LIDER MAXIMO
A 81 ans, Fidel Castro renonce au pouvoir, et même s’il reste influent sur l’île, il cesse d’être
officiellement le lider maximo. C’est sous ce titre qu’il a dirigé Cuba depuis plus d’un demi-siècle, un
titre en espagnol vaguement anglicisé, qui montrait à la fois la réalité de son pouvoir et le désir de ne
pas s’inscrire dans un rituel du pouvoir préexistant.
En effet, c’est un titre créé sur mesure, inventé pour lui, plein de prestige mais, en même temps, qui
montre une volonté de court-circuiter les hiérarchies qui étaient là avant lui : il ne se faisait pas appeler
président de la République, ni secrétaire général du parti, mais restait cet espèce de chef de troupe
qui avait réussi, à la tête de ses partisans, à arracher le pouvoir à Fulgencio Battista. Le titre, dans sa
familiarité assez étudiée, correspond au personnage qu’on a souvent vu en treillis, la barbe en bataille
et le cigare à la bouche.
Drôle de titre pourtant : Lider, qui vient de l’anglais leader, un mot que s’est approprié l’espagnol
comme le français. En effet, on sait en français ce qu’est un leader : c’est un meneur, un chef, un
dirigeant.
Mais le mot a pris un sens un peu particulier, souvent économique, voire commercial : on parle d’un
produit qui est leader sur le marché, c’est le produit qui se vend le mieux, qui est le plus répandu. Au-
delà des mots du pouvoir, ce terme est un peu l’équivalent de « numéro1 ». On a donc deux
significations qui coexistent : qui commande, ou qui est en première position. L’expression « numéro
1 » est d’ailleurs révélatrice à cet égard, c’est comme cela que bien souvent, on appelait les chefs
d’Etat, surtout dans les ex-pays communistes : nouveaux termes pour nouvelles hiérarchies (enfin…
maintenant c’est presque du passé).
Mais le mot « leader », dans la langue française, orthographié à l’anglaise, alors que l’espagnol l’a
acclimaté (lider !), s’entend encore très souvent pour parler de chefs politiques ; le leader de
l’opposition, c’est le chef de file, la personnalité reconnue comme responsable, le porte-parole, parfois.
Mais on parle aussi bien du leader d’une guerilla, ou d’une bande !
Et, sorti du vocabulaire de la politique, on parle du leader d’un groupe d’amis, quand c’est toujours le
même qui décide où on ira ou ce qu’on fera. Ou du leader d’un groupement artistique, ou d’un petit
orchestre, car le mot est tout spécialement utilisé en musique. Et même si c’est rare, et tout à fait
familier, il peut arriver qu’on entende le mot conjugué comme s’il s’agissait du verbe « leader » : c’est
vraiment lui qui « leade ».
Maximo est d’origine toute différente : un vrai mot des langues latines, un vrai mot hérité du latin, où
maximus est le superlatif de l’adjectif magnus : très grand, le plus grand. Et on a également une
tradition des hiérarchies à utiliser cet adjectif : à Rome, le pontifex maximus était le chef religieux, le
grand pontife, opposé aux minores pontifices. Et aujourd’hui, on traduit quasiment le mot pour parler
parfois du Pape : le souverain pontife. Un peu comme le lider maximo de l’église catholique.
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