La dynamique éthique du respect de la vie

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La dynamique éthique du respect de la vie
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La dynamique éthique du
respect de la vie
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Date de mise en ligne : dimanche 28 septembre 2008
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La dynamique éthique du respect de la vie
Pierre Olivier Arduin
Sous la dictature du relativisme qui marque le fonctionnement de nos institutions, comment éviter, selon lexpression
«augustinienne» de celui qui nétait encore que le cardinal Joseph Ratzinger, quune communauté ne devienne «une
communauté de brigands»? «Si existe une justice qui ne se mesure pas à lintérêt du groupe mais à un critère
universel[1]», répond-il. Sans une justice traversée de part en part par cette référence universelle, «apparaît alors le
meurtre organisé dêtres humains innocents avant leur naissance commis sous le couvert dun droit institué pour
répondre aux intérêts dune majorité[ 2]».
Seule la vérité libératrice dun principe commun et universel fera naître la rénovation morale que beaucoup attendent
en unissant valablement les hommes dans les choix difficiles qui les convoquent. Quelle norme adopter pour orienter
nos pratiques technoscientifiques? Certainement pas la technique elle-même car celle-ci, «lorsquelle réduit lêtre
humain à un objet dexpérimentation, finit par abandonner le sujet faible à la volonté du plus fort. Se fier aveuglément
à la technique comme unique garante de progrès, sans offrir dans le même temps un code éthique qui plonge ses
racines dans cette même réalité qui est étudiée, reviendrait à porter atteinte à la nature humaine, avec des
conséquences dévastatrices pour tous[3]», nous dit Benoît XVI. Il le confirme dans sa récente encyclique: «La
science peut contribuer beaucoup à lhumanisation du monde et de lhumanité. Cependant, elle peut aussi détruire
lhomme et le monde si elle nest pas orientée par des forces qui se trouvent en dehors delle[ 4]». Mais alors, face
aux développements biotechniques, quel sera le contenu de ce critère moral du Bien au service des exigences de la
conscience humaine?
Il ny en a quun seul. La raison ultime et justifiante qui fait quun acte biomédical portant sur la vie humaine est un
acte juste ou injuste, bon ou mauvais, licite ou illicite, est le respect intangible de lêtre humain lui-même depuis sa
conception jusquà son terme naturel. Le grand critère de jugement mettant à nu toute lépaisseur du réel et
permettant déclairer notre discernement dans la complexité des pratiques actuelles réside bien dans cette exigence.
Léthique qui placerait au cSur de sa raison ce critère est ce quon peut appeler une éthique personnaliste
authentique.
Cest le seul modèle humaniste exigeant et intégral capable de résoudre les incohérences et les dérives produites
par la dictature du relativisme. Cest lexistence de ce référent moral supérieur qui fonde solidement la distinction du
Bien et du Mal, du Juste et de lInjuste, par-delà toute convention ou discussion entre les hommes. Ce critère ressort
de l évidence rationnelle comme la évoqué Benoît XVI dans une lettre adressée au Congrès national de bioéthique
promu à Cuba en janvier 2007, encourageant les participants «à promouvoir une authentique culture de la vie qui, en
reconnaissant le bien que la recherche peut donner à la société, ait présent à lesprit le devoir scientifique dêtre
toujours guidés par un critère éthique, critère qui ne peut être autre que le service de lêtre humain à chaque étape
de son existence dans une attitude daccueil et de respect de la part de tous[ 5]».
Notons bien que les réflexions du magistère à propos du respect inconditionnel de lêtre humain ne sont pas avant
tout de nature confessionnelle mais de nature rationnelle. Jean-Paul II lavait bien précisé. Le devoir de sengager
pour le respect de la vie de tout être humain ne consiste pas à «imposer aux non-croyants une perspective de foi
mais à interpréter et à défendre les valeurs fondées sur la nature même de lêtre humain[ 6]». Il ne sagit aucunement
dédicter des normes religieuses mais dindiquer à tous ce que la conscience humaine universelle réprouve, à savoir
la suppression intentionnelle dêtres humains[ 7].
La réflexion des chrétiens à propos des enjeux bioéthiques daujourdhui repose dabord sur une conception juste et
argumentée de la personne humaine. Il sagit de reconnaître en lêtre humain une réalité constitutionnelle
incontournable qui fait de lui le sommet du monde visible. La grande tradition personnaliste sur les plans éthique et
politique a toujours pris comme point de référence lêtre humain considéré à la fois comme la source et le
couronnement de toute organisation ou décision au sein de la cité.
Pour que la bioéthique ait encore un sens, elle ne peut saffranchir du fait que le premier bien fondamental, et donc
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le premier droit, dun être humain quel quil soit, est sa propre vie. Tout ce qui pourrait conduire à son élimination doit
être considéré comme la plus grande privation et la plus grande violence qui puissent être infligées à un homme. Le
respect intangible de sa vie est donc une exigence fondamentale: cest le critère métaéthique et transpolitique
capable dorienter toute délibération et surplombant tout discours. Point de référence sûr, enraciné dans lêtre
humain lui-même et dans ce que lon nomme la loi morale naturelle.
Il est vrai que lEglise est aux avant-postes pour nous parler de cette morale commune, mais il faut impérativement
comprendre que le principe du respect de la vie humaine nexige pas de celui qui lembrasse la profession de la foi
chrétienne, même si lEglise dans le même temps le confirme et le protège comme un bien précieux. Penser le
contraire serait un formidable contresens à ce moment précis de notre histoire où certains considèrent que tout vie
humaine ne vaut pas forcément la peine dêtre vécue et où lêtre humain est toujours plus instrumentalisé et évalué.
«Le fait que certaines de ces vérités soient aussi enseignées par lÉglise ne réduit en rien la légitimité civile ni la
«laïcité» (&). En effet, la «laïcité» désigne en premier lieu lattitude de qui respecte les vérités procédant de la
connaissance naturelle sur lhomme qui vit en société, même si ces vérités sont enseignées aussi par une religion
particulière, car la vérité est une[8]», déclare dans un raccourci extraordinaire lancien Préfet de la Congrégation
pour la Doctrine de la Foi.
Il faut donc admettre que le service que rend à tous les hommes le magistère de lEglise catholique se présente
comme diaconie de la vérité et charité intellectuelle. Le christianisme défend la raison humaine de tout
réductionnisme et montre quelle est orientée vers la vérité, quelle présente cette capacité à parvenir à connaître la
réalité intelligible avec une certitude authentique malgré leffort à mettre en Suvre pour surmonter sa part de
faiblesse.
Le critère universel dinviolabilité de la vie humaine qui peut être embrassé rationnellement est ainsi la possibilité
même dun manifeste pour un véritable humanisme. Il faut y voir les coordonnées inspiratrices et programmatrices
dune éthique personnaliste qui nous accordera non seulement de penser ensemble mais aussi dagir ensemble.
Léthique personnaliste ne peut en aucun cas être cantonnée aux cercles fermés de lintra-ecclesialité mais doit être
proposée avec confiance à tous comme linstrument servant et confortant lédification dune nouvelle culture de vie
non assujettie à la culture de mort du relativisme.
Lautorité morale de lEglise, experte en humanité, est pour cela appelée à briller à nouveau de tous ses feux. Cest
bien parce que lEglise sadresse aussi intelligemment à tous quelle est à la fois condamnée de manière radicale
par certains tout en étant écoutée cependant avec attention par dautres qui pressentent ses capacités à affronter le
système relativiste et utilitariste de la bioéthique moderne. Nest-ce pas un choc culturel inédit qui est en train de se
jouer entre lEglise et ce système qui accepte le principe du sacrifice de certaines vies?
Parce que lEglise, nous dit Benoît XVI, «argumente à partir de la raison et du droit naturel, cest-à-dire à partir de ce
qui est conforme à la nature de tout être humain[9]», elle «a le devoir doffrir sa contribution spécifique, grâce à la
purification de la raison et à la formation éthique, afin que les exigences de la justice deviennent compréhensibles et
politiques réalisables». En effet, «elle ne peut ni ne doit non plus rester à lécart dans la lutte pour la justice. Elle doit
sinsérer en elle par la voie de largumentation rationnelle et elle doit réveiller les forces spirituelles, sans lesquelles
la justice, qui requiert aussi des renoncements, ne peut saffirmer ni se développer». Nest-ce pas la haute
conscience de cette mission qui doit susciter lengagement de chacun?
La confrontation avec la transgression ne peut que nous conduire à une opposition résolue accompagnée dun
surcroît de créativité et dinventivité pour ouvrir de nouvelles voies au Bien. Ce travail doit être conduit dans un esprit
nouveau: celui dune alliance renouvelée entre le magistère et les Pasteurs dune part et des laïcs bien formés
dautre part. Dans un monde où le droit à la vie est bafoué de manière toujours plus insidieuse, nous devons être des
signes de contradiction et despérance. Nous inscrire dans un mouvement intellectuel de résistance auquel nous
invite le développement du Magistère récent.
Devant londe de choc du relativisme et du terrorisme à visage humain, les catholiques sont attendus. La mise en
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exergue dans la Note Doctrinale du Cardinal Ratzinger précédemment citée de lexemple donné par Saint Thomas
More nest pas accessoire dans un document de cette nature. Le choix dun martyr, proclamé qui plus est protecteur
céleste des responsables publics et politiques, qui a su témoigner jusquà la mort de la «dignité inaliénable de la
conscience» nous fait toucher du doigt le niveau auquel il convient de se placer.
[1] Cardinal Joseph Ratzinger, Un tournant pour lEurope? Flammarion/Saint-Augustin, 1996, p. 121.
[2] Ibid.
[3] Benoît XVI, Discours à lAssemblée générale de lAcadémie pontificale pour la Vie , 24 février 2007.
[4] Benoît XVI, Spe salvi, n. 25.
[5] Zenit, Benoît XVI, Message aux participants du Congrès national de Bioéthique de la Havane, 5 février 2007.
[6] Jean-Paul II, Lettre apostolique Au début du nouveau millénaire, n.51, 6 janvier 2001.
[7] Jean-Paul II, Evangelium vitae, n. 101: «LEvangile de la Vie nest pas exclusivement réservé aux croyants, il est pour tous. La question de la
vie, de sa défense et de sa promotion, nest pas la prérogative des seuls chrétiens. (&) Il y a assurément dans la vie une valeur sacrée et
religieuse, mais en aucune manière on ne peut dire que cela ninterpelle que les croyants: en effet, il sagit dune valeur que tout être humain peut
saisir à la lumière de la raison et qui concerne nécessairement tout le monde».
[8] J. Cardinal Ratzinger, Note doctrinale concernant certaines questions sur lengagement et le comportement des catholiques dans la vie
politique, 24 novembre 2002, n.6.
[9] Benoît XVI, Lettre encyclique Deus caritas est, n. 28.
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