Le rouge et le noir Stendhal (1830 p : 318) Introduction : - Nature du texte : extrait du roman Le Rouge et le Noir de Stendhal => récit => topos littéraire : scène de la première rencontre - Tonalité donnée par le titre du chapitre : L’Ennui - Signe de l’affectivité (romantisme) -> Julien : tristesse, contrariété -> Mme de Rênal : seule, naturelle, puis angoissée - quiproquo et malentendu Problématique : le jeu des points de vue Nous verrons comment la focalisation permet de présenter les personnages puis de les faire vivre de l’intérieur pour que l’auteur disparaisse au profit des deux héros. I - Le jeu des points de vue Première phrase : focalisation zéro => le narrateur est omniscient A) Portrait de Julien par Mme de Rênal - focalisation - indétermination de Julien « une jeune fille déguisée » - Julien asexué (« cette pauvre créature ») => l’adjectif pauvre a une double valeur hypocoristique (=qui exprime l’affection) : physique et morale - « l’esprit romanesque » => sentimentale => l’affectivité l’emporte sur l’affection - subjectivité de Mme de Rênal : -> intensif « si » -> adverbe « évidemment » => jugement -> vocabulaire à dominante féminine « teint… yeux… chemise propre… jeune fille déguisée » - Méprise : Personnage imagé, préjugé du précepteur Précepteur sale bien propre Mal vêtu Chemise bien blanche Méchant Yeux doux, vient de pleurer Vieux Jeune Julien Tombée des préjugés => surprise => quiproquos => discours => fin de la focalisation interne B) Portrait de Julien par Mme de Rênal - progression dans détermination de Mme de Rênal -> d’abord une voix (« voix douce ») -> un regard (frappé… étonné ») donc progression : la voix devient une femme - double image de la femme -> féminité éblouissante -> mère (sublimation de l’image de la mère) - « grâce » => perfection physique et morale => sens religieux (religiosité romantique) Conclusion : effets de la focalisation interne : - économie du récit (peu de discours) - récit des aventures intérieures C) Parallélisme de la focalisation interne Le texte unit déjà les deux personnages => correspondances affectives Julien Mme de Rênal Pleure Amer chagrin Joie Soulagement Joues roses Gaieté folle d’une jeune fille Jeune fille déguisée Rire Métamorphose commune : chagrin qui devient joie II - Le jeu des temps verbaux - Passé simple : prise de conscience -> les personnages prennent conscience l’un de l’autre (« elle se mit a rire », « il oublia tout ») -> verbes => expression du choc, libération - Imparfait : temps de la durée -> Description (« elle sortait » : arrêt sur image) -> Habitude But : créer illusion romanesque => le personnage existe en dehors du texte => donner de l’épaisseur, de la vie - alternance -> surprise, rupture avec le quotidien -> « elle resta… ils étaient » (réaction) (durée : fascination) - plus-que-parfait : -> référence au passé du personnage (1 avant) -> effet de réel III - Le jeu de l’écriture Syntaxe : construction des phrases - Première phrase : => style impressionniste : on donne d’abord les impressions => l’émotion ou sensation avant l’identification (deux indications : « vivacité », « grâce » => crée un horizon d’attente) - hyperbole (l. 9) => subjectivité du personnage - subordonnées (qui… que…) => amplification du nom => complète les éléments du portrait - effet d’harmonie initiative : Mme de Rênal se débarrasse du poids du préjugé Syntaxe => émotion => les événements intérieurs préparent la relation amoureuse Conclusion Stendhal présente ses personnages selon la technique du réalisme subjectif. Il crée un horizon d’attente et un pacte de lecture (auteur => lecteur). La rencontre de Julien Sorel et de Mme de Rênal, Le Rouge et le Noir (2nde2) Par cyberblaise - publié le samedi 19 décembre 2009 à 14:28 dans 2nde2 (2009-2010) Vous pouvez vous inspirer de cette lecture méthodique que j'emprunte à un collègue pour améliorer votre préparation au commentaire de ce texte que nous n'avons pas corrigée du fait de mon absence vendredi 18 décembre: Gérard Philippe et Danielle Darrieux dans "Le Rouge et le Noir", 1954 Introduction : Ecrit en 1830, Le Rouge et le Noir raconte l'évolution sociale d'un jeune homme pauvre mais cultivé et ambitieux : Julien Sorel. Ce texte se situe au début du roman alors que Julien se présente au domicile des de Rênal pour une place de précepteur. Il vient de recevoir une gifle de son père au moment où commence le texte. La rencontre, inattendue, donne lieu à une confusion d'identité qui sera à l'origine des sentiments de Madame de Rênal : elle prend d'abord Julien pour une jeune fille tant sa douceur la marque, elle craignait un être brutal et sévère envers ses enfants. Nous étudierons ce texte selon trois centre d’intérêt : le jeu des regards, un double portrait et les effets du choc affectif. Plan détaillé : Le jeu des regards Les verbes appartenant au champ lexical de la vue La place des verbes et la variation des sujets 2.Le double portrait Le portrait de Julien L'image de Mme de Rênal 3.Le choc affectif L'émotion de Julien L'émotion de Mme de Rênal -------------------------------------------------------------------------------- 1. - Le jeu des regards L'importance des regards est mise en évidence par l'emploi de verbes qui s'apparentent à l'action de voir ou à celle de regarder. Il y a de plus une alternance entre les deux personnages : Mme de Rênal voit Julien sans être vue, puis est découverte, le regard devient alors réciproque : c'est ainsi que la rencontre devient échange. Les verbes appartenant au champ lexical de la vue On peut en relever 5 occurrences :" aperçut " l.5 " il ne la voyait pas " l.19-20 " à se regarder " l.32 " Julien n'avait jamais vu " L.32-33 " regardait " l.35 On peut remarquer qu'au sein de ces occurrences il y a variation des temps et des modes. A l'indicatif, le passé simple souligne le caractère soudain de la première vue. Cette soudaineté est accentuée par l'emploi du verbe " apercevoir " l.5.. L'imparfait, par opposition, souligne une action qui dure. Le verbe " regarder " (l.35) insiste sur cette idée d'attention, d'observation même presque. Le plus-que-parfait (" n'avait jamais vu " l.33) fait allusion par la négation et l'antériorité à l'inexpérience du jeune homme, qui n'a aucune référence féminine. Enfin le verbe " se regarder " (l.32) insiste, par la voix pronominale, sur la réciprocité de l'action et l'échange des regards. Ce simple jeu sur les temps et les modes permet de faire ressortir l'organisation même de la rencontre. La place des verbes et la variation des sujets Le premier verbe a pour sujet : Mme de Rênal. C'est donc elle qui, la première, aperçoit " l'autre " de manière inattendue. Le verbe VOIR (l.9) a lui pour sujet Julien. La forme négative (" Julien, tourné vers la porte, ne la voyait pas s'avancer " l.19-20) crée une situation dans laquelle Mme de Rênal a tout loisir d'observer le jeune homme sans qu'il le sache. Après l'échange des premières paroles " Que voulez-vous ici, mon enfant ? " l.22 la situation change : ce qui permet à chacun d'entre eux de regarder l'autre. L'importance du regard est, de plus, confirmée par une précision que donne Stendhal (l.23) : ce que Julien perçoit chez son interlocutrice est son " regard ", qui exerce sur lui une véritable fascination. Ce jeu des regards va déterminer une alternance et permettre à Stendhal une présentation plus rapide et plus précise des deux personnages. Le premier portrait est celui de Julien vu par Mme de Rênal. Le deuxième portrait est beaucoup plus rapide et nous donne quelques précisions sur ce que perçoit Julien. Nous étudierons donc maintenant ce double portrait. 2 . Le double portrait Les jeux des regards permettent à Stendhal une présentation des personnages en deux portraits Le portrait de Julien Le regard de Mme de Rênal capte brusquement (" elle aperçut "l.5) une image qui est aussitôt précisée. L'ensemble des détails constitue un véritable portrait. Celui-ci est fait en plusieurs étapes selon les détails captés : # le visage " figure " l.6 est complété par une précision concernant l'allure du personnage (" d'un jeune paysan " l.6). Ce groupe nominal est lui-même précisé par 3 caractérisations qui insistent toutes 3 sur sa fragilité. On note deux termes modifiés par des adverbes : " presque encore enfant ", " extrêmement pâle " l.6-7 et une subordonnée relative (" et qui venait de pleurer "l.7). Ces trois caractérisations font du jeune homme une attendrissante apparition. C'est cet aspect vulnérable qui est à l'origine de l'erreur de Mme de rênal : elle prend Julien pour une fille (l.13). On remarque que le texte reprend à plusieurs reprises cette image d'hermaphrodite chez Julien : au moment où Mme de Rênal le découvre (l.5-9) " si blanc, si doux " l.10-11 au moment où elle l'observe en connaissant son identité : (l.36-37) On peut penser alors à ce que disait Karl Gasper Jung, disciple de Freud dans L'Homme et ses symboles (pulsions de vie : anima c'est le principe féminin, pulsions de mort : animus c'est le principe masculin). Il y a chez Julien une prédominance du principe féminin. L'image de Mme de Rênal Elle est perçue lorsque Julien, après avoir répondu à la question, regarde son interlocutrice. Cette image est exprimée sous une forme très élogieuse. Les adverbes d'intensité : " aussi ", " si ", l.33-34 ont ici une valeur de superlatifs. Julien retient essentiellement 3 caractéristiques : l'élégance vestimentaire " aussi bien vêtu " l.33 : image pour le jeune garçon de la différence de classe sociale l'éclat du visage " un teint si éblouissant "l.34 et la douceur de l'apparence : indications relativement asexuées qui placent l'attrait de Julien pour Mme de Rênal sous le signe du respect et de la surprise : c'est la première fois qu'une femme si belle lui adresse gentiment la parole : l.33-35. Notons que la précision apportée par l'expression " surtout une femme " souligne avec peutêtre une certaine ironie la totale inexpérience de Julien en matière d'élégance et plus généralement envers les femmes. Le Rouge et le Noir est un roman d'apprentissage, dans le domaine sentimental et érotique également.. 3- Le choc affectif Les deux personnages sont étonnés par cette rencontre, émus et métamorphosés mais ni de la même manière ni pour les mêmes raisons. L'émotion de Julien Elle se manifeste par des étapes successives, soulignées par des actions, puis par une fascination qui lui fait perdre la mémoire. - Les actions sont exprimées par des verbes au passé simple (" il tressaillit " l.20, " se tourna " l .23) et marquent l'absence de préméditation, la surprise totale face à l'émotion. - La fascination est soulignée par l'emploi d'un participe passé passif qui exprime l'idée d'un choc (" frappé "l.23), choc affectif intense qui va le plonger dans une aphasie temporaire Stendhal note précisément les étapes de cette émotion : tout d'abord, Julien se sent capable d'une certaine hardiesse puisqu'il oublie " une partie de sa timidité ". Ensuite, il constate une perte totale de la mémoire (" il oublia tout "l.25-26) Ce choc s'explique chez Julien par un manque total d'expérience dû surtout à son jeune âge mais cette fascination est-elle celle qu'il ressent pour Mme de Rênal ou pour ce qu'elle symbolise ? N'oublions pas que la première chose qui attire Julien c'est sa tenue... L'émotion de Mme de Rênal Mme de Rênal a plusieurs réactions successives, étroitement liées à la question de l'identité de Julien. Stendhal les analyse avec précision, en narrateur omniscient. Il fait état d'abord de pitié et de compassion (" Elle eut pitié " l.14). Cette compassion détermine toute une interprétation du comportement de Julien, excusé ainsi a priori pour son comportement maladroit (" et qui évidemment n'osait pas... "l.15-16). Elle est ensuite remplacée par un violent étonnement, que traduit l'adjectif " interdite " l.31. On note que cet état est exprimé au passé simple, ce qui en souligne la brutalité. A cet état succède enfin, contre toute attente, une véritable explosion de joie. Celle-ci est exprimée par un ensemble de termes appartenant au registre de l'affectivité heureuse (" rire", " gaîté folle ", " se moquait ", " bonheur " l .38-40. Cette dernière réaction s'explique par la juxtaposition presque grotesque de deux images : celle du précepteur imaginé " prêtre sale et mal vêtu " l.41-42 et celle de Julien, qui en est si éloigné. Cependant, l'émotion de Mme de Rênal est surtout ici liée à sa propre erreur et à son soulagement de mère. Etrangement peut-être, cette scène de rencontre empreinte d'une grande émotion ne révèle pas de sentiments très précis, l'attirance est évidente mais rien ne laisse vraiment présager de la suite de leur relation. -------------------------------------------------------------------------------- Conclusion : Ce nouvel épisode de rencontre amoureuse repose sur un effet de surprise, un quiproquo même puisque Mme de Rênal ne réalise pas tout de suite à qui elle a affaire. L'auteur emploie toute une série de points de vue afin de réaliser un double portrait des protagonistes. Stendhal excelle dans cet exercice comme le dit Julien Gracq dans En lisant en écrivant (Corti) : « Balzac, quand il est optimiste, est le romancier de la réussite planifiée, et Stendhal celui du bonheur, toujours plus ou moins enfant du miracle. »