UNIVERSITE DE FRIBOURG/SUISSE • UNIVERSITÄT FREIBURG

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UNIVERSITE DE FRIBOURG/SUISSE • UNIVERSITÄT FREIBURG/SCHWEIZ
DEPARTEMENT DES SCIENCES DE LA SOCIETE
DEPARTEMENT DER GESELLSCHAFTSWISSENSCHAFTEN
DEPARTMENT FOR THE SCIENCES OF SOCIETY
Prof. Muriel Surdez
Assistant : David Pichonnaz
Bureau G 340 ; muri[email protected]
Bureau G 332 ; [email protected]
Réception le mercredi de 14h à 18h
ou sur rendez-vous
026 300 82 46
Réception le jeudi de 14h à 16h
ou sur rendez-vous
Sociologie de l’action publique et des professions
Séminaire 2006-2007 (semestre d’hiver)
Les perceptions réciproques des groupes professionnels :
entre préjugés, expériences et connaissances sociologiques
1. THEMATIQUE
Le séminaire approfondit la thématique de la catégorisation et de la qualification des groupes sociaux
comme phénomène constitutif de l’ordre social et donc comme objet central de l’analyse sociologique. Il
aborde cette problématique à travers un angle particulier : il se focalise sur les groupes professionnels, les
relations et les activités qui les mettent (ou non) en contact les uns avec les autres, afin d’examiner dans
quelle mesure l’appartenance à un métier reste une matrice essentielle à travers laquelle s’engendrent les
modalités d’appréhension et de jugement des autres groupes sociaux. Le séminaire a ainsi pour objectif
de familiariser les étudiants avec des questionnements, démarches et outils conceptuels développés par
la sociologie des professions et de les mettre en rapport avec ceux de la sociologie générale,
principalement avec l’approche bourdieusienne de l’espace social.
Espace social, classements et jugements sociaux
« La gestion des noms est un des instruments de la gestion de la rareté matérielle et les noms des
groupes, et notamment des groupes professionnels, enregistrent un état des luttes et des négociations à
propos des désignations officielles et des avantages matériels et symboliques qui leur sont associés. Le
nom de profession dont les agents sont dotés, le titre qu’on leur donne, est une des rétributions positives
ou négatives (au même titre que le salaire) en tant que marque distinctive (emblème ou stigmate) qui
reçoit sa valeur de sa position dans un système de titres organisé hiérarchiquement et qui contribue par là
à la détermination des positions relatives entre les agents et les groupes. En conséquence, les agents ont
recours à des stratégies pratiques et symboliques visant à maximiser le profit symbolique de nomination
[…] » (Bourdieu 1984:8)
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La structure sociale se donne à voir dans les rapports quotidiens entre individus et au sein des
institutions. Mais elle est aussi une conceptualisation abstraite par laquelle les sociologues formalisent et
délimitent les entités collectives ou les liens sociaux qui caractérisent un ensemble social. Avec le
développement des approches dites « constructivistes », la tâche s’est complexifiée : on ne considère
plus qu’il existe des groupes sociaux immuables et la volonté de répertorier, cartographier, délimiter des
classes ou catégories sociales aux caractéristiques objectives est contrainte par des usages sociaux (les
recensements, les statistiques notamment) plus que par des finalités proprement scientifiques. La majorité
des recherches prennent dès lors en compte les processus de représentations et de positionnement des
groupes les uns par rapport aux autres comme aspect central des divisions et appartenances sociales.
Dans cette perspective, il nous semble intéressant d’approfondir l’approche bourdieusienne de l’espace
social, et de donner un aperçu des recherches et discussions scientifiques auxquelles elle a donné lieu.
Nous verrons ainsi que la question du découpage des groupes et des jugements qu’ils portent les uns sur
les autres est au cœur du positionnement social, ce qui constitue un enjeu politique crucial. La proximité
ou la distance entre groupes, et par conséquent leur probabilité de se rassembler et de se ressembler, de
s’allier ou de s’opposer, n’est pas une simple affaire de nombre ou de géographie. Si Bourdieu a insisté
sur les notions d’« habitus » et de « schèmes de perception » ou sur l’étude des « porte-parole », des
« représentants » pour comprendre comment un groupe et son image se construisent, il a peu exploré la
diversité des groupes professionnels sous cet angle. La question des conditions pratiques dans lesquelles
les différentes catégories développent, reproduisent ou modifient leurs jugements/leurs représentations
respectives a été quelque peu éludée, ses recherches se concentrant de façon plus générale sur
l’importance croissante de l’institution scolaire ou sur des habitus propres à des milieux spécifiques. Pour
adapter ce cadre d’analyse à la problématique du séminaire, nous interrogerons plus avant :
- les rapports entre groupes sociaux et groupes professionnels et la formation de « milieux
sociaux » transversaux à plusieurs catégories socio-professionnelles ;
- l’individualisation des jugements et schèmes de perception ;
- les questionnements et résultats issus de la sociologie des professions.
La sociologie des professions : les professions comme relations entre groupes sociaux
Dans les dimensions constituant des axes d’études fondateurs de la sociologie des professions comme
sociologie spécialisée permettant d’analyser les hiérarchies sociales et les rapports sociaux dans leurs
dynamiques historiques, on peut relever par exemple : la distinction entre professions avec ou sans
prestige social, entre les professionnels « fiers » ou « humbles » ; la question des professions de service
ou indépendantes, qui supposent des contacts nombreux avec une diversité de milieux sociaux ; ou
encore celle des professions manufacturières, les relations quotidiennes sont avant tout hiérarchiques.
A partir de ce cadre général, notre thématique particulière s’appuiera sur deux points forts des recherches
sur les professions :
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1. Les rapports entre professionnels et clients. Le professionnel se distingue et se reconnaît en tant que
tel parce qu’il maîtrise des connaissances, des expériences, que les acteurs qui ont recours à lui ne
possèdent pas. Les rapports dissymétriques, les négociations, les adaptations de langage qui en
résultent ont focalisé l’intérêt des sociologues des professions. Ils ont examiné, d’une part, comment
les professionnels, forts de leur légitimité professionnelle, sont à même d’imposer leurs normes et
conceptions à d’autres catégories sociales. D’autre part, ils se sont intéressés à la manière dont ils
prennent en compte ou relèguent à l’arrière-plan la plus ou moins grande diversité sociale de leurs
clients. Le terme de « clients » est à comprendre ici au sens large, c’est-à-dire qu’il englobe aussi bien
les patients du médecin, les élèves de l’enseignant que les usagers du taxi. Utile pour le chercheur,
cette catégorie généralisante pose anmoins un certain nombre de questions qui font pleinement
partie de la problématique du séminaire. Il n’en reste que, dans leurs pratiques et leur rhétorique, les
divers praticiens sont confrontés au dilemme suivant : soit ils offrent un traitement et un intérêt égaux à
tous leurs clients, soit ils adaptent leurs pratiques et discours aux caractéristiques des différents
groupes sociaux avec lesquels ils entrent en contact.
2. La socialisation professionnelle comme processus de constitution de l’habitus professionnel. La
période les individus se préparent à l’entrée dans une profession est une période clé, car elle
implique un « choc » qui ne peut être complètement anticipé : selon la trajectoire et les attentes
antérieures des « socialisés », elle marque une confrontation et une identification avec les
professionnels en place, leurs normes et leurs manières d’être. Elle peut passer par une clôture vis-à-
vis du monde extérieur, processus par lequel se crée la démarcation face aux autres professions.
Ainsi, la socialisation suppose la transmission, explicite ou non, de modes de comportements qui font
le professionnel adéquat et qui lui indique comment il doit percevoir et traiter ses futurs
clients/collègues. Cette phase va donc nous intéresser pour comprendre la manière dont se forment
les jugements que les professionnels portent sur l’autre.
En résumé, le séminaire poursuit un double objectif :
1) Développer une réflexion théorique sur l’importance des groupes professionnels dans les sociétés
contemporaines. En s’appuyant sur la sociologie bourdieusienne et la sociologie des professions, il s’agira
de préciser leur rôle : a) dans la hiérarchisation des positions sociales ; b) dans la constitution des
identités individuelles et collectives ;
2) Etayer le questionnement précédent en menant des travaux empiriques circonscrits sur les formes de
catégorisation et de jugements engendrées au travers des rapports professionnels.
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2. ETUDIANTS CONCERNES ET EXIGENCES : A LIRE ATTENTIVEMENT !
Ce séminaire semestriel (4 heures par semaine) fait partie des séminaires offerts dans le cadre du Master
« Communication, politique et société ». Il peut être suivi indépendamment du cours de Sociologie de
l’action publique et des professions « Les représentations des groupes professionnels dans les médias ».
Le séminaire est obligatoire pour les étudiants de 3e/4e année qui terminent le cursus de licence dans la
branche secondaire « Journalisme et médias ». Il est ouvert également, dans la mesure des places
disponibles, aux étudiants de licence DSS ou lettres ayant « Sociologie de la communication »,
« Sociologie générale » ou « Communication et médias » comme branche principale ou secondaire.
Le séminaire validé donne droit à 9 crédits (ECTS). La présence est contrôlée. 4 absences non
excusées sont permises.
Mode de validation : présentations orales individuelles ou collectives + un travail écrit final (de 30 pages
sans les annexes), issu d’une recherche de terrain en groupe (entre 2 et 3 étudiants selon le nombre total
de participants).
Le travail écrit doit être rendu pour le 1er mars,
soit un mois après la dernière séance.
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3. PROGRAMME DES SEANCES
Le programme des séances est conçu pour faire progresser parallèlement l’approfondissement des
cadres théoriques nécessaires à l’étude empirique et la préparation du travail de terrain spécifique à la
profession que chaque groupe de séminaire choisit d’étudier. L’organisation prévoit donc une alternance
entre des séances de présentation et discussions de textes, articles et des séances les étudiants
présentent leur problématique et leur matériau.
Au niveau thématique, le programme découpe trois étapes d’analyse successives qui regroupent
différents aspects de la thématique précisée ci-dessus :
1. L’activation des jugements dans l’expérience professionnelle quotidienne et ses effets pour la
considération/le traitement de tel ou tel groupe de clients/de telle ou telle catégorie sociale. Sur quels
indices se basent les praticiens de telle ou telle profession pour reconnaître des appartenances de
groupes, de milieux sociaux, des proximités ou des distances par rapport à l’autre (apparence
physique, comportement, langage) ? Quelles sont les conséquences que ces perceptions ont sur les
relations professionnelles (par exemple, adopter une attitude bienveillante ou discriminatoire, de
conseil ou d’autorité) ?
2. La genèse des jugements dans la socialisation professionnelle, scolaire et familiale. Qu’apprend-on au
moment de la formation sur la position et la posture du professionnel, sur les comportements à adopter
à l’égard des autres catégories ? Ce processus d’apprentissage vient-il confirmer ou infléchir ce qui a
été acquis dans la sphère familiale et comment les futurs professionnels y adhérent-ils ? Quel est le
rôle de l’institution et de la filière scolaire suivies au préalable dans la diffusion de certains schémas de
catégorisation du monde social ?
3. L’institutionnalisation ou le brouillage des catégories de perception et de jugement des professionnels.
Il s’agit ici d’observer que si tous les groupes professionnels développent des capacités et types de
jugement spécifiques, certains, notamment les représentants des professions intellectuelles, culturelles
ou scientifiques, occupent une position et se voient conférer des qualités qui leur permettent
d’officialiser, voire d’imposer la validité de leurs schémas de catégorisation. De plus, il importe
d’expliciter les transformations des rapports entre groupes socio-professionnels dans le temps, en
prenant en compte les stratégies d’ascension et de légitimation/délégitimation qui se combinent avec
la diversification des appartenances et des pratiques sociales.
Les exemples de recherches discutés en classe ainsi que les travaux empiriques des étudiants porteront
sur différentes professions (médecins, avocats, facteurs, vendeurs, policiers, enseignants, travailleurs
sociaux, etc.) afin de permettre aux étudiants de pénétrer des univers professionnels variés et de
comparer la capacité des groupes à diffuser leurs visions des autres catégories hors de leur propre cercle.
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