Article original
PR ET IMMUNOLOGIE
RHEUMATOID ARTHRITIS AND IMMUNOLOGY
C. Goulvestre
Laboratoire d’Immunologie Biologique, Dr B. WEILL,
Groupe hospitalier Cochin-Saint Vincent de Paul, AP-HP, Université Paris 5
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DOSSIER
RACHIS - Vol. 16, n°1, Février 2004
Lapolyarthrite rhumatoïde (PR) est un rhuma-
tisme inflammatoire chronique d’origine auto-
immune, caractérisé par des arthrites chro-
niques destructrices et déformantes. Elle appartient au
groupe des connectivites et l’atteinte est à prédomi-
nance synoviale. Elle entraîne des destructions articu-
laires qui peuvent générer un handicap. Il existe des
formes systémiques de PR dont les manifestations
extra-articulaires peuvent engager le pronostic vital.
La prévalence de la PR est de 0,5 à 1 % de la popula-
tion. L’âge de début de cette maladie se situe vers 45
ans et elle atteint trois fois plus souvent les femmes
que les hommes. L’espérance de vie semble aussi
diminuée par rapporla population générale.
Physiopathologie
La PR est une maladie multifactorielle dont la com-
posante génétique intervient dans 30 % du risque glo-
bal. Les gènes HLA de classe II (DRß1*01,04) ainsi
que d’autres gènes encore inconnus, sont impliqués
dans le déterminisme de cette maladie.
Le développement de la synovite rhumatoïde débute
par une hyperplasie de la synoviale , une activation
endothéliale avec hyper-angiogénèse et production de
facteurs d’adhésion. Ensuite, les cellules s’organisent
en structure lymphoïde activée avec présence de lym-
phocytes CD4 autour des vaisseaux, de lymphocytes
CD8 en zone transitionnelle et de lymphocytes B en
périphérie.
Alors que les éléments du diagnostic biologique de
PR sont essentiellement humoraux (facteur rhumatoï-
de, anticorps anti-cytokératine, anticorps anti-peptide
cyclique citrulliné), c’est une réaction auto-immuni-
taire cellulaire qui joue le rôle physiopathologique
principal. La physiopathologie de la PR se caractérise
par trois volets.
1. Une phase d’induction mettant en jeu les cellules
mésenchymateuses et les cellules présentatrices de
l’antigène qui sont activées, permettant ainsi la présen-
tation d’auto-antigènes et l’expression de molécules
vateur de NF-kB), sous l’effet des cellules T et des
synoviocytes fibroblastiques (activation autonome).
L’IL-15 permet le recrutement et l’activation des cellu-
les T. Les cytokines pro-inflammatoires induisent la
production de prostaglandines, collagénases, RANKL,
qui participent aux lésions ostéo-cartilagineuses ainsi
qu’à la chronicité des phénomènes inflammatoires.
Diagnostic
immunologique
Les signes biologiques se caractérisent d’abord par un
syndrome inflammatoire avec accélération de la VS et
augmentation de la CRP.
La présence d’auto-anticorps sériques constitue un
élément qui, associé à des images radiologiques, voire
histologiques, permet d’étayer le diagnostic.
Facteurs rhumatoïdes
Les facteurs rhumatoïdes (FR) sont des anticorps sériques
dirigés contre des déterminants antigéniques du fragment
Fc des IgG. Ceux qui sont mis en évidence par les réac-
tions classiques d’agglutination passivesont des IgM,
mais il existe des facteurs rhumatoïdes de tous isotypes.
Les facteurs rhumatoïdes IgG et IgA étant toujours asso-
ciés aux IgM, seule la détection des FR IgM s’impose.
Les facteurs rhumatoïdes ne sont pas spécifiques de la
PR (spécificité d’environ 75 %). Ils sont souvent
absents la première année et n’apparaissent que chez
80 % des malades. Un titre élevé est un élément de pro-
nostic sévère.
Quand les FR sont présents, il est en général inutile
d’en refaire le dosage ultérieurement.
La positivité des FR n’est pas nécessaire pour faire le
diagnostic de PR puisque 20 % des malades en sont
dépourvus ; elle n’est pas non plus suffisante puisque
des FR peuvent être détectés au cours d’autres rhuma-
tismes inflammatoires et d’infections chroniques.
Anticorps anti-cytokératine ou anti-filagrine
Les anticorps anti-stratum corneum (anti-cytokératine
KE ou anti-filagrine) ont une spécificité plus grande
que les facteurs rhumatoïdes pour la PR (99 %) mais
leur sensibilité est moyenne (43 %).
Anticorps anti-périnucléaires (APF) et anticorps
anti-peptides citrullinés (CCP)
Ces anticorps de découverte récente, sont aussi spéci-
fiques que les anticorps anti-cytokératine, mais possè-
d’adhésion, avec développement d’une réaction
inflammatoire. Parmi les auto-antigènes candidats,
on peut citer les antigènes bactériens (protéines de
choc thermique de mycobactéries) ou viraux (EBV,
rétrovirus, parvovirus) qui pourraient partager certains
épitopes avec des auto-antigènes. Le modèle de l’ar-
thrite expérimentale au collagène de type II suggère
que cette structure pourrait être une cible auto-antigé-
nique. Les cellules présentatrices d'antigènes sécrètent
des cytokines pro-inflammatoires (IL-1, IL-6), des
prostaglandines et des protéases. C’est à ce stade que
le phénotype HLA peut jouer un rôle en favorisant la
présentation de certains auto-antigènes pour lesquels
certaines molécules HLA ont une forte affinité.
2. Une deuxième phase auto-immune, qui se traduit
par le recrutement local des lymphocytes T, la stimu-
lation de lymphocytes et l'apparition d’auto-anticorps.
Seul un petit nombre de lymphocytes spécifiques sont
activés dans la membrane synoviale, mais ils exercent
un recrutement non spécifique d’autres lymphocytes
Tet stimulent les phagocytes mononucléés. Dans la
synovite rhumatoïde, l’infiltrat cellulaire est riche en
lymphocytes T CD4+, dont la plupart expriment des
marqueurs d’activation et possèdent le phénotype
TH1. L’augmentation de la réponse TH1 (lymphocy-
tes T CD4+ producteurs d’ IFN-g, IL-1 et IL-6 pro-
inflammatoires suivie d’une production de TNF-a)
observée au cours de la PR, est compensée au cours
de la grossesse qui s’accompagne d’une augmentation
physiologique de la réponse TH2 (lymphocytes T
CD4+ producteurs d’IL-4, IL-10 et IL-13 à activité
immunosuppressive). Ainsi s’expliquent les rémis-
sions de la PR chez les femmes enceintes.
On observe au sein des cellules résidentes mésenchy-
mateuses, des synoviocytes et des fibroblastes, une
surexpression de certains oncogènes comme myb,
myc, ras, fos, egr-1, corrélée à la prolifération syno-
viale et à l’infiltration lymphocytaire. Les synoviocy-
tes sont nombreux dans le pannus synovial ; ils expri-
ment des facteurs d’adhésion, en particulier vasculai-
res et produisent de nombreuses enzymes en réponse
aux cytokines pro-inflammatoires.
Quoi qu’il en soit, ces mécanismes convergent vers
une voie commune qui entraîne la production de cyto-
kines pro-inflammatoires (TNF-a, IL-1, IL-6) par les
phagocytes mononucléés et les synoviocytes.
3. Une phase de destruction : les ostéoclastes sont
activés par le système RANK-RANKL (système acti-
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dent une plus forte sensibilité (70 % pour les APF et
65 % pour les CCP). Ils représentent un grand progrès
pour le diagnostic immunologique de la PR.
Anticorps antinucléaires
On observe des anticorps antinucléaires dans 45 %
des PR, à des taux faibles et sans IgG anti-ADN natif.
Chez 15 % des patients, on retrouve également des
anticorps anti-histone et des anticorps anti-RNP.
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Lorsque le diagnostic de PR est établi, il est inutile de
multiplier le dosage des auto-anticorps, dont la
concentration n’est pas corrélée à l’évolutivité.
Traitement
Quelles que soient les modalités thérapeutiques, le
traitement vise à neutraliser l’inflammation et éviter
la destruction. Il doit être instauré précocement. Afin
d’adapter au mieux le traitement, un suivi régulier
doit être mis en place avec une évaluation systéma-
tique de l’évolutivité de la maladie.
L’objectif final du traitement est l’obtention d’une
rémission complète définie par l’absence des diffé-
rents points suivants : douleur articulaire inflammatoi-
re, raideur matinale, asthénie, synovite, inflammation
biologique, progression radiologique des érosions.
Les différents traitements auxquels le rhumatologue
recourt, sont destinés à neutraliser les cellules pro-
inflammatoires et les substances qu’elles sécrètent.
Chaque famille de médicaments cible un médiateur
soluble ou un type cellulaire impliqué dans la physio-
pathologie de la maladie.
Traitements anti-inflammatoires
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens inhibent la
synthèse des prostaglandines, les corticoïdes celles
POLYARTHRITE RHUMATOIDE
Sensibilité Spécificité
FR 80 % 75 %
KE 40 % 99 %
APF 70 % 97 %
CCP 65 % > 95 %
de l’IL-1 et l’IL-6 qui favorisent l'induction de la
synovite.
Traitements immuno-suppresseurs
Le méthotrexate (MTX) est un anti-métabolite de l’a-
cide folique qui inhibe la synthèse d’ADN, entraînant
l’inhibition de la prolifération cellulaire, en particulier
des cellules lymphoïdes et des cellules qui constituent
la synovite. On emploie aussi la sulfasalazine, sulfa-
mide à action anti-inflammatoire et immunosuppres-
sive. Le léflunomide, d’utilisation plus récente, agit
plus particulièrement sur la lignée B.
Biothérapies
De nouveaux traitements constitués de protéines
recombinantes ou d’anticorps monoclonaux sont
disponibles ou en cours de développement. Leur
objectif est de moduler les perturbations immunitaires
associées à la PR.
-Anticorps monoclonaux anti- TNF-a
Le “tumor necrosis factor alpha” (TNF-a) est une
cytokine pro-inflammatoire qui joue un rôle détermi-
nant dans la phase auto-immune de la PR. Deux stra-
tégies sont utilisables pour inhiber le TNF-a : un anti-
corps monoclonal chimérique (Rémicade®), un anti-
corps monoclonal humain (Humira®)et une protéine
de fusion associant le récepteur soluble p75 du TNF-a
et le fragment Fc d’une IgG1 humaine (Enbrel®). Ces
produits sont réservés aux PR sévères, actives et
réfractaires à au moins un traitement de fond, dont le
MTX. Le coût de ces traitements limite leur utilisa-
tion et la réponse de chaque malade doit être réguliè-
rement évaluée.
-Anti-IL-1
L’IL-1 est une cytokine pro-inflammtoire dont l’IL-
1RA (Kineret®)est antagoniste. Administré par injec-
tion sous-cutanée, ce médicament s’est avéré supé-
rieur au placebo avec cependant des effets symptoma-
tiques limités mais une protection radiographique
significative.
Des traitements modulant l'activité des lymphocytes T
CD4 (Ac monoclonaux anti-CD4) ont été tentés sans
succès. Des essais à l’aide d’un anticorps monoclonal
anti-lymphocyte B (anti-CD20 : rituximab) semblent
avoir une plus grande efficacité.
De nouvelles thérapeutiques sont envisagées, ciblant
des cytokines (inhibition de cytokines inflammatoires,
utilisation de cytokines anti-inflammatoires), des anti-
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gènes de surface, des molécules d’adhérence. Ces
traitements peuvent éventuellement être combinés.
Conclusion
Le pronostic de la PR dépend de la précocité du trai-
tement. Le diagnostic est cependant difficile au début
de la maladie. La mise au point récente de tests
immunologiques sensibles et spécifiques comme la
recherche d'anticorps anti-peptides cycliques citrulli-
nés devrait faciliter la décision thérapeutique et garan-
tir un meilleur avenir aux patients.
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Bibliographie
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