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DES NOUVELLES DU MALI
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Aujourd'hui, je vais vous donner des nouvelles du Mali. Car comment ce pays stable, calme, plutôt
démocratique, où les touristes venaient admirer l'habitat des peuples dogons, ou la splendide ville de
Tombouctou, eh bien comment ce pays a-t-il pu si brutalement se couper en deux et entrer si
soudainement dans la guerre ? Alors pour comprendre ce qui a conduit à la fragilité de cet État, nous
allons donc regarder plusieurs cartes de ce pays.
Le Mali est en Afrique de l'Ouest. Son territoire fait 1 240 000 km². Il est traversé par le Sahel, cette
bande de savane - plus ou moins humide - qui sépare le Sahara aride au Nord de la forêt humide au Sud.
Il n'a aucun accès à la mer et il a pour voisins l'Algérie au Nord, le Niger à l'Est, le Burkina Faso, la Côte
d'Ivoire et la Guinée au Sud, et le Sénégal et la Mauritanie à l'Ouest. Ce pays, dont la capitale est
Bamako, et qui a été longtemps une colonie française, est devenu indépendant en 1960. Vous voyez
cette frontière, quasi rectiligne, dont 1400 kilomètres séparent le Mali et l'Algérie. Eh bien elle a été
définie après la conférence de Berlin, au terme de plusieurs accords entre le ministère des Colonies, qui
administrait l'Afrique Occidentale française, et le ministère de l'Intérieur représentant les départements
français d'Algérie. Son tracé définitif a été établi en 1905. Et les autres frontières du pays correspondent
aux anciennes limites internes de l'Afrique-Occidentale française. Eh bien ces tracés frontaliers ont donné
au Mali une enveloppe territoriale en fait immense, qui englobe deux espaces géographiques en fait très
différents. Le Sud est traversé par la vallée du fleuve Niger, et abrite une partie de son delta intérieur. On
est là en zone de climat soudanien, avec des zones agricoles, excédentaires. À l'inverse, le Nord est une
région aride, traversée par le Sahel et le Sahara avec des zones agricoles déficitaires. La majorité de la
population de cette région, qui vit le long du fleuve Niger, pratique l'agriculture et l'élevage. Les
principales villes sont Gao et Tombouctou, sur le fleuve Niger et Kidal, au pied de l’Adrar des Ifoghas, ce
massif montagneux situé au Nord-Est du pays. On y trouve peu d'infrastructures de transport. Mais c’est
un espace d’échanges via les anciennes pistes caravanières, qui ont transporté sel, or, esclaves, dès le
Moyen-âge.
Dans ce pays - qui est en fait deux fois grand comme la France - vivent seulement 16 millions
d'habitants, dans deux ensembles, qui sont comme dissociés. D’une part le Sud Mali, qui couvre un tiers
du territoire, où vivent 91 % de la population malienne, et d'autre part le Nord Mali, composé des trois
régions de Tombouctou, Gao, Kidal, où vit seulement 9 % de la population et qui couvre les deux tiers
restants du pays. Et bien justement, qui vit au Mali ? On retrouve sensiblement cette division Nord-Sud
sur la carte des groupes ethniques. Au Sud il y a les peuples sub-sahariens, parmi lesquels on peut citer
les Bambaras, qui sont les plus nombreux, les Minianka, et aussi les Peuls, les Malinkés ou, les Dogons ;
et au Nord, il y a les peuples arabo-berbères, c'est-à-dire les Arabes et les Touaregs. 95 % des Maliens
sont musulmans, 2,4 % sont chrétiens et 2 % sont animistes.
Bien, maintenant changeons d'échelle pour évoquer plus précisément les peuples Touaregs, qui
représentent 10 % de la population du Mali. Vous voyez ici la zone de répartition traditionnelle des
Touaregs, un peuple nomade, berbérophone, qui vit à cheval sur quatre autres États du Sahel : l'Algérie,
la Libye, le Niger et le Burkina Faso. Et il refuse que son territoire de nomadisation soit divisé ou intégré
à des pays dans lesquels il ne se reconnaît pas. Donc, au Mali, depuis l'indépendance du pays en 1960,
les Touaregs s'opposent à l'incorporation de leur territoire dans le territoire malien. Ils ont mené plusieurs
rébellions, notamment en 1963, en 1991, pour obtenir de Bamako des mesures de décentralisation, et
des aides économiques et aujourd'hui, ils se sentent marginalisés par le pouvoir central car le Nord Mali
se situe en marge du développement économique du pays. Le PIB cumulé des trois régions du Nord
représente à peine 2 % du PIB national et pourtant leur sous-sol abrite un important potentiel pétrolier.
Vous voyez sur la carte les quatre bassins qui ont été identifiés. On trouve aussi des réserves d'uranium,
dans l'Adrar des Ifoghas et la région de Gao, et de l'or, dans les Ifoghas. Rappelons que le Mali est le
troisième producteur d'or en Afrique après l'Afrique du Sud et le Ghana.
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Donc si je résume, on a deux ensembles climatiques, humains, très différenciés, avec des disparités
économiques majeures. Le Nord Mali est en fait comme non-intégré au reste du territoire national. Eh
bien ces quelques éléments peuvent expliquer comment le pays a pu se scinder si soudainement en deux
parties.
Revenons sur la chronologie des faits. Le 22 mars 2012, le président Amadou Toumani Touré est chassé
du pouvoir par un coup d'État de l'armée, à Bamako. Le 6 avril 2012, le Nord du pays fait sécession,
déclare se nommer désormais Azawad, que l'on voit ici sur la carte. Un groupe armé de Touaregs, le
MNLA, c'est-à-dire Mouvement national de libération de l'Azawad, est à l'origine de cette scission. Mais, il
est rapidement dépassé sur le terrain, par un groupuscule armé salafiste, Ansar Dine. Ce sont ses
partisans qui, à Tombouctou, détruisent tombeaux et mausolées considérés comme saints par les
musulmans de la région. La majorité des partisans d'Ansar Dine, comme ceux du MNLA, sont des
Touaregs issus de la tribu des Ifoghas, du même nom que le massif situé au Nord de Kidal. Une partie de
ces Touaregs, auparavant adeptes d'un Islam rigoriste mais non violent, nommé Tabligh, sont donc
passé au djihad armé.
Comment explique-t-on un tel basculement ? Pour des raisons de croyances religieuses, mais aussi des
facteurs sociaux, économiques, institutionnels, face à un État faible, lointain, incapable de répondre aux
attentes du Nord Mali. Et puis il y a aussi les facteurs externes. Changeons d'échelle à nouveau. Cette
carte nous montre la zone de présence approximative d'Aqmi, ou Al Qaïda au Maghreb islamique, dans le
Sahel et au delà. Le bastion de l'organisation se situe dans l'Adrar des Ifoghas, ce qui lui permet de se
protéger, de profiter de la vallée du Tilemsi, qui est un axe essentiel entre le fleuve Niger et l'Algérie.
Aqmi est impliqué dans des trafics de migrants, d'armes, de drogue, de tabac, qui traversent la région.
Deuxième facteur, la chute du régime de Khadafi en 2011. Des milliers de combattants Touaregs, enrôlés
dans l'armée libyenne, sont rentrés au Mali avec armes et munitions, offrant ainsi des moyens d'action au
mouvement du Nord Mali.
Le 5 janvier 2013, Ansar Dine et ses alliés djihadistes, Aqmi et le Mujao, le Mouvement pour l'unicité et le
djihad en Afrique de l'Ouest, lancent à leur tour une offensive vers le Sud du pays. Les rebelles prennent
Konna, et la communauté internationale craint alors que ces groupuscules armés s'avancent jusqu'à
Bamako. Alors le 11 janvier 2013, Paris décide d'envoyer l'armée française en réponse à la demande de
Bamako. Baptisée Serval, cette opération est aidée par l'armée malienne, qui est sous-équipée, et par la
Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, la Cedeao, qui conduit la Misma, c'est-à-dire
la Mission internationale de soutien au Mali, sous conduite africaine. Grâce à des offensives aériennes, et
terrestres, Serval permet certes une réduction du potentiel des djihadistes, mais la victoire reste limitée
et le pays ne parvient pas à se stabiliser. Le 1er juillet 2013, la Misma est remplacée par la Minusma, une
mission de l'ONU, qui compte 9300 casques bleus, et le 1er août 2014, l'opération Barkhane succède à
l'opération Serval. Elle s'effectue en partenariat avec 5 États de la région : la Mauritanie, le Mali, le
Burkina Faso, le Niger et le Tchad. Elle rassemble 3000 militaires et vise à lutter contre le terrorisme dans
toute la région du Sahel car il faut bien voir que Aqmi et les autres mouvements présents dans le Nord
Mali constituent un risque pour les activités françaises d'extraction de l'uranium au Niger, qui est le
quatrième producteur mondial d'uranium. Vous voyez sur la carte les mines qui se trouvent au Nord du
Niger, près d'Arlit, dans une des zones uranifères les plus importantes du monde. Détenues par Areva,
ces deux mines sont situées à quelque 200 kilomètres de l'Adrar des Ifoghas. Rappelons que le Niger
fournit environ 30 % des approvisionnements en uranium des centrales nucléaires françaises. Donc en
intervenant au Nord Mali, Paris cherche aussi à sécuriser son approvisionnement en uranium.
Alors où en est-on aujourd'hui ? À Bamako, les élections présidentielles de 2013 ont porté au pouvoir
Ibrahim Boubakar Keita. Dans le Nord Mali, il y a eu rivalité et scission entre les divers groupes armés à
tendance islamiste. Et puis troisièmement, des négociations de paix ont commencé à Alger en septembre
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2014. Le gouvernement de Bamako n'est plus en position de force face aux mouvements politicomilitaires du Nord Mali depuis la déroute de l'armée malienne en mai 2014.
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Alors ces négociations d'Alger sont lentes et difficiles. Les groupes armés veulent que le nom même de
Azawad soit reconnu et figure dans les accords, ce que le gouvernement de Bamako refuse tandis que le
gouvernement malien, de son côté, prône la décentralisation du pays alors que les groupes armés
veulent l'instauration d'un État fédéral. Aujourd'hui le Mali vit sous perfusion économique, la médiation
internationale censée faire des propositions acceptables par les diverses parties peine à être tout à fait
inventive. Alors, c'est très difficile de trop simplifier une question humaine et politique aussi complexe
mais si on veut la restauration de l'autorité de l'État malien, il faut vaincre les djihadistes. Et si on veut
vaincre les djihadistes, il faut redonner confiance au peuple Touareg.
Biblio
Alors un ouvrage de fond sur cette région, Touaregs, apprivoiser le désert, d'Hélène Claudot-Hawad, aux
éditions Gallimard, et puis un ouvrage plus d'actualité, La guerre au Mali, comprendre la crise au Sahel et
au Sahara, dirigé par Michel Galy aux éditions La Découverte.
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