Droit Administratif
Mme Rainaud Séance 3 Mardi 28 Septembre 2010
Question de la répartition des compétences :
Ce problème est dû à l’existence d’une dualité de juridiction. C’est une question
complexe mettant en cause une bonne administration de la Justice.
Approche historique et synthétique
Première phase :
Dans une première phase, on a considéré que tout le contentieux de
l’Administration relève du juge administratif. C’est l’application de la loi des 16 et
24 Aout 1790. Cette idée va connaitre des nuances en pratique.
En effet, au XIX° siècle, on note une distinction entre :
- Les actes d’autorités témoignant de la puissance publique : ils relèvent de
la compétence du juge administratif.
- Les actes de gestion relevant de la compétence du juge judiciaire.
Au cours de cette même période, on note une dissociation entre :
- Le contentieux des collectivités locales
- Le contentieux de l’Etat
A priori
, seul l’Etat peut prendre des actes d’autorités. Ce critère de répartition ne
vaut que pour le contentieux de l’Etat. En revanche, le contentieux des
collectivités locales relève du juge judiciaire.
En définitive on constate, au cours de cette première phase, qu’il n’y a pas de
véritable unité.
Deuxième phase :
Celle-ci débute avec l’arrêt Blancot du 8 Février 1873. On y retient le critère de
service public comme justification à la compétence du juge administratif. Cela
permet à ce dernier d’appliquer un droit spécifique. La responsabilité de l’Etat est
engagée du fait de l’activité des personnes engagées par l’Etat.
Le Tribunal des Conflits a décidé d’accorder la compétence du juge administratif
sur le fondement du service public.
L’intérêt de cet arrêt est de mettre fin à la longue tradition d’irresponsabilité de
l’Etat ; désormais, le régime de responsabilité est plus rigoureux. En outre, cet
arrêt abandonne le critère basé sur la distinction entre acte de gestion et acte
d’autorité.
En conséquence, le juge s’engouffre dans la notion de service public. En pratique,
le contentieux relatif à l’organisation ou au dysfonctionnement du service public
relève de la compétence du seul juge administratif.
Cependant, il n’y a pas encore d’unité entre le contentieux de l’Etat et celui des
collectivités locales. Pour ces dernières, on applique encore la distinction
classique entre acte d’autorité et acte de gestion.
Au début du XX° siècle, on assiste à l’affirmation du critère de service public ; en
effet, quand une collectivité locale agit en vertu du service public, il y a alors
attribution de la compétence du juge administratif.
Cette affirmation est illustrée par l’arrêt Terrier (CE, 6 Février 1903). Il s’agit d’un
versement de primes dues à un particulier. Le département s’était engagé à verser
une contrepartie à l’élimination de vipères. Le refus du versement est porté
devant le juge administratif. Dès lors, on note qu’il n’y a plus distinction entre le
contentieux des collectivités locales (département) et celui de l’Etat dans la
mesure où il est question d’un service public.
On assiste donc à un élargissement du champ de compétence au profit du juge
administratif. Par cet arrêt, on voit la consécration de la notion de service public
au-delà de la seule personne étatique.
Cette jurisprudence a été confirmée par l’arrêt Thérond (4 Mars 1910) ; il s’agit
d’un contentieux opposant la ville de Montpellier et un particulier chargé de
capturer les chiens errants. On applique à la commune la même règle qu’aux
départements.
Cette jurisprudence est étendue au contentieux de la responsabilité ; l’arrêt de
principe émane du Tribunal des Conflits (Arrêt Feutry du 29 Février 1908). En
l’occurrence, il y était question d’une action en dommages et intérêts intentée par
un particulier contre un département. En effet, un aliéné s’est échappé d’un asile
départemental pour aller incendier une meule de foin. Le contentieux a été
attribué au juge administratif en raison du dysfonctionnement du service public.
De même, on a l’arrêt du Tribunal des Conflits De Fons Colombes du 11 Avril
1908 où la ville de Marseille a vu sa responsabilité pour faute engagé du fait de la
commission d’une erreur de la part de l’un de ses agents. Il s’agit donc d’un
dysfonctionnement du service public.
Bilan
On assiste à une compétence grandissante du juge administratif en vertu du
principe de service public. Toutefois, cette seconde phase ne durera pas.
Troisième Phase : crise du service public comme critère d’attribution
Ce n’est donc plus l’élément pertinent. Au sein de la juridiction administrative, va
s’opérer une nouvelle distinction au sein des services publics ; en effet, on tient
compte du mode de gestion choisi :
- Recours à de la gestion privée : le litige est soumis à la compétence du juge
judiciaire
- En cas de gestion publique : il y a conservation de la compétence du juge
administratif.
Cette distinction va tout d’abord être mise en œuvre dans le cadre du contentieux
contractuel.
- Tribunal des Conflits, 4 Juin 1910 : « Compagnie d’assurance le Soleil » :
elle va inspirer le Conseil d’Etat lors de l’arrêt « Société des granits
porphyroïdes des Vosges ». Le juge administratif constate que
l’Administration passe des contrats comme un simple particulier. Ainsi, la
personne publique peut agir avec les mêmes objectifs que des personnes
privées. Dans le contentieux contractuel apparait une nouvelle distinction :
o Service public industriel et commercial
o Service public administratif
- Tribunal des Conflits, 22 Janvier 1921 : « Société commerciale de l’Ouest
Africain » :
Ici, il est question de la responsabilité de la personne publique mise en jeu à
l’occasion du service public qu’elle exploite. En l’espèce, un recours est porté par
cette société dans le but d’obtenir réparation.
Pour le Tribunal des Conflits, le service est exploité dans les mêmes conditions
que pour un particulier. Dès lors, il apparaît qu’il est question d’un Service Public
Industriel et Commercial. Notons que cette distinction est toujours actuelle.
Ces SPIC sont ceux dont l’objet et les méthodes se rapprochent de ceux
poursuivis par les entreprises privées. L’objet du service doit être :
- Economique : comme pour une entreprise, il y a production ou vente de
biens ou de services.
- Ressources du service : elles proviennent, au moins pour partie, des
sommes prélevées sur les usagers ou les bénéficiaires du service.
- Modalités d’organisation du service : le système de direction et les rapports
de travail doivent être ceux habituellement rencontrés dans une entreprise
privée.
En conclusion, on peut dire que si ces faisceaux d’indices convergent vers une
activité privée, il y a alors identification d’un SPIC et donc de la compétence du
juge judiciaire. Les personnes travaillant dans le SPIC se voient attribuer les règles
du Code du Travail.
A partir de cette jurisprudence, il y a tout un régime de services publics qui a été
précisé ; ainsi, le personnel des SPIC relève-t-il de la compétence des juges
judiciaires avec application du droit privé ?
Néanmoins, il existe un certain nombre d’exceptions :
- Le directeur relève de la compétence du juge administratif
- Il en va de même pour le comptable public.
Outre le personnel, on constate que les actes unilatéraux pris dans le cadre du
SPIC font état de décision appartenant au droit privé, du moins en théorie.
Toutefois, certains de ces actes peuvent révéler l’existence d’une prérogative de
puissance publique. Ils se rapprochent donc d’un acte de commandement en
vertu de leur statut ou d’une habilitation du législateur. Ces actes sont alors de
nature administrative. Dans ce cas, c’est le juge administratif qui est compétent.
Ce principe a été illustré par un arrêt concernant la taxation sur la distribution
d’eau : TC, 26 Juin 1988, « Société de distribution d’eau intercommunale ».
Pour le TC, il s’agit d’un acte de puissance publique qui relève donc du juge
administratif.
Il y a également, dans le cadre de ces actes administratifs unilatéraux, des actes
touchant à l’organisation du service public. Dès lors, ils relèvent de la compétence
du juge administratif appliquant les règles du droit administratif.
TC, « Epoux Barbier », 1968 : Le Conseil d’Administration d’Air France avait
pris une disposition interne interdisant le mariage des hôtesses de l’air. Pour le
TC, cette mesure touche l’organisation du service ; dès lors, cela justifie la
compétence du juge administratif.
Enfin, il est à noter une spécificité qui concerne la responsabilité extra
contractuelle des SPIC. En principe, le litige relève de la compétence du juge
judiciaire. Néanmoins, il existe deux exceptions notables :
- Dommages suite à des travaux publics : par détermination de la loi (28
Pluviôse an VIII), la compétence revient au juge administratif.
- Dommages causés aux tiers : il convient de souligner l’importance de
l’arrêt du TC du 17 Octobre 1966 (« Veuve Caucase »). Ici, le mari a
chuté dans les escaliers de la SNCF alors qu’il livrait un colis. Or, celui-ci
était un usager d’un SPIC. La compétence relève de la compétence du juge
administratif même pour les tiers.
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