Ce que permet la loi, ce que disent les textes
- Les dispositions législatives de référence pour les diagnostics anténatals (c’est à dire les deux
diagnostics prénatal et préimplantatoire) sont les articles L.162-16 et L.162-17 du Code de la Santé
publique. Les investigations génétiques sont autorisées à 2 titres : comme moyens de preuve
judiciaire et comme intervention de santé publique (titre VI loi 1994).
- Après de vifs débats qui envisageaient de l’interdire complètement, le dépistage pre-implantatoire
(DPI) n’a été autorisé, précise l’article L.162-16, qu’à « titre exceptionnel ». La parution très tardive du
décret d’application, le 24 mars 1998, ne permet pas, à l’heure actuelle, de dresser un réel bilan.
- L'article L.162-17 définit les conditions très strictes dans lesquelles le DPI peut être pratiqué :
attestation par un médecin que le couple a une forte probabilité de donner naissance à un enfant
atteint d’une maladie génétique d’une particulière gravité et reconnue comme incurable au moment du
diagnostic ; identification préalable, chez l’un des deux parents de l’anomalie responsable d’une telle
maladie ; consentement écrit du couple ; finalité du diagnostic orienté exclusivement vers la recherche
de l’affection et les moyens de la prévenir et de la traiter.
Ce qui peut changer
Le dispositif juridique envisagé dans l’avant-projet de loi bioéthique reste le même pour les deux
techniques. Il propose néanmoins la création d’une « agence de la procréation, de l’embryologie et de
la génétique humaine ».
Les enjeux
- Depuis le mois d’août 1999, trois centres en France (l’hôpital universitaire de Strasbourg, l’hôpital
Antoine-Béclère de Clamart et l'hôpital Arnaud de Villeneuve de Montpellier ) sont agréés en DPI. Le
DPI consiste à analyser le patrimoine génétique de l’embryon obtenu par fécondation in vitro : deux ou
trois cellules sont alors prélevées et leur examen est réalisé pour rechercher d’éventuelles maladies
génétiques dont les parents sont atteints ou qui correspondent à une famille « à risques ». Un tri est
donc opéré entre les embryons sains et ceux porteurs de la maladie, avant implantation. La
« médecine prédictive » a également pour objet de prédire la survenance chez un individu de telle ou
telle maladie en fonction de la présence de tel ou tel gène. Mais à la différence du DPI, elle s’intéresse
à l’embryon lorsqu’il est déjà dans le ventre de sa mère.
- Les spécialistes sont partagés sur l’efficacité du DPI pour plusieurs raisons : 6 à 10 ovocytes sont
nécessaires, mais la plupart seront détruits ; que faire de l’embryon « porteur sain », par exemple
dans le cas de maladies récessives ou de filles lorsque la maladies est liée au sexe ? En l’état actuel,
il est aussi détruit. La technique comporte de nombreux aléas : le taux de réussite de l’implantation
n’est que de 20 % et alors même que l’implantation est réussie, il faut confirmer le premier diagnostic
avec un second (diagnostic prénatal, opération qui comporte un risque de perte du fœtus de 3 %).
- D’un point de vue éthique, les deux techniques touchent à la même problématique, puisque la
détection de gênes porteurs de risque peut conduire à juger si une vie vaut ou non la peine d’être
vécue. Le DPI peut apparaître comme une première dérive eugéniste avec la sélection des embryons,
le critère de maladie grave apparaissant comme flou. S'il pourrait sembler légitime de rechercher des
maladies se déclarant dès l'enfance, que faire en cas de détection d'une maladie qui ne déclarera que
40 ans après la naissance, voire jamais ? Tout repose sur un calcul de probabilité, d'où l'avis négatif
du Comité consultatif national d'éthique le 22 juin 1993 sur le dépistage systématique de la trisomie
21. Dans le cas du partage par plusieurs personnes d'un patrimoine génétique proche, donc
susceptible d'être porteur des mêmes gènes de maladie, faut-il informer les autres membres de la
famille qu'ils sont susceptibles d'être touchés par la même affection génétique ? De quel droit faire
entrer dans la maladie des personnes avant qu'elles ne soient malades ? L'extension des méthodes
de fécondation in vitro à des couples non stériles évite certes une IVG mais certains n'y voient que le
passage d'un avortement in utero à un avortement in vitro...
- Apparaît alors une contradiction entre l'objectif curatif, puisque officiellement les recherches sont
menées pour soigner le plus tôt possible une affection - et une pratique qui conduit à l'élimination
quasi systématique des embryons identifiés comme potentiellement atteints. Des risques de dérive
sont de plus à considérer : on peut par exemple craindre l'usage d'un bilan génétique pour calculer le
montant d'une police d'assurance.
- La question de DPI nécessite un traitement rapide car les capacités actuelles plafonnent en dépit de
l'ouverture d'un troisième centre ; s'il est décidé de s'engager dans cette voie, il importe au moins de
se doter des moyens matériels permettant un DPI sûr et dans de bonnes conditions.