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Le monde agricole lui aussi sécrète une économie tertiaire importante : classiquement, le négoce du vin (no-
tamment en Bourgogne et en Bordelais) et des alcools est le débouché clé des viticulteurs – ceux-ci lui ajoutant
des coopératives de stockage et d’assemblage pour écrêter quelque peu les sautes du marché. Les paysans
lancent de fortes coopératives de commercialisation, qui regroupent la production des adhérents afin de re-
cueillir une plus grande part de la plus-value : les producteurs de céréales ou de fruits et légumes, par exemple
– sans parler ici des coopératives qui transforment les produits avant de les commercialiser (comme dans le
sucre ou les produits laitiers), riches elles aussi de marques de distribution.
Cette floraison des marques explique l’émergence des compagnies spécialistes en communication publici-
taire dès l’entre-deux-guerres, et l’affirmation de groupes de communication commerciale à partir des an-
nées 1950 (Havas ou Publicis en France, Ogilvy, Saatchi & Saatchi, dans les pays anglo-saxons, Dentsu au Japon,
etc.). Les médias deviennent aussi des ‘supports’ publicitaires, d’abord la presse magazine et la grande presse
dite ‘populaire’, dont les recettes évoluent au gré des oscillations conjoncturelles ; la radio dite commerciale
triomphe (en France, RTL et Europe 1) avant le boum de la télévision : les fameux ‘soap operas’ tirent leur nom
des réclames faites dans les pauses de ces séries télévisées par les industriels de la propreté (du corps ou du
foyer), les ‘lessiviers’, parmi les plus gros consommateurs d’écrans publicitaires. Les publicitaires deviennent de
plus en plus des ‘agences conseils’, maîtrisant toute la gamme des outils de communication, tant commerciale
qu’institutionnelle (pour la promotion de la firme elle-même, la construction de son image de marque, l’une
des spécialités du leader américain de ce type de communication, Buston Marsteller).
Avant (aux Etats-Unis) et surtout (notamment en Europe) après la Seconde Guerre mondiale, le management
commercial incorpore la fonction du marketing : des agences conseils se constituent pour mobiliser des mé-
thodes d’évaluation du potentiel du marché ou de ses réactions, mener des enquêtes auprès des consomma-
teurs, etc., en complément des services marketing mis en place en interne par les firmes.
Globalement, l’intensification de la croissance de la deuxième révolution industrielle dépend de plus en plus
des prestations de services assurées par des fournisseurs qui nourrissent l’extension de l’économie tertiaire.
Celle-ci affirme nettement sa mission de relais de l’industrie auprès des acheteurs en semi-gros ou en détail.
c. La croissance industrielle n’a-t-elle pas dépendu de robustes machines à transporter ?
Cette fonction de relais est assumée enfin par l’économie des transports, largement dépendante de
l’évolution de la division nationale et internationale du travail industriel. L’accentuation de
l’internationalisation de l’offre de matériaux et produits de base a relancé l’économie portuaire ; certes, des
ports se sont effondrés quand leur hinterland a subi de rudes mouvements de désindustrialisation (Liverpool,
Rouen ou Bordeaux, par exemple, après la Seconde Guerre mondiale). Mais de nombreux ports deviennent
encore plus des plates-formes d’importation des minerais d’outre-mer (d’où la sidérurgie sur l’eau) et des hy-
drocarbures (raffineries de pétrole, centrales thermiques, usines pétrochimiques, etc.). La mondialisation crois-
sante des exportations des sociétés multinationales explique la multiplication des ‘usines-tournevis’ dans les
plates formes portuaires (Ford à Anvers, etc.). Pendant les périodes de prospérité, l’économie des services
portuaires connaît une forte expansion, avec ses nœuds d’échanges ferroviaires et routiers, ses dockers, ses
installations de manutention et de stockage, etc.) ; la révolution du conteneur, au milieu des années 1960, y
contribue, d’autant plus qu’elle accompagne la percée des produits asiatiques (japonais d’abord) sur les mar-
chés occidentaux. Le boum des cargos et des pétroliers stimule celui des prestations de services : armement
maritime, approvisionnement des navires (acconage), douanes, transitaires, etc. Les ports prospères (Rotter-
dam, etc.) deviennent des pôles tertiaires riches en offre d’emplois et en gains en commissions sur tous les flux,
dans le sillage de la deuxième révolution industrielle.
Tout aussi classiquement, l’apogée du fret ferroviaire se situe dans les années 1900-1920 puis dans les années
1950-1960 (en France, encore les deux tiers des flux de marchandises alors). Les gares de triage géantes sont
un symbole de l’expansion (Villeneuve-Saint-Georges, par exemple en France), et les firmes de transport ferro-
viaire sont des outils clés de l’expansion ; certes improvisée pendant la dépression des années 1930, la nationa-
lisation de la SNCF se métamorphose en symbole de la renaissance nationale française dans les années 1950-
1960, à coups d’investissements (comme sur la ligne entre le Nord et l’Est du pays) ; le ‘Rhin de fer’ joignant les
ports maritimes aux régions industrielles de la Rhénanie industrielle est l’artère clé de l’Allemagne – et l’essor
de l’Oural et de la Sibérie occidentale s’appuie sur la mise sur pied de lignes ferroviaires, en relais du mouve-
ment connu par l’Ukraine dès la fin du 19e siècle.
Une économie tertiaire ‘classique’ poursuit donc son expansion au 20e siècle : elle est portée par l’élan de la
deuxième révolution industrielle, mais elle en est un lubrifiant essentiel, tant par la souplesse qu’elle lui
apporte dans la diffusion et l’échange des produits que par les prestations de transport et d’entreposage. La