vers le centre. Phénomène
de façade maritime et de routes fluviales et terrestres, il gagne progressivement vers
l’intérieur des terres, utilisant les tracés des relations diverses, militaires, administratives,
commerciales, intellectuelles.
Le phénomène maçonnique emprunte tout autant les chemins du savoir que ceux du
commerce et des armes. Il correspond au développement d’une vie intense de relations et au
premier temps du décloisonnement régional. Il y a un lien direct entre nombre d’ateliers et
importance des effectifs, diversité des fonctions urbaines et chiffre de la population citadine.
Chaque loge constitue une société étroite. Les trois quart des loges ne rassemblent pas plus de
trente personnes, la moyenne se situe entre vingt et cinquante maçons. Les grandes formations
se notent dans les villes importantes et d’ancienne tradition maçonne. Dans l’ensemble, les
loges ont rarement constitué des réunions imposantes, et l’expression maçonnique reste le fait
de petits ateliers.
B- Une organisation particulière pour un public particulier
Il existe à la veille de la révolution environ 700 loges en France, dont une partie a essaimé
dans toutes les petites cités. La maçonnerie est beaucoup plus ouverte que les autres sociétés
intellectuelles des Lumières, et les trois quart des frères sont membres du Tiers Etat.
Incontestablement, la société maçonne apparait comme ouverte à presque tous les groupes
sociaux. La bourgeoisie y domine largement mais noblesse et clergé s’y retrouvent en bonne
proportion. La prépondérance du Tiers Etat est manifeste à Paris comme en province. Les
variations géographiques sont peu nombreuses. La Maçonnerie dans un petit centre urbain