FICHES TECHNIQUES SUR LES GRANDS THEMES DE BIOETHIQUE Dossier conçu par des étudiants de Science Po dans le cadre d'un projet collectif avec le soutien du Forum d'action citoyenne. Révisions des lois de bioéthiques : textes, débats et enjeux L’assistance médicale à la procréation (AMP) Médecine prédictive et diagnostic préimplantatoire La recherche sur l’embryon Le clonage Expérimentations et prélèvements d’organes sur des êtres humains L’assistance médicale à la procréation (AMP) Ce que permet la loi, ce que disent les textes En 1994, le législateur a retenu les principes suivants : - Une autorisation légale est nécessaire, - Seul un couple hétérosexuel a le droit de recourir à une AMP, l’homme et la femme formant le couple doivent être mariés ou justifier d’une vie commune d’au moins deux années et doivent être en âge de procréer, - Le consentement des deux membres du couple est placé au cœur des règles édictées, - L’AMP n’intervient à l’intérieur du couple que lorsque la procréation ne peut être réalisé naturellement pour des raisons physiologiques ou médicales, - Le législateur a institué la primauté de la procréation à l’intérieur du couple sur la procréation exogène (AMP avec donneur et don d’embryon) qui n’intervient que comme « ultime indication », - La maternité de substitution et la gestation pour autrui sont interdites, - La congélation des embryons est autorisée. En Europe : l'Italie, les Pays Bas et le Portugal sont en passe de se doter de législations pour réglementer les AMP. Ce qui peut changer - L’assistance médicale à la procréation est désormais une technique très fréquemment utilisée : 21 ans après la naissance du premier bébé éprouvette, on constate qu’environ 40 000 ponctions ovocytaires sont pratiquées chaque année an France, près de la moitié d’entre elles étant faites pour réaliser des micros injections de spermatozoïdes (méthode de PMA, désignée par le terme d’ICSI). L’avant-projet de loi prévoit d’assouplir les conditions juridiques de pratique des AMP, - Les conditions d’accès à l’AMP deviendraient moins restrictives puisqu’elle serait désormais ouverte aux couples au sein desquels existe un risque de transmission d’une maladie d’une particulière gravité d’un partenaire à l’autre ou à l’enfant. Si l’AMP à l’intérieur du couple est impossible, le recours à un tiers donneur serait autorisé dans ces cas, - L’autorisation du transfert d’embryon post-mortem est également envisagé, à la condition que l’homme ait expressément consenti de son vivant à la poursuite du processus d’AMP après son 1 décès, - L’autoconservation de cellules sexuelles apparaîtrait expressément dans la loi, - Un couple ayant déjà des embryons conservés ne pourra bénéficier d’une nouvelle tentative de fécondation « in vitro » avant le transfert de ces derniers, - Le donneur de gamète pourrait ne pas faire partie d’un couple, - Au bout de 5 ans, si le couple ne répond pas sur le point de savoir s’il maintient sa demande parentale, il serait mis fin à la conservation de ses embryons. Des enjeux éthiques considérables - Le perfectionnement des techniques d’AMP pose la difficile question du risque de glissement vers un eugénisme latent : . Une banque américaine de sperme, Repromod, a mis en ligne son catalogue de donneurs proposant plus de 200 fiches, avec pour chacune le pedigree physique et psychologique du donneur des spermatozoïdes, accompagnée de portraits robots : le « visiteur » est invité à choisir les gamètes en fonction de ses critères pour son futur enfant (L’Evénement, 02/09/99). Ce n’est là qu’un exemple : on a aussi beaucoup parlé des ovules de mannequin en vente sur Internet… . Des couples revendiquent le droit de choisir le sexe de leur enfant : l’an dernier (AFP, 04/10/00) un couple écossais a menacé de porter son affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme en cas de refus des tribunaux britanniques de les laisser choisir le sexe de leur futur enfant grâce à la fécondation in vitro. Ces parents avaient déjà trois garçons et, leur petite fille étant morte trois ans plus tôt, ils souhaitaient que leur famille retrouve « une dimension féminine ». - les avancées scientifiques posent de graves questions quant à l’identité de la mère génétique : une équipe franco-hispano-italienne a mis au point une nouvelle technique d’AMP consistant à prélever le noyau de l’ovule –où se trouve l’ADN- de la future mère, et à l’insérer dans le cytoplasme vide de la mère porteuse. L’ovule qui sera fécondé par le sperme du père contiendrait le patrimoine génétique de la mère et non celui de la donneuse. Or il y a un point que les chercheurs n’évoquent pas : les ovules des donneuses contiennent de l’ADN hors noyau (ADN mitochondrial), c’est-à-dire dans le cytoplasme. Les enfants hériteront donc des gènes d’un père et de deux mères. - Ces évolutions reposent de manière aiguë la question du statut de l’embryon : on ne sait que faire de la grande quantité d’embryons, désormais congelés, produits pour réussir les AMP. La poursuite d’AMP dans des proportions encore plus grandes accentuera donc cette question : de plus en plus d’embryons seront voués à la destruction (après 5 ans de non-réalisation d’un projet parental) ou à l’expérimentation (cf. partie sur « la recherche sur l’embryon »). - Le principe de l’anonymat du donneur a été contesté car il entraînerait des troubles psychologiques chez l’enfant et parce qu’il apparaît peu compatible avec la Convention des droits de l’enfant de 1990 qui prévoit le droit de l’enfant de connaître ses parents. Les solutions alternatives - Il paraît bénéfique que l'avant projet interdise à un couple ayant déjà des embryons conservés de bénéficier d'une nouvelle fécondation in vitro avant le transfert de ces derniers. - Cependant, une plus grande prudence juridique quant à l’accès aux AMP éviterait d’accentuer des questions déjà préoccupantes, et de risquer un glissement vers des tentations eugénistes. Gènéthique ne cautionne pas nécessairement toutes les données de cette fiche. Médecine prédictive et diagnostic préimplantatoire 2 Ce que permet la loi, ce que disent les textes - Les dispositions législatives de référence pour les diagnostics anténatals (c’est à dire les deux diagnostics prénatal et préimplantatoire) sont les articles L.162-16 et L.162-17 du Code de la Santé publique. Les investigations génétiques sont autorisées à 2 titres : comme moyens de preuve judiciaire et comme intervention de santé publique (titre VI loi 1994). - Après de vifs débats qui envisageaient de l’interdire complètement, le dépistage pre-implantatoire (DPI) n’a été autorisé, précise l’article L.162-16, qu’à « titre exceptionnel ». La parution très tardive du décret d’application, le 24 mars 1998, ne permet pas, à l’heure actuelle, de dresser un réel bilan. - L'article L.162-17 définit les conditions très strictes dans lesquelles le DPI peut être pratiqué : attestation par un médecin que le couple a une forte probabilité de donner naissance à un enfant atteint d’une maladie génétique d’une particulière gravité et reconnue comme incurable au moment du diagnostic ; identification préalable, chez l’un des deux parents de l’anomalie responsable d’une telle maladie ; consentement écrit du couple ; finalité du diagnostic orienté exclusivement vers la recherche de l’affection et les moyens de la prévenir et de la traiter. Ce qui peut changer Le dispositif juridique envisagé dans l’avant-projet de loi bioéthique reste le même pour les deux techniques. Il propose néanmoins la création d’une « agence de la procréation, de l’embryologie et de la génétique humaine ». Les enjeux - Depuis le mois d’août 1999, trois centres en France (l’hôpital universitaire de Strasbourg, l’hôpital Antoine-Béclère de Clamart et l'hôpital Arnaud de Villeneuve de Montpellier ) sont agréés en DPI. Le DPI consiste à analyser le patrimoine génétique de l’embryon obtenu par fécondation in vitro : deux ou trois cellules sont alors prélevées et leur examen est réalisé pour rechercher d’éventuelles maladies génétiques dont les parents sont atteints ou qui correspondent à une famille « à risques ». Un tri est donc opéré entre les embryons sains et ceux porteurs de la maladie, avant implantation. La « médecine prédictive » a également pour objet de prédire la survenance chez un individu de telle ou telle maladie en fonction de la présence de tel ou tel gène. Mais à la différence du DPI, elle s’intéresse à l’embryon lorsqu’il est déjà dans le ventre de sa mère. - Les spécialistes sont partagés sur l’efficacité du DPI pour plusieurs raisons : 6 à 10 ovocytes sont nécessaires, mais la plupart seront détruits ; que faire de l’embryon « porteur sain », par exemple dans le cas de maladies récessives ou de filles lorsque la maladies est liée au sexe ? En l’état actuel, il est aussi détruit. La technique comporte de nombreux aléas : le taux de réussite de l’implantation n’est que de 20 % et alors même que l’implantation est réussie, il faut confirmer le premier diagnostic avec un second (diagnostic prénatal, opération qui comporte un risque de perte du fœtus de 3 %). - D’un point de vue éthique, les deux techniques touchent à la même problématique, puisque la détection de gênes porteurs de risque peut conduire à juger si une vie vaut ou non la peine d’être vécue. Le DPI peut apparaître comme une première dérive eugéniste avec la sélection des embryons, le critère de maladie grave apparaissant comme flou. S'il pourrait sembler légitime de rechercher des maladies se déclarant dès l'enfance, que faire en cas de détection d'une maladie qui ne déclarera que 40 ans après la naissance, voire jamais ? Tout repose sur un calcul de probabilité, d'où l'avis négatif du Comité consultatif national d'éthique le 22 juin 1993 sur le dépistage systématique de la trisomie 21. Dans le cas du partage par plusieurs personnes d'un patrimoine génétique proche, donc susceptible d'être porteur des mêmes gènes de maladie, faut-il informer les autres membres de la famille qu'ils sont susceptibles d'être touchés par la même affection génétique ? De quel droit faire entrer dans la maladie des personnes avant qu'elles ne soient malades ? L'extension des méthodes de fécondation in vitro à des couples non stériles évite certes une IVG mais certains n'y voient que le passage d'un avortement in utero à un avortement in vitro... - Apparaît alors une contradiction entre l'objectif curatif, puisque officiellement les recherches sont menées pour soigner le plus tôt possible une affection - et une pratique qui conduit à l'élimination quasi systématique des embryons identifiés comme potentiellement atteints. Des risques de dérive sont de plus à considérer : on peut par exemple craindre l'usage d'un bilan génétique pour calculer le montant d'une police d'assurance. - La question de DPI nécessite un traitement rapide car les capacités actuelles plafonnent en dépit de l'ouverture d'un troisième centre ; s'il est décidé de s'engager dans cette voie, il importe au moins de se doter des moyens matériels permettant un DPI sûr et dans de bonnes conditions. 3 Les solutions alternatives Comme pour l'assistance à la procréation médicale, on peut souhaiter que la prudence juridique l'emporte afin de ne pas rendre plus aiguës des questions éthiques déjà difficiles. C'est ce vers quoi semble s'orienter l'avant projet de révisions, mais la question reste en suspens quant au but de la création d'une " agence de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaine ". Les Bulletins Gènéthique à consulter sur ce sujet : n°1 Diagnostic pré-implantatoire ou tri- embryonnaire ? n°10 Diagnostic pré-implantatoire : jusqu’où ? Gènéthique ne cautionne pas nécessairement toutes les données de cette fiche. La recherche sur l’embryon Ce que permet la loi, ce que disent les textes - En France, la loi du 29 juillet 1994 interdit les recherches sur l’embryon, sauf dans certains cas soumis à des conditions très restrictives. Mais elle autorise la création d’embryons surnuméraires et leur congélation en vue d’une réimplantation en cas d’échec d’une première tentative. Les embryons dont il a été vérifié qu’ils ne faisaient plus l’objet d’un projet parental et qui ne peuvent être accueillis par un autre couple sont détruits si leur durée de conservation excède 5 ans. - Aux Etats-Unis la recherche sur l’embryon est autorisée. - Sur le plan communautaire, le groupe européen d ‘éthique des sciences et des nouvelles technologies (GEE) estime qu’il appartient à chaque Etat d’interdire ou d’autoriser les recherches sur l’embryon. - En Europe, la recherche est autorisée sous certaines conditions au Royaume-Uni, en Suède, en Finlande, en Espagne. Le cadre légal est en cours d’élaboration dans de nombreux pays. L’Allemagne interdit toute recherche sur l’embryon. Ce qui peut changer - L’avant-projet gouvernemental se dirige vers : . Une autorisation de la recherche sur les embryons surnuméraires ne faisant plus l’objet d’un projet parental . Un encadrement de la recherche : le protocole de recherche doit faire l’objet d’une autorisation par les ministres de la santé et de la recherche . Une interdiction de la conception in vitro d’embryons humains à des fins de recherche - Des avancées considérables en matière scientifique sont invoquées pour justifier ces modifications juridiques : une équipe américaine a réussi pour la première fois en novembre 1998 à isoler et cultiver des cellules souches embryonnaires humaines, baptisées « cellules ES » pour Embryonic Stem cell. Extraites à partir d’embryons à des stades précoces, ces cellules ouvrent de nouvelles perspectives scientifiques : amélioration des techniques de fécondation in vitro, meilleure connaissance des mécanismes du cancer et pourquoi pas, obtention de tissus et d’organes humains (rein, poumon) par division cellulaire à fin de greffe. Encore faut-il disposer d’une matière première pour mener les recherches, et en l’occurrence les embryons surnuméraires stockés (en France, 10 à 200 000 embryons surnuméraires, la plupart voués à la destruction en l’absence de projet parental) apparaissent aux yeux de certains comme une opportunité. - Au plan national, le législateur s’appuie sur divers avis et conseils : le Comité consultatif national d’éthique pour la science de la vie et de la santé, l’Académie de médecine, la Commission nationale de médecine et de biologie et de la reproduction et du diagnostic prénatal, et le Conseil d’Etat se sont prononcés en faveur de la levée de l’interdiction de la recherche sur l’embryon. Ces institutions justifient leur prise de position en expliquant que ces recherches pourraient entraîner le développement de thérapeutiques susceptibles d’apporter des réponses à des maladies graves et le plus souvent encore incurables ; en maintenant l’interdiction la France prendrait du retard sur les pays autorisant la recherche sur l’embryon. 4 Les enjeux - Les difficultés éthiques ne sont pas toutes écartées : aujourd’hui ces embryons ne semblent pas en mesure de se développer davantage et de donner un nouveau-né, mais rien n’est encore à exclure. La technique actuelle reste éthiquement contestable : pour obtenir une cellule ES possédant le génome du malade, il faudrait en effet transférer le matériel génétique des cellules du patient dans un ovocyte humain énucléé et laisser l’embryon se développer jusqu’au stade du blastocyste, puis extraire de celui-ci les cellules ES ; or c’est précisément la méthode du clonage thérapeutique, avec les interrogations éthiques qu’elle suscite… Les solutions alternatives - D’autres techniques scientifiques pourraient être utilisées : début 1999, une étude a montré que « des cellules souches adultes (cellules cérébrales adultes, voire de la moelle osseuse) peuvent se différencier vers d’autres types cellulaires complètement différents ». Ceci permettrait d’obtenir des cellules ES sans passer par l’embryon, ce qui aurait pour avantage d’éviter de délicates questions d’éthique. - Le Groupe européen d’Ethique s’est prononcé le 14 novembre 2000 en faveur d’un principe de précaution quant à l’utilisation de l’embryon comme matériel médical, l’identité juridique et le statut de l’embryon ne faisant pas l’unanimité. Pour en savoir plus, consulter les dossiers Embryon Gènéthique ne cautionne pas nécessairement toutes les données de cette fiche. Le clonage Ce que permet la loi, ce que disent les textes Les lois de bioéthique de 1994 n’abordent pas la question du clonage, car les techniques disponibles à cette date n’en faisaient pas un enjeu immédiat. Cependant, de nombreux avertissements ou condamnations du clonage existent déjà tant au niveau international qu’au niveau national : - Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l’homme de l’UNESCO (11/11/97) : condamnation du clonage reproductif - Résolution du Parlement européen (12/11/97) : condamnation du clonage reproductif - Conseil de l’Europe, protocole de Paris, additionnel à la convention d’Oviedo du 12 janvier 1998 : interdiction du clonage d’êtres humains - Résolution du Parlement européen (7/09/2000) : « le clonage thérapeutique pose un dilemme profond, franchit sans retour une frontière dans le domaine des normes de la recherche et est contraire à la politique adoptée par l’Union européenne ». - Avis du Groupe Européen d’Ethique (14/11/2000) : le clonage thérapeutique est peut être le moyen le plus efficace d’obtenir des cellules souches totipotentes en vue de greffes, mais ces « perspectives thérapeutiques éloignées doivent être mises en balance avec d’autres considérations liées au risque que l’utilisation de l’embryon soit banalisée » - Commission nationale consultative des droits de l’homme : insistance sur le caractère prématuré du clonage thérapeutique - Comité national d’éthique : demande de l’interdiction explicite du clonage dans les textes de lois à des fins de clarification Ce qui peut changer - Les avancées scientifiques permettent d’envisager ces modifications : depuis la naissance par clonage de Dolly en 1997, d’autres expériences ont été menées : le 17 juin 1999, The Daily Mail annonçait qu’un premier clone d’embryon humain mâle avait été réalisé par des scientifiques américain et avait été incinéré deux jours plus tard. - l’avant-projet gouvernemental introduit une interdiction implicite du clonage reproductif, mais aucune interdiction explicite. - le gouvernement s’oriente de plus en plus vers une autorisation du clonage « thérapeutique », accompagnée de certaines restrictions. Le clonage thérapeutique permettrait de disposer d’une banque de cellules souches totipotentes disponibles pour développer des matériaux cellulaires en fonction des nécessités de greffes. Il s’agit 5 de fabriquer un embryon cloné exactement comme pour le clonage reproductif. Une fois la fusion du noyau de la cellule somatique et de l’ovocyte réalisé, on laisse l’embryon se développer jusqu’à l’âge de 8 jours environ. On prélève alors la masse cellulaire interne de cet embryon, ce qui le détruit. Les cellules ainsi prélevées sont mises en culture afin d’obtenir des cellules souches embryonnaires, qui sont totipotentes. Comme les cellules du foie, du cœur ou de la peau seraient fabriquées à partir des cellules somatiques de la personne à greffer, le risque de rejet de la greffe n’existerait plus. les enjeux - Une interdiction seulement implicite du clonage reproductif risque de permettre un glissement vers un eugénisme positif, visant à sélectionner et produire un être conforme à des normes. - les restrictions imposées à la pratique du clonage « thérapeutique » ne sont pas de nature à empêcher une dérive vers le clonage reproductif puisque le clonage thérapeutique une fois autorisé rend matériellement possible, malgré l’interdit implicite, le clonage dit reproductif . Un consortium privé regroupant des chercheurs de divers pays, dirigé par le Dr S. Antinori a d’ailleurs annoncé le 29 janvier 2001 son intention de tenter le clonage humain reproductif. - les cellules utilisées pour le clonage thérapeutique présentent un risque important d’être anormales comme l’ont déjà souligné le généticien Axel Khan et le Groupe Européen d’Ethique. - la technique de clonage thérapeutique nécessite énormément d’ovocytes pour réussir un clonage et risque de faire surgir un véritable « marché » avec des femmes transformées en productrices d’ovules. - Le clonage thérapeutique pose une question éthique de création et d’utilisation de l’embryon comme matériel médical. les solutions alternatives - Il existe d’autres techniques permettant de répondre aux nécessités qui motivent l’acceptation du clonage thérapeutique : l’utilisation de cellules souches adultes, sans recourir à l’utilisation d’embryons, permettrait de développer les tissus nécessaires aux greffes. On peut ainsi fabriquer des cellules de peau à partir de cellules de peau prélevées sur le sujet à greffer, des cellules neuronales (qui permettraient par exemple de soigner la maladie de Parkinson) à partir de cellules nerveuses. Les experts de l’Académie des sciences se sont prononcés pour des recherches dans ce sens le 6 mars 2001. En outre, on sait désormais que le cordon ombilical est riche en cellules souches qui, après multiplication, pourraient être utilisées tout au long de la vie du donneur, pour des greffes par exemple. L’utilisation possible de cellules souches, évoquée précédemment (« la recherche sur l’embryon ») constituerait aussi une solution. Le dilemme éthique n’aurait ainsi plus lieu d’être puisque des cellules de l’individu à greffer peuvent être utilisées sans passer par le stade de la création ou de l’utilisation d’un embryon. - Le risque d’eugénisme positif découlant de l’interdiction uniquement implicite du clonage reproductif disparaîtrait s’il était explicitement interdit. - Comme pour la recherche sur l’embryon, le doute subsistant sur le statut de l’embryon et son identité juridique pourraient inciter à instaurer un principe de précaution quant à son utilisation comme matériel médical, comme l’a suggéré le Groupe Européen d’Ethique dans son avis du 14 novembre 2000. Pour en savoir plus, consulter les dossiers Clonage Cellules souches : cellules souches adultes, cellules souches embryonnaires Gènéthique ne cautionne pas nécessairement toutes les données de cette fiche. Expérimentations et prélèvements d’organes sur des êtres humains Ce que permet la loi, ce que disent les textes - Les principes de base qui guident les lois de 1994 sur ce sujet restent « les fins thérapeutiques, la gratuité du don, le caractère obligatoire et révocable à tout moment du consentement préalable, l’anonymat du donneur et du receveur (sauf en cas de nécessité légale ou thérapeutique) ». - Pour les personnes décédées, la loi autorise, après le constat de la mort établi conformément aux exigences législatives, que des organes soient prélevés à des fins thérapeutiques, à condition qu’aucun refus n’ait été émis par la personne de son vivant. Ce principe de la présomption de consentement - qui rend les prélèvements plus faciles- est maintenu. 6 - Pour les personnes vivantes, le prélèvement est nettement plus encadré, et n’est licite qu’en vertu du consentement exprès de la personne et en vue d’une greffe ayant un intérêt thérapeutique direct pour le receveur. La loi du 29 juillet 1994 en donne un sens restrictif : à l’exception du prélèvement de moelle osseuse (dont quiconque peut bénéficier) elle restreint le don d’organe aux père, mère, fils ou fille, frère ou sœur. De plus, elle solennise le consentement et consensualise sa révocation. - Des incertitudes demeurent dans les lois de 1994 sur la question du prélèvement et de l’expérimentation sur les personnes vivantes : ils sont autorisés sur les personnes en état de mort cérébrale, mais interdits sur les personnes en état végétatif chronique. Ce qui peut changer - l’avant-projet prévoit une extension du champ des donneurs vivants potentiels « à toute autre personne ayant avec ce dernier une relation étroite et stable de nature à garantir le respect des principes généraux ». - il n’est pour l’instant pas prévu que la protection dont bénéficient les mineurs ou les personnes vivantes faisant l’objet d’une protection légale soit étendue aux personnes en état végétatif chronique. Les enjeux - Dans un contexte où expérimentation et prélèvements d’organes sur les corps des sujets en état de mort cérébrale sont légaux, et où certains organismes comme l’ADEM (Association pour le développement de l’expérimentation en médecine) militent pour une généralisation et une extension de ces pratiques aux personnes en état végétatif chronique, l’absence de statut protecteur vient, en laissant la question en suspens, fragiliser leur situation. - Les médecin eux-mêmes reconnaissent que l’avenir des personnes en coma prolongé est souvent imprévisible : le 6 janvier 2000, on apprenait qu’une femme de 42 ans, plongé dans le coma depuis 16 ans, s’était réveillée soudainement. Après l’arrêt de son cœur lors d’une césarienne qui avait dégénéré, les médecins l’avait réanimé, et elle vivait allongée, sans bouger, incapable de communiquer, et nourrie à l’aide d’une sonde stomacale. A son réveil, elle a récupéré ses facultés physiques et intellectuelles avec une rapidité surprenante. Ce n’est ici qu’un exemple parmi d’autres, ces cas étant fréquents et réguliers. Les solutions alternatives - L’ADEM propose que les expérimentations ne soient possibles qu’avec un accord préalable des personnes concernées. Ce sera là un premier pas vers la protection des personnes vivantes en état végétatif chronique. Cependant, cette mesure ne constituerait pas une protection légale définitive pour ces personnes, de même qu’elle ne règle pas le problème des personnes en état de coma prolongé. - On pourrait envisager d’évoquer clairement cette question dans la loi, afin que le principe d’indisponibilité du corps humain entendu dans son sens large, et le droit du respect du corps de chacun soient respectés, sans pour autant restreindre abusivement les champs de la recherche médicale, et du prélèvement d’organes nécessaires aux greffes. - Les campagnes actuelles menées, notamment par l’Etablissement français des greffes, pour inciter les citoyens à autoriser le prélèvements de leurs organes après leur mort peuvent constituer une alternative à soutenir : elles pourraient permettre d’éviter un assouplissement trop marqué des conditions légales de prélèvement sur des personnes vivantes, même en état de coma prolongé. 7