discrimination tarifaire n’est pas incompatible, du point de vue de la théorie, avec le principe
de l’égalité de traitement des usagers : tous les usagers placés dans les mêmes conditions
paient un prix identique ; a contrario les usagers placés dans des conditions (temporelles et
spatiales) différentes doivent payer un prix différent.
Cette tarification au « coût marginal », dit en développement, a été progressivement adoptée
par plusieurs entreprises à mission de service public, pour les secteurs relevant de
« l’économie des réseaux », comme par exemple, pour le cas de l’électricité, EDF, d’abord en
1956 avec le « tarif vert » réservé aux industriels (on pourrait imaginer l’application de ce
principe pour les industriels africains utilisateurs d’eau), puis en 1965 avec le « compteur
bleu » réservé aux ménages domestiques (J. Percebois, 2001).
Le secteur électrique utilise en effet ce résultat théorique pour tarifier l’électricité. Est-ce aussi
possible pour le secteur de l’eau et en Afrique subsaharienne ?
Pour répondre à cela, voyons ce qu’a fait le secteur électrique français.
Il a utilisé largement la différenciation horosaisonnière des tarifs, avec par exemple le tarif
Tempo, et a mis en place le tarif EJP (effacement jours de pointe) qui a créé une incitation
supplémentaire pour les usagers (souvent des industriels) à s’effacer totalement aux heures ou
périodes de pointe, en contrepartie d’avantages financiers le reste du temps (souvent, la
facture annuelle d’eau des industriels, acceptant son effacement en période de pointe,
diminuait de 50%). Ce principe pourrait peut-être intéresser bon nombre d’industriels
africains qui pourraient aussi voir leurs factures diminuer largement. Mais, dans le cas de
l’eau, le problème est que l’effet d’encombrement est souvent un problème de pénurie lié à un
défaut climatique, et donc, l’effacement risque de durer trop longtemps, ce qui pourrait
engendrer pour les industriels des pertes (liés à l’arrêt de la production) largement supérieurs
aux gains (retirés par la diminution de la facture d’eau, si effacement du client) : cette
situation est très grave pour des industries « en développement ».
Cependant, il est important de comprendre qu’une telle tarification (au coût marginal), fondée
sur une « vérité des prix » présente un double avantage :
- en écrêtant les « pointes » (et en comblant partiellement les « creux »), elle
permet de faire des économies de capital et de mieux utiliser l’équipement
disponible ;
- elle constitue une base de référence pour les pouvoirs publics chargés de la
réglementation. A chaque fois que ceux-ci imposent à l’entreprise
concessionnaire des changements tarifaires qui éloignent de cette référence
(refus d’aligner les tarifs sur les coûts, avantages accordés à certains
usagers au nom de la solidarité nationale ou de l’aménagement du
territoire), il y a « subventions croisées » entre les clients ou entre le client
et le contribuable et c’est un choix politique dont les conséquences doivent
être clairement perçues par les pouvoirs publics.
Si la tarification au coût marginal ne pose pas de difficulté majeure lorsque l’activité se
déroule en phase de coûts marginaux croissants, il en va différemment lorsque l’entreprise
fonctionne en rendements croissants (coûts décroissants) comme il en est probablement le cas
pour la distribution de l’eau, bien que nous n’ayons pas de fonction de coût précise illustrant