JE ME SOUVIENS : MEMOIRE ET SOUVENIRS
L'OUBLI
COURS PROF
Peut-on se souvenir de tout? Est-ce même souhaitable? Ne faut-il pas, pour mieux vivre,
se résoudre parfois à oublier? Pouvant aller du «trou de mémoire» à l'amnésie totale et
définitive, l'oubli est généralement considéré de manière négative. Or il apparaît que la
capacité d'oubli peut aussi constituer une force positive, une nécessité vitale qui autorise
à se-réinventer. Ainsi, lorsque Douglas Quaid, le héros de Total Recall, cherche à com-
battre l'oubli qui lui est imposé, on se demande pourquoi il ne saisit pas cette
opportunité pour se libérer du poids de son passé. Libératrice, la première fonction de
l'oubli pousse l'homme à occulter des souvenirs parfois traumatisants pour s'affranchir
d'un lourd passé dans lequel il se sent emprisonné. Cet oubli, qui amène à se dépasser,
exerce une fonction thérapeutique car il permet de reconstruire une nouvelle vie, parfois
sous une autre identité, et de panser les plaies du passé.
Salutaire, l'oubli peut aussi devenir un outil civique et citoyen. Dans un monde de plus
en plus connecté, qui garde trace de tout et où les technologies numériques rendent toute
amnésie impossible, le droit à l'oubli ne s'impose-t-il pas comme le plus élémentaire des
droits de l'homme?
A Qu'est-ce que l'oubli?
Dans la définition proposée par le dictionnaire ..,l'oubli est considéré comme une
défaillance de la mémoire qui occulte certains souvenirs. L'oubli est alors comparable à
un voile qui recouvre les yeux de ceux qui regardent vers le passé. Selon Jules Supervielle,
l'oubli met en évidence les fragilités et lacunes de la mémoire qui n'a parfois rien d'autre à
offrir que le néant. Cependant, l'oubli ne doit pas être considéré comme un handicap de la
mémoire mais comme la condition indispensable à son bon fonctionnement. N'est-il pas
fréquent de voir certaines personnes enfouir des souvenirs trop douloureux dans le tréfonds de
leur mémoire pour tenter de mieux vivre? C'est ce que soutient Freud qui met en évidence le rôle
essentiel du refoulement dans l'inconscient: pour le psychanalyste, oublier, c'est refouler ce
qu'on ne souhaite pas voir survenir à la conscience.
Deux catégories d'oubli peuvent être distinguées: l'oubli mineur ou d'apparence
anecdotique d'un nom par exemple et l'oubli majeur d'un épisode crucial de l'existence
comme chez Anny Duperey, traumatisée par la mort de ses parents. Mais, quels que soient
sa nature ou son degré d'intensité, tout oubli est porteur de sens et constitue un élément
moteur de l'existence comme le confirme Simon-Daniel Kipman. De fait, une bonne
mémoire n'est-elle pas une mémoire qui sait se faire oublieuse et sélective?