pouvaient être avides de terres plus riches. Ils pouvaient être las de lutter
contre les Berbères dont la résistance avait été acharnée, et pouvaient
espérer de plus grandes facilités en Espagne, surtout si le Comte Julien
offrait son concours. Mais aucune de ces raisons n'a le moindre lien avec
la guerre sainte. Or l'avance des troupes musulmanes étaient plus qu'un
simple rezzou; elle était organisée et ses chefs devaient en rendre compte
à l'autorité centrale. Pour celle-ci du moins la notion de <}ihâd comptait:
il ne s'agissait pas seulement d'avancer et de gagner du butin: il s'agis-
1 W. Montgomery Watt: Islam and the integration of society (Londres, 1961,
p. 62).
2 Lévi-Provençal: Histoire de l'Espagne musulmane (Paris-Leyde, 1950, t. L,
p. 10).
338 DOMINIQUE URVOY
sait surtout d'organiser une domination politique sous l'égide de l'Islam,
et il fallait que cette organisation tienne. D'où les hésitations du pouvoir
califal devant les rapports des généraux engagés en Occident et les cons
eils de modération qu'il leur prodiguait.
Sans exclure donc les autres raisons invoquées, il est probable que
l'attaque de l'Espagne correspondait mieux aux besoins de la guerre
sainte. Elle pouvait sans difficulté être faite par des troupes nouvelles,
relevant les troupes arabes déjà sérieusement éprouvées par les fatigues
de leur avance. Ces troupes fraîches, il n'y avait aucun intérêt à les
tourner vers le Sud, où elles se seraient enlisées dans leurs éternelles luttes
tribales, sans bénéficiée pour l'Islam. Il était possible au contraire de
renouveler, dans une certaine mesure, ce qui s'était passé en Arabie,
et de polariser leur aggressivité dans un sens plus profitable. Par suite,
alors que les Arabes avaient jusque là tout enduré sans autre souci que
d'aller de l'avant, ils allaient désormais se mettre au deuxième plan.
Ils allaient au besoin accaparer cyniquement les meilleurs territoires de
façon à ce que ce soit le plus souvent possible les Berbères qui soient
au contact avec l'ennemi 1. D'où les difficultés quand la zone de l'Ebre
devait être au contact des Chrétiens au lieu de n'être qu'une étape vers
le front situé au delà, en Aquitaine; de même lorsque les Berbères se
lasseraient des inconvénients des zones défavorisées laissées en pâturages