1 Cibles et mécanismes d’action des traitements par cytokines Pierre Miossec, Jean Daniel Lelièvre, Yves Levy I-Introduction ............................................................................................................................... 2 II-Inhibiteurs des cytokines pro inflammatoires ............................................................................ 2 II-1.Inhibiteurs du TNF-.......................................................................................................... 2 II-2.Inhibiteurs de l’IL-1 ............................................................................................................ 3 II-3.Inhibiteurs de l’IL-6 ............................................................................................................ 4 III-Cytokines régulatrices des cellules présentatrices d’antigène ................................................. 4 III-1.Inhibiteurs de p40 ............................................................................................................. 4 III-2.Inhibiteurs de l’IL-17 ......................................................................................................... 5 IV-Inhibiteurs des voies intracellulaires de signalisation .............................................................. 5 V-Conclusion ............................................................................................................................... 5 2 I-Introduction Les cytokines peuvent être considérées comme les hormones du système immunitaire. La spécificité de leur action est liée à l’expression de récepteurs membranaires spécifiques. Cette action touche les principaux systèmes impliqués dans le fonctionnement de l’organisme. Leur rôle majeur dans la réaction inflammatoire a permis le développement d’inhibiteurs des cytokines et de leurs récepteurs. Les inhibiteurs de cytokines issus des progrès de la biotechnologie ont permis de faire un pas en avant très significatif dans le traitement de nombreuses maladies inflammatoires. Les principales biothérapies sont des anticorps monoclonaux, un récepteur soluble, une cytokine inhibitrice. Les progrès technologiques ont permis l’obtention d'anticorps de plus en plus proches des anticorps naturels humains. On est passé ainsi des anticorps chimériques aux anticorps humains. Pour chaque cytokine, leurs principales fonctions dans des situations normales et pathologiques seront abordées, ainsi que les biothérapies correspondantes et leurs principales indications. II-Inhibiteurs des cytokines pro inflammatoires Les trois principales cytokines de ce groupe sont le TNF, l’IL-1 et l’IL-6. IL-1 et TNF sont produits en grande quantité par les monocytes et les macrophages. Elles agissent en cascade sur les cellules mésenchymateuses qui en réponse produisent de l’IL-6. Ces cytokines ont une contribution importante à la physiopathologie de plusieurs maladies inflammatoires chroniques. Le caractère non spécifique de leur action permet d’utiliser des inhibiteurs identiques dans des maladies différentes. II-1.Inhibiteurs du TNF- Le premier inhibiteur des cytokines a été un anticorps monoclonal administré par voie intraveineuse. Ceci a été complété par l’utilisation d’anticorps monoclonaux administrés par voie sous-cutanée (Figure 1). Quatre molécules anti-TNF sont disponibles. L’infliximab est un anticorps monoclonal chimérique anti-TNF, administré par perfusion hospitalière. Du fait de sa structure d’immunoglobuline chimérique, il est susceptible d’entraîner des réactions d’intolérance immédiate pouvant aller jusqu’au choc anaphylactique. L’etanercept est un récepteur soluble du TNF constitué de la chaîne p75 couplée à un fragment Fc d’IgG1. Le couplage au fragment Fc augmente la durée de vie de la molécule. Il est administré par voie sous-cutanée. L’adalimumab est un anticorps monoclonal humain anti-TNF, administré par voie sous-cutanée. 3 Le Certolizumab est un fragment Fab d’anticorps monoclonal humain anti-TNF fixé à du polyéthylène glycol, administré par voie sous-cutanée. Le polyéthylène glycol augmente la durée de vie de la molécule. Ces molécules sont indiquées dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde active avec réponse insuffisante au méthotrexate, de la maladie de Crohn cortico-résistante ou avec fistules, de la spondylarthrite ankylosante, du rhumatisme psoriasique, des formes sévères de psoriasis. Ces médicaments sont prescrits sur de longues périodes. Mais, en inhibant le TNF- endogène, ils peuvent favoriser l’apparition d’infections en particulier de tuberculose. Il est donc important d’évaluer le risque de réactivation d’une infection à mycobactéries avant de débuter le traitement (radiographie pulmonaire, intradermoréaction, test cellulaire de production d’interféron,(IGRA)) et d’instaurer une antibiothérapie prophylactique chez les patients à risque. II-2.Inhibiteurs de l’IL-1 L’IL-1 se fixe à un récepteur de type 1 et le récepteur fonctionnel complet implique l’association à une chaîne accessoire (Figure 2). Le récepteur de type 2, qui n’induit pas de signalisation intracellulaire est libéré sous forme soluble. Cette forme soluble agit comme inhibiteur de l’IL-1. L’IL-1RA ou IL-1 receptor antagonist se fixe sur le récepteur de type 1 mais sans recrutement de la chaîne accessoire. Ce récepteur incomplet n’est donc pas fonctionnel. L’IL-1RA en occupant la place de l’IL-1 agit comme un inhibiteur de celle-ci par compétition au niveau des récepteurs. Ce mode d’action impose des concentrations importantes d’IL-1RA pour bloquer l’action de l’IL-1. Deux molécules sont disponibles. L’anakinra est un antagoniste du récepteur de l’IL-1 (IL-1RA), administré par voie sous-cutanée. Ce médicament est indiqué dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde active avec réponse insuffisante au méthotrexate. Le canakinumab est un anticorps monoclonal humain anti-IL-1, administré par voie souscutanée. Il est prescrit dans des maladies auto-inflammatoires ou cryopyrinopathies (CAPS) qui regroupent plusieurs entités. Des réactions passagères aux points d’injection peuvent être observées. En raison de l’inhibition des effets de l’IL-1, ces produits favorisent également le développement d’infections. 4 II-3.Inhibiteurs de l’IL-6 L’IL-6 agit par l’intermédiaire d’un récepteur membranaire formé de plusieurs chaînes, deux chaînes communes gp130 et deux chaînes spécifiques du récepteur de l’IL-6 (Figure 3). Dans le cas de la signalisation classique, le récepteur complet est exprimé à la surface de la cellule. Ainsi l’IL-6 induit la production par les hépatocytes de la Protéine C-réactive (CRP pour CReactive Protein), une protéine de l’inflammation. Certaines cellules comme les fibroblastes et les synoviocytes expriment une forme incomplète du récepteur, avec uniquement la gp130. La chaîne spécifique de l’IL-6R provient d’une autre cellule comme le polynucléaire. Une action enzymatique libère la forme soluble qui fixe l’IL-6 en solution. Le complexe formé entre l’IL-6 et la chaîne spécifique de l’IL-6R se fixe ensuite entre les molécules gp130 par un mécanisme de trans-signalisation qui rend la cellule réactive à l’action de l’IL-6. Le tocilizumab est un anticorps monoclonal dirigé contre le récepteur spécifique de l’IL-6, administré par perfusion hospitalière. Il est indiqué dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde active avec réponse insuffisante au méthotrexate et de l’arthrite juvénile idiopathique. Les effets secondaires rapportés sont une intolérance immédiate pouvant aller jusqu’au choc anaphylactique, puisqu’il s’agit d’un anticorps humanisé. L’inhibition de l’IL-6 endogène par ce médicament peut par ailleurs être la cause d’infections. On peut observer également une neutropénie, une cytolyse hépatique, une élévation des paramètres lipidiques. III-Cytokines régulatrices des cellules présentatrices d’antigène L’orientation de la réaction immunitaire est donnée par les cytokines produites par les cellules présentatrices d’antigène, essentiellement les cellules dendritiques. L’IL-12 oriente les réponses T vers la voie Th1 caractérisée par la production d’interféron . Cette voie est critique pour le contrôle des infections par des bactéries intracellulaires comme la tuberculose. L’IL-23 est impliquée dans une étape terminale de la différentiation des lymphocytes T en cellules Th17 (cf infra). Ces deux cytokines appartiennent à la même famille. Elles sont des hétérodimères composés d’une chaîne commune p40 et d’une chaîne spécifique, p35 pour l’IL-12 et p19 pour l’IL-23. III-1.Inhibiteurs de p40 Un anticorps est actuellement disponible, l’ustekinumab. C’est un anticorps monoclonal humain anti-p40, agissant donc à la fois sur l’IL-12 et l’IL-23. Il est administré par voie sous-cutanée. Son indication principale est le psoriasis. 5 Les effets secondaires sont les risques d’hypersensibilité et la susceptibilité aux infections. III-2.Inhibiteurs de l’IL-17 L’IL-17 est une cytokine importante impliquée dans la physiopathologie de plusieurs maladies inflammatoires comme le psoriasis et la polyarthrite rhumatoïde. L’IL-17 est la cytokine clé de la voie Th17 impliquée dans le contrôle des infections causées par des bactéries extracellulaires et les mycoses. On désigne en fait sous le terme d’IL-17 une famille de molécules comportant plusieurs membres. L’IL-17A et l’IL-17F sont les isoformes structurellement les plus proches (Figure 4). L’IL-17A et l’IL-17F agissent par l’intermédiaire d’un complexe de deux chaînes de récepteurs IL-17RA et IL-17RC. A ce jour, seuls l’IL-17A et l’IL-17RA sont la cible d’inhibiteurs thérapeutiques. Trois molécules inhibitrices sont en cours d’évaluation. Le secukinumab est un anticorps monoclonal humain dirigé contre l’IL-17A. L’iIxekizumab est un anticorps monoclonal humanisé dirigé contre l’IL-17A. Ils sont administrés par perfusion ou par voie sous-cutanée. Le brodalumab est un anticorps monoclonal humain dirigé contre le récepteur IL-17RA, administré par voie sous-cutanée Des résultats favorables ont été obtenus dans le psoriasis et la polyarthrite rhumatoïde active avec réponse insuffisante au méthotrexate. Les effets secondaires, liés à l’inhibition des effets de l’IL-17 sont des infections et des neutropénies. IV-Inhibiteurs des voies intracellulaires de signalisation Plusieurs traitements issus des concepts immunologiques sont en cours d’enregistrement ou d’élaboration. Le contrôle de l’action des cytokines proinflammatoires peut reposer sur le blocage de leurs voies de transduction en particulier la Syk kinase et la Jak3 kinase. Le fostamatinib et le tofacitinib sont de petites molécules, administrées par voie orale, inhibant spécifiquement ces deux kinases, respectivement. Ces molécules ont donné des résultats intéressants au cours la polyarthrite rhumatoïde, seuls ou en association au méthotrexate. Ces inhibiteurs sont encore en cours d’évaluation. V-Conclusion L’apport des biothérapies a représenté un pas important dans la prise en charge de plusieurs maladies inflammatoires. L’importance du marché rend compte des conséquences 6 économiques de leur utilisation. Les trois inhibiteurs du TNF sont classés parmi les 10 médicaments réalisant les chiffres d’affaires les plus élevés. 7 A retenir Les inhibiteurs de cytokines ont permis de faire de grands progrès dans le traitement des maladies inflammatoires Ces progrès reposent sur le développement d’anticorps monoclonaux et de récepteurs chimériques captant les cytokines avant leur interaction avec leurs récepteurs cellulaires Les inhibiteurs de cytokines proinflammatoires ciblent le TNF-, l’IL-1 et l’IL-6 Les inhibiteurs de cytokines des cellules présentatrices d’antigène ciblent p40 et l’IL17 Les inhibiteurs des voies de signalisation ciblent des kinases comme Syk et Jak3 mais sont encore en évaluation 8 Légendes des figures : Figure 1 : Inhibition thérapeutique de l’action du TNF Figure 2 : Inhibition thérapeutique de l’action de l’IL-1 Figure 3 : Modulation de l’action de l’IL-6 Figure 4 : Inhibition thérapeutique de l’action de l’IL-17