Les ateliers philo

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LA RÉFLEXION PHILOSOPHIQUE AVEC LES 5 À 11 ANS : PAR OU
COMMENCER ? par Annick Perrin, professeur de philosophie, IUFM de Créteil.
De nombreux courants de recherche se sont développés en France depuis une dizaine d'années autour de la
philosophie pour enfants. Bien qu'ils aient chacun leur spécificité, la plupart ont en commun de mettre au coeur
de leur réflexion l'apprentissage de l'argumentation au sein de pratiques du type " débat " ou " discussion
philosophique ".
Cependant, on n'a pas suffisamment prêté attention au fait que, chez le jeune enfant, la pensée réflexive à
caractère universel est un mode de pensée tout à fait inhabituel qui doit d'abord prendre naissance dans un sujet
qui s'en découvre la source, faute de quoi le travail de liaison et d'articulation des pensées en une série à visée
démonstrative risque d'être fragile, tel un édifice sans fondations. D'où la nécessité de réserver un traitement
particulier à l'émergence, chez de jeunes enfants, d'un type de pensée à caractère universel.
Si l'on sait bien maintenant que, très tôt, au cours de leur croissance, les enfants se posent des questions
métaphysiques et existentielles sur l'origine, la vie, la mort etc., ce qui n'a rien de " naturel ", c'est que cette
activité réflexive devienne pleinement volontaire, s'inscrive dans la durée et soit susceptible d'une élaboration
progressive, toutes choses qui supposent l'étayage du dialogue avec autrui. L'expérience qui consiste pour des
élèves, à l'école, à formuler et à partager avec d'autres, des pensées à visée universelle concernant l'humanité en
général, est une expérience de pensée d'un type entièrement neuf pour de jeunes élèves. Cette expérience doit
précéder tout travail de l'enseignant visant la progression de l'argumentation, car l'enfant y découvre quelque
chose d'essentiel, à savoir qu'il peut être lui-même l'auteur de pensées importantes et qu'il en éprouve du plaisir.
La découverte de son pouvoir de penser suscite chez l'enfant un désir de la pensée. Elle constitue le terreau où
s'enracinent toutes les manières de pratiquer la philosophie qui peuvent venir ultérieurement " travailler" les
idées, les enrichir et les structurer. Elle est ce qui leur donne sens en reliant la pensée à l'expérience d'un sujet qui
se révèle à lui-même comme pensant. Car avant d'organiser ses idées, il faut bien, quand on a dix ans, prendre le
temps de les découvrir et de les poser dans sa tête. Une enfant de CM1 nous dit ainsi en parlant de l'atelier de
philosophie : " Ce que j'aime dans l'atelier philosophie, c'est que je découvre que j'ai des idées, je ne savais
même pas que je les avais ! " C'est là en effet une trouvaille surprenante de quelque chose que l'on porte en soi
sans le savoir mais une découverte qui ne se fait pas dans n'importe quelles conditions.
L'ATELIER AGSAS
L'atelier AGSAS1est un dispositif qui permet la découverte, chez de jeunes élèves, des " idées " qu'ils portent en
eux et donne naissance au désir de la pensée. Nous devons à J. Lévine et A. Pautard d'avoir pensé et mis en
oeuvre dans leur atelier-philosophie 1 ces conditions de naissance chez l'enfant et dans le cadre scolaire de la
pensée réflexive à caractère philosophique. Rappelons brièvement les caractéristiques de ce dispositif :
- " Faire de la philosophie " est présenté simplement aux élèves comme le fait de " réfléchir dans sa tête " aux
problèmes que se posent les hommes depuis que l'humanité existe, problèmes qui n'ont pas de solution définitive.
- La possibilité de réfléchir en silence aussi bien que de prendre la parole est verbalisée et ainsi légitimée par
l'enseignant, ce qui est essentiel dans le cadre scolaire, où les enfants sont généralement sommés de produire vite
et bien. Dans l'atelier Agsas, il est dit au contraire qu'on prendra le temps de réfléchir et que dire sa pensée n'a de
sens que si on a pris ce temps là.
- La durée de l'atelier est limitée à dix minutes, car la concentration requise pour penser au point de vue de
l'universel va difficilement au-delà chez de jeunes enfants.
- Une fois rappelées les finalités de l'atelier et le thème énoncé, l'enseignant régule, si nécessaire, les prises de
parole. Il peut avoir à recentrer la réflexion s'il y a trop de digressions, mais il n'intervient absolument pas sur le
fond des propos des élèves.
La non-intervention de l'adulte a pu, dans ce cadre, être improprement assimilée à une attitude un peu naïve de
valorisation de la spontanéité enfantine, celle-là même qu'on a parfois reprochée à certains courants de
l'éducation nouvelle. C'est tout à fait un contresens. Cette non-intervention n'a de sens que par rapport à la
finalité de l'atelier Agsas:
- offrir aux élèves la possibilité d'une activité réflexive foisonnante sur des questions vitales, activité dont
ils se découvrent être la source ; faire que cette activité se poursuive dans une certaine durée sans se
tarir et sans que l'effort de concentration qu'elle requiert annihile le plaisir de se sentir habité par elle.
L' ORIGINALITÉ DE CETTE EXPERIENCE DE PENSÉE
Elle réside en trois points :
- L'enjeu symbolique constitue le levier de la réflexion.
C'est la dimension symbolique d'appartenance à l'humanité qui suscite l'effort intellectuel des élèves pour quitter
le registre du particulier et de l'évènementiel et généraliser leur pensée. Se placer au point de vue de l'universel
est une exigence intellectuelle dont même des enfants de cinq ans comprennent le sens (ce qui ne veut pas dire
qu'ils y parviennent toujours à cet âge) dès lors qu'on la présente comme une condition d'appartenance au genre
humain. C'est dire que l'enjeu identitaire, dans ce type d'atelier, est étroitement solidaire du type d'activité
réflexive que les enfants mettent en jeu. C'est parce qu'ils sont placés, durant ces dix minutes, dans un statut de
co-penseur de questions touchant l'Homme que les enfants s'efforcent de se placer à un point de vue général sur
le monde et qu'ils s'investissent avec le plus grand sérieux dans ce type de réflexion.
- La pensée est de l'ordre d'une " méditation partagée ".
Les enfants découvrent que la réflexion, qui certes a besoin des mots, se passe néanmoins d'abord " dans la tête "
et ne se réduit pas à une communication verbale. Ils apprennent que dans l'exercice de la pensée, savoir retenir sa
parole est aussi important que de la produire. L'atelier Agsas légitime ce silence réflexif, au moins autant que la
parole qui permet à la pensée de prendre corps et d'être partagée. Les bavards impénitents cessent de se précipiter
dans la parole comme ils le font d'ordinaire. De là vient que les observateurs sont frappés par la qualité de
concentration des élèves durant ces dix minutes où l'activité réflexive est nettement tournée vers l'intérieur,
soutenue par les propos de ceux qui demandent la parole et parfois ponctuée par de longs silences. C'est d'abord
en soi que l'on va chercher des réponses aux questions posées. Mais il s'agit d'une intériorité a-psychologique,
celle de tout être humain confronté aux problèmes de l'humain. Philosophiquement, cette posture réflexive
s'apparente plus à la méditation qu'à l'argumentation.
- la " communauté de recherche " induit une relation de soutien réciproque entre ses membres dans l'effort de
pensée, et non une relation de confrontation critique.
Une telle activité réflexive ne pourrait s'inscrire dans la durée de l'atelier sans l'étayage du groupe : c'est parce
que les uns et les autres se relaient dans la parole, que chacun peut éviter de " décrocher " comme il le ferait s'il
réfléchissait seul et peut persévérer dans son cheminement réflexif. Le flux des pensées émises dans le groupe
constitue un point d'appui à la pensée de chacun. L'atelier AGSAS est donc aussi une expérience du penserensemble de type démocratique : la relation entre les membres de cette petite " communauté de recherche " est
une relation de solidarité intellectuelle : chacun se nourrit de la pensée des autres sans laquelle son propre effort
de réflexion se tarirait. Réciproquement, les apports de chacun permettent à la réflexion collective de s'enrichir.
Nous avons parfois constaté que les enfants intervenaient par vagues : un groupe prend la parole sur une
thématique, puis est interrompu par une autre série d'élèves qui abordent le sujet autrement, puis le premier
groupe rentre à nouveau en lice et approfondit son questionnement initial, etc. Les élèves se relaient et s'épaulent
dans des réflexions qui se croisent, se fécondent parfois les unes les autres, mais font rarement l'objet d'une
confrontation.
Le modèle d'éducation démocratique auquel se rapporte l'atelier Agsas est de type communautaire et non
sociétal : c'est le soutien réciproque et non la confrontation d'idées divergentes qui régit les échanges. On se situe
ici dans un espace autre que celui du débat : dans le débat, il y a toujours une dimension agonistique. C'est le
combat, le conflit d'idées qui font avancer la pensée. Argumenter pour convaincre suppose alors agilité et
rapidité de la part des interlocuteurs. Dans l'atelier Agsas, les enfants ne cherchent pas à argumenter leur point de
vue contre celui des autres. Il peut y avoir quelques réponses en réaction à la pensée d'autrui, mais qui
témoignent plus de la qualité d'écoute au sein du groupe que d'un positionnement critique qui n'est pas la
dominante de l'atelier. Les enfants sont concentrés sur l'émergence de leur propre pensée en rapport avec des
sujets universels. La confrontation des idées relève d'une autre étape dans l'élaboration de la pensée.
DE LA " CROISSANCE " DE LA PENSÉE
" Dans l'atelier-philo, on réfléchit plus... ; dans la discussion, on va plus loin... " (propos d'un enfant de CM1).
Nous ne pouvons, dans l'espace imparti à cet article, développer cet aspect du travail qui vient en prolongement
de l'atelier Agsas.
Nous dégagerons seulement quelques points :
Dans l'atelier Agsas, les enfants font preuve au fil du temps d'une maturité réflexive de plus en plus grande. Leur
pensée tend à s'approfondir et à abandonner les lieux communs. Cependant, puisque l'objectif de l'atelier n'est
pas l'argumentation et que l'adulte n'intervient pas sur le fond, les idées des élèves restent la plupart du temps
non liées. La pensée explore différentes pistes, mais elle ne fait pas l'objet d'une construction.
À l'école maternelle, l'atelier Agsas se suffit à lui-même. Il permet aux enfants d'adopter une posture de pensée
visant l'universel à un âge où cette dernière est naturellement rivée à l'événement, au particulier. Une telle
posture les fait rentrer dans une sphère d'appartenance et dans un registre de pensée et de langage qui les aident à
grandir. Mais à l'école élémentaire, l'atelier Agsas devrait être le coeur d'une démarche qui vise à permettre aux
enfants, non seulement de découvrir les idées dont ils sont capables mais de les mettre en lien, de construire des
arguments, de dialectiser leur pensée, ce qui suppose aussi d'autres pratiques réflexives. Nous jugeons d'autant
plus nécessaire cet autre travail que l'atelier Agsas fait naître chez les élèves eux-mêmes un désir d'aller plus
loin.
Nous retrouvons naturellement, dans cette perspective, les pratiques que nous avons écartées en tant que points
de départ de la réflexion philosophique avec de jeunes enfants : la discussion animée par l'enseignant et les textes
qui peuvent servir de support à la réflexion avec des enfants de cette tranche d'âge.
Nous puisons dans les ateliers Agsas des problématiques qui deviennent le point de départ de discussions
philosophiques.
Par exemple, dans le prolongement de deux ateliers Agsas sur " l'espoir " et " la nostalgie ", à l'issue desquels des
élèves de CM1 ont défini ces deux termes et conclu que la question du temps était le dénominateur commun des
deux sujets, nous avons mis en débat la question suivante : " dans quelle mesure le temps est-il ou non l'ami de
l'homme ?. il est nécessaire qu'une trace écrite construite avec le groupe-classe retrace l'avancement de la
réflexion au cours de la discussion.
Dans une classe de CM1 ayant pratiqué les discussions philosophiques en alternance avec les ateliers-philo, nous
avons demandé aux élèves de comparer ces deux façons de faire de la philosophie. Dans leur grande majorité les
enfants les ont trouvées complémentaires. En faveur des ateliers philosophie, ils ont affirmé : " dans l'atelierphilo, on pense tout seuls. On est plus concentrés. On réfléchit plus parce qu'on écoute les autres et on a le temps
tandis que dans la discussion, on se répond plus les uns les autres et on réfléchit moins, on a moins le temps. En
faveur des discussions, ils pensent que " dans la discussion, on approfondit le sujet, on va plus loin. On va vers
une sorte de réponse, pas dans l'atelier philo où on dit juste ce que l'on pense. "
Avec des enfants de cycle 3, nous proposons plutôt des " itinéraires " philosophiques qu'une démarche
systématique. Il s'agit de mettre en réseau des notions qui s'impliquent les unes les autres (dans l'exemple cité, le
temps vécu, sa maîtrise, en relation avec les désirs de l'homme et sa recherche du bonheur ont été mises en lien),
mais selon des cheminements qui doivent être greffés sur la pensée des élèves, en une sorte de tuilage, car c'est
ainsi que ce travail fait sens pour eux. La réflexion peut être nourrie par des textes d'une grande diversité, car les
textes d'imagination (récits de fiction, contes, mythes...) sont aussi nécessaires à cet âge pour impulser un
questionnement philosophique que certains textes proprement philosophiques peuvent être les bienvenus pour
fixer un cheminement réflexif.
À l'issue de l'itinéraire de réflexion, et en fonction de celui-ci, il est parfois possible de montrer aux enfants que
leurs idées rencontrent celles d'un grand philosophe, tel, par exemple, Pascal ou Epicure, sur la question de la
maîtrise du temps ou du bonheur, à travers quelques lignes de ces auteurs.
Ces textes difficiles si on les donne à lire sans préparation ne posent pas de problème de compréhension dès lors
qu'ils viennent au terme d'un travail de pensée déjà effectué par les élèves. Ils ont le mérite de réintroduire ces
derniers dans une culture dont ils sont héritiers. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue qu'il ne s'agit pas, à cet
âge, de transmettre une culture philosophique aux enfants, mais de puiser dans celle-ci des éléments, forcément
partiels, qui favorisent la croissance symbolique et intellectuelle de tous les élèves.
Dans une telle optique, l'espace protégé de l'atelier Agsas, où l'on a le temps d'explorer ses idées, développe chez
les enfants la confiance nécessaire pour aborder ensuite la dimension critique et argumentative de la pensée.
(1) L'AGSAS est le nom de l'association qu'a fondée J.Lévine, devenu psychanalyste après avoir longtemps
travaillé aux côtés d'H.Wallon. L'AGSAS vise à promouvoir la philosophie du développement de J.Lévine, qui
s'inspire largement de cette double formation. Il n'y a toutefois rien de psychanalytique dans le dispositif "
AGSAS " des ateliers philosophie.
Les ateliers philo
de la maternelle au collège
Sommaire >
“Atelier philosophie” et enfants : quelle rencontre ?
Principes
Jacques
Lévine,
Agnès
Pautard,
Dominique
Sénore
Principes
Rappelons le protocole : le dispositif concerne les enfants, depuis la grande section de
maternelle jusqu’à la Seconde ; dix minutes enregistrées autour d’une seule question, et
suivies d’une réécoute avec débat.
Ce qui frappe d’emblée l’observateur, c’est le climat de sérieux et de concentration qui
s’instaure, fait d’attention et de tension, de confiance et de risque: un ton spécifique, quasi
solennel, apparaît, les mouvements d’humeur rares. Les enfants participent eux-mêmes à la
régulation et à la bonne circulation de la parole. Le besoin de mener à bien la tâche commune
est manifeste. Faisant l’expérience du plaisir de penser dans un climat de liberté et de
confiance, les enfants s’efforcent de rester dans le sujet, avec un souci de clarté et
d’explicitation. Cet état d’esprit étonne, d’autant plus lorsqu’il s’agit de classes repérées
initialement comme difficiles.
Les contenus de l’atelier philosophie.
L’écoute et le visionnage des cassettes montre que les réponses des enfants d’une mime classe
procèdent d’étapes successives du développement cognitif :
- Chez les plus jeunes, la pensée émotionnelle prédomine: inventaire d’expériences vécues,
non distanciées, ponctuelles. Ils sont dans le ressenti.
- Puis apparaît, vers 6 ans, une pensée factuelle fondée sur l’expérience de la réalité
environnante.
- Ensuite, vient le point de vue plus abstrait du tiers. L’enfant découvre les apports de
l’argumentation et s’interroge sur la validité de ce qui est en train de se dire.
La parole est, en effet, d’abord, la parole du corps physique et des émotions. Ce n’est
qu’ensuite qu’elle devient parole qui exprime le vécu personnel. Puis elle se transforme en
une parole beaucoup plus abstraite, qui est celle de toute personne, mais cette fois représentant
de l’humain dans sa dimension universelle.
Dans cette optique d’une parole de l’enfant en développement, toutes les réponses sont
accueillies en tant que moments successifs d’accès à une pensée en construction et en
évolution. Notre observation montre que la pensée philosophique se construit précocement,
par étapes, sous des aspects que l’on a méconnus jusqu’à présent. Le respect de ce
cheminement, où chaque étape compte pour préparer la suivante, justifie qu’on qualifie de
pensée philosophique l’activité mentale des enfants en “atelier philosophie”.
Quel sens les enfants donnent-ils à l’atelier philosophie ?
Témoignages
Inès : Quand on est plusieurs, c’est plus facile, parce que quand on est tout seul, tu dis : “Oh
ben, j’sais pas si ça vaut bien le coup d’y réfléchir”.
Rémi : Je pense que si on repense à des questions à la maison, on peut mieux savoir.
Kevin :La philo, c’est bien, parce que on peut apprendre la vie, notre vie, et puis savoir
comment elle se passe.
Mathilde : En fait, la philo. faut poser des questions où on ne peut pas bien Savoir si c’est vrai
ou bien c’est vraiment faux, y a pas vraiment de réponse. Y’en a qui disent eh ben, il y en a
qui pensent c’est plutôt vrai, et il y en a d’autres plutôt faux, mais on n’est jamais sûr.
Paul : Ca nous fait poser des questions. Par exemple, on a trouvé ensemble : l’univers a-t-il
une fin ? Pourquoi sommes-nous nés ? Peut-on ressentir la souffrance des autres ?
Marina : Ca nous fait plaisir de penser aux questions des humains sur la terre.
Aleth : S’il n’y avait plus “l’atelier philo“, comme j’ai un micro chez mois, j’inviterais mes
copines et on parlerait.
L’atelier philosophie correspond à un déclic qui engendre tout un cheminement de pensée : les
enfants éprouvent spontanément ce besoin de prolonger les séances, par le dessin, par des
conversations à la récréation et à la maison, et proposent d’autre thèmes.
Ils réclament, en cycle 3 et collège, plus de temps pour préparer, et veulent être assurés que
l’expérience se poursuivra.
On peut observer de nombreux effets sur les conduites des enfants ; par exemple, le fait
d’avoir parlé des moqueries, des injustices, modifie le regard, les relations dans la classe. Lors
des conflits, les enfants utilisent les mots sortis en séance ”atelier philosophie” pour gérer les
situations. En fait, les individus changent-ils gagnent plus d’estime de soi- mais le groupe
aussi : il devient pensant en tant que groupe.
Chez certains enfants, il est manifeste que leur vocabulaire et leur expression deviennent plus
rigoureux.
A mesure que l’atelier philosophie se déroule, le nombre d’enfants qui prennent la parole est
plus important, et ceux qui ne parlent pas disent qu’ils réfléchissent.
ATELIER
AGSAS / PHILOSOPHIE
Questions
Réponses
1) Ces débats ontils lieu classe par
classe ou êtesvous amenés à
prendre en charge
des «assemblées
d'élèves » et s'il y
a lieu, comment
les réunissez-vous
? (affinités par
rapport à la
question posée,
cycles ou autres ?)
2) Comment s'est
élaboré le premier
questionnement ?
1) Dans la configuration la plus courante, les débats ont lieu par
classe. Mais d’autres regroupements existent. Par exemple s’il y a
trois classes du même cycle dans une école, on peut avoir trois
ateliers différents. Dans le secondaire, l’expérience montre qu’il
vaut parfois mieux séparer les garçons et les filles. Au départ, il
nous semble souhaitable de faire simple, en respectant les règles
suivantes :
3) Comment est
née cette idée d'un
atelier philo ? Qui
a animé le premier
débat ?
3) L’idée a été lancée par Jacques Lévine, Agnès Pautard et
Dominique Sénore, qui ont sollicité certains enseignants de la
région lyonnaise — ils considéraient alors que les ateliers philo ne
pouvaient être mis en place que dans des classes où circulait déjà
la parole. Les ateliers ont été présentés à une vingtaine de
personnes lors d’une réunion à l’IUFM de Lyon. Chacune d’entre
elles a conduit le premier débat dans sa classe.


nombre limité de participants pour que chacun ait la possibilité
de s’exprimer ;
proximité d’âge des participants.
Retour aux questions
2) La première liste de questions a été fournie par Jacques Lévine,
Agnès Pautard et Dominique Sénore.
Retour aux questions
Retour aux questions
4) Comment la
parole est-elle
distribuée ?
4) L’enseignant est le garant du cadre. C’est lui qui distribue la
parole ou qui supervise sa distribution.
5) Quelles règles
fixez-vous et vous
fixez-vous quant à
la conduite des
débats ?
5)  Il est important que l’ordre des prises de parole soit connu et
respecté.
Retour aux questions
o
Il y a plusieurs possibilités : soit ordre chronologique des
demandes, soit ordre géographique (position des élèves le long
d’une chaîne) ;

L’enseignant peut indiquer qui a la parole en disant le
nom ou en filmant ou autre méthode ; ou les élèves peuvent
prendre à tour de rôle un micro, sans intervention de l’adulte,
ou encore faire circuler un “bâton de parole”.

Il ne doit pas y avoir de débat à deux. Si un enfant est
interpellé, il doit attendre son tour pour répondre. La
discussion concerne toujours tout le groupe et il faut que le
cadre mis en place permette d’éviter les polémiques.


6) Est-ce suffisant
d'être instit ou prof
d'école pour pouvoir
dominer son sujet?
Faut-il s'adjoindre
les talents de
quelqu'un d'autre
pour pouvoir
commencer ?
Les débats doivent se dérouler dans le calme.
L’enseignant ne doit jamais intervenir dans la discussion,
que ce soit par des paroles, par des gestes ou par des
mimique ; ni pendant, ni après. Si vous n’êtes pas absolument
convaincu(e) de cela, réfléchissez-y, faites-nous part de vos
objections, mais attendez avant de vous lancer. L’enseignant
doit garantir le cadre et avoir une position d’adulte respectueux,
c’est-à-dire être capable de supporter des “énormités” sans
bondir. C’est ce qui est le plus difficile pour les enseignants.
Ceux qui souhaitent participer à des ateliers philo doivent le faire
avec d’autres adultes, pas avec des enfants.
Retour aux questions
6) Il suffit de s’être posé soi-même des questions existentielles et
de ne pas avoir de certitudes philosophiques pour être compétent. Il
ne s’agit pas de transmettre des connaissances philosophiques,
mais d’entraîner les enfants à la pensée philosophique.
Retour aux questions
Présentation des ateliers et cadre psycho-affectif
La façon dont on présente les ateliers de philosophie est fondamentale. Il est important de dire aux
enfants, dans un langage simple, qu’on va faire de la « philosophie », c’est-à-dire qu’on va
apprendre à réfléchir sur les questions que se posent les hommes depuis très longtemps. Apprendre
à réfléchir signifie que l’on va prendre son temps, pour penser dans sa tête, avant de parler, que tout
le monde n’est pas obligé de prendre la parole au cours d’une séance et qu’il n’y a pas de bonnes ou
de mauvaises réponses aux questions sur lesquelles on réfléchit.
« En début d’année, c’est le maître qui propose les premières questions. Les enfants sont ensuite
encouragés à formuler les leurs : c’est alors en réunion de classe qu’est choisi le sujet de la semaine
suivante et que peut être discuté l’aspect philosophique de la question proposée. Les questions que
proposent les enfants sont régulièrement les « grandes questions », objets habituels des pensées
philosophiques, c’est la recherche des interrogations universelles : la mort, la vie, l’intelligence, la
vérité (F. Arsac, Valence).
L’élaboration des questions donne lieu à un travail de recherche sur la nature des questions
« proprement » philosophiques, voire sur la formulation même de la question qui peut être
provocatrice : « Pourquoi doit-on mentir ? » ou « Quand peut-on mentir ? » (F. Arsac). Les
enseignants reconnaissent que si les élèves sont à même de rechercher et de proposer des sujets, des
thèmes, la formulation du questionnement leur incombe généralement, car c’est cette formulation
qui aide à problématiser le sujet.
L’atelier se déroule de façon régulière, chaque semaine, au même moment. Il dure une dizaine de
minutes (protocole AGSAS). Certains enseignants du groupe l’ont étendu davantage pour les Cours
moyens. Dans tous les cas, sa durée est déterminée et ne peut varier. Il est attendu par les enfants et
par le maître, sans pour autant faire l’objet d’une préparation spéciale : seuls la question ou le thème
sont prévus à l’avance. Pour les plus jeunes, on répète les modalités de fonctionnement, on précise
que ce qui va être dit est important.
Pendant le temps de l’atelier, l’enseignant n’intervient pas. Cela ne signifie pas pour autant que sa
présence n’est pas forte et importante, au contraire, il garantit le bon fonctionnement du dispositif,
le calme et le respect de la parole. Les règles ne peuvent être modifiées arbitrairement, ni par le
maître, ni par les élèves.
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