En 1963, on dénombrait 18000 balances-matières ; les réformes du Gosplan réduirent
ce nombre à 2000 en 1979 (dont 1200 pour les équipements).
2. Une simplicité qui n’est qu’apparente
La plupart des produits sont à la fois facteurs de production et résultat d’un processus
(une aciérie formule des besoins en coke et en minerai de fer aux industries extractives, mais
celles-ci ont, pour y répondre, besoin de machines, faites d’acier).
Les balances devraient donc être construites par marchandages itératifs, verticaux
(dialogue entre l’administration et les entreprises) et horizontaux (vérification et
compatibilités intersectorielles) jusqu’à l’obtention, par agrégations successives, d’un
équilibre global entre offre et demande effectives. La procédure est en réalité trop complexe,
et, malgré l’informatique introduite en 1973, trop lente, pour être menée à son terme dans ses
moindres détails. L’équation compte trop de variables, trop de données aléatoires, trop
d’inconnues.
Le planificateur se contente d’un équilibre fictif. Il part de l’offre, c’est-à-dire de la
production de l’année précédente affectée d’un coefficient plus ou moins aléatoire de
croissance, puis en déduit la demande. Dans ce cas, la demande planifiée équilibre l’offre
planifiée, mais correspond rarement aux besoins réels, d’où le rationnement. Le fait de partir
du niveau atteint n’incite d’ailleurs pas les entreprises à trop dépasser les objectifs du plan, car
cette performance servira de base au plan suivant (effet de cliquet).
3. Conséquence : la pénurie coexiste avec la pléthore
Le système soviétique est une économie de pénurie : il manque toujours quelque chose
quelque part. Les lacunes se répercutent en chaîne le long des filières techniques et en cercles
vicieux par les dépendances intersectorielles. Les économistes parlent de régulation
pénurique.
Mais inversement, un bien de consommation, dont la production a été programmée
sans enquête préalable sur les goûts des clients, s’accumulera dans les stocks d’invendus des
magasins d’Etat. L’entreprise ne se préoccupe pas d’abord d’écouler sa production puisque
ses débouchés sont planifiés et donc garantis. L’offre quasi-aveugle répond de plus
extrêmement lentement à la demande. Pour les secteurs non prioritaires, c’est la demande qui
doit s’adapter à l’offre planifiée. Même la planification de l’investissement obéit à cette
règle : celui-ci n’est pas déterminé par la demande mais par les capacités de production de
biens d’équipement. « C’est une planification de l’offre par l’offre. » (François Seurot).