APPARITION ET DÉVELOPPEMENT DU LANGAGE I / ÉLÉMENTS DE PRÉSENTATION: L’aptitude au langage, c’est-à-dire à parler une langue, définit l’être humain, et le langage est sans doute l’outil le plus perfectionné façonné par l’espèce humaine dans le cours de l’évolution. L'acquisition du langage est une étape importante du développement de l'enfant qui se déroule généralement entre les âges de un et trois ans. Même si l'apprentissage du langage débute en réalité bien avant cet âge (grossesse) et se poursuit au delà de la petite enfance, c'est durant cette période que les transformations de la communication verbale orale sont les plus remarquables tant en compréhension qu'en production. L'acquisition du langage oral par l'enfant se déroule en parallèle avec le développement de nombreuses autres aptitudes cognitives mémoire, attention, socialisation, etc et notamment de l'intelligence symbolique. L’acquisition du langage démarre à l’identique chez tous les enfants du monde. Les cinquante premiers mots émis par l’enfant ainsi que les premières combinaisons qu’il réalise sont pourvus d’un contenu de sens extrêmement proche, une telle ressemblance plaide en faveur de l’hypothèse selon laquelle le point de départ de l’acquisition du langage est universelle. Cependant, bien que la possession de ces fondations cognitives soit une condition nécessaire, elle n’est pas suffisante pour permettre l’acquisition du langage. L’enfant a également besoin d’interagir avec l’adulte. Tout langage se construit, en effet, à partir de la nécessité de communiquer et de partager de l’information. L’acquisition d’une langue fait, par conséquent, partie intégrante de la socialisation de l’enfant au sein de sa communauté. En faisant l’apprentissage de sa langue l’enfant entre en même temps en possession de sa culture. Pour que le développement du langage se fasse normalement, il faut d’une part que l’enfant présente des structures neurologiques et sensorielles adéquates, et d’autre part qu’il ait été exposé à un environnement stimulant au plan communicatif. 4 conditions nécessaires à l’accès et au développement du langage : - La capacité langagière nécessite des capacités cognitives de base : tout d’abord le langage ne peut s'effectuer que par la maturation du système nerveux, il ne peut s'apprendre avant 3 mois (ni après 2 ans). Le langage répond à une commande motrice volontaire, il est dû à la contraction des muscles de la voie respiratoire, ceci provoque un phénomène vibratoire, mais les muscles n'entrent en activité que sous l'effet de l'influx nerveux.. Chaque seconde de production nécessite plusieurs centaines d'événements neuro-musculaires. - Bien antérieur à l'apparition du langage il y a la communication non-verbale : Dès les premières minutes de vie, le bébé détecte si les personnes qui l’entourent sont en train d’interagir avec lui il sera stimulé par cette interaction et cherchera à y répondre. Ce comportement perdure lors de la communication verbale, comme lorsque l’on « parle avec les mains ». Par communication non verbale on entend les postures, les gestes, les mouvements des yeux et de la tête, les expressions de visage (sourires, sourcils froncés) qui jouent un grand rôle dans la communication, il s’agit d’une communication implicite. (indices sonores : Le volume et le rythme du souffle… d’autres sont visuels : l'expression du visage, les grimaces, les sourires, les gestes et la posture permettent aussi à décrypter le message.) Autant de signes auxquels les parents donnent un sens, ils qualifient ainsi les besoins, les émotions de leur enfant. - L'enfant doit avoir été plongé dans un bain sonore. Dès avant la naissance, le fœtus est imprégné de la musique de la langue maternelle. Par la suite, l'influence des parents, des structures d’encadrement (crèche et école maternelle) et de l’environnement est véritablement déterminante. Les parents soutiennent l’enfant dans sa découverte et son apprentissage du langage par leur fonction d’étayage. Il s’agit de leur capacité, souvent instinctive, à s’exprimer de manière outrancière, par l’alliance d’un mot et d’une attitude, afin que le bébé se sente sollicité. La langue modulée par les parents se caractérise par un débit ralenti, une hauteur de ton élevée et une intonation exagérée les mères privilégient les phrases courtes, aisément intelligibles. Ce type de discours à usage de l’enfant facilite l’intercompréhension, la capacité d’attention et de compréhension de l’enfant. - Dès qu’il y a intention, il y a communication, et c’est le raffinement successif de ces intentions, en lien avec le développement des fonctions cognitives et articulatoires, qui mènera progressivement à l’apparition des premiers mots, autour du premier anniversaire de l’enfant. Si l’enfant dit « maman » c’est pour obtenir quelque chose, par exemple sa présence auprès de lui, c’est le mouvement vers l’autre, le désir d’obtenir une réaction de sa part, qui crée la communication. II / PHASES D’APPARITION DU LANGAGE : Le système auditif de l’enfant est fonctionnel à partir du sixième mois de gestation. Ceci signifie que le fœtus peut dès ce moment percevoir les sons de son environnement, notamment la voix de ses parents. Le fœtus est donc imprégné de la musique de la langue maternelle. Le développement de la communication est alors déjà amorcé. Au fur et à mesure que le nourrisson grandit, différents "niveaux de langage" se succèdent et se combinent. On peut considérer qu'il y a deux moments principaux dans l'acquisition du langage: - premier temps, la capacité d'articuler certains phonèmes indépendamment de leur signification (Babil); - deuxième temps, la capacité de leur donner un sens relativement à la langue parlée par l'entourage. 1°) PRÉLANGAGE : - Vagissement, pleurs et cris : Les premières manifestations vocales du nouveau-né apparaissent dès la naissance: c’est la période des vocalisations, Ces vocalisations sont dites universelles car elles ne sont pas encore colorées par l’environnement linguistique dans lequel baigne l’enfant, et elles sont les mêmes chez tous les enfants du monde, peu importe leur origine. D’ailleurs, il est intéressant de noter que même chez le nourrisson présentant une perte auditive importante, l’étape des vocalisations se déroule exactement de la même façon que chez les autres enfants, ce qui nous démontre qu’à cette étape le développement communicatif est davantage conditionné par la nature que par l’environnement sonore auquel est exposé l’enfant. Ce sont les premiers moyens d'expression du nouveau-né. Prémices du langage, ces bruits constituent un appel et une première ébauche d'échange. L'enfant expérimente l’émission de sons qui suscitent une réponse appropriée de l'entourage. L'intonation du cri est variée et la mère distingue très tôt les cris de colère, de fatigue, de douleur, de faim et de joie de son bébé. Elle donne à ces cris la réponse qui convient : les cris du bébé produisent des réactions spécifiques chez sa mère, visant a arrêter les cris. La première émission de l'enfant est le cri indifférencié, puis il va se différencier en 4 sortes, ces cris sont des purs réflexes physiologiques. Le cri de faim est le plus connu. Il peut déclencher une montée de lait chez la mère qui allaite. Le cri de colère quand par exemple l’enfant est dévêtu Le cri de douleur, qui provoque l’arrivée immédiate des parents, cri provenant d’une douleur extérieure comme par exemple, la prise de sang au talon, ou interne, douleur intestinale. Le cri de frustration Par exemple, le retrait de la tétine activement sucée. Il peut, quelques mois plus tard, se transformer en l’impressionnant spasme du sanglot. Les pleurs sont pour le bébé le moyen le plus sûr d’obtenir de l'aide. Ils inquiètent la mère et la font venir rapidement. Cette réaction réflexe survient lors de situations de malaise que l'enfant ne peut pas contrôler seul. Il ne s'agit donc pas encore de pleurs intentionnels. La signification des pleurs peut toutefois être très différente selon les cas, la communication non verbale aide à les distinguer, les parents vont interpréter les expressions du nourrisson, selon leur propre ressenti. Le bébé va établir un lien dans son cerveau entre ses cris et la vue des adultes, il va les utiliser comme des signaux adressés à son entourage pour qu'il agisse sur lui. Vers trois semaines, l'enfant est capable d'émettre des faux cris de détresse, le long gémissement lancinant est, en dehors des états de maladie, un appel véritable. A ce stade, le réflexe s’est transformé en comportement intentionnel. Le bébé a enregistré les réponses de ses proches à ses cris et il commence à en nuancer l’expression. (Vers 5 semaines, il distingue la voix de sa ma mère de celle des autres mais pas encore son visage.) - Gazouillis et babillage : Progressivement, l’enfant va reconnaître les personnes et établir un lien entre les paroles qu’elles prononcent et certains objets qu’elles désignent. Vers 3 mois l’enfant comprend des mots simples comme papa, maman, bébé. Pour que l'enfant parle il faut qu'il le désire, il faut qu'il soit stimulé. A partir du 2ème mois, les cris se modulent en gazouillis, vocalisations plus complexes. C'est un jeu anarchique qui se stabilisera petit à petit. Le bébé produit d'abord des sons de façon accidentelle, c'est en général un fort stimulant pour les adultes en train d'interagir avec le bébé, qui commentent les sons, les répètent, y réagit et les reformule en mots, prêtant ainsi voix, sentiments et compétences langagière à l’enfant qui, à son tour, va les intérioriser afin de les réutiliser plus tard. Un des facteurs fondamentaux permettant la communication est la communication non-verbale. C'est donc l'interaction adulte-bébé elle-même qui est stimulée et donc le bébé est fortement incité à persévérer. Le bébé reproduira alors certains sons de façon constante et répétée. Le gazouillis a une signification phonétique et affective. Il traduit un état de satisfaction et témoigne de l'acquisition de différents phonèmes. Les voyelles sont acquises en premier, vers 2 mois ("a", "e" et "ou"). l'enfant tient , à sa manière, de grandes conversations avec sa mère. A 4 mois, l'enfant commence à varier ses vocalises, apparition de consonnes. Tous les nourrissons du monde gazouillent de la même manière : c'est un langage international ! Ce n’est qu’autour de l’âge de six mois que l’on peut distinguer l’influence du contexte linguistique sur la production vocale de l’enfant. En effet, c’est environ à cette époque (entre 3 et 9 mois) qu’apparaît le babillage, lequel se caractérise par la production de syllabes. Ce babillage est déjà linguistique, il varie en fonction de la langue maternellle, c’est-à-dire que le bébé chinois, hongrois babille avec les sons (consonnes et voyelles) propres à sa langue. Ces premières étapes de développement nous indiquent clairement qu’une interaction étroite entre la nature et la culture est essentielle dans l’apparition du langage chez l’enfant, puisqu’une capacité naturelle et universelle se voit graduellement modelée par l’environnement linguistique auquel l’enfant est exposé. Le babillage n’est cependant pas encore du langage à proprement parler, c’est une langue commune à tous les bébés du monde. Le mythe de la Tour de Babel vient de là. Il se réfère à l'âge d'or d'une humanité qui ne connaissait qu'une langue". Il faut le voir surtout comme un jeu sonore, de la même façon dont un enfant de cet âge peut jouer avec ses mains et ses pieds dans un but exploratoire. Vers la fin de la première année, le babillage est plus clair et on constate la répétition intentionnelle de certaines sonorités, l'enfant aura alors la possibilité de prononcer le premier mot. 2°) « PETIT LANGAGE » ÉBAUCHE DE SYMBOLISATION : LE MOT-PHRASE ET LE NON : Entre 9 et 12 moisl’enfant entre dans la période linguistique. Le premier mot manifeste une intention de signification précise et correspond véritablement à l’accès au langage. L’âge d’apparition de ce premier mot se situe entre 9 et 12 mois. Il n’y a pas de mot privilégié apparaissant plus systématiquement que d’autres, même si « papa » et « mama » sont les plus fréquents. En effet, il est plus facile pour un jeune enfant de prononcer des consonnes labiales comme « p » et « m ». C’est pour cette raison que, dans presque toutes les langues, les mots d’enfants pour désigner les parents se ressemblent : maman, mummy, mutti, mama, maï, etc. ; papa, daddy… Au commencement est la syllabe. Les sons syllabiques, très différents des gazouillis, apparaissent vers 6 mois. Ils sont répétés sans arrêt. La syllabe est ensuite doublée par l’enfant (" baba ", " dada ", " caca "…) et reprise par l'entourage. Ainsi naît le "premier mot", ce n'est pas l'enfant qui va donner du sens à ce premier mot : ce sont les parents et l'entourage qui le rattachent à un objet. Le langage devient alors symbolique. C'est un phénomène induit : c'est le sens qu'on va mettre sur ces phonèmes que l'enfant répète ; ce sens étant propre à chaque famille. L’enfant a assimilé les principes fondamentaux du langage. Il comprend et utilise, de façon encore limitée, certains mots du jargon familial. La compréhension de ces termes et leur traduction n'est accessible qu'aux membres de la cellule et aux proches (ex : Ikou). Chaque enfant évolue selon son propre rythme. C’est généralement vers 18 mois,que l'enfant prononce, maladroitement, ses premiers mots et comprend tous les mots de son environnement. Pour acquérir de nouveaux mots, l'enfant passe par l’imitation On n'apprend pas pour autant à un enfant à parler en lui faisant répéter des mots mais en nommant devant lui ce qui l'intéresse. Cela se fait en parallèle avec le développement de la motricité permettre à l’enfant de toucher les objets, l’aide à les désigner. Stade du mot-phrase : les premiers mots ont plus de signification pour l'enfant qu'il n'en ont pour l'adulte, c'est pourquoi on le qualifie de mot-phrase car il ne renvoie pas seulement à un objet, mais à une action ou une situation. Exemple : « Maman » peut signifier « elle arrive », « cet objet lui appartient » ou « c'est sa voix que j'entends ». L'enfant veut donc en dire plus qu'il ne peut en dire, l'intention de signification dépasse la capacité d'expression. Un mot a en général de multiples significations que l'entourage parvient à décoder en fonction des circonstances. En cas d’incompréhension ou de mauvaise interprétation de l’adulte, le petit aura tôt fait de le lui signaler par de fortes réactions de déception et d’agacement ! Il est, en effet, très frustrant pour un enfant de ne pas maîtriser l’outil linguistique, car il souhaite être compris. Vers 15 mois, apparaît le "non" qui marque l'accession de l'enfant à la fonction symbolique du langage. Le "non" ne représente ni un objet, ni une personne, ni même une situation précise : c'est le concept de la négation. L'enfant peut désormais manier en pensée des abstractions. Ce "non" marque également l'entrée dans le "négativisme" ou phase d'opposition au cours de laquelle l'enfant affirme sa personnalité. La régularité et la rapidité de l'évolution des productions vocales entre la naissance et la période des premiers mots est frappante. Plusieurs années sont nécessaires à l’enfant pour apprendre à faire ses lacets. Par contre, deux années, voire parfois moins, suffisent pour que ce même enfant soit capable de productions langagières nécessitant le contrôle d'un système moteur très complexe. 3°) LANGAGE ET STRUCTURE SYNTAXIQUE : C’est d’habitude lorsque l’enfant arrive à l’étape où il possède un répertoire d’une cinquantaine de mots que les premières combinaisons apparaîtront, afin de servir des intentions de communications de plus en plus variées. Ceci apparaît en général autour de l’âge de deux ans. Ces combinaisons de deux mots devront cependant être interprétées en fonction du contexte et une même combinaison pourra servir des intentions différentes en fonction de la situation. A 2 ans, l'enfant fait de petites phrases de 2 ou 3 mots. Il n'utilise ni les pronoms ni les articles. Par exemple : « maman gâteau ? », pouvant signifier « maman va-t-elle me donner un gâteau ? » ou « maman fait-elle un gâteau ? » ou «maman peux-tu ramasser mon gâteau ? » ou encore «tiens, maman, prends mon gâteau ! ».. Ce n’est que graduellement que les énoncés de l’enfant deviendront explicites au plan linguistique. Les premières phrases comportent un verbe à l'infinitif : c'est le stade d'agrammatisme. Les phrases complètes ne pourront apparaître qu’à partir du moment où l’enfant combinera plus de trois mots dans ses énoncés. Ce phénomène se produit habituellement entre l’âge de deux et trois ans. Les premières phrases seront simples. Le jeune enfant prend d'autant plus plaisir à "parler" qu'il est compris de ses parents. Cette compréhension de l'entourage est primordiale. En donnant à ces bruits un sens et une valeur de communication, les parents vont provoquer chez l'enfant le désir de parler. Progressivement, il fait des liaisons en utilisant des prépositions (de, pour…) et ajoute des adverbes. Petit à petit, le vocabulaire s'accroît pour constituer son patrimoine linguistique. la phrase s'affine, Il dit alors son nom et son prénom, décrit une image et questionne. Le langage est mieux organisé, parfois bien élaboré. Vers 3 ans l'enfant emploie le "je". C’est le début de la conjugaison. On considère que le langage est constitué à partir du "je", quand l'enfant acquiert la structure grammaticale. A 4 ans, le vocabulaire s'enrichit d’adjectifs de nuances, de mots de liaison. Le langage est manié aisément même si de petites imperfections, liées à des maladresses grammaticales, persistent. Elles disparaissent vers 6 ans. L'enfant va parvenir en trois ou quatre ans à maîtriser la structure complexe du langage. Chaque famille s'exprime de façon différente. Chaque parent stimule son enfant en lui parlant d'une manière qui lui est propre. Pourtant, tous les enfants vont finir par acquérir la même structure grammaticale. Ils vont ainsi devenir membres d'une même communauté linguistique. Le langage de l’enfant s’approchera tranquillement du langage adulte et ce développement se poursuivra jusqu’à l’adolescence, l’acquisition du vocabulaire, est un processus qui s’étale sur toute une vie mais qui connaît bien sûr un pic de développement entre deux et cinq ans. Le langage structuré remplit deux fonctions de communication: communiquer avec les autres, c'est évident, mais aussi communiquer avec soi-même. Le jeune enfant se parle en effet à luimême. Cela accompagne et facilite grandement le développement de sa pensée et de son intelligence.