I. L’éthique environnementale
1. Un point de vue différent sur le monde
L’éthique environnementale est un courant philosophique apparu dans les années 1970 dans les pays
anglo-saxons, particulièrement en Amérique du Nord. Cette philosophie examine le rapport de
l’homme à son environnement comme cause principale de la crise écologique actuelle. Bien qu’il soit
mort avant le début de ce mouvement, Aldo Leopold (1887 – 1948) fut le premier à considérer que
l’origine de la crise écologique est idéologique. Dans son Almanach d’un comté des sables, il définit
ainsi l’éthique environnementale : « Une action est juste, quand elle a pour but de préserver
l'intégrité, la stabilité et la beauté de la communauté biotique. Elle est répréhensible quand elle a un
autre but. »
Les éthiciens de l’environnement entreprennent donc de poser les problèmes environnementaux sur
le terrain de la morale. Il s’agit de repenser le rapport traditionnel de l’homme à la nature. En effet le
point de vue occidental sur notre environnement, influencé par la tradition philosophique, morale,
scientifique et religieuse, considère l’homme comme ‘centre du monde’. Le monde naturel qui
l’entoure est, lui, considéré pour l’usage que l’homme peut en avoir, pour sa valeur instrumentale.
La théorie même du créationnisme dans le christianisme, présente un monde créé pour l’homme,
pour être son champ d’expérience et de pouvoir. L’homme est la mesure de toute chose, la valeur
des choses est estimée à partir de l’utilité qu’on en tire.
Auparavant, le paganisme prêtait à chaque chose, être vivant ou non-vivant, un esprit propre, et
donc une valeur propre. Il était nécessaire et vital aux hommes de prêter la plus grande attention à la
préservation de toute chose pour ne pas contrarier la divinité correspondante. Selon Hicham-
Stéphane Afeissa : « en détruisant l’animisme païen, le christianisme a rendu possible l’exploitation
de la nature dans un climat d’indifférence à l’endroit d’un environnement que les esprits et les
divinités ont fui ».
L’éthique environnementale, au contraire, demande la prise en compte morale de l’environnement
non-humain pour lui-même, pour sa valeur intrinsèque. Les autres formes de vie ont une dignité
propre, tout comme l’homme, quel que soit l’usage qu’il peut ou non en avoir, et méritent une
considération en tant que chose pour leur simple existence.
Cette éthique de l’environnement constitue donc un argument à la protection et la préservation de la
nature et de toutes ses composantes, et proteste contre le spécisme qui considère prédominants les
intérêts des êtres humains par rapport à ceux des autres formes de vie. L’homme doit s’inscrire dans
le monde naturel sans le bouleverser puisqu’il n’est qu’une entité parmi tant d’autres de la
biodiversité.
On peut ainsi résumer la différence de point de vue entre le développement durable et l’éthique
environnementale. Le développement durable examine la responsabilité de protéger
l’environnement au nom de l’usage que pourront en avoir les générations futures (valeur
instrumentale de la nature) ; tandis que l’éthique environnementale pense que l’on a une
responsabilité à l’endroit de la nature, pour elle-même en tant que telle, pour sa valeur propre
(valeur intrinsèque).