Introduction En cinquième, nous avons découvert que les pays recherche la croissance économique. Celleci permet l’accroissement de la richesse et donc une meilleure satisfaction des besoins de la popullation tant du point de vue matériel que du point de vue social. Nous avons aussi mis en évidence les limites de cette croissance : répartition inégalitaire de la croissance, destruction de l’environnement, …. Dans le cadre de ce titre 3, nous allons découvrir selon quelle forme d’organisation économique cette croissance sera atteinte. Chapitre 1 : analyse de textes Ce chapitre permettra au travers de plusieurs documents de découvrir : - les notions de système, régime et doctrine - les caractéristiques du système capitaliste - les caractéristiques du système socialiste - les principaux courants de pensée de la sciences économiques. La dernière section du document est consacrée à l’établissement de 2 tableaux de comparaison : l’un consacré aux systèmes «économiques et l’autre aux 3 grandes écoles de pensée en sciences économiques. Document 1 : Le Nouvel Economiste, N° 526, 31.01.86, pages 88, 89, 93. L’ancien patron d’une petite affaire familiale de 200 salariés n 1965, est aujourd’hui à la tête du troisième groupe biscuitier mondial derrière l’américain Nabisco Brands et le britannique United Biscuit. Générale Biscuit, c’est 6,5 milliards de chiffre d’affaire, 120 millions de résultat, 12.000 salariés, trente usines : vingt-sept en Europe, trois aux USA, un pied déjà au Japon, à Osaka, un autre peut-être prochainement à Shangaï, en Chine populaire. A l’origine de cette réussite, une idée simple : la fabrication d’une gamme devenue internationale sous le logo LU, dont les produits sont adaptés aux goûts spécifiques des consommateurs de chaque pays : biscuit aux flocons d’avoine et aux raisins pour les EtatsUnis, gaufrettes fourrées à la vanille en Belgique, biscuits au beurre avec tablette de chocolat en France. Des secondes marques – l’Alsacienne, Heudebert, De Beukelaer – confortent la position de LU ; Tout cela dans une fourchette de prix de 3 FRF à 10 FRF le paquet de 150 grammes. Une multinationale ? Pas encore : le groupe n’a que 6% du marché américain du biscuit et n’a, pour l’instant, pas encore réussi son débarquement au Japon. Mais il prépare activement des « coups » pour réussir, cette année, sa mondialisation. Car, dans la partie aujourd’hui engagée entre quelques géants pour la maîtrise du marché mondial, le groupe Générale Biscuit n’a pas le choix : ou il saura accroître sa pénétration du marché européen, s’implanter en Asie et dans le Pacifique par rachats et accords d’association ; ou il sera, à son tour, mangé par un concurrent ; Ce risque n’inquiète pas Monsieur Martin. Cependant, il en plaisante : « le bruit avait couru, un matin qu’Unilever venait de racheter 10% de de Générale Biscuit. Or, je déjeunais, ce jourlà, au CNPF avec Monsieur François Périgot, patron des sociétés françaises d’Unilever. Evidemment, je lui pose la question. Il me répond : je serais étonné que nos deux directions la britannique et la néerlandaise aient fait cela s’en m’en parler, mais je vais téléphoner. Au café, nous étions rassurés. » Alors qu’un de ses principaux concurrents, Belin, a concentré ses lignes de fabrication dans une usine ultramoderne à Evry, Monsieur Martin se retrouve, sur le seul territoire français, à la tête d'une vingtaine d'usines dont beaucoup « doublonnent » ou sont indéniablement obsolètes. Un plan de modernisation sur deux ans – 1985 et 1986 – est bâti, pour un investissement de 650 millions de FRF. A Nantes, la biscuiterie LU, au cœur de la ville, sera transformée en musée, une autre étant construite à la périphérie à la Haye-Fouassière. A Vervins (Aisne), la filiale Heudebert sera dotée d’une nouvelle usine de biscottes. On procédera à la fermeture de quatre usines : - Augy (Yonne), Quesnoy (Nord), Reims (Marne), et Pessac (Gironde) – dont les activités seront transférées. Un plan social a déployé l’éventail des mesures traditionnelles : préretraites, aides au retour pour les immigrés, recherches d’industriels pouvant reprendre les sites délaissés. « Certains nous ont accusés de les laisser tomber. C’est faux : nous avons proposé à tous une mutation dans une autre usine du groupe » précise Monsieur Arnaud Havard, directeur du personnel de Générale Biscuit France. A l’aube de 1986, Générale Biscuit s’apprête à livrer de nouvelles batailles. D’abord, en essayant de réitérer dans la biscotte et les produits céréaliers diététiques ce qui a si bien réussi dans le biscuit. La division spécialisée du groupe a été transformée en filiale à part entière sous le nom d’Heudebert SA, que dirigera à Lyon, Monsieur Yves Thèves. Avec un chiffre d’affaires de 800 millions de FRF l’an dernier et 45% du marché français des biscottes et croustillants, elle se lance à la chasse de ses confrères italiens, allemands ou suédois. Surtout, Générale Biscuit va tenter de relever un nouveau défi : dans les années 1960, le marché c’était l’Europe, aujourd’hui, c’est le monde Document 2 Adam Smith : recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776. Nous n’attendons pas notre dîner de la bienveillance de notre boucher ou de celle du marchand de vin et du boulanger, mais bien de la considération qu’ils ont de leur propre intérêt. Nous nous adressons, non pas à leur humanité mais à leur égoïsme, nous ne leur parlons pas de nos besoins, mais de leurs intérêts. Document 3 F. Duboeuf : introduction aux théories économiques ; éd ; La Découverte. C’est la recherche individuelle du gain, fondée sur un ordre social inégalitaire, qui garantit au mieux l’enrichissement national : chacun est alors conduit par une main invisible, sans en avoir l’intention et sans le savoir, à faire avancer l’intérêt de la société. Cependant, Smith n’est pas un défenseur inconditionnel de la liberté économique et assigne à l’Etat des fonctions économiques : il doit limiter les excès liés à la liberté individuelle et créer le cadre social et économique nécessaire à l’épanouissement efficace des intérêts particuliers. Document 4 G. Jacoud et E. Tournier : les grands auteurs de l’économie, chez Hatier. Marx va monter que la dynamique de l’économie conduit à l’autodestruction du capitalisme puis à son remplacement par un autre système économique. L’accumulation du capital est le processus qui permet d’augmenter le stock du capital initial par l’investissement, c’est-à-dire par l’utilisation productive d’une partie de la plus value1 réalisée. Plus le capitaliste transforme en capital une partie importante de sa plus-value, plus l’accumulation sera forte, plus il s’enrichira. Mais pourquoi le capitaliste a-t-il toujours tendance à accumuler du capital ? Pour Marx, c’est la concurrence qui le contraint à rechercher en permanence à améliorer la productivité du travail. S’il ne modernise pas sans cesse ses installations, s’il n’investit pas, il sera vite dépassé par d’autres entreprises plus compétitives. L’accumulation est donc une loi du capitalisme. Le capitalisme connaît une tendance à la baisse du profit. Nous savons que, du fait de la concurrence, le capitaliste doit recourir aux innovations techniques et les incorporer à son organisation, qu’il est conduit à accroître la part de son capital constant (capital économique). Proportionnellement, il augmente ainsi plus vite que le capital variable c’est à dire la partie du capital qui sert à payer les salaires. Or seul le capital variable est créateur de valeur. Les capitalistes, du fait de la concurrence, ont tendance à investir et à substituer du capital au travail. L’accumulation du capital est donc destructrice d’emplois et créatrice d’une surpopulation relative. A court terme, cette armée de réserve industrielle est favorable aux capitalistes car elle pèse sur le marché du travail, empêche les salaires de monter dans les phases de prospérité et les fait baisser dans les situations de crise. Mais à long terme, cette paupérisation, cette accumulation de la misère, parallèle à l’accumulation du capital, entre en contradiction avec le fait que le capitalisme crée de plus en plus de richesses. Document 5 Capul et Garnier : dictionnaire d’économie et de sciences sociales chez Hatier, Paris 1994. La liberté de propriété individuelle est le grand principe du capitalisme. Ainsi, les terres ou les machines – soit la plus grande partie des biens de production – sont détenues par des personnes privées (seules ou réunies en sociétés). La liberté de propriété s’accompagne des droits suivants : droit de gérer ces biens, droit de les vendre, droit de recevoir des revenus (les profits) liés à cette propriété. Ce qui fait l’originalité absolue du système capitaliste, c’est l’accumulation du capital grâce aux profits. De quoi s’agit-il ? A la différence d’une organisation de la vie économique dominée par l’artisanat, le capitalisme conduit à ce que la plus grande part des profits ne soit pas consommée (c.-à-d. dépensées par les propriétaires de moyens de production, sous forme d’achats de biens de consommation destinés à leur usage personnel), mais épargnée et réinvestie dans l’entreprise afin de permettre l’accroissement des moyens de production. Ainsi, les entreprises utilisent d’abord leurs bénéfices pour se développer en augmentant la quantité des moyens de production. La recherche du profit est donc placée sous le signe de l’accumulation du capital, c’est-à-dire un processus de constitution du capital technique réalisé sous les deux formes que sont l’investissement net et l’amortissement. Le capitalisme correspond ainsi à la recherche permanente de profits afin d’accumuler indéfiniment des capitaux. En cela, il est inséparable des moyen modernes d’organisation de la production. Le capitalisme est contemporain du développement des formes de rationalisation du travail et de la production. 1 Dans le marxisme, différence entre la valeur tirée d'une quantité de travail et ce qui est payé au travailleur pour entretenir sa force de travail. (La plus-value est, selon Marx, le ressort de l'exploitation capitaliste.) La recherche de la productivité maximale est ainsi à l’origine d’une véritable organisation du travail (de la division du travail à l’organisation scientifique du travail) ainsi que d’une évolution des structures productives (de la fabrique au développement de la concentration des entreprises). Document 6 Capul et Garnier : dictionnaire d’économie et de sciences sociales chez Hatier, Paris 1994. La propriété collective des moyens de production signifie que tous les secteurs de l’économie appartiennent à l’Etat, qu’il s’agisse de l’industrie, des banques, des transports ou du commerce. L’agriculture est, elle aussi, collectivisée. Le pouvoir est exercé par des fonctionnaires nommés en réalité par le parti communiste ; On a ainsi appelé nomenklatura l’ensemble des personnes occupant des postes de responsabilité dans l’Etat et bénéficiant de privilèges particuliers. Depuis les années 30, il existe des plans quinquennaux (cinq ans) qui organisent toute la vie économique. Le Plan concerne tous les secteurs de l’économie ; les entreprises sont consultées, mais le Gosplan (comité d’Etat de la planification) décide seul des objectifs détaillés que les entreprises, qui dépendent des ministères spécialisés, doivent atteindre. La plupart de ces objectifs sont des objectifs quantitatifs, fixés en unités physiques (tonnes, nombre d’unités produites, litres, etc…). La planification est obligatoire pour toutes les entreprises. L’activité économique des entreprises est entièrement sous le contrôle de l’Etat ; l’entreprise se voit ainsi imposée ses clients et ses fournisseurs. Ses approvisionnements font l’objet d’un rationnement particulier puisque seul le ministère décide des quantités achetées aux fournisseurs. Le contrôle de l’économie réside aussi dans la fixation autoritaire des prix. Document 7 Le Monde des Affaires, 31.10.87, pages 4 et 5. Situé au centre de Moscou, près du théâtre de la Taganka, le restaurant Skazka (le conte de fées) ne désemplit pas. Il est pourtant quatre heures de l’après-midi. Le cadre y est agréable, la nourriture – des crêpes – plutôt raffinée, le service est affable. Un conte de fées au pays des Soviets ? Pas vraiment. C’est l’un des premiers – et rares – résultats tangibles des vastes réformes économiques engagées par Mikhaïl Gorbatchev : le restaurant est exploité par une coopérative, une nouvelle forme de société introduite en Union soviétique par une loi de novembre dernier. Attablé dans la salle du premier étage de son restaurant, sans jamais perdre de vue le déroulement du service, il émaille son histoire de quelques principes que ne renierait aucun capitaliste : « tout patron sait qu’il doit tirer de chaque pièces de cinq kopecks un profit, chez nous, 99% des restaurants d’Etat sont subventionnés parce qu’ils sont mal gérés. Ce n’est pas l’Etat qui doit verser de l’argent aux entreprises mais l’inverse. » Dans la foulée, il cite Lénine pour dénoncer « les capitalistes qui mettent dans leur poche la plus grande partie des bénéfices ». Il rappelle que le grand Vladimir Ilitch Oulianov disait aussi « qu’il faut savoir prendre au capitalisme ce qu’il a de meilleur ». La concurrence, justement, les coopératives savent d’ores et déjà, la faire jouer en leur faveur. « Pour mes approvisionnements, j’ai l’embarras du choix », explique Sergueï Koutouzov. Il est libre, en effet, d’acheter où il veut ses poulets, ses œufs, ses fruits et ses légumes, tout comme son petit matériel de cuisine : dans les magasins de détail de l’Etat, sur le marché kolkhozien, auprès des sovkhozes dont la production est planifiée, qui ont désormais le droit de vendre 30% de leur production directement chez les particuliers, mais aussi maintenant auprès des coopératives qui assurent le commerce de gros . « Après les avoir mis en concurrence, j’ai signé deux contrats d’approvisionnement avec des sovkhozes qui me garantissent qualité et respect des délais de livraison », raconte ainsi Andreï Fedorov. Bien sûr je gagne trois fois plus que dans l’entreprise d’Etat où j’étais avant », reconnaît le charcutier coopérateur Boris Molotov, « mais je travaille aussi beaucoup plus ». Entrepreneur dynamique, plein d’idées et travailleur, Andreï Fedorov a droit aujourd’hui aux honneurs des médias soviétiques et occidentaux. A chacun son modèle. Joseph Staline avait Stakhanov, Mikhaïl Gorbatchev a Koutouzov. Document 8 Alternatives économiques, septembre 2000 Pour la majorité des économistes, la Pologne constitue l’exemple même d’une transition réussie. Le plan Balcerowicz, du nom du premier ministre des Fiances du premier gouvernement postcommuniste, mis en œuvre en 1989. Il mêle des mesures structurelles, dont le but est de sortir le pays de l’économie administrée (libéralisation des prix et du commerce extérieur, convertibilité monétaire), et des mesures conjoncturelles, destinées à casser la dynamique d’hyper-inflation héritée de la gestion communiste (vérité des prix par la suppression des subventions à la consommation, contraction des dépenses publiques). Document 9 P. Jacquet, directeur adjoint de l’Institut français des relations internationales, in Enjeux, les Echos, décembre 2000. La Chine se développe à l’abri des modèles. Depuis vingt ans, elle s’est engagée dans une transition économique sans transition politique. Alors que les pays d’Europe centrale et orientale se sont fixés pour modèle l’économie de marché, la Chine erre sans horizon défini. Or la performance est éloquente : croissance vigoureuse, prix stables, excédent des paiements courants… L’expérience chinoise témoigne de la diversité des chemins du développement économique. L’un des principaux obstacles aux réformes concerne les entreprises d’Etat, mal gérées, inefficaces et sources de gaspillages. Leur restructuration, à fortiori leur privatisation, patine depuis plusieurs années. Le pays ne va , certes pas, éliminer du jour au lendemain toutes les barrières aux échanges et à l’investissement. Mais le choix de l’ouverture est clair. Aujourd’hui, septième puissance économique par son PIB, la Chine est appelée à devenir une grande puissance commerciale. Pour les entreprises étrangères, l’ouverture de ce vaste marché est plein de promesses et de risques à la fois. Document 10 Le Soir, 26.04.1991, page 6. La récession officielle : tous les indicateurs, désormais communiqués, virent au rouge, et le chômage risque de flamber. Quant aux entreprises, elles n’en peuvent plus d’accumuler des pertes qui sont toujours épongées par l’Etat. Malgré un production céréalière record l’an dernier, l’Union soviétique a tout de même dû, une nouvelle fois, faire appel au blé américain. Et pourtant, sa production brute a atteint 240 millions de tonnes alors qu’elle n’en avait besoin que de 190 millions (150 pour la population, 40 pour le bétail). L’explication ? Un énorme, un incommensurable gaspillage : 90 millions de tonnes perdues sur les champs, lors du transport, du stockage, de la transformation, de la distribution… Manque d’équipements frigorifiques, manque de moyens, de volonté, tout simplement. Le pire, c’est que, si l’agro-alimentaire soviétique était rondement mené, l’URSS serait largement exportatrice de viande, de céréales, de lait, de beurre, etc. Tous les problèmes se poseraient autrement : les rayons des magasins seraient enfin garnis. Document 11 Guy Sormant in Le Soir du 26.04.91, page 2, propos recueillis par Jacques Cordy Le plein emploi reste une vérité officielle. En réalité, il y a environ 10 millions de chômeurs objectifs, emplois perdus, pas de protection sociale. Il y a des masses de personnes déplacées, réfugiées de républiques périphériques où règne la guerre civile, qui errent sans emploi : estimation : 25 millions. Les autres travailleurs perçoivent un « salaire pour chacun ». Mais si on visite les usines, on découvre que la moitié du personnel est absent. Sur ce qui reste, une autre moitié ne travaille pas. Le salaire très bas distribué à tout le monde (plus ou moins notre allocation de chômage) ne correspond pas à un travail réel. Le « plein emploi » est en fait un chômage généralisé déguisé. Document 12 G. Fuchs in Cahiers français n° 181 Une observation, triviale au niveau de son énoncé, mais lourde au niveau de ses conséquences, est que l’économie de marché ne s’intéresse pas à ce qui n’est pas marchand. Ainsi, elle ne saurait, bien sûr, prendre en considération que les seules demandes qui sont solvables, c’est-à-dire appuyées des moyens de paiement jugés suffisants par les entreprises pour leur garantir le profit qu’elles estiment nécessaire. Par exemple, il n’y a pas aujourd’hui de marché où sont vendus des logements populaires, non pas, bien évidemment, faute du besoin de tels logements, mais faute d’un pouvoir d’achat suffisant du côté des défavorisés. De nombreux théoriciens n’hésiteront pas, cependant, à dire que, même ici, l’économie de marché conduit à un « optimum ». C’est, en effet indiscutable si on accepte pour base la formule : « à chacun selon ses moyens ». Egalement, lorsqu’une entreprise maximise son profit – ou, plus pudiquement, minimise ses coûts – n’entrent en ligne de compte que ceux de ces coûts qui peuvent être immédiatement chiffrés. Un accident du travail, la pollution d’une rivière, cela n’a pas de prix, et donc, pour lesT tenants de l’économie de marché, pas de valeur. Certes, certains prétendent, aujourd’hui, camoufler cette situation et, à travers la notion de « bilan social » d’une entreprise, évaluer, par exemple, des conditions d’hygiène et de sécurité ; mais peut-on prendre au sérieux, dans ce domaine, la détermination d’une quelconque « valeur » qui ne s’appuie pas, au premier chef, sur le point de vue des travailleurs concernés ? Autre situation, enfin, où le marché ne joue pas de rôle : le champ considérable et croissant des biens publics ou collectifs qui ne font pas l’objet d’une appropriation personnelle. Une promenade dans une forêt domaniale, une place de crèche pour un nouveau-né, cela ne s’achète ni ne se vend ; et à nouveau, se pose le problème d’évaluer une demande et de déterminer une offre, le problème de savoir selon quels critères la forêt ou la crèche devront être créées ou agrandies. Il n’est pas inintéressant de signaler qu’un grand nombre d’économistes, même chez les classiques, s’accordent à reconnaître que la solution du problème nécessite l’intervention d’une autorité collective, pour dégager les options Document 13 Science et vie économie n° 6 mai 1985. Les idées de John Maynard Keynes (Texte retravaillé.) (…) Keynes s’est rendu compte, en analysant la situation économique anglaise, que les théories classiques ne suffisaient plus à expliquer les déficiences de l’économie de son époque. L’Angleterre des années 20 continuait à croire aveuglément aux vertus du libreéchange et de l’étalon-or, ces deux piliers de la splendeur victorienne. Or la première guerre mondiale avait sonné le glas de la suprématie britannique et du capitalisme industriel classique. La compréhension et la résolution de la grande crise de1929 nécessitaient une approche différente. De là, vient la création de la « théorie générale » publiée en 1936. Cette théorie est générale en ce sens qu’elle étudie le fonctionnement de l’économie dans sa globalité. L’économie classique est un instrument puissant pour expliquer les comportements individuels du consommateur et du producteur. Elle s’avère, en revanche, incapable de rendre compte des phénomènes économiques d’ensemble qui répondent à une logique qui leur est propre. Les classiques se trompent quand ils affirment que l’intérêt des individus concourt forcément à l’intérêt général. La démonstration est facilitée par la prise d’un exemple : chaque individu a intérêt à épargner car il accumule ainsi des richesses pour l’avenir ; si tout le monde suit le même raisonnement, il en résulte un effet négatif pour l’économie d’un pays. Il y a, en effet, moins d’argent en circulation pour acheter les marchandises produites, ce qui freine l’activité. L’intérêt général recommande donc la dépense. La révolution keynésienne est une façon radicale de voir le monde autrement. Les libéraux ont une vision idéale de l’économie toute empreinte d’optimisme et de puritanisme. Leurs prévisions sont parfaites : ils considèrent qu’il existe un ordre naturel des choses, tels que Dieu l’a déterminé, garantissant le plein-emploi et la richesse. Pour eux, les crises ne sont que de simples dérangements temporaires, vite enrayés grâce aux mécanismes du marché (quantité offerte et ajustement des prix). Dès lors tout étant pour le mieux dans le meilleur des mondes, il faut bien se garder d’intervenir. Les libéraux préfèrent attendre patiemment que la baisse des prix et des salaires ramène l’équilibre. Autrement dit, il faudrait se serrer la ceinture. Cette diète forcée serait une sorte de châtiment divin venant sanctionner les excès de vaches grasses. Absurde ! La « main invisible », l’équilibre automatique ne sont que mythes et balivernes. Le capitalisme libéral conduit tout droit à la crise quand il est laissé à lui-même. Seule une intervention franche et systématique de l’Etat peut éviter la catastrophe. En effet, seul l’Etat peut agir au nom de l’intérêt général. Il doit réguler le fonctionnement de l’économie et, en temps de crise, intervenir pour relancer la machine. Pour ce faire, il dispose de tout un arsenal de mesures : mises en chantier de grands travaux, redistribution, politique fiscale, aides aux investissements, aides à la consommation, etc. En ce qui concerne la politique budgétaire, Keynes préconise le déficit conjoncturel en temps de crise et le boni conjoncturel en période de surchauffe. C’est tout le contraire des libéraux pour qui l’orthodoxie budgétaire consiste dans l’équilibre budgétaire. Entendons-nous bien : Keynes n’a jamais prôné de supplanter l’initiative privée mais de pallier ses insuffisances. Il n’a jamais été l’ennemi du profit et de l’initiative individuelle. En fin de compte, il estime que, en regard du collectivisme de l’URSS, le capitalisme est le seul système capable de garantir les valeurs fondamentales de justice, de culture, de progrès et de démocratie. Chapitre 2 : doctrine - régime - système Dans les textes analysés préalablement, certains se rapportent aux courants de pensée économique, aux opinions émises par des auteurs, d’autres dégagent plutôt les caractéristiques de deux systèmes opposés. §1 : Qu’est-ce qu’un courant de pensée ou doctrine? Avec la doctrine, nous nous trouvons au niveau des idées, des idéaux que l'on va enseigner; (doctrine vient du latin docere qui veut dire enseigner). La doctrine expose des opinions. L'opinion provient très souvent d'un raisonnement intuitif. C'est ce que l'on estime devoir être en fonction de considérations philosophiques, morales, sociales, religieuses, politiques, culturelles. Elle établit un classement dans les faits. Elle pose des jugements de valeur. Elle est subjective. Elle dit: ceci est bon, ceci est mauvais. Elle propose des objectifs à atteindre qu'elle juge idéaux .Elle guide l'action des hommes. la doctrine capitaliste prône les idéaux de liberté (on fait ce que l'on veut avec son capital) et d'égalité (au départ, chacun est capable de fonder son entreprise). la doctrine marxiste enseigne que pour arriver à une société idéale, le peuple doit être propriétaire des moyens de production (outils, matières) et que les différentes classes sociales doivent être abolies pour arriver à une société sans classe. Il est bien évident que, dans le temps, nous pouvons évoluer au niveau des idées. Nous connaissons ainsi toutes une série de doctrines qui, du XVIme siècle à nos jours, témoignent de l'évolution de la pensée humaine. Citons: le mercantilisme, la physiocratie, le courant classique (Smith-Ricardo-Malthus-Stuart Mill), l'Ecole Historique, le courant socialiste (prémarxisme, marxisme), le catholicisme social. Nous savons maintenant ce qu’est une doctrine. Déterminons les textes qui nous parlent de doctrine et identifions les auteurs et leur idée de base. § 2. Le système Le système est une notion abstraite imaginée pour simplifier la réalité des ensembles économiques et permettre la régulation de l’activité économique afin de répondre aux problèmes soulevés par les activités de production, d’échange et de consommation, . Nous évoluons dans des systèmes d’économie d’échanges2 c’est-à-dire dans des systèmes où les producteurs se spécialisent dans certaines activités et se procurent d’autres produits avec l’excédent de leur production personnelle Sous forme de synthèse, en vous référant aux textes analysés, établissez, sous forme d’un tableau, les caractéristiques des deux systèmes prédominants actuels. Fondements Les fondements juridiques. Le système capitaliste Propriété privée des moyens de production. Le système socialiste Propriété collective des moyens de production. 2 Il existe un système qui ne représente plus, dans nos civilisations, qu’un intérêt historique ; c’est le système d’économie fermée ou autarcie. L’équilibre est recherché au sein d’un groupe fermé (famille, tribu, domaine) ; on produit ce dont on a besoin ; il ni a pas d’échange. Les fondements idéologiques. Recherche du profit et accumulation du capital. Recherche de la satisfaction de la collectivité ; prédominance de l’intérêt collectif sur l’intérêt individuel. Les fondements économiques. Sur le marché, la confrontation entre l’offre et la demande détermine les prix et permet la satisfaction du plus grand nombre d’agents économiques. Le Plan précise les objectifs économiques et les moyens à mettre en œuvre pour satisfaire l’intérêt général. § 3. Le régime Dans la réalité, les systèmes purs n’existent pas. .Ils ne constituent que des outils de réflexion des catégories théoriques qui encadrent la réalité et facilitent le classement des organisations socio-économiques. En occident nous n'avons pas un système de marché pur. L'Etat intervient dans l'économie à des degrés divers. Il existe un plan mais le marché domine. Par exemple, en Belgique, nous avons une politique des prix, une politique de l'emploi, une politique monétaire, une politique de défense du consommateur, etc. Dans les pays socialistes, nous trouvons l'éventail des salaires, la monnaie, les primes à la production, la libre entreprise pour certains petits producteurs. Le régime est donc la réalité; c'est une donnée concrète, une donnée historique. C'est l'ensemble des règles légales, politiques et institutionnelles qui définissent nettement des normes dans lesquelles évolue l'activité économique. Il est la réalisation pratique et historique du système et il s'écarte inévitablement de ce dernier. Il varie suivant les milieux et suivant les époques. Il s'altère ou se durcit. En fait, les régimes se sont écartés des principes rigides des systèmes dans le but de remédier aux lacunes dont ces systèmes sont la source. Ex: l'Etat intervient, chez nous, pour réduire les déséquilibres qui se produisent tels que chômage inflation, crise. Dans certains pays socialistes, on a introduit les primes salariales pour motiver les travailleurs; on offre des salaires plus élevés dans des régions inhospitalières. Dans les articles précédents, relevez ceux qui parlent de systèmes et ceux qui parlent de régimes. § 4 : Synthèse En guise de synthèse, il vous est proposé une grille d’analyse, composée de cinq questions, et permettant de se faire une idée du régime socio-économique en vigueur dans les pays choisis. Quel est le régime de propriété ? Propriété privée des moyens de production et des biens Situation intermédiaire Système mixte Propriété collectives des biens de production Comment sont Jeu de la concurrence sur les marchés alloués les Situation intermédiaire facteurs ? Système mixte Comment Fixation autoritaire et centralisée leurs prix sont-ils fixés ? Qui sont les Myriade de petites unités privées producteurs ? Situation intermédiaire : oligopoles privés Grandes unités d’Etat Quel rôle joue « Gendarme » des intérêts privés l’Etat ? Etat providence, régulateur, acteur « Chef d’orchestre » de toute les activités Y a-t-il de l’individualisme ou du collectivisme ? Préférence à la consommation individuelle, aux intérêts privés Situation intermédiaire : actions individuelles et actions collectives Préférence à la consommation publique, aux intérêts de la collectivité Document 14 Le capitalisme patrimonial a-t-il un avenir ? Dominique Charpentier Alternatives Economiques Avril 2001 Les actionnaires ont pris le pouvoir dans l'entreprise. Inégalités sociales et instabilité financière font cependant douter de la viabilité du système. Aujourd'hui, on qualifie le capitalisme de patrimonial parce que c'est de plus en plus du côté du patrimoine financier et surtout des actions des entreprises cotées en Bourse que se mesure sa santé et se joue son avenir. Le cours des actions des entreprises devient la variable essentielle, à la fois pour attirer (ou retenir) les actionnaires, mais aussi parce qu'une part croissante de la rémunération du travail - et pas seulement des cadres dirigeants - est déterminée par les résultats de l'entreprise. Le capitalisme patrimonial, de ce fait, participe largement à la " financiarisation " de l'économie. C'est aussi ce qui en fait sa fragilité. En mai 1968, les manifestants avaient tenté de brûler la Bourse : symbolique, mais inoffensif. Certes, de grandes entreprises y étaient cotées, mais les actionnaires comptaient " pour du beurre ". Ils n'avaient guère voix au chapitre : ils n'étaient alors que des partenaires dormants, ne finançant le développement des entreprises en question que de façon secondaire, voire marginale, loin derrière l'emprunt ou le crédit bancaire. Aussi, lorsque, à la fin des années 70, la rentabilité de ces entreprises a commencé à s'éroder, que l'accès au crédit leur est devenu plus difficile, c'est le système tout entier, qui a été secoué : il ne suffisait pas de produire en masse, ni même de vendre en masse, il fallait aussi assurer des bases financières plus solides aux entreprises pour qu'elles puissent se développer et investir. Le capitalisme patrimonial est né de cette difficulté : les firmes sont devenues dépendantes des actionnaires et de leur épargne. D'où la ruée vers la Bourse, qui a la vertu de rendre le capital liquide : celui qui achète une action peut la revendre quand il le souhaite ; il n'est donc pas marié à vie avec une société particulière. Ce placement implique évidemment des risques et le capital ne viendra en Bourse que si la rémunération qu'il peut en attendre (dividendes et plus-values) lui paraît suffisante. L'actionnaire - et plus particulièrement les investisseurs institutionnels (assurances-vie, fonds de pension, Sicav...), qui collectent les innombrables petits ruisseaux de l'épargne individuelle - est devenu un partenaire actif, voire dominant : c'est lui qu'il faut choyer, attirer, rassurer, écouter, puisqu'il détient le nerf de la guerre et détermine le cours de l'action. Le salariat, au sein du capitalisme patrimonial, en subit les conséquences, et pas seulement parce que sa part du gâteau se réduit devant les exigences croissantes des financeurs. D'une part, le mode de rémunération évolue : les éléments variables, indexés sur les résultats de l'entreprise, se développent, qu'il s'agisse de l'intéressement, de la participation, de l'épargne salariale ou des stock-options (encore réservés aux seuls cadres dirigeants). On assiste à une curieuse inversion des logiques : de plus en plus, c'est le travail qui assume le risque de l'entreprise, puisque sa rémunération dépend en partie du résultat, tandis que les dirigeants assurent au capital - au moins sous forme d'engagement - une promesse de rémunération stable (les fameux 15% de retour sur fonds propres), à charge pour le patronat d'ajuster les effectifs et la stratégie pour y parvenir. D'autre part, l'entreprise ne conserve que les activités dans lesquelles elle est en mesure de dégager la rentabilité minimale exigée par les marchés financiers et les actionnaires. De ce fait, le salariat tend à se fragmenter : ceux dont le travail n'apporte qu'une valorisation faible pour l'entreprise écopent des salaires faibles et stagnants, des contrats précaires, des avantages collectifs réduits, voire de l'exclusion. Quant à ceux dont le " capital humain " est une richesse pour l'entreprise, ils ont droit aux carrières brillantes et aux rémunérations variables, sources d'enrichissement potentiel. Certes, le capitalisme a toujours été générateur d'inégalités : c'est son carburant, ce qui incite les uns à prendre des risques et à innover, et les autres à travailler dur. Mais le déclin des règles collectives qui encadraient le salariat contribue à creuser l'écart entre ceux du cœur et ceux de la périphérie, les gagnants et les perdants. Un capitalisme durable ? Pour qu'un régime économique puisse fonctionner durablement, il faut que les règles sur lesquelles il s'appuie ou se fonde ne se transforment pas en obstacles. Le capitalisme patrimonial, même s'il ne concerne qu'une minorité d'entreprises, est devenu largement dominant, car il s'agit des entreprises les plus importantes et les plus dynamiques. Mais il présente aujourd'hui deux faiblesses essentielles. L'une est financière, l'autre sociale. Le capitalisme patrimonial a besoin des marchés financiers, puisque ce sont ces derniers qui assurent son financement et qui, par les gains qu'ils assurent aux innovateurs, aux cadres dirigeants et aux actionnaires, stimulent la prise de risque et la rentabilisent. Or, ces marchés sont d'une grande instabilité, parcourus de phénomènes mimétiques : lorsque la Bourse baisse, bon nombre d'opérateurs tentent de limiter leurs pertes en vendant, ce qui accentue la baisse, tandis que, à l'inverse, la hausse encourage les achats, donc la hausse. Contrairement à la production de marchandises, il n'y a pas de limite à ces fluctuations. L'histoire des marchés financiers depuis quinze ans, c'est-à-dire depuis que les dernières entraves à la libre circulation des capitaux ont été levées, est jalonnée de crises, emballements, krachs. Ce qui est en cause, c'est l'absence, ou l'insuffisance, de règles et d'institutions. C'est aussi la volatilité, sans doute excessive, des capitaux : l'argent circule de plus en plus vite, alors que la production a besoin d'immobilisations longues. La faiblesse sociale n'est pas moins inquiétante. De plus en plus, la richesse essentielle, le gage de la croissance à venir, réside dans les connaissances et la formation des hommes. Or, dans un régime économique qui rémunère les hommes en fonction des résultats, le nomadisme des plus performants s'accentue : ils ont intérêt à vendre leurs services ailleurs dès lors que leur employeur ne tient pas ses promesses. A quoi sert de tutoyer son patron et d'avoir des perspectives de gains élevés si les cours en Bourse sur lesquels ces perspectives s'appuyaient s'effondrent ? A l'autre bout de l'échelle, ceux dont la force de travail est banalisée sont traités durement et payés chichement : or, une société qui accentue à l'excès les inégalités, au point de les rendre injustes aux yeux de la majorité, est une société qui est parcourue de mouvements de révolte, d'incivilités, voire d'insécurité. Bien entendu, le pire n'est pas sûr : le FMI est parvenu jusqu'ici à enrayer les paniques financières, tandis que les Etats-Unis montrent qu'une société où les riches s'enrichissent tandis que les pauvres s'appauvrissent peut continuer à fonctionner. Il n'est donc pas impossible que le capitalisme patrimonial ait un certain avenir, à coups de bricolages et de mises à l'épreuve permettant de savoir jusqu'où ne pas aller trop loin. Mais, même ainsi, sa stabilité intrinsèque reste faible et jette un doute sur sa capacité à durer. Le plus probable, c'est que l'épreuve de l'expérience fasse peu à peu émerger des règles et des institutions adaptées, capables de réduire l'instabilité. Mais parlera-t-on alors encore d'un capitalisme patrimonial ? Conclusion Le troisième débat sur l'unicité ou la pluralité du capitalisme est en train de s'éclaircir : même si l'économie marchande repose partout sur des mécanismes similaires, les relations qui s'établissent entre les acteurs sociaux sur le marché mêlent étroitement économie, culture et histoire. Michel a mis en évidence l'existence d'un "capitalisme rhénan", fonctionnant grâce à une cogestion entre acteurs sociaux, et un "capitalisme anglo-saxon", basé sur des mécanismes de marché plus purs. Quant au Japon, chacun voit bien que le capitalisme qui s'y est épanoui est encore différent, mariant Etat et grandes firmes dans une espèce de "front commun" cimenté par le nationalisme. Il est vraisemblable que le capitalisme qui est en train de naître dans les "économies en transition" (ancien pays de l'Est et ancienne URSS) sera encore diférent.