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Note résumée ; M.L. ; 20/05/08
Atelier de travail UNICEF-OMS sur la gestion des risques sanitaires et
de la lutte contre le choléra et les maladies diarrhéiques en Afrique de
l’Ouest et du Centre. Dakar, Sénégal, 14 au 16 mai 2008.
Approche multifactorielle du choléra en
professeure à l’EHESP
Afrique
–
Michèle LEGEAS,
1. Objet de la présente note :
Le diaporama support de présentation lors de l’atelier est joint à la présente note en annexe
1. Le travail d’origine est celui d’un élèves Ingénieur du Génie Sanitaire de l’ENSP (devenue
EHESP) soutenu en septembre 20041.
Dans la présente note, il s’agit de mettre l’accent sur les points qui ressortent comme
particulièrement importants à l’issue des trois jours de travail, plutôt que de faire un résumé
de ce diaporama.
2. Points à retenir au sujet de l’approche multifactorielle des épidémies de
choléra, en particulier pour la sous région africaine :
a. Points sur l’état des connaissances concernant le risque individuel de
développer la maladie :
Deux principaux types de paramètres déterminent le risque pour un individu donné de
développer la maladie dès lors qu’il est exposé à l’agent du choléra :
- le type de souche de vibrion auquel il est exposé
- et son état de défense biologique et de réactivité immunitaire.
Au-delà des caractéristiques génétiques de la souche de la bactérie es données
bibliographiques récentes [1] tendent à montrer l’existence de deux formes de virulence au
sein des souches de Vibrio cholerae O1/O139 : des souches dites en état d’hyper infectivité
et des souches non hyper infectives. Les premières seraient celles issues directement de
selles fraîches de malades ; les secondes auraient transité dans l’environnement aquatique.
Les doses minimales susceptibles de déclencher la maladie seraient assez radicalement
différentes entre les deux groupes de bactéries.
Par ailleurs, le premier niveau de défense de l’individu après ingestion de la bactérie est son
estomac, pour lequel le pH acide constitue un moyen d’inactivation des vibrions. Or, certains
facteurs, comme en particulier la malnutrition (en particulier l’insuffisance d’apport protéique),
sont capables de modifier la sécrétion acide gastrique [2]. Par ailleurs, toute atteinte à la
réactivité immunitaire pourra fragiliser l’individu exposé à la bactérie : on peut citer encore la
malnutrition ou le stress violent et prolongé [3].
Pour les individus en bonne santé, convenablement nourris et exposés à des bactéries ayant
transité dans l’environnement, les quantités d’eau contaminée à ingérer pour déclencher la
maladie seraient de l’ordre de 200L, compte tenu des DMI proposées dans la littérature [3,
4]. En revanche, pour une personne fragilisée, exposée à des excrétas de malades frais, les
quantités de résidus de matières fécales ingérées via le portage main-bouche ou la
contamination alimentaire ne seraient que de l’ordre de quelques 0,01mL.
Enfin, s’il existe une certaine immunité acquise contre la maladie, cette immunité est de
courte durée, d’autant plus que les personnes ont un système immunitaire immature
(enfants) ou fragilisé (voir ci-dessus).
Consultable à l’adresse Internet suivante : http://www.ensp.fr/modules/ressources-documentaires34/index.php?id=1
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Ces données mettent en évidence que :
- la maladie est quasiment inévitable pour les personnes fragiles qui toucheraient à
des excrétas de malades ;
- plus la distance est grande entre les excrétas des malades et les contacts
« alimentaires », moins le risque est élevé ;
- à conditions d’exposition équivalentes, les groupes de personnes fragiles sont
beaucoup plus vulnérables que les groupes de personnes en bonne santé globale2.
b. Des risques individuels aux épidémies
A partir du moment où une ou quelques personnes sont touchées par la maladie, le risque
épidémique est lié à la densité de la population à laquelle appartiennent ces premiers cas
(faible « distance » entre les excrétas des uns et les contacts oraux des autres), le niveau et
les conditions d’hygiène (au sens large dont l’accès en quantité à une eau de qualité
minimale) de ces populations et enfin de la fragilité globale de ces populations (voir cidessus).
Quand tous les facteurs défavorables sont réunis, la flambée épidémique est quasiment
inéluctable, d’autant plus lorsque le secteur géographique est peu souvent touché par la
maladie (pas ou peu de mémoire immunitaire dans la population).
Il faut enfin rappeler l’importance du portage sain comme facteur de risque épidémique au
sein d’une population : en effet, si une ou plusieurs personnes excrètent le vibrion dans leurs
selles sans signes cliniques, il est probable que moins de précautions seront prises par leur
entourage pour se protéger d’une éventuelle contamination.
Au vu de ces données, les épidémies de choléra devraient se manifester beaucoup plus
souvent et de manière beaucoup plus large que ce que semblent indiquer les alertes
notifiées à l’OMS, en particulier dans la région Afrique.
c. Eléments d’analyse proposés :
L’apparent paradoxe des conclusions de l’analyse des risques et des observations
épidémiologiques peut avoir au moins deux explications :
- une sous notification importante des cas et des épidémies,
- et/ou il existe des facteurs explicatifs supplémentaires à rechercher dans la
dynamique de la maladie.
C’est ce deuxième angle d’approche qui a fait l’objet du travail d’analyse réalisé en 2004, sur
la base des données OMS disponibles et de discussions avec des personnes ressources
connaissant bien la situation dans quelques cas.
L’analyse proposée (détaillée dans le diaporama ci-joint), mise en regard de quelques uns
des exposés faits par d’autres intervenants lors de cet atelier tend à montrer que :
- les notions d’endémie, d’épidémies tournantes, d’épidémies par flambée, doivent être
précisées sur le plan épidémiologique et servir à orienter et affiner la typologie des
territoires en Afrique centrale et de l’ouest ;
- si l’analyse par pays ou par zone géographique, telle qu’elle figure sur le diaporama,
doit être précisée systématiquement localement,
- en revanche, les facteurs évoqués ont du sens, en particulier les facteurs dits de
« rupture », comme la dégradation des conditions de plus ou moins grande sécurité
et qualité de vie pour les populations en amont d’un certain nombre d’épisodes
épidémiques ou les facteurs de potentiel et de propagation épidémiques;
- il existe peut-être réellement des secteurs, au sein de pays ou de zones
géographiques en apparence homogènes, pour lesquels la maladie ne semble
cependant pas diffuser (notion de zones indemnes).
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Santé entendue alors ici au sens de la définition de l’OMS dans son objectif « la santé pour tous en l’an 2000 ».
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3. Quelques pistes de réflexion, sur ces bases et à l’issue de l’atelier :
Le paragraphe qui suit tient compte de l’état de mes réflexions en amont de l’atelier et des
exposés et débat ayant eu lieu lors de l’atelier.
a. Concernant la connaissance de la maladie dans la sous région
africaine :
i. l’analyse spatio-temporelle de la maladie est impérative pour mieux
cibler les actions ; elle peut et doit se faire à des échelles différentes
selon les actions concernées :
 à l’échelle de l’Afrique pour identifier les zones les plus à
risques (soit celles où la maladie est installée, soit au contraire
celles où la maladie semble inconnue),
 à l’échelle des pays, mais aussi, si les données sont possibles
à colliger de cette manière, par entité géographique ou sociales
homogènes (qui peuvent de ce fait recouvrir plusieurs pays ; ce
qui peut s’avérer difficile ?) dans un secteur donné, pour tenter
de décrire la dynamique locale de la maladie,
 en analyse de séries temporelles glissantes, sur au moins 3
ans,
 en
recherche
de
corrélation
avec
les
données
épidémiologiques équivalentes pour d’autres pathologies à
transmission hydrique d’origine fécale (shigellose, poliomyélite,
…), pour mieux cerner les secteurs géographiques au sein
desquels les conditions d’adduction d’eau et d’assainissement
sont les plus défavorables aux populations ;
ii. la définition des concepts d’endémie, d’épidémie, de flambée
épidémique, de zone indemne, doit être faite, en préalable au typage
des pays et à la recherche des facteurs explicatifs majeurs de leur
statut au regard de la maladie ;
b. Concernant les axes de réduction des risques :
i. la priorité doit être donnée à la rupture des expositions des personnes
les plus fragiles (précarité, insécurité, malnutrition, faible accès à
l’eau) : pour ce faire, cibler les actions de sensibilisation sur le
nettoyage des mains après les contacts avec des matières fécales (en
général : humaines et animales, personnelles ou issues de proches) :
faire référence à la notion de pureté (et non de propreté) pour tout ce
qui peut avoir un contact avec la bouche (ce qui peut être
« acceptable » au regard de nombreuses références culturelles ou
cultuelles (à voir avec des anthropologues, psychosociologues, …) ?
ii. de ce fait également, réfléchir les efforts sur l’approvisionnement en
eau selon deux niveaux : les eaux qui vont servent aux usages
impliquant un contact direct avec la bouche (de soi ou des autres) et
les eaux réservées aux autres besoins, qui pourraient correspondre à
des niveaux de qualité et de quantité différents ?
iii. rompre le cycle d’exposition par séparation des zones de collecte des
eaux destinées à l’Homme et des zones d’émission des excrétas
(humains et animaux) : mettre systématiquement les puits ou les
citernes « à l’écart » relatif pour faire voir ce besoin de séparation ? et
promouvoir une organisation des cases ou des bâtiments qui permette
également de symboliser cette « sacralisation » de l’eau « pure » ?
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c. Quelques interrogations concernant les produits destinés au traitement
de l’eau au domicile :
i. le conditionnement de ces produits doit être pensé globalement : éviter
les conditionnements à base de dérivés de pétrole (préférer le carton
par exemple ?), qui ressemblent à des conditionnements de
médicaments (surtout si le message d’accompagnement insiste sur la
disparition des maladies),
ii. l’usage de ces produits ne devrait être considéré que comme un
palliatif, soit à des situations d’urgence, soit en attente de la mise en
place de dispositifs collectifs, mais la généralisation dans le temps
pourrait poser d’autres problèmes sanitaires d’ici à 10-15 ans (effets
des organochlorés produits par ajout de javel à des eaux « sales », en
exposition chronique depuis le plus jeune âge, en éventuel
surdosage : risque de cancers, en particulier de la vessie) ? en tout
cas, à discuter ?
d. Quelques recommandations concernant l’évaluation de l’efficacité des
actions et programmes :
i. classiquement, tous les programmes et action de santé publique
posent le même type de questions, quand il s’agit d’évaluer leur
efficacité finale; il en va ainsi par exemple, en France, avec la question
de l’évaluation de l’efficacité des plans régionaux de santé publique (il
existe une certaine documentation disponible sur ce sujet);
ii. une évaluation satisfaisante doit être imaginée dès le lancement du
programme, afin de réfléchir en amont aux indicateurs à recueillir pour
vérifier l’atteinte des objectifs qui doivent donc être clairement définis :
dans le cadre ce cet atelier, on peut ainsi imaginer de vouloir réduire le
nombre de cas graves de choléra, le nombre de cas total de choléra,
le nombre de pays connaissant des cas de choléra, le nombre de cas
de maladies d’origine fécale à transmission hydrique, le nombre de
cas de décès infantiles par diarrhées aigues, …. ; il s’agira, pour
chacun de ces objectifs différents, d’indicateurs d’efficacité finale
différents ;
iii. des indicateurs qualitatifs ou semi quantitatifs (outils issus des
sciences sociales, comme les enquête d’observation par exemple)
peuvent être utilisés mais doivent d’abord être acceptés par les
opérateurs des programmes ou des actions qui devront être évaluées
(ce qui n’est pas simple : les acteurs sont plus familiers des indicateurs
d’activité quantitatifs !)
iv. une évaluation de l’efficacité des programmes de lutte contre des
maladies transmissibles par l’environnement doit être conçue sur deux
échelles de temps : le moyen terme (2 à 5 ans ; fin du programme, s’il
s’agit d’un programme court) et au moins à 10 ans, pour vérifier la
stabilité des résultats/performances dans le temps (cette évaluation à
long terme est en général « oubliée » ou réputée impossible) ;
v. une évaluation de l’efficacité des programmes nécessite une bonne
description de la situation initiale (voir le point 3.a.i), sur la base des
mêmes indicateurs que ceux qui serviront à l’évaluation ; ce qui
suppose de réfléchir à des indicateurs robustes dans le temps.
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Note résumée ; M.L. ; 20/05/08
Références bibliographiques citées dans le texte :
[1] Hartley D., Morris J. Glenn, Smith D. Hyperinfectivity: a critical element in the ability of V.
cholerae to cause epidemics? PloS Medicine, 2006, 3(1)e7, 0063-0069
[2] Segerstrom S., Miller G. Psychological stress and hte human immune system: a metaanalytic study of 30 years of inquiry. Psychol. Bull., 2004, 130(4), 601-630
[3] Strobel M. DeMol P. Malnutrition et infection. Séminaire nutrition IFMT, juillet 2005
[4] Cohen M., Gianella R., Losonsky G. et al. Validation and characterization of a human
volunteer challenge model for cholera by usin frozen bacteria of the new Vibrio cholerae
epidemic serotype, O139. Infection and Immunity, 1999, 67(12), 6346-6349
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Annexe 1 : diaporama présenté lors de l’atelier UNICEF-OMS,
Dakar, 14-16 mai 2008
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