LA GRANDE MAGIE
Illustration : Le Kwalé
De Eduardo de Filippo
Mise en scène Laurent Laffargue
Compagnie du Soleil Bleu 26 cours du Chapeau Rouge 33000 Bordeaux
Tel : 05.56.44.24.90 / Fax : 05.56.44.29.76 / le-soleil-bleu@wanadoo.fr
Avec La Grande Magie, j’ai voulu dire que la vie est un jeu et que ce jeu a besoin
d’être soutenu par l’illusion, qui à son tour doit être alimentée par le foi, et j’ai voulu
dire que chaque destin est relié au fil d’autres destins dans un jeu éternel : un grand
jeu dont il ne nous est donné que de découvrir des détails insignifiants.
Eduardo de Filippo (1949)
Dans La Grande Magie, il y a une thématique, des inventions, des prémonitions, une
façon de devancer l’époque, même du point de vue stylistique, qui font de cette
comédie quelque chose d’exceptionnel. Giorgio Strehler,
à l’occasion de sa mise en scène de La Grande Magie au Picolo Teatro de Milan en 1984
Le propos
Dans un hôtel de villégiature, au bord de la mer, on annonce larrivée
dun magicien. Otto est un artiste raté qui vit dexpédients. Pour un
peu dargent, il va faire disparaître une femme, Marta, pour quelle
puisse rejoindre son amant. Mais celui-ci, au lieu de passer avec elle
un court instant à labri du mari jaloux, Caloger o, lenlève et
lemmène avec lui. Labsence va durer quatre ans ; le magicien fera
croire au mari trompé, Calogero, que le temps écoulé est celui de la
représentation théâtrale. Otto va convaincre le mari de la présence
de sa femme dans un coffret. Quand elle revient, ce dernier refuse
dadmettre son retour.
La frontière entre illusion et réalité, le jeu du théâtre dans le théâtre sont des thèmes qui
alimentent régulièrement la réflexion artistique de Laurent Laffargue.
Paradise de Daniel Keene se déroulait dans un cabaret interlope, lieu protégé des atteintes
du temps, Les Géants de la montagne de Pirandello questionnait la place du théâtre dans la
société, et jusqu’à sa dernière mise en scène, au titre ô combien évocateur, Après la
répétition de Bergman, qui interrogeait la frontière entre la vie réelle et le théâtre. La
permanence de ces thèmes chez l’artiste indique sa volonté de remettre en question le
rapport à son art, ainsi que la réalité qui l’environne.
Pour son prochain spectacle, Laurent Laffargue s’est intéressé à La Grande magie, une
pièce d’Eduardo de Filippo, comédien, metteur en scène et écrivain italien.
L’histoire tient en peu de mots : Naples. Ou comment un illusionniste protège la fuite
amoureuse d’une femme adultère en faisant croire au mari cocu qu’il est l’objet
d’hallucinations. Le tour de magie va durer quatre ans !
Nous avons recueilli les premres réflexions de l’artiste, encore dans la phase de travail
préparatoire précédant les premières répétitions.
Comment allez-vous aborder cette pièce ?
Je dirais que c’est l’histoire d’une folie lucide. L’illusion commence à partir du moment
Calogero, le mari, décide d’entrer dans le jeu que lui propose le magicien. On ne saura
jamais au fond si l’époux délaissé croit réellement à cette histoire ou décide de croire à cette
histoire. Sans doute que cela l’arrange aussi, quelque part. Je pense qu’il y a du Faust et du
Méphisto dans cette pièce. Otto, le magicien, va mettre en scène la disparition de cette
femme tout en prenant soin d’y impliquer, contre son gré, le mari. Mais tout s’inversera
ensuite lorsque ce dernier choisira de s’approprier cette histoire, enfermant ainsi le magicien
dans sa propre invention. Otto se retrouve à la fois piégé par ce personnage qu’il a trahi au
départ et, en même temps, relié à lui par un véritable attachement.
Comment en êtes-vous venu à choisir ce texte peu représenté en France ?
En fait, je connais cette pièce depuis longtemps. C’est une des pièces que j’ai relues avant
de monter Les Géants de la montagne de Pirandello. On y retrouve la figure du magicien,
bien que traitée de manière différente dans ces deux pièces. Eduardo de Filippo était très
intéressé par la magie, un thème souvent abordé dans son oeuvre. Il a également connu
Pirandello. D’ailleurs Les Géants de la montagne est une oeuvre qui lui est particulièrement
chère et qui l’a influencé.
En effet, c’est une proposition très pirandellienne que propose La Grande magie :
situer la frontière entre la réalité et l’illusion.
Absolument, le thème de l’illusion est central dans la pièce. Chez Pirandello, on assiste à la
mise en abîme du théâtre, chez de Filippo, l’illusion est d’abord le point de départ d’une
situation, un hommage rendu aux artistes. La grande magie est une pièce particulièrement
riche au niveau des situations de jeu, passant du burlesque au mélodrame, mélangeant les
genres. Elle a ce foisonnement que l’on retrouve, toutes proportions gardées, dans La
Tempête de Shakespeare ou L’Illusion comique de Corneille. Il y a chez Eduardo de Filippo
un côté plus populaire que chez Pirandello. Le fait qu’il soit avant tout comédien a bien
évidemment influencé sa manière d’écrire, et la façon dont sont agencées ses pièces. Il a
d’ailleurs aussi bien interprété Otto le magicien que, plus tard, le rôle de Calogero.
Justement, revenons un peu aux deux personnages principaux, le magicien Otto et le
mari bafoué Calogero.
Otto est un magicien bonimenteur, tendance voyou, que l’on soupçonne un peu truand
napolitain, et qui, au fond, vit sur le dos de personnes crédules. Il trouve un pigeon
exceptionnel en la personne de Calogero.
Il y a quelque chose de très beau dans l’histoire de Calogero et dans son aveuglement à ne
pas croire que sa femme l’a quitté. Croire ou ne pas croire devient le thème de la pièce et
donc finalement la force de ce théâtre.. Cette illusion-là, d’une certaine manière, transcende
l’histoire. Ainsi il n’y a aucune prétention dans le titre de sa pièce La Grande magie, il place
le théâtre sur le même plan que la magie. Je trouve assez beau que l’idée de croire soit la
chose la plus forte pour un magicien. Un tour de magie se fait en trois temps : il y a la
promesse, le tour et le prestige. La promesse, c’est le temps le magicien évoque devant
son public ce qu’il va réaliser, une disparition par exemple, le tour c’est la réalisation de la
disparition et aucun tour ne peut prendre sa dimension s’il n’y a pas le prestige c’est à dire la
réapparition.
Il est tentant de faire un parallèle enter les deux magiciens, Otto de La Grande magie
et Cotrone, celui des Géants de la montagne.
Dans Les Géants de la montagne, Cotrone est un philosophe en même temps qu’un
magicien extraordinaire. La villa même participe de ce monde enchanteur. Dans La Grande
magie, nous sommes au simple niveau du tour de magie tout est trucage. Au début, ce
qui est beau dans la disparition de la jeune fille c’est que l’on voit le truc, l’envers du numéro
de l’illusionniste. On la voit sortir du sarcophage, s’évader à l’arrière avec son amant, mettant
ainsi le spectateur du côté de la coulisse. Mais lorsque le mari décide de croire à la
disparition de sa femme, tout bascule. La magie se passe alors uniquement dans sa tête.
Peut-on parler de folie de la part du mari ?
Ce qui se passe à la fin est absolument magnifique : Calogero est maintenant persuadé que
la réalité est ce qu’il croit. Il pense alors que tout ce qui l’entoure, les êtres et les choses, ne
sont qu’une illusion et que la réalité se trouve contenue dans cette boite, remise par le
magicien, dont il est le seul à pouvoir dévoiler le contenu, c’est-à-dire sa femme. Lors du
retour de Marta, il reconnaît tout d’abord son épouse, puis la rejette presque aussitôt,
préférant continuer de croire à ce jeu qui dure depuis quatre ans. En privilégiant sa croyance
au détriment de la réalité, Calogero fait preuve d’une « folie lucide ». C’est le thème de
l’aveuglement que l’on retrouve par exemple dans une pièce qui peut être un pendant à La
Grande magie, Henri IV de Pirandello.
Qu’envisagez-vous en terme de scénographie pour à la fois dessiner les trois lieux de
la pièce et donner les codes de lecture de la représentation ?
Avec mes complices scénographes habituels, Philippe Casaban et Eric Charbeau, nous
allons essayer de créer un espace modulable. Nous sommes dans un théâtre d’inspiration
éminemment populaire. Eduardo de Filippo disait que « le théâtre doit rapporter de
l’argent », sous-entendant par là qu’il écrit une pièce avec la volonté résolue de s’adresser à
un large public. Ce théâtre est un théâtre d’acteur qui va vers le public et ce que je cherche à
créer est une sorte de commedia contemporaine. C’est une histoire de troupe, de code à
inventer ou à réinventer avec mes comédiens. Nous devrons retrouver la faconde italienne
tout en jouant la pièce en français. Concrètement sur scène, il y aura une sorte de manteau
d’arlequin, utilisé non pas comme un cadre mais une arche, une ouverture divisant le plateau
en deux. Ce plateau est un radeau mobile qui peut aussi se diviser en plusieurs partie
glissant du fond vers l’avant, révélant ainsi de nouveaux espaces symbolisant les différents
lieux de l’histoire.
propos recueillis par Olivier Maby
LA GRANDE MAGIE
de Eduardo de Filippo
Texte français Huguette Hatem
Mise en scène Laurent Laffargue
Assistante à la mise en scène Sonia Millot
Scénographie Philippe Casaban, Eric Charbeau
Costumes Nathalie Prats
Lumière Patrice Trottier
Musique Joseph Doherty
Son Yvon Tutein
Maquillage, coiffure Muriel Leriche
Régie lumière Alain Unternehr
Habilleuse Sarah Mériaux
Régie générale Nicolas Brun
Construction décors Ateliers du Grand T- Nantes
Avec :
Nelly Antignac
Georges Bigot
Patrice Bornand
Dominique Charpentier
Anne Cressent
Maury Deschamps
Joseph Doherty
Eric Frey
Arthur Igual
Daniel Martin
Annabelle Simon
Pascal Vannson
Distribution en cours …
Coproduction : La GrandT-Nantes ; La Coursive-scène nationale de La Rochelle ;
La Filature, scène nationale-Mulhouse ; Compagnie du Soleil Bleu
Avec la participation du Jeune Théâtre National, l’aide du Théâtre de la Ville/Paris
et le soutien du Nouveau théâtre de Montreuil-Centre dramatique National
La Compagnie du Soleil Bleu est conventionnée par le Ministère de la Culture/DRAC Aquitaine,
subventionnée par le Conseil Régional d'Aquitaine, la Ville de Bordeaux et le Conseil Général de la Gironde
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