VIAI
ewec re
AVERlISSEMENT II la place du texte de lun de nos conferenciers recents qui a omis de Ie
remeure, textc dont it ne souhaite pas la publication, on tro uver a ciapres SOl.IS un tilre qui
napoarliwt pas d son auteur la communication de Michel Foucault, du mai .l, destinee a eIre
publiee, mais qui, non relue par lui, etai restee dans nos archives. Nous ne nous sommes
pas crus autorises refaire son iexte, nous avons prefere, en en avertissant le lecteur, lui
laisser son caractere original dexpose oral en introduisant seulemeru un minimum de
ponctuation pour satisfaire aux exigences communes dun ceil ordinaire et les quelques
variations de construction correlatives.
IOUS
a
Detentrice du texte prononce devant elle et pour elle, la Societe francaise de philosophic en
a, sous sa seule responsabilite , opere ia transcription. Les fautes qui ant pu sy glisser
incombent done aux transcripteurs, qui noru pas voulu priver le public dune import ant e
contribution. Nous esperons que ceux qui ont connu, aime et admire Michel Foucault
retrouveront ici, avec quelque chose de sa pensee, que/que chose de sa mix. N.D.L.R..
IlUUEW
Soc. FRANC. DE PHlLOSOPHIE, t.
LXXXJV.
.
Bulletin
de la
Societe francaise de Philosophie
QUESTCE QUE LA CRITIQUE CRITIQUE ET AUFKLAIWNG
Compte rendu de ta seance du mal
La seance a tili ouverte a h. , a la Sorbonne, Amphitheatre Michele sous la presidence de M.
Henri Gouhier. M. Henri Gouhier. Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, je vouclrais
dabord remercier M. Michel Foucault davoir inscrit cette seance dans lemploi du temps dune
annee tres chargee, puisque nous te prenons, je ne dirai pas au Iendemain, mais au
surlendemain presque dun long voyage au Japon. Cest ce qui explique que la convocation
envoyee pour cette reunion est plutot laconique mais de ce fait la communication de Michel
Foucault est une surprise et, comme on peut penser que cest une bonne surprise, je ne fais
pas attendre plus longtemps Ie plaisir de lentendre. M. Michel Foucault. Je VOllS remercie
infiniment de mavoir invite et devant cette Societe. Je crois que jy avais deja fait une
communication il y a une dizaine dannees, sur un sujet qui etait Questce quun auteur
a cette reunion
quot Le texte ciapres a revise, partir de la transcription de MI,TlMonique Emery. par Mmcs
Suzanne Delorme, Christiane Menasseyre, M..M. Francois Azouvi, JeanMarie Beyssade et
Dominique Seglard.
ete
a
I
M. Michel Foucault
BULLETLl DE LA SOoETE
FRANAISE
DE PHILOSOPHIE SEANCE DU MftJ
Pour la question dont je voudrais vous parler aujourdhui, je ne lui ai pas donne de titre. M.
Gouhier a bien voulu vous dire avec indulgence, que cest cause de mon sejour au Japon. A
vrai dire, cest une tres aimable attenuation de la verite. Disons queffectivernent, jusqua ces
demiers jours, je navais guere trouve de titre ou pluto il y en avait un qui me hantait rnais que
je nai pas voulu choisir, Vous allez voir pourquoi ceut ete indecent. En realite la question
dont je voulais vous parler e dont je veux toujours vous parter, est Questce que la critique II
faudrait essayer de tenir quelques propos autour de ce projet qui ne cesse de se former, de
se prolonger, de renaitre aux confins de la philosophie, tout pres delle, tout contre elle, a ses
depens, en direction dune philosophie a venir, a la place peutetre de route philosophie
possible. Et il semble quentre la haute entreprise kantienne et les petites activites
polcmicoprofessionnelles qui portent ce nom de critique, il me semble quil y a eu dans
lOccident modeme a dater, grossierement, empiriquement, desXVquotXVquot siecles une
certaine maniere de penser, de dire, dagir egalement, un certain rapport a ce qui existe, ce
quon sait, ce quon fait, un rapport Ja societe, a la culture, un rapport aux autres aussi et
quon pourrait appeler, disons, lattitude critique. ffien sur, vous vous etcnnerez dentendre dire
quil y a quelque chose com me une attitude critique et qui serait specifique de la civilisation
modeme, alors quil y a eu tant de critiques, polemiques, etc. et que rnerne les problernes
kantiens ant sans doute des origines bien plus lointaines que ces xwxvr sieeles.n setonnera
aussi de voir quon essaie de chercher une unite cette critique, alors quelle semble vouee par
nature, par fonction, jallais dire par profession, a la dampersin, la oe, a la pur. Apres tout, la
critique nexiste quen rapport avec autre chose quellerneme elle est instrument, moyen pour
un avenir au une verite quelle ne saura pas et quelle ne sera pas, eJJe est un regard sur un
dome oil. elle veut bien faire la police et OU elle nest pas capable de faire la loi. cela fait
quelle est ne fonction qui est sphordonnee par rapport ce que constituent positivement la
philosophie, la science, la politique, la morale, le droit, la litterature, etc. en meme temps,
quels que soient les plaisirs ou Ies compensations qui accompagnent cette curieuse activite
de critique, iI semble quelle v,gtsez rcgulierernent, presque toujours, non seulement guelque
rmdeur tjutllitquot dont elle se reclame, mais aussi quelle soit soustendue par une sorfe
iimperatif plus general plus general encore que celui dter les erreurs. II y a quelque chose
dans la critique qui sapnte a,lti. t dune certaine facon, ce dont je voulais vous parler, c etait
de I attitude cnuque comme vertu en general,
fOUl
encore une fois, parmi bien dautres. Je proposerai la variation suivante la ltmStonue
chretieou leglise chretienne en tant quelle deployait une activile preciscment et
specifiquement pastorale, a developpe cette idee singuliere, je crois, et etrangere tout fait a
la culture antique que chaque individu, quels que soient son age, son statui, et ceci dun bout
Iautre de sa vie et jusque dans le detail de ses actions, devait etre gouverne et devait se
laisser gouvemer, cestadire diriger vers son salut, par quelquun auquelle lie un rapport
global et en meme temps meticuleux, detaille, dobeissance, . Et cette operation de direction
vers le salut dans un rapport dobeissance a quelquun doit se faire dans un triple rapport il, la
verite Itrite entendue com me dogme Brite aussi dans la mesure oil. cette direction implique
un certain mode de connaissance particuliere et individualisante des individus enfin dans la
rnesure oil cette direction se deploie comme une technique J reflechie cornportant des regles
generales, des connaissances particulieres, des preceptes, des methodes dexamen,
daveux, dcntretiens, etc/Apres tout il ne faut pas oublier que ce que, pendant des siecles, on
a appele dans leglise grecque techne technon et dans leglise romaine latine ars artium,
cetait precisement Ia direction de conscience cetait lart de gouvemer les hornmes. Cet art de
gouverner, bien sur, est reste longtemps lie des pratiques relativement limitees finalement,
rnerne dans la societe medievale, lie lexistence conventuelle, lie et pratique surtout dans des
groupes spirituels relativement restreints, Mais je crois qua partir du XV siecle et des avant la
Reforme, on peut dire quil y a eu une veritable explosion de Iart de gouvemer les hommes,
explosion entendue en eillCSejis. eplacement dabord par rapport a son foyer religieux,
disomsi ous voulez Iarcisation, expansion dans Ja societe civile de ce theme de lart de
gouverner les hommes et des methodes pour Ie faire, t puis, deuxiemement, demuitiplication
de cet art de gouvemer dans des domaines varies comment gouverner Ies enfants, comment
gouverner lcs pauvres et les mendiants, comment gouverner une famille, nne maison,
comment gouverner les armees, comment gouvemer les differents groupes, les cites, lcs
Etats, comment gouverner son propre corps, comment gouvemer son propre
espriLfcomment gouverner, je crois que cela a ete une des questions fondamentales de ce
qui sest passe au NYquot ou au xvri sjece.Question fondamentale a Iaquellc a repondu la
multiplication det de gouverner art pedagogique, art politique, art economique, si vous voulez
et de ctOlTteslesfnEffiilljJnsde gouvernement, au sens large quavait le mot gouvemement il,
cctte epoque.
eft
Pour faire Ihistoire de cette attitude critique, il y a bien des chemins. Je voudrais simplement
vous suggerer celuici, qui est un chemin possible,
Or de cene gouvernementalisation, qui me parait assez caracteristique de ces societes de
lOccident europcen au XVIe siecle, ne peut pas eire dissociee, me sembletit, la question du
comment ne pas etre gouverne , Je ne veux pas dire par iii que, gouvernementalisation, a se
serait opposee dans
M. Michel Foucault
BULLETIN DE LA SOCIETE FRANAISE
quot
DE PHlLOSOPHlE exclusive bien
SEANCE DU MAl
sur, par rapport a lEcriture. Disons que la critique
est
une sorte de face a face laffirmation contraire, nons ne voulons pas etre gouvernes, et nous
ne voulons pas eire gouvernes du tout . Je veux dire
que, dans cette grande inquietude autour de Ia maniere de gouverner et dans la recherche
sur les manieres de gouverner, on rep he une pcrpetuelle question qui serait comment ne
pas etre gouverne comme cela, par cela, au nom de ces principesci, en vue de tels objectifs
et par Ie moyen de tels precedes, pas comme ca, pas pour ca, pas par eux et S on donne
bien ce mouvement de a gouvernementalisation, de la societe et des individus a la fois,
linsertion historique et lampleur que je crois avoir ere la sienne, ii semble quon pourrait
placer de ce cotefa peu pres ce quon appellerait lattirude critique. En face, et comme centre
partie, ou plutot comme partenaire et adversaire la fois des arts de gouverner, comme
maniere de sen mefier, de Ies recuser, de les limiter, de leur trouver une juste rnesure, de
les transformer, de chercher a echapper a ces arts de gouvemer ou, en tout cas, ales
dcplacer, a titre de reticence cssentielle, rnais aussi et par merne comme ligne de
developpement des arts de gouyerner, il y aurait eu quelque chose qui serait ne en Europe
ce momentIa, mesorte de forme culturelle generale, it la fois attitude morale et polirique,
maniere de penser, etc. et que jappellerais tout simplement lart de netre pas gouverne ou
encore lart de ne pas etre gouverne cornrne ca et ce prix. Et je proposerais done, cornme
toute premiere definition de la critique, cette caracterisation generale lart de netre pas
tellement gouverne,
historiquernent bibliqne. . Ne pas vouloir etre gouveme, cest ill le second point dancrage, ne
pas vouloir etre gouverne comme ca, cest ne pas non phis vouloir accepter ees loisIii. parce
quelles sont injustes, parce que, sous leur anciennete ou sous leclat plus au mains
rnenacant que leur donne Ie souvcrain daujourdhui, ellcs cachent une illegitimite essentielle.
La critique, cest done, de ce point de vue, en face du gouvernement et a lobeissance quil
demande, opposer des droits universels et imprescriptiblcs, auxquels tout gouvemement
quel quil soit, quil sagisse du monarque, du magistrat, de Ieducateur, du perc de famille,
devra se soumettre. En somme, si vous voulez, on retrouve la Ie probleme du droit nature I.
Le droit naturel nest certainernent pas une invention de Ia Renaissance, rnais il a pris, a
partir du XVIquot siecle, une fonction critique quil conservera toujours. A la question
comment netre pas gouvernc il repond en disant quelles sont les limites du droit de
gouverner Disons que la, la critique est essentiellement juridique.
a
a
a
a
Vous me direz que cette definition est a la fois bien generale, bien vague, bien floue. Bien
sur mais je crois tout de merne quelle permettrait de reperer quelques points dancrage
1 / 27 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !