Nodules et cancers thyroïdiens

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NODULES ET CANCERS THYROIDIENS
Texte du Collège des enseignants d’Endocrinologie-diabétologie-nutrition
Complété par Olivier Chabre et annoté par Sophie Ribotta
1. LES NODULES THYROÏDIENS :
1.1. Définition :
C'est une notion clinique : tuméfaction cervicale inférieure mobile à la déglutition avec le reste
du corps thyroïde.
TYPE DU NODULE
REMARQUE ET EVOLUTION
Tumeurs vraies bénignes Adénome (vésiculaire, à cellules
oxyphiles, kystique), kyste
Stable ou lentement évolutif
Adénome parathyroïdien inclus
Pseudonodule
inflammatoire
Tumeurs malignes
thyroïdiennes
Autres tumeurs
Tableau 1
Thyroïdite subaiguë
Réversible
Thyroïdite lymphocytaire chronique
 réversible
Thyroïdite aiguë septique
Germes, mycobactéries, réversible
CSV (cancer de souche vésiculaire)
- différencié : papillaire (fréquent)
ou vésiculaire  évolutif
- , indifférencié anaplasique, (rare)
très évolutif
CMT : cancer médullaire (cellule C),
évolutif
Lymphomes, sarcomes, métastases
Intrathyroïdiennes
Evolutifs
FREQUENCE, CONTEXTE
Très fréquent, c'est la forme habituelle qui soustend le terme de "nodule"
85 % sont peu ou pas fonctionnel (« froid » à la
scintigraphie)
15 % sont fonctionnels (« chaud » à la
scintigraphie) et parfois autonome ou toxique
(extinctif à la scintigraphie)
Très rarement palpables. Responsable
d’hyperparathyroidie Ire (hypercalcémie)
Assez fréquent, viral
Fréquent, auto-immune
Très rare, Malformation sinus piriforme
CSV : rare, si le nodule cancéreux est le signe
d'appel (1 à 5 %) ; les microcarcinomes
papillaires (< 10 mm) sont par contre assez
fréquents (3 à 10 %)
CMT : rare, spontané ou familial
Biologie : calcitonine, génétique : mutation du
gène RET
Très rares
1.2. EPIDEMIOLOGIE POSITION DU PROBLEME :
Très grande fréquence : nodules cliniques palpables dans 4 à 5 % de la population
générale, nodules infra cliniques mis en évidence à l'échographie dans plus de 50 % de la
population de 60 ans. La fréquence des nodules augmente avec l'âge, les femmes sont plus
touchées que les hommes.
La découverte d'un nodule thyroïdien pose le problème du dépistage du cancer thyroïdien,
sachant qu'actuellement seuls 5 à 10 % des nodules opérés sont des cancers, la proportion étant
beaucoup plus faible pour les nodules échographiques, mais sachant également tout l'intérêt de
traiter un cancer thyroïdien au stade précoce de nodule isolé sans métastases.
La grande question actuelle est d'améliorer la stratégie diagnostique des nodules
thyroïdiens dans le but de respecter une lésion bénigne et de traiter au plus tôt un cancer.
1.3. Ainsi, la découverte clinique d'un nodule entraîne la recherche d'arguments en faveur de la
malignité
Par l'interrogatoire et l'examen :
Terrain : jeune âge ou à l'opposé patients de plus de 60 ans avec un nodule isolé, sexe
masculin.
ATCD personnels d'irradiation du cou, actuellement traitement du Hodgkin, du
cancer du sein, des cancers ORL
ATCD familiaux de cancers thyroïdiens qui font évoquer le carcinome médullaire et le
syndrome de Sipple ou NEM2 (association cancer médullaire de la thyroïde, phéochromocytome,
hyperparathyroïdie) mais il existe aussi des familles de cancer papillaires et de cancers oxyphiles
Signes cliniques locaux : nodule de plus de 3 cm, dur, douloureux, adhérent aux structures
de voisinage, présence d'adénopathies cervicales (cf Figure 1), signes de compression ou
d'irritation locale.
Signes cliniques généraux qui font rechercher un cancer médullaire : diarrhée motrice,
flush.
Par les examens complémentaires
Le dosage de la TSH pour repérer les nodules toxiques ou prétoxiques (TSH basse :
nodule probablement chaud à vérifier en scintigraphie d'emblée, ce caractère fonctionnel avec
extinction du parenchyme adjacent n'étant qu'exceptionnellement associé à un cancer)
Le dosage de la calcitonine marqueur du cancer médullaire à demander en cas de
symptôme et pour certains au moins 1 fois devant tout nodule. La place de cette exploration n’est
pas encore consensuelle : son grand interêt est qu’elle permet le diagnostic de tous les cancers
médullaires, l’inconvénient est le très faible « rentabilité » de l’examen (cancer médullaire très
rare) et la difficulté d’interprétation des taux faibles de calcitonine (diagnostic différentiel
difficile entre microcarcinome médullaire et simple hyperplasie des cellules C)
Echographie : un cancer est plus volontiers mal limité, hypoéchogène siège de petites
calcifications mais aucun critère échographique n'est suffisamment fiable pour permettre un
diagnostic de malignité.
On attendra de l'échographie :
la mesure exacte de la taille du nodule : indication chirurgicale pour les nodules solides de
plus de 3 cm ; permettant une surveillance longitudinale pour les nodules plus petits
le diagnostic entre kyste d'aspect liquidien et nodule plein ou remanié
la recherche de nodules infra cliniques associés faisant poser le diagnostic de goitre
multinodulaire plutôt que de nodule isolé.
Scintigraphie : seuls les nodules froids sont suspects de cancers mais ils représentent 85
% des nodules palpés. Le caractère non fixant n'est donc pas suffisamment sensible pour donner
des arguments en faveur de la malignité. La scintigraphie est donc plutôt un examen réservé aux
nodules avec TSH basse.
L'examen clef est la ponction cytologique à l'aiguille fine. On ponctionne les nodules
cliniques ou suspects en échographie, la limite est en général d'1 cm. La ponction permet
d'analyser des cellules issues du nodule. Parfois elle permettra aussi d'évacuer un kyste.
Sous réserve d'une technique et d'une interprétation fiable et validée, celle-ci donnera 4 types de
résultats : bénin probable permettant de respecter le nodule, malin indiquant formellement la
chirurgie, douteux notamment dans les lésions vésiculaires ou à cellules de Hurtle faisant discuter
la chirurgie (un diagnostic est nécessaire une lésion douteuse ne peut être en général laissée en
place), ininterprétable nécessitant une nouvelle ponction.
Dans les nodules laissés en place, la ponction thyroïdienne sera renouvelée pour
augmenter la fiabilité du diagnostic.
Au total on peut proposer une stratégie diagnostique qui repose essentiellement sur la
cytoponction lorsque la TSH est normale (Figure 1)
Nodule thyroïde > 1 cm
TSH
Basse
(< 0,01)
Normale
Scintigraphie
Fixation élective sur
un nodule
Nodule
toxique
Chirurgie
ou Traitement
par iode131
Pas de
fixation sur le
nodule
Hyperthyroïdie
+
Nodule « froid »
Cytoponction
Bénigne
60 %
Surveillance

Traitement
médical
Maligne
ou douteuse
20 %
Non
représentative
20 %
Chirurgie
Figure 1 : STRATEGIE DIAGNOSTIQUE DEVANT UN NODULE THYROIDIEN
Certains auteurs proposent en plus un dosage de la calcitonine
1.4. Traitement :
Le traitement médical des nodules par hormones thyroïdiennes à dose frénatrice est peu
efficace. Il peut être discuté à titre de test, son résultat ne constitue pas un argument permettant de
réfuter une étiologie maligne.
Le traitement chirurgical consiste en une loboisthmectomie du côté du nodule avec
examen extemporané ou examen anatomo pathologique ultérieur qui décidera en fonction des
résultats (cancer ou non ) et des facteurs pronostiques de gestes complémentaires: (totalisation,
curage, iode 131).
1.5. Surveillance :
Tout nodule laissé en place requiert une surveillance longitudinale clinique devant s'assurer de la
stabilité des lésions.
2. LES CANCERS THYROÏDIENS (ETIOLOGIE DES NODULES DE LA THYROÏDE) :
C'est un cancer rare, son incidence dans le registre des cancers de la thyroïde des département de
la Marne et des Ardennes est de :
5,57/100 000/an chez les femmes et de 1,67/100 000/an chez les hommes :
2.1. Anatomie pathologique (voir annexe) :
2.2. Les cancers différenciés de la thyroïde :
2.2.1. Définition, épidémiologie :
Ils se développent à partir de cellules thyroïdiennes vésiculaires (= thyréocytes). Prédominent
chez l'adulte jeune : âge moyen 45 ans, exceptionnel avant 10 ans. Prédominance féminine 2/1.
Les irradiations cervicales dans l’enfance sont un facteur de risque. On distingue les carcinomes
(>10mm) des microcarcinomes (<10mm) : ceux-ci sont beaucoup plus fréquents que les
carcinomes (5 à 36% des adultes à l’autopsie) et ils ont un potentiel évolutif très faible.
Ils représentent 80 % environ existent sous deux
formes :
- cancer papillaire (voir figure 2) : 70 % des
cancers thyroïdiens. Papilles : axe conjonctivovasculaire bordé d’une couche de cellules. Celles-ci
ont des anomalies nucléaires caractéristiques. Cancer
souvent multifocal. Evolution généralement lente et
loco-régionale : intra-thyroïdienne et lymphatique :
30 à 65% des patients ont des métastases
ganglionnaires cervicales lors du diagnostic. Plus
rarement métastases pulmonaires : en général
Figure 2 : Volumineuse métastase
miliaire plus rarement tumeurs nodulaires.
ganglionnaire d’un cancer thyroïdien
papillaire. Cette adénopathie jugulocarotidienne gauche est en rapport avec
un cancer papillaire du lobe gauche de
petite taille (non visible sur la
diapositive). Les adénopathies
métastatiques sont souvent plus petites.
- cancer vésiculaire (voir figure 3)
(appelé follicular en anglais) : 20 % des
cancers thyroïdiens. Conserve une structure
vésiculaire. Malignité affirmée par le caractère
invasif vis-à-vis de la capsule ou des vaisseaux
thyroïdiens, ou par la présence de métastases :
par voie hématogène (poumons, os cerveau),
plus rarement par voie lymphatique (20 à 35%
des patients).
Figure 3 : Métastases iodofixantes d’un
cancer thyroïdien vésiculaire (scintigraphie
corps entier après administration de 100
mci d’iode 131).
L’exploration a été pratiquée après
thyroïdectomie totale, et en « défreination »
(sevrage en hormones thyroïdiennes, TSH
élevée).
Noter les foyers de fixation au niveau cervical
(reliquats thyroïdiens ou adénopathies
métastatiques), sternal, lombaire (métastases
osseuses).
2.2.2. Présentation clinique : nodule
- Le plus souvent palpable, indolore, peu évolutif. Consistance variable, généralement
ferme. Parfois le nodule n’est pas palpable (particularités anatomiques), et il est découvert
fortuitement par échographie. On admet alors qu’il ne doit être pris en compte que si il atteint
1cm (et il est alors le plus souvent palpable.) car sinon c’est un microcarcinome (cf ci-dessus).
- rarement des signes de forte suspicion de malignité : consistance très ferme ou dure,
irrégulière, adénopathie cervicale palpable, dysphonie (paralysie récurrentielle), voire dysphagie,
adhérence aux tissus environnants.
- Contexte euthyroïdien.
2.1.2. Les cancers médullaires sporadiques ou familiaux (nem2) 5 % :
2.1.3. Les autres : lymphome, métastases : 1 % :
2.2. La classification TNM :
-
aide à prévoir le pronostic
aide à planifier le traitement
T TUMEUR
Tx tumeur non mesurée
T0 tumeur non accessible cliniquement
T1 tumeur de moins de 1 cm
T2 tumeur entre 1 et 4 cm
T3 tumeur de plus de 4 cm limitée à la thyroïde
T4 tumeur dépassant la capsule
Quand la classification repose sur l'anatomie pathologique la lettre p sera rajoutée.
N GANGLIONS
Nx ganglions non mis en évidence
N0 pas de ganglion
N1 métastases
M METASTASES
M0 absence de métastase
M1 métastases
2.3. Les facteurs pronostiques :
La notion de facteur pronostique permet, pour un malade donné, d'évaluer la gravité de son cas
et d'adapter la stratégie thérapeutique en fonction de cette gravité.
Les facteurs reconnus par la plupart des équipes sont :
o
o
o
o
l'âge supérieur à 45 -50 ans
la taille de la tumeur et notamment le stade T4
le type histologique : cancers peu différenciés
l'existence de métastase
un score pronostique peut être établi pour chaque malade lors du diagnostic.
2.4. Le diagnostic :
Les signes cliniques
Le plus souvent : nodule isolé (cancer dans moins de 10 % des nodules)
Parfois signes évocateurs d'emblée : gêne cervicale, compression, douleur, nodule dur,
adénopathies cervicales (Figure 3), flush et diarrhées en rapport avec un cancer médullaire. Les
signes locaux sont particulièrement marqués dans les cancers anaplasiques.
Parfois, métastases révélatrices plutôt adénopathies cervicales pour les cancers papillaires,
métastases à distance pulmonaires et osseuses pour le cancer vésiculaire (Figure ).
La stratégie diagnostique a été exposée dans le chapitre nodules : elle repose essentiellement sur la
cytoponction puis l’examen anatomopathologique des nodules déclarés suspects à la cytoponction.
2.5. Le traitement des cancers thyroïdiens différenciés (papillaire et vésiculaire) :
2.5.1. La chirurgie :
Elle a pour objectif de retirer tout le tissu cancéreux cervical, un geste sur la thyroïde est en règle
associé à un geste sur les ganglions.
Selon les équipes, les protocoles chirurgicaux sont variables, ceux-ci s'adaptent au score pronostique
après un inventaire des lésions facilité par l'examen anatomo pathologique extemporané.
Le plus souvent, en cas de cancer clinique (lésion de plus de 1 cm) on pratique une thyroïdectomie
totale ne laissant que quelques résidus protégeant les parathyroïdes et un curage adapté.
Dans les microcancers < 1 cm souvent découverts fortuitement (leur pronostic est excellent et les
rechutes sont très rares) sur l'examen anatomopathologique définitif, il est souvent possible de ne pas
réopérer les patients, même si le geste pratiqué n'a été que partiel, en se donnant les moyens de la
surveillance longitudinale.
2.5.2. Utilisation thérapeutique de l'I 131 après la chirurgie :
L'I131 est un élément essentiel dans le traitement et la surveillance des cancers thyroïdiens
différenciés à l'exclusion des autres cancers qui ne fixent pas l'iode. Cette méthode permet
d'effectuer une radiothérapie métabolique ciblée sur les cellules thyroïdiennes. La captation de l’iode
est fortement stimulée par la TSH : c’est pour cela que les traitements par l’iode 131 sont faits en
hypothyroidie (cf ci-dessous).
Après thyroïdectomie totale l'I131 permet l'ablation de tout le tissu thyroïdien cervical restant et le
bilan des lésions à distance. Une fois la thyroïde entièrement détruite (préalable indispensable à son
efficacité) l’iode 131 pourra être utilisé pour traiter les métastases (Figure 3).
Préparation des malades
L'administration de l'I131 implique de mettre le patient en hypothyroïdie. L'élévation de la TSH
ainsi obtenue, stimule la captation de l'iode par les cellules thyroïdiennes (arrêt du traitement de LT4
pendant 5 semaines, relais éventuel par la T3 dans les 15 premiers jours). S'assurer de l'absence de
surcharge iodée (bétadine, cordarone, examens radiologiques avec produits de contraste iodé).
L'emploi du thyrogène (TSH humaine recombinante) vient maintenant limiter ces périodes
d'hypothyroïdie provoquées.
L'hospitalisation en chambre protégée est obligatoire dès que la dose administrée est
supérieure à 740 MBq (20 mCi) pour recueil des effluents. L'iode radioactif (3,7 GBq = 100 mCi)
est administré sous forme de gélule. Aucun effet secondaire n'est à redouter tant que les doses
cumulées restent faibles, importance de la contraception chez la jeune femme (pas de grossesse
avant 1 an). Des mesures de radioprotection rigoureuses doivent être mises en place.
Détection scintigraphique
Systématique 4 jours après la prise d'iode. Elle permet d'évaluer l'importance du reliquat
thyroïdien et d'effectuer un bilan des lésions à distance.
2.5.3. Le traitement frénateur :
Il est systématique dans les cancers différenciés hormono-sensibles.
Les cancers différenciés de la thyroïde sont sensibles à la TSH qui joue un rôle de facteur de
croissance. La mise des patients sous thyroxine (le traitement frénateur) a pour but de prévenir ce
risque en inhibant la sécrétion hypophysaire de TSH. Le caractère efficace du freinage est jugé sur le
dosage de la TSH (< 0,2 µUI/ml) sans signe clinique d'hyperthyroïdie (T3l qui reste normale). Bien
sûr, le traitement est mis en place après le bilan des lésions par scintigraphie).
2.5.4. Les autres traitements :
L'irradiation externe
Utilisant les hautes énergies, l'irradiation peut être très utile :
 dans les formes extracapsulaires
 dans les métastases douloureuses
La chimiothérapie
Elle est peu ou pas efficace dans les cancers différenciés.
2.5.5. Surveillance des patients :
La surveillance va reposer sur les éléments suivants : l'examen clinique, le dosage de la
thyroglobuline marqueur biologique du tissu thyroïdien, l'échographie cervicale, la réalisation de
scintigraphie corps entier à l'iode 131. D'autres explorations à visée morphologique seront pratiquées
en fonctions des résultats de ces examens.
2.5.5.1. L'examen clinique :
Il consiste en la palpation attentive de la région cervicale à la recherche d'une récidive
locale et surtout d'adénopathie cervicale.
2.5.5.2. Le dosage de la thyroglobuline :
La thyroglobuline (Tg) est le marqueur tumoral des cancers différenciés de la thyroïde après
thyroïdectomie totale. En l'absence de tissu thyroïdien, son taux doit être indétectable. Toute
élévation de ce taux indique la persistance d'un processus pathologique. Le dosage de la Tg doit
toujours être couplé à la recherche d'auto-anticorps anti-thyroglobuline qui interfèrent dans le
dosage de la Tg.
Le taux de Tg doit être vérifié après sensibilisation par la TSH obtenue par un arrêt du
traitement frénateur (4 semaines pour la thyroxine entraînent une stimulation des cellules
métastatiques). Cette stratégie permet de détecter des taux de Tg élevés chez 6 % des patients
semblant indemnes de toute récidive ou métastase.
2.5.5.3. Les scintigraphies corps entier à l'iode 131 :
Elles sont à visée diagnostique et les doses utilisées, de 74 à 185 MBq (2 à 5 mCi) selon
les centres, ne nécessitent pas d'hospitalisation. Elles ne peuvent être réalisées qu'après arrêt du
traitement frénateur 4 semaines auparavant ou sous thyrogen. La scintigraphie corps entier est
réalisée 3 jours après l'administration de l'iode 131, à l'aide d'une gamma-caméra.
2.5.2.4. Les examens morphologiques :
L'échographie cervicale : c'est l'examen majeur de surveillance quand du tissu thyroïdien a
été laissé en place. Elle détecte les récidives locales et les adénopathies.
Quand la scintigraphie détecte une lésion son volume est précisé par un examen
morphologique ciblé.
Certaines métastases ne sont pas fonctionnelles, c'est-à-dire qu'elles ne fixent pas l'iode 131.
Se pose alors le problème de leur localisation lorsqu'elles ne sont révélées que par une élévation de
la Tg. La recherche de ces métastases reposent sur les examens morphologiques : recherche d'une
récidive locale par échographie cervicale, radio pulmonaire, scanner cervicomédiastinal et
thoracique, scintigraphie osseuse, échographie hépatique, scanner cérébral.
La surveillance est réalisée selon un rythme qui répond à des protocoles précis
Cette attitude est modulable en fonction du groupe pronostique dans lequel se trouve le patient,
allégée pour les patients du groupe de bon pronostic.
Cette surveillance est maintenue à vie.
2.5.6. Les métastases :
La fréquence des métastases varie de 10 à 20 % selon les séries.
La présence de métastases à distance dans les cancers différenciés de la thyroïde aggrave
considérablement le pronostic vital puisque seulement 23 % des patients sont vivants à 10 ans, alors
que le taux de survie à 10 ans, en l'absence de métastases varie de 78 à 98 % selon les études.
Elles sont découvertes dans la moitié des cas au moment du diagnostic.
Elles sont localisées par ordre de fréquence décroissante : au poumons, à l'os, parfois aux 2
sites, plus rarement métastases cérébrales, hépatiques, exceptionnellement cutanées.
Seuleument 2/3 des métastases sont fixantes
Les signes radiologiques : Les métastases pulmonaires peuvent être infraradiologiques
découvertes par la scintigraphie à l'iode 131. Parmi les métastases osseuses isolées, seulement 11 %
sont découvertes à un stade infraradiologique.
Les métastases infra-radiologiques fixant l'iode 131 peuvent être contrôlées par cette radiothérapie
métabolique. Pour les autres lésions de multiples traitements doivent être discutés.
3. LES CANCERS ANAPLASIQUES DE LA THYROÏDE :
3.1. Définition :
Egalement développés à partir de la cellule vésiculaire, ils sont caractérisés par leur
dédifférenciation et leur agressivité. 5 à 15 % des cancers thyroïdiens. Ils se voient généralement
après 50 ans et représentent probablement l’évolution d’un cancer différencié non traité.
L'histologie est faite de cellules géantes, monstrueuses, envahissant et détruisant les structures
thyroïdiennes normales. Elles ne produisent pas de Tg, ne fixent pas l’iode, n’expriment pas de
récepteurs à la TSH.
3.2. Clinique :
- la tumeur : manifeste, d'évolution rapide (quelques semaines) volumineuse (> à 3 cm)
adhérente aux plans profonds et superficiels, extrêmement dure, parfois légèrement
inflammatoire.
- une dysphonie, une gène à la déglutition peuvent se manifester précocement.
- Des ganglions sont volontiers palpables.
- Des signes généraux : asthénie, amaigrissement, anorexie, fébricule sont souvent
présents.
3.3. Diagnostic :
- La TSH est souvent normale, parfois légèrement élevée (hypothyroidie par destruction
du tissu normal)
- la cytologie signe le diagnostic, et permet le diagnostic différentiel avec les lymphomes
et cancers secondaires.
- l'examen ORL, la radio pulmonaire et la TDM thoraco-cervicale précisent l’extension.
3.4. Evolution :
- Spontanée : décès en quelques semaines ou mois, sur un mode essentiellement local
(envahissement, compression, rupture des gros vaisseaux).
- La chirurgie complétée par un protocole de radiothérapie externe accélérée et une
chimiothérapie peuvent repousser l'échéance de quelques mois. L’évolution se fait quand même
vers le décès par récidive locale ou métastases à distance. La mise en place d’une prothèse
endotrachéale permet de lutter contre la compression trachéale tumorale.
4. Le cancer médullaire de la thyroïde (cmt)
4.1. Définition et épidémiologie :
5 à 8 % des cancers de la thyroïde. Tumeur des cellules C (parafolliculaires) de la thyroïde qui
sécrètent la calcitonine (CT). Il existe des formes sporadiques ou génétiques familiales (30% des
CMT). Les formes familiales sont soit isolées (CMT familial isolé) soit associées à un syndrome
de néoplasie endocrine multiple (NEM) de type 2 : NEM2A = CMT+ phéochromocytome +/hyperparathyroïdie, NEM2B =CMT+neuromatose cutanéo-muqueuse et syndrome Marfanoide
+/-phéochromocytome, +/-hyperparathyroïdie. Toutes les formes de CMT familial (isolé, 2A,
2B) sont dûes à la présence d’une mutation du gène RET. Mutation germinale dominante, qui
peut se rechercher sur une simple prise de sang (ADN leucocytaire). Le risque de transmission de
la mutation à l’enfant est de 50%. Donc dans les formes familiales de CMT (voir figures 3 et 4):
un dépistage très précoce est possible en identifiant les enfants qui ont reçu la mutation de RET.
Ces enfants auront un traitement préventif radical : thyroïdectomie totale à une âge très jeune (3
ans généralement).
Figure 3 : Cancer médullaire de le
thyroïde : forme familiale. Noter le
caractère bilatéral.
Pièce de thyroïdectomie totale.
Les nodules étaient palpables
Figure 4 : Cancer médullaire de la
thyroïde. Forme familiale, chez un patient
identifié par dépistage familial. Noter que
les lésions sont plus petites que dans le
cas précédent
4.2. Histologie, caractère secrétoire, évolution :
Immunohistochimie positive pour la Calcitonine et l’ACE. Il peut y avoir secrétion d’autres
hormones par la tumeur (ex : ACTH). Dans les formes sporadiques la tumeur est souvent unique,
dans les formes familiales elle est généralement bilatérale ou associée à une hyperplasie des
cellules C.
Le CMT se voit à tout âge, il est caractérisé par sa diffusion lymphophile extrêmement précoce
(métastases ganglionnaires cervicales présentes chez 90% des patients porteurs d’un CMT
clinique), et son potentiel métastatique à distance (foie, poumon, os). Il est de moins bon
pronostic que les cancers différenciés de la cellule vésiculaire, la survie globale à 10 ans des
patients traités est 70%.
4.3. Clinique :
Le nodule thyroïdien, +/- adénopathies sont souvent les seules manifestations.
On peut retrouver des signes lié à une lésion de NEM 2 associé (ex phéochromocytome) ou à une
secrétion endocrine par le CMT (troubles du transit (diarrhée), flushs, voire syndrome de
Cushing)).
4.4. Examens :
TSH normale.
Au stade de nodule palpable la CT de base est en général très largement au dessus de la normale
(N<10 pg/ml) et elle est stimulable par la pentagastrine.
L’ACE est souvent élevé (ce n'est pas un critère sensible ni spécifique cependant).
La scintigraphie (non indispensable) retrouverait un nodule froid.
La cytologie confirme le diagnostic mais elle peut être prise en défaut, elle est moins sensible que
le dosage de la CT.
4.5. Traitement :
Chirurgie difficile réservée à des équipes expertes. Thyroidectomie totale avec curage
ganglionnaire cervical extensif qui est impérativement bilatéral dans les formes familiales
(récurrentiel+jugulo-carotidien). Avant chirurgie il faut avoir éliminé systématiquement un
phéochromocytome qui sera éventuellement traité en premier.
L’iode 131 n’a évidemment aucune place dans le traitement des cancers médullaires de la
thyroide (les cellules C ne captent pas l’iode)
4.6. Dépistage et prise en charge des CMT familiaux :
Il est fondamental de rechercher une forme familiale devant tout CMT, même apparemment isolé.
Cette recherche demande chez l’individu un examen clinique (syndrome Marfanoide,
neuromatose, signes de phéochromocytome..) et un dosage de calcémie, PTH, dérivés
methoxylés. Il faut établir un arbre généalogique et déterminer la CT de base et si possible sous
stimulation par la pentagastrine chez les apparentés au 1er degré. L’avènement de la génétique a
simplifié ce dépistage: si une mutation de RET est identifiée chez un individu elle pourra être
rapidement recherchée (sur le sang périphérique) chez les autres membres de sa famille .
5. LES TUMEURS RARES DE LA THYROÏDE :
 Lymphomes
Soit lymphome primitif de la thyroïde soit localisation secondaire d’un lymphome généralisé. 2 à
3 % des tumeurs thyroïdiennes. La majorité des lymphomes primitifs se développent à partir
d’une thyroïdite auto-immune (Thyroïdite deHashimoto). Sujets âgés (souvent 70 ans),
prédominance féminine 3/1.
Ils se présentent comme des nodules froids évolutifs avec parfois hypothyroïdie et signes
compressifs.
Le diagnostic repose sur l'étude immunohistochimique (population monomorphe du clone
lymphocytaire responsable).
Le traitement et le pronostic sont celui du lymphome: traitement chirurgical réservé aux petites
tumeurs, radiothérapie externe et chimiothérapie.
 Cancers secondaires
-
Ce sont des cancers extrathyroïdiens avec envahissement de la thyroïde. Le primitif est
généralement un cancer du colon, reins, seins, poumon, ou mélanome. Le plus souvent ces
cancers sont déjà diagnostiqués, leur généralisation est connue et l’apparition d'une
tumeur de la thyroïde n'est qu'un épiphénomène. Il peut rarement exister des problèmes
diagnostiques (métastase précessive).
CONCLUSION
La prise en charge du cancer de la thyroïde est particulièrement bien codifiée. 2 groupes de
patients s'opposent. Les plus nombreux ont un cancer thyroïdien bien différencié sans métastase, de
bon pronostic. Quand cela est nécessaire, l'iode 131 permet un traitement spécifique in situ. Le
traitement frénateur est un des éléments du contrôle à long terme.
Par contre, quelques patients ont un cancer peu différencié, qui fixe peu ou mal l'iode et dans ce
groupe le cancer de la thyroïde demeure d'évolution redoutable.
Classification OMS des tumeurs de la thyroïde 1988
I - TUMEUR PRIMITIVES
1) Tumeurs épithéliales
 Bénignes
Adénomes vésiculaires
- normovésiculaire, macrovésiculaire et microvésiculaire et trabéculaire, atypique à
cellules oxyphiles
 Malignes
Carcinomes différenciés de la thyroide d'origine vésiculaire
Carcinome papillaire et variantes
Carcinome vésiculaire et variantes
- minimal invasif (encapsulé)
- largement infiltrant
Carcinome médullaire dérivé des cellules C
- forme sporadique
- forme familiale
Carcinome indifférencié (anaplasique) de la thyroïde
Autres carcinomes :
- Carcinomes épidermoïdes, etc....
2) Tumeurs non épithéliales
- Hémangio-endothéliome malin, etc...
3) Lymphomes malins hodgkiniens et lymphomes malins non hodgkiniens
II - TUMEURS SECONDAIRES : METASTASES
Principales causes de nodule solitaire dans la thyroïde
 Adénomes vésiculaires
- macrovésiculaire (colloïde)
- microvésiculaire, trabéculaire, à cellules oxyphiles, atypique
 Kystes
- colloïde, simple, hémorragique.
 Thyroïdites
- thyroïdite aiguë et subaiguë (granulomateuse)
- thyroïdite lymphocytaire de type Hashimoto
- thyroïdite de Riedel
 Carcinomes
- carcinome papillaire et ses variantes
- carcinome vésiculaire et ses variantes
- carcinome médullaire
- carcinome anaplasique
- lymphome malin non hodgkinien
- métastases (cancer du rein, du sein, etc...)
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