2.1. Projet scientifique de l`unité - Vague D - CEMAf

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Unités de recherche
Vague D :
campagne d’évaluation 2012 - 2013
Unité de recherche
2.1. Projet scientifique de l’unité
1. Présentation de l’unité
a. Historique
Le CEMAf, fondé en 2006 à partir de la fusion de trois UMR (MALD, IEA, SPAN) est devenu rapidement un
laboratoire majeur dans le paysage national et international des études africaines. Porteur depuis sa constitution du
RTP « Etudes africaines », puis du GIS qui doit lui succéder, porteur également de projets ANR transversaux, il a
entretenu avec les autres unités du champ un dialogue constant et fructueux et des recherches conjointes. Le CEAf,
fondé en 1957, fut l’un des premiers laboratoires consacrant ses travaux à l’Afrique et aux pays de la diaspora
africaine, et sa réputation n’est plus à faire. Le CHSIM, dès 1994, a eu « pour objectif de rompre l'enclavement » de la
recherche sur le monde arabe et musulman. Le CEAf et le CHSIM ont pour tutelle conjointe l’EHESS, qui doit rejoindre
avec deux tutelles du CEMAf, l’Université Paris 1 et l’EPHE, le futur campus Condorcet au sein du PRES HESAM. Ces
trois unités, à vocation pluridisciplinaire (historiens, anthropologues, sociologues, politistes, archéologues), ont
décidé, avec l’accord de leurs tutelles universitaires et EPST (CNRS, IRD), d’unir leurs forces pour se regrouper au sein
d’une nouvelle UMR au rayonnement prévisible qui doit devenir le pôle français (et européen) le plus important des
recherches en sciences humaines et sociales sur l’Afrique. La proximité des axes scientifiques des trois unités, la mise
en commun de leurs bibliothèques spécialisées, la longue habitude de travaux collaboratifs entre les chercheurs qui
les composent doivent permettre d’encore améliorer une productivité déjà excellente. Par ailleurs, l’expérience de la
fusion positive qui a permis la création du CEMAf, à travers l’accent donné à une grande transversalité, donne les
outils nécessaires pour fonder une nouvelle identité, loin d’une juxtaposition d’équipes. C’est sur ces bases que des
réunions communes ont été organisées depuis plusieurs mois pour envisager cette fusion, et qu’un projet scientifique
commun (décliné ci-dessous) a été élaboré pour la future grande unité.
b. Caractérisation de la recherche
L’unité proposée à la création a pour objectif, comme celles qui doivent la composer l’avaient déjà,
d’approfondir les connaissances historiques, anthropologiques, archéologiques, etc., concernant le continent africain,
et par là-même, au delà de la recherche fondamentale, proposer des réponses aux enjeux sociaux, économiques ou
culturels. Le programme scientifique de l’unité se fonde sur l’interdisciplinarité, en partant du constat que le
saucissonnage des réalités sociales en domaines séparés fait obstacle à la compréhension des faits sociaux : il est clair
que l’on ne peut rien comprendre des réalités actuelles sans éclairage historique, et que l’enquête historiographique
se fonde en partie sur les énoncés et interprétations proposés par les acteurs et analysés par les anthropologues
d’aujourd’hui.
Dans les rapports entre recherche fondamentale et science appliquée, de nombreux problèmes se posent,
notamment en ce qui concerne les temporalités différentes propres à la recherche et aux prises de décisions
gestionnaires ou politiques. Il s’ensuit que ce sont le plus souvent les études les plus superficielles – les moins
complexes – qui sont utilisées par les décideurs. Or, même en matière de développement aujourd’hui, un certain
nombre d’instances et d’organisations se rendent compte que les sciences humaines et sociales paraissent à tort
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comme les parents pauvres de la recherche scientifique. C’est surtout en période de crise : guerres civiles ou « de
religion », crimes de masse, famines, que l’on découvre ou redécouvre des recherches méticuleuses sur les
mouvements religieux, la circulation de l’argent, les institutions du sens, les faits sociaux de longue durée.
Aujourd’hui, l’ONU, ses différentes agences, le groupe des états d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), et
bien d’autres instances soulignent la contribution essentielle de la culture à un développement durable. L’importance
de ces grands opérateurs internationaux et les relations entre instances globalisées et acteurs locaux s’offrent
d’ailleurs à leur tour aujourd’hui comme de nouveaux objets de recherche.
Pour ce faire, les réflexions communes qui ont été menées ont abouti à la rédaction d’un projet scientifique
structuré autour d’axes de recherche – et non d’équipes étanches, ces axes étant au nombre de six. La structuration
en axes plutôt qu’en équipes autonomes présente de nombreux avantages : la cohésion de l’unité de recherche
est préservée, entretenue par le cadre fixé par le conseil d’UMR, l’organisation d’événements collectifs est
renforcée par la multi-appartenance de plusieurs chercheurs à différents axes de recherche.
Axe 1 : Fabrique et circulation des savoirs
Cet axe de recherche se veut la synthèse des approches que les différents laboratoires qui envisagent de
fusionner consacraient déjà à l’épistémologie des études africaines ou orientales. Il s’agira ici d’explorer les pratiques
qui permettent, ou ont permis, l’élaboration d’un savoir sur l’Afrique, au sud et au nord du Sahara – et ce de la façon
la plus concrète possible puisqu’on s’intéressera aussi à la matérialité des documents mobilisés dans cette
élaboration.
Nous nous pencherons avant tout sur les pratiques d’écriture – et là nous ne pensons pas seulement à la
production des textes académiques, mais à toutes les écritures « ordinaires » qui se sont succédé en amont de ces
textes : notes, journaux, correspondance, etc. Nous nous interrogerons aussi sur ce qui, dans l’écriture scientifique,
porte la trace des souvenirs littéraires ou artistiques de ceux qui la produisent. De plus, aux côtés des travaux savants
et de leurs entours, nous considérerons des productions dites « littéraires ». On évoquera notamment l’incorporation
par certains écrivains (Nerval, Chateaubriand, Lamartine…) d’éléments estampillés comme « orientaux », et cet
intérêt pour l’« ethnographie » des écrivains a évidemment à voir avec un intérêt pour l’écriture savante. Plus
globalement, la question sera de savoir comment s’élaborent l’observation d’une société locale – présente ou passée –
et sa restitution sous forme de récit. Les textes vernaculaires publiés et traduits par les anthropologues ou les
historiens constituent un autre fait d’écriture sur lequel nous comptons nous pencher. Il s’agirait d’évaluer les choix
stylistiques auxquels ils ont procédé, ainsi que tout l’impensé, idéologique, esthétique, etc., qui a informé leurs
choix. Il faudra poursuivre également l’analyse généalogique et critique des savoirs académiques sur l’Afrique ; sur ce
point, on s’attachera d’une part à la période récente, postérieure aux années 1960, à partir notamment des archives
de chercheurs comme Raymond Mauny ou Yves Person ; d’autre part, à la période de l’Entre-deux-guerres, où une
ethnologie française largement africaniste commence à s’institutionnaliser.
Attentifs à l’écriture, nous le serons aussi parce que les sociétés que nous étudions produisent elles aussi de
l’écrit. Bien sûr, elles passent généralement pour des sociétés d’oralité, et nous comptons bien prendre en compte les
traditions orales dont elles sont porteuses, mais l’écriture est depuis trop longtemps présente en leur sein pour que
les écrits sur lesquels se penchent leurs lettrés n’interfèrent pas avec ces éléments d’oralité. L’influence, sans doute
ancienne, des poésies arabes archaïques sur les poésies orales du Sahel et du Sahara n’en offrant qu’un exemple
parmi d’autres ; et on sait aussi tout ce que, dans ces mêmes régions, les traditions d’origine des différents groupes
doivent au texte coranique ou à des écrits arabes médiévaux (Al Masoudi ou autres).
En tout cas, oraux ou écrits, les différents supports de mémoire seront évalués dans leurs réélaborations
successives, leurs différentes versions devant être considérées non comme les avatars d’une transmission imparfaite,
mais comme des objets à considérer pour eux-mêmes et à contextualiser pour percevoir les enjeux qui sous-tendent
ces remaniements. Pour ce qui concerne en particulier les sources historiques, il ne s’agira pas seulement d’informer
à partir d’elles une période ou un thème, mais plutôt de les déconstruire afin de mettre en évidence des méthodes
d’écriture et de réécriture et de faire apparaître à terme les groupes sociaux spécialisés dans la conservation et la
transmission de la mémoire, qu’elle soit écrite, orale ou iconographique (clercs/lettrés, artisans, musiciens,
photographes…). Cette démarche s’accompagnera d’une approche documentaire qui consistera à recueillir sur le
terrain des corpus de chants, poèmes et traditions orales, des textes, offrant une version non-officielle de l’histoire.
Concernant les manuscrits, l’intérêt se portera à la fois sur les textes et sur leur fabrication, leur circulation, leurs
lieux de conservation, ou encore la constitution de bibliothèques. Plusieurs projets ayant trait à ce thème de
recherche sont déjà en cours et appelés à se développer. Un premier projet porte sur les manuscrits éthiopiens, et
doit déboucher sur l’établissement d’une codicologie éthiopienne, notamment en analysant des processus tels que la
mise en compilation des textes historiographiques ainsi que les enrichissements des textes lors des échanges entre
transmission orale et mise par écrit. Un autre consiste à approfondir l’analyse et la comparaison des récits
historiographiques (« annales », « chroniques »…) produits par les sociétés africaines dès l’époque médiévale, des
« chroniques » de certaines villes Swahili au tarikh de Tombouctou. De la même manière, un programme d’édition
critique de textes écrits en arabe par des lettrés sénégalais ou maliens est en cours. De même encore, et pour une
Afrique plus australe, un projet déjà en cours sur les usages de l’écriture par les chefferies Ndembu en Angola (XVII eXXe siècles) sera poursuivi, et ce projet implique lui aussi un travail d’édition de textes vernaculaires, en l’occurrence
des archives liées à l’exercice du pouvoir. Dans tout cela, on sera attentif à la matérialité des supports du savoir,
telle qu’elle se présente localement et telle qu’elle se présente à l’arrivée : codex, manuscrits, archives ; portails de
mise en ligne, etc. Notre attention aux faits d’écriture nous portera, en effet, à considérer les effets de l’utilisation
de nouveaux outils (internet, etc.) sur la fabrication, la diffusion et le stockage de nos productions scientifiques, avec
tout ce que cela implique sur leur forme et leur contenu.
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En un mot, on sera attentif à la genèse de tous ces textes, à leurs variations, à leur être matériel, ainsi qu’aux
valeurs que leur assignent leurs producteurs et leurs consommateurs. Étant entendu qu’il s’agira aussi bien de textes
produits ici que de ceux qui sont produits là-bas, où nos travaux prennent leur source. Et ce d’autant plus qu’il n’est
pas question, pour les productions locales, de se limiter à celles que nous aurions tendance à caractériser comme
« traditionnelles ». Ainsi, on s’intéressera aux écrivains et artistes maghrébins ou africains qui, dès le début du XXe
siècle, ont voulu s’inscrire dans des mouvements de pensée assez vastes pour leur permettre de sortir de l’échelle
locale ou du tête-à-tête avec la puissance coloniale, et dont les productions s’inscrivent aujourd’hui dans le marché
international de l’édition. On se posera en particulier la question de savoir quelles pratiques scripturaires et
artistiques innovantes ont été mises en œuvre dans ce cadre.
Les domaines de savoir ainsi explorés ne relèvent d’ailleurs pas seulement de l’histoire et de l’anthropologie,
car on compte s’intéresser de la même manière au sort du savoir archéologique. En particulier, on s’interrogera sur
les articulations contemporaines entre l'archéologie et l'histoire dans les pays maghrébins. Comment les strates
anciennes et récentes, faites d’un passé antéislamique et colonial, ont-elles été réinvesties par les représentants des
nouvelles archéologies nationales et indigènes ? Qu’est-il fait aujourd’hui, dans des pays majoritairement arabomusulmans, des traces matérielles laissées par des civilisations antiques célébrées notamment par Carcopino ou
Renan ? Qu’est-ce que cette question peut nous apprendre sur le rapport des sociétés postcoloniales à leur passé
colonial, ou à des périodes antérieures à l’islam ? On pense en particulier aux documents antiques qui étaient
précisément ceux que le colonisateur mettait en exergue, ou aux traditions populaires qui faisaient le fond de
commerce de l’orientalisme. D’une manière générale, on aura à se demander comment les intéressés se
réapproprient – qu’ils le déconstruisent ou le prennent à leur compte – le savoir que la colonisation a élaboré à leur
sujet. On peut se demander, par exemple, comment les Kabyles, les Dogons ou les Touaregs reprennent le savoir
archéologique, ethnographique ou linguistique qui les concernent, comment ils l’utilisent dans la réécriture de leur
histoire, et comment ils veulent, dans ce cadre, peser sur l’évolution des sciences humaines, aussi bien au plan
international que dans leurs pays respectifs.
Dès lors que nous parlons d’archéologie, il importe de considérer le rôle que les pays concernés lui font jouer
dans une optique de valorisation touristique ou patrimoniale (songeons, par exemple, au rôle que le régime de Ben
Ali a fait jouer aux vestiges de Carthage). Mais bien d’autres savoirs dits « locaux » sont mobilisés dans ce genre
d’entreprise, où une instrumentalisation politique de la culture est mise en œuvre par des initiatives locales. On peut
évoquer par exemple, la mise au patrimoine mondial de l’Unesco de certains rituels peuls de transhumance au Mali,
avec tous les effets sociaux que cela entraîne dans les communautés concernées ; ou bien les concours de poésie
auxquels donnent lieu des festivals sahariens destinés pour une bonne part à une consommation touristique ; ou bien
encore les reformulations contemporaines de l’histoire du Mandé au Mali, mises en parole lors de nouveaux rituels où
entrent en compétition des griots censés conserver la mémoire ancestrale. S’agissant de la circulation des savoirs, il
faudra aussi considérer ce qui y fait obstacle ou rend ces savoirs relativement opaques, l’ésotérisme et le secret, par
exemple, rarement pris en compte par les organisations internationales qui postulent un idéal universel de libre accès
aux savoirs quels qu’ils soient.
Il ne s’agira pas seulement de parler des hommes et des savoirs qui ont circulé entre ici et là-bas, mais de
s’intéresser à une série de figures dont l’existence même atteste la porosité de toutes les frontières qu’on pourrait
vouloir tracer entre ici et là-bas. C’est d’abord le cas de ceux qui, par contrainte ou par choix, ont franchi cette
supposée frontière en transportant avec eux un bagage de savoir qu’ils ont cherché à acclimater dans leur nouveau
séjour. La figure paradigmatique en est sans doute Léon l’Africain, mais on pense aussi à tous ceux, drogmans, élèves
de l’École des jeunes de langues, ou chrétiens d’Orient employés comme interprètes, qui ont contribué à
l’élaboration d’un savoir occidental sur l’Afrique et l’Orient. Il y a aussi le cas de ceux qui ont voulu être sur la
frontière, ou qui se sont donné pour tâche de l’abolir. On reviendra ainsi sur ceux qui, notamment autour de l’équipe
des Cahiers du Sud et de Gabriel Audisio, entreprirent de célébrer ce qu’ils appelaient le génie de l'« homme
méditerranéen ». Et il y a aussi ces « collaborateurs indigènes » souvent anonymes mais auxquels la recherche
commence à s’intéresser, et dont les contributions intéressent des domaines aussi divers que la cartographie, l’étude
du droit musulman, la philologie ou l’ethnographie.
Axe 2 : Mondialisations africaines dans la longue durée et globalisation
Cet axe doit fédérer des chercheurs et des enseignants chercheurs de différentes disciplines, sensibles à la
question des rapports du continent avec le reste du monde dans la longue durée. Les phénomènes d’intégration
réciproque de l’Afrique à d’autres espaces ne sont pas nouveaux, même si la colonisation a indéniablement constitué
une accélération de la « globalisation ». L’originalité des recherches de cet axe consiste à réexaminer le concept de
mondialisation dans la longue durée, à la fois pour nuancer la valence actuelle du terme et pour comprendre de
quelle(s) mondialisation(s) l’Afrique a été partie prenante à diverses époques. C’est à travers quatre thèmes,
complémentaires et transdisciplinaires, qu’on pourra mieux saisir les relations complexes entre le local et le global.
La réflexion sur la validité et les limites des travaux novateurs de la World history se poursuivront avec l’étude des
globalisations de l’océan Indien, espace central, avant — mais également après — le XVIe siècle et dans lesquelles
l’Afrique est partie prenante.
Ainsi, l’histoire des plantes et de l’alimentation s’inscrit dans la très longue durée, de l'utilisation des
premières poteries (à la charnière des Xe-IXe millénaires av. J.-C.) jusqu’à la période contemporaine. En plus des
sources « classiques » de l’histoire, écrites et orales, ces recherches font appel à l’archéologie, à l’anthropologie, à
l’agronomie et, pour les périodes historiques, à la linguistique (noms de plantes, de formations végétales, de produits
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ou de mets). Elles concernent le Sahara, l’Afrique de l’Ouest sahélo-soudanienne, la zone forestière du golfe de
Guinée, l’Ethiopie et Madagascar. Le premier volet s’intéresse aux plantes de cueillette et aux plantes cultivées,
domestiquées en Afrique ou ailleurs, ainsi qu’à leurs divers usages, alimentaires, artisanaux, médicinaux et religieux.
Parmi les espèces cultivées, il peut s’agir de plantes locales, comme le fonio et le tef, de plantes qui ont voyagé hors
d’Afrique, comme le mil et le riz « africain », ou de celles qui y ont été introduites depuis d’autres continents. Ces
circulations de matériel végétal sont liées à des migrations de population, à des échanges commerciaux (les
différentes traites notamment) ainsi qu’à la mise en place des empires coloniaux. Elles impliquent des
transformations dans les savoir-faire agricoles (création de variétés locales, techniques culturales) et culinaires
(préparation et cuisson des produits, intégration dans un répertoire de recettes). Si l’adoption de plantes nouvelles
répond parfois à des pénuries, elle s’accompagne généralement de recompositions culturelles, religieuses et
identitaires. Plantes et paysages végétaux peuvent constituer des sources de l’histoire rurale en l’absence, le plus
souvent, d’informations émanant directement des sociétés paysannes. Aujourd’hui, plantes et paysages sont au cœur
des processus de patrimonialisation de la nature et des politiques d’espaces protégés. L’histoire de l’alimentation
s’appuie sur l’étude des plantes mais aussi d’autres ressources, comme le sel, le miel, les produits de la pêche, de la
chasse et de l’élevage. Et concerne d’autres objets de recherche tels que les manières de table, les différentes
cuisines, les consistances et les goûts. Ces questions, qui témoignent souvent d’échanges et de métissages, prennent
tout leur sens une fois resituées dans leur contexte socio-économique, politique et culturel. On s’intéressera ainsi à la
distinction entre nourritures quotidiennes, festives ou rituelles, aux rapports entre hiérarchies culinaires et
stratifications sociales, au clivage entre milieux ruraux et urbains… Sans oublier les crises alimentaires, qui ont
longtemps marqué certaines régions par leur récurrence et qui (ré)apparaissent aujourd’hui avec des composantes
nouvelles.
L’esclavage, les différentes traites et les formes de dépendance font l’objet de nouvelles approches
historiques et anthropologiques. Après une période où les études sur l’esclavage concernaient surtout la traite
atlantique, on assiste aujourd’hui, en Afrique de l’Ouest et au Maghreb, à un double déplacement. A l’intérêt pour la
domination économique de l’esclavage s’est substitué celui pour sa dimension morale (honte, absence de maîtrise de
soi) et religieuse (exclusion de l’islam). Le second déplacement concerne de nouveaux terrains de recherche :
esclavage interne aux sociétés lignagères (Côte d’Ivoire), aux sociétés côtières qui fournissaient les vivres de la traite
atlantique (Rivières du Sud), et à celui de l’espace transsaharien, du Maghreb au Sahel. Ainsi dans la région
Mauritanie/Sénégal/Mali, la stigmatisation « islamique », qui frappe les esclaves mais aussi les nomades (Touaregs...)
et les « castés », entraîne une surenchère dans la piété sous forme de l’affiliation à des ordres soufis inclusifs ou,
récemment, aux Salafistes (Mauritanie). Loin de former un ensemble homogène, les « esclaves » sont divisés en
multiples sous ensembles, dominés par des esclaves guerriers — armées noires du Maroc, Mamelouks dans les États
musulmans peuls —, et des Royal Slaves. Ce feuilletage identitaire, condition de la perpétuation de l’esclavagecatégorie explique que les sociétés sahéliennes contemporaines sont autant post-esclavagistes que post-coloniales.
L’histoire de l’esclavage en Afrique centro-occidentale (région Congo-Angola) est d’habitude centrée sur la traite
atlantique, laissant dans l’ombre les formes d’esclavage et de dépendance internes aux sociétés africaines. Comment,
derrière le macro-récit de la traite, est-il possible d’identifier les mots pour dire l’esclavage ou la dépendance, ainsi
que les pratiques sociales et juridiques auxquelles ils renvoient ? Les réponses aux enquêtes ethnographiques sur « les
formes analogues de l’esclavage » (enquêtes commandées par la Société des Nations en 1936) permettent de
reconstituer les lexiques qui, dans les différentes langues africaines d’Angola, servaient à distinguer les subtiles
gradations entre esclavage et dépendance, ainsi que le mode de fonctionnement des institutions qui leur étaient
associées. En dépit des biais que comporte ce genre d’enquête, son étude critique permettra de révéler un univers
linguistique et social extrêmement riche et complexe. Dans un deuxième temps, ces éléments seront confrontés aux
sources plus anciennes (XVIIe-XIXe siècle) des archives de Lisbonne et de Luanda. L’objectif final est d’évaluer
comment les deux régimes de captivité, l’africain et l’atlantique, ont été reliés ou séparés. Cette recherche s’intègre
dans un projet international, financé par la Fundação para a Ciência e Tecnologia de Lisbonne. Les partenaires
portugais développent la même méthodologie pour le Mozambique. Dans l’avenir, ce projet pourra s’élargir à d’autres
espaces et à d’autres chercheurs. Dans ce domaine, l’Afrique orientale est longtemps restée dans l’ombre des débats
historiographiques, centrés sur l’Afrique de l’Ouest et l’espace atlantique. Elle inclut la région des Grands Lacs, la
Corne de l’Afrique, la côte orientale et Madagascar, ainsi que des prolongements en direction de l’océan Indien, de la
mer Rouge et des Mascareignes. Outre la réévaluation des réseaux de traite, il s’agit d’éclairer la diversité — et la
complexité —, des formes de la dépendance et leur articulation tant avec les dynamiques externes qu’internes. Aussi
ces problématiques seront-elles systématiquement étudiées en rapport avec les évolutions sociales, politiques et
démographiques des zones concernées. Le marronnage, les résistances ainsi que les formes de dépendance et de
travail contraint, postérieures à l’abolition, seront également abordés. Deux régions feront l’objet de travaux
approfondis : l’Ouganda et le littoral swahili. Un volet est notamment consacré à l’étude des traites française et
omanaise entre 1750 et 1810. A ce sujet, deux points forts sont à souligner : une collaboration en cours avec le Centre
for Research on Slavery and Indenture (University of Mauritius) de l’Île Maurice, ainsi que l’élaboration de la première
base de données exhaustive des voyages de traite française sur la côte swahili.
Les études sur l’histoire et la mémoire de l’empire portugais concernent essentiellement le patrimoine
matériel et immatériel des civilisations cosmopolites africaines et indiennes, ainsi que sa résonnance toujours actuelle
dans les pratiques et les imaginaires. Une approche se focalisera sur les dynamiques transcontinentales de la mémoire
et de la transmission des cultures entre les océans Indien et Atlantique, dans les lieux d’implantation de l’empire
portugais aux XVIIIe et XIXe siècles. Elle portera sur la valorisation patrimoniale de la mémoire historique des
migrations, à des fins d’application pratique —muséales, scientifiques et économiques — dans les espaces africains et
indiens, et à partir d’études comparatives sur le patrimoine bâti, en particulier privé. Ces analyses concerneront les
espaces coloniaux (Goa, Benguela, Rio, Bahia) y compris les espaces insulaires (Sao Tomé, Ilha de Moçambique, Diu,
Madeira) qui présentent un métissage d’influences. L’autre approche est relative aux traces encore vivantes de
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l’Afrique orientale portugaise sur la côte occidentale de l’Inde, en particulier au Gujarat. La mémoire patrimoniale —
perceptible dans la langue, l’alimentation, les pratiques religieuses, les chants et les danses, l’architecture et
l’aménagement des espaces intérieurs dans les familles issues d’anciens commerçants indiens d’Afrique orientale (à
Diu et à Mandvi) —, se mélange aux mémoires familiales et aux imaginaires encore à l’œuvre nourrissant les nouvelles
migrations du Gujarat vers l’Afrique.
Les recherches sur les migrations et les diasporas s’organisent en quatre sous-ensembles. Le premier situe
les diasporas indiennes et chinoises dans l’empire portugais et dans son héritage (africain, asiatique et atlantique).
S’y inscrivent les projets de recherche concernant les diasporas indiennes et la construction des frontières dans la
ville de Lourenço Marquês (Mozambique) entre 1930 et 1975, ainsi que la question des diasporas non africaines
(Indiens musulmans, hindous, parsis, goanais, Chinois) du Mozambique re-diasporisées en 1975 dans l’espace
lusophone (Portugal, Brésil, Angola, Mozambique). A cela s’ajouteront de nouvelles recherches sur les migrations
récentes, depuis les années 1990, des Indo-pakistanais et des Chinois au Mozambique dans le contexte de la nouvelle
mondialisation.
Le second sous-ensemble concerne les relations entre les mobilités humaines et la santé : la migration comme
condition d’accès aux soins, les pathologies liées à la migration, le tourisme médical, le traitement social de la santé
des étrangers dans différents contextes. Ces recherches sont attentives à étudier en Afrique et hors d’Afrique les
circulations non seulement de personnes, mais d’objets et de ressources (médicaments, alicaments, gamètes, etc.),
de savoirs et de pratiques à travers la constitution de réseaux personnels et d’informations (forums, médias,
Internet), de réseaux d’entrepreneurs (banque de ressources, cliniques) ou encore d’associations.
Le troisième sous-ensemble porte sur une forme de migration, plutôt de déplacement forcé, qui tend à devenir
durable et qui recouvre la condition de « réfugiés » en Afrique (toutes catégories confondues). Si la situation des
réfugiés perdure, les interventions de « l’humanitaire » — jusque là exceptionnelles et liées à l’urgence —, se muent
en « aides » qui imposent à ces populations des politiques de « développement ». Des recherches transversales sont
conduites en coopération et en partenariat avec des collègues africains qui s’inscrivent dans une telle perspective.
Le quatrième sous-ensemble s’intéresse aux migrations africaines en Afrique et hors d’Afrique. Liées aux
contraintes économiques, ces migrations s’ouvrent sur des thématiques nouvelles telles que les recherches sur les
imaginaires urbains d’immigrants vus comme « clandestins », et sur les spécificités des mouvements migratoires SudSud par rapport aux flux Sud-Nord, davantage étudiés. Des études porteront sur le voyage des migrants d’Afrique
centrale vers l’Afrique du Sud (moyens mis en œuvre, rencontres inédites, durée des itinéraires), où la route à pied
devient un objet d’analyse en soi. Travailler sur les communautés transnationales, en associant ethnographie multisites et analyse des réseaux, permet aussi de mesurer les flux migratoires et/ou les transferts d’argent. Actuellement
dans le plus ancien bassin d’émigration vers l’Afrique centrale et vers l’Occident, à la frontière du
Sénégal/Mali/Mauritanie, le montant de ces transferts dépasse largement celui de l’aide internationale. L’analyse des
réseaux sociaux (ARS) offre un instrumentaire conceptuel et analytique plus adéquat que les méthodes des
démographes et des économistes, focalisées sur des groupes prédéterminés (ménages, familles). Avec des logiciels
(libres) comme Pajek, Puck..., anthropologues et historiens disposent d’outils informatiques maniables pour étudier
les réseaux migratoires et de parenté, en partant des zones de départ.
Axe 3 : Pouvoirs, espaces, mémoires (frontières, mobilisation et dissidence, violence, conflits)
La question de la formation des Etats, de leur recherche du monopole de la violence légitime, de leur
légitimation est au cœur des investigations historiques, anthropologiques et politistes des chercheurs des trois unités.
Tout en continuant à travailler les questions des frontières et de l'héritage colonial dans la formation des Etats, il
s'agira également de scruter ce qui se joue dans les rapports quotidiens de domination et de subversion sans lesquels
les structures institutionnelles ne se matérialisent pas. Ces rapports de pouvoir seront appréhendés aussi bien dans
leurs dimensions violentes que pacifiées.
La violence et le conflit sont parties intégrantes de la vie des sociétés qu’ils contribuent à faire évoluer et le
conflit, qu’il s’exprime de façon violente ou non, est une dimension constitutive des rapports sociaux. Les formes de
conflits, les types de violence ou les styles de guerre qui affectent l’Afrique sont d’une infinie diversité : des
génocides contemporains au supplice du collier infligé aux accusés de sorcellerie, de la violence politique à la
violence ordinaire des rapports sociaux, de la guerre rituelle saisonnière des sociétés anciennes au terrorisme
international et à l’insécurité régnant dans les zones pétrolières et minières sans oublier la violence
environnementale consécutive aux désastres naturels, à la dégradation de la terre, de ses ressources et de la
biodiversité. Les institutions d’Etat, qui disposent du monopole légitime de la violence, mais aussi les institutions
internationales trouvent leurs raisons d’être dans les conflits qu’elles tentent d’éviter ou de réguler. La violence, sous
ses formes renouvelées, est l’objet d’interrogations récurrentes au cœur de l’étude anthropologique, politique ou
historique des sociétés et des problèmes sociaux liés à des processus économiques comme le libéralisme mondialisé ou
les processus de marginalisation. Ainsi, la guerre, en tant que forme collective de conflit majeur et source de violence
invite à s’arrêter sur l’évolution de ses formes et de ses pratiques tant dans le temps long de l’histoire que dans la
synchronie de l’actualité. La compréhension de la violence et de la dynamique des conflits, quelles que soient leur
intensité, leur échelle, leur dimension ou leur forme constituent sans doute l’une des clefs de la compréhension de
l’Afrique contemporaine, de ses institutions comme de ses transformations. Objets transversaux, la violence et le
conflit impliquent une approche pluridisciplinaire et/ou interdisciplinaire à laquelle collaborent toutes les disciplines
représentées dans la future unité.
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Les rapports politiques et sociaux ne se déclinent cependant pas toujours sur le mode de la violence.
L'ensemble des pratiques et des registres de la recherche du consentement comme de l'obéissance, de la domination
comme de la dissidence sont interrogés dans le cadre d'une réflexion sur les formes historiques et contemporaines
de la citoyenneté. Deux angles seront privilégiés : celui de la production matérielle de la citoyenneté, mais aussi
des revendications dont elle fait l'objet, par le biais de mobilisation collective dépassant parfois les frontières
nationales. Des investigations sur la production de divers documents d'identité seront menées sur la période 19401960; interrogeant à la fois les modalités de classement étatique et les façons de se penser citoyens dans une période
charnière d'incertitude sur les appartenances et les identités publiques. Des volets contemporains pourront se
développer à propos des réformes des états civils, des rapports entre documents d'identité et vote, etc.. Le second
axe sera celui des mobilisations collectives qui sont interrogées, dans leur dynamique historique mais aussi
transnationale. En collaboration avec le Centre d’Histoire Sociale du XXe siècle (CHS), un projet de collecte des
archives contemporaines des structures ou réseaux de mobilisation politique (partis politiques reconnus, dissidents et
clandestins, syndicats mais aussi archives privées des militants). Cet inventaire devrait être associé à un projet de
numérisation partiel et à un projet de récolte d’archives orales des militants. Il s'agira ensuite, dans la perspective
d’une histoire « connectée » mais aussi d'une perspective transnationale contemporaine, d’interroger l’existence
concomitante de mouvements sociaux en Afrique et ailleurs. Au delà des contextes nationaux de mobilisation, il s’agit
de questionner la production de pratiques d’opposition transnationale, en évaluant les connexions et les transferts qui
se sont opérés tant au niveau des discours, des idéologies et pratiques que de la circulation africaine et/ou
internationale des militants, et d’en étudier les hybridations et réinvestissements locaux.
Axe 4. Dynamiques religieuses, représentations, expériences
Cet axe ambitionne de fédérer et de faire dialoguer les activités de recherche des membres du nouveau centre
interrogeant la polysémie des dynamiques religieuses africaines. Les projets embrassent un vaste éventail de
traditions religieuses, inscrites dans la lignée abrahamique ou extérieures aux religions du salut, singulièrement
l’islam, les christianismes, les prophétismes et les religions africaines dites (néo)traditionnelles, sans exclure le
foisonnement des formes alternatives de religiosité. Les projets privilégient une approche heuristique dynamique du
fait religieux, a contrario de la démarche essentialiste. L’accent est mis sur la diversité religieuse dans le temps et les
espaces ainsi que sur la polyphonie et les dissonances internes des interprétations et expériences spirituelles. Les
traditions savantes, adossées à des textes sacrés écrits ou oraux, sont étudiées tout autant que les imaginaires
religieux populaires et notamment le phénomène sorcellaire, sans négliger leurs entrecroisements. Des recherches
développent en outre une approche comparative interreligieuse, notamment entre monothéismes et religions
africaines traditionnelles, et entre islam et christianisme(s). Les terrains portent sur toute l’Afrique, au Nord comme
au Sud du Sahara et à Madagascar, et au-delà sur les territoires historiques et contemporains des diasporas africaines.
Les recherches de l’axe 4 entendent contribuer collectivement à la réflexion pluridisciplinaire sur les formes plurielles
de production religieuse de la modernité, entendue moins comme une périodisation historique que comme la
dialectique des tensions produisant des reconfigurations au cœur du sujet, de la société ou de l’Etat, aux échelles du
local et du global, des époques anciennes et médiévales à nos jours.
Les recherches interrogeront les politiques du religieux, entendues dans une acception très large. La
multiplication actuelle de mouvements religieux fortement inscrits dans les espaces publics bat en brèche la
conception jadis dominante de l’Etat moderne comme instrument de la séparation du religieux et du politique,
appelant un dépassement analytique de la doxa de la sécularisation. En Afrique comme ailleurs, les grandes réformes
religieuses ont toujours été liées aux changements politiques : les dynamiques religieuses contemporaines ne sont ni
un retour en arrière, ni une remise en cause de la modernité des Etats. Ces dernières peuvent néanmoins prendre,
dans le contexte actuel de la mondialisation, des formes nouvelles face au néolibéralisme et à la dérégulation des
Etats. Le religieux peut devenir force mobilisatrice et identitaire, par le biais d’associations, d’ONG ou de nouveaux
groupes réformistes et/ou contestataires, pour des croyants avides de transformer leur environnement social. Nombre
de cadets sociaux et d’acteurs subalternes (jeunes, femmes, populations paupérisées et marginalisées) trouvent, par
cette voie, le moyen de moraliser et de contester l’Etat, la société, certaines normes religieuses établies. Ces groupes
religieux, fondamentalistes ou radicaux, politisés ou non (salafistes, néo-soufis, néo-évangéliques), souvent très
prosélytes, investissent l’espace public (médias, partis politiques, dons publics, transformation des espaces urbains)
par la mise en avant de nouvelles idéologies sociales et religieuses. Dans certains contextes nationaux, ces
dynamiques génèrent même de la violence au sein de la société ou face à l’Etat. Les recherches se déploieront
également vers l’économie du religieux (économie de la prière, évergétisme, action caritative), en analysant le rôle
structurant des économies morales religieuses (finance islamique, rhétorique de la prospérité). Elles considèreront
aussi l’interface entre religion et environnement.
Les recherches poursuivront dans le même temps l’étude des figures, autorités et publics religieux.
L’approche biographique et prosopographique sera mise à contribution pour de nouvelles mises en récit de
trajectoires de grands chefs spirituels. Les recherches exploreront également les stratégies d’appropriation
mémorielles dont ces figures emblématiques ont pu être l’objet (hagiographie, commémorations institutionnelles,
imaginaires populaires). La réflexion interrogera plus largement la grammaire sociale de l’autorité religieuse, sans
écarter les entrepreneurs religieux d’audience locale ou marginale, les « nouveaux intellectuels » tenant lieu de
référence religieuse et les figures du charisme au féminin. Les outils et politiques de communication (écrits,
cassettes, DVD, Internet ; usage des langues, répertoire des rhétoriques persuasives) et la théâtralité et la corporéité
de l’inscription de l’autorité religieuse dans l’espace (lieux de culte, cérémonies, tenues d’apparat, objets sacrés)
seront passés au crible de l’analyse. Les recherches se pencheront aussi sur les rôles polyvalents et parfois
contestataires des publics religieux, consubstantiels de la relation d’autorité religieuse.
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Unités de recherche
Les projets étudieront encore la question des rituels et du pragmatisme religieux. L’activité rituelle
transcende les clivages entre politique, religieux, social et identitaire. Fortes de cette optique, les recherches
exploreront différents rites (liés au cycle de la vie, à la divination, au sacrifice, à la possession, à la guérison) et leurs
adaptations en contexte pluriconfessionnel, au village comme en ville. Elles interrogeront les modalités de la
confrontation ou de la superposition de différents montages de représentation dans divers domaines : pouvoir,
pratiques économiques, rapport à la terre. Les enquêtes questionneront notamment les rapports entre activité
rituelle et échange marchand ainsi que les effets de l'introduction de la notion de propriété privée issue du droit civil
occidental dans des sociétés où la terre a le statut d'une instance souveraine « qui ne se vend pas ». Par ailleurs,
l’inscription du religieux dans l’espace public s’est traduite par une intensification des concurrences religieuses et une
autonomisation accrue des fidèles. Le religieux est souvent vécu de manière fort pragmatique, révélant des disparités
entre normes édictées et pratiques individuelles. Les recherches s’efforceront dès lors d’analyser les logiques de
réappropriation/détournement des messages religieux dans le quotidien et le vécu des croyants. Cette approche
privée des pratiques et des parcours religieux permettra d’appréhender les logiques de cumul (entre religions a priori
contradictoires), de « butinage » et de conversions (internes et externes).
Les activités de recherche s’interrogeront plus avant sur les questions de transnationalisation, sorcellerie et
institutions. La protection, voire la lutte, contre la sorcellerie entretient un vaste marché de la guérison, manne des
guérisseurs traditionnels, pasteurs, prophètes et prêtres-exorcistes agissant sous couvert d’institutions religieuses.
L’apparition de « camps de prière » dans les années 1990, le phénomène des enfants-sorciers, les dispositifs de
confession, d’aveu, de prise en charge des « victimes » et d’exorcisme des « sorciers », ainsi que la multiplication des
accusations et dénonciations plus ou moins directes de membres de la famille, encouragées par des pasteurs au cours
de séances de délivrance, témoignent de la contribution active des Églises au phénomène dit de « recrudescence de la
sorcellerie ». S’en suit une transnationalisation du phénomène de l’accusation de sorcellerie. Qui plus est, des Églises
ont pu soutenir les forces de l’ordre dans leur chasse anti-sorcière. Le croisement des procédures (politiques,
juridiques, religieuses) met en question les nouveaux contours de l’imaginaire sorcellaire, les méthodes émergentes
de « diagnostic », les techniques du corps de la délivrance, tout autant que le statut des acteurs de ces univers. Ainsi
les recherches étudieront-elles la dimension transfrontalière du phénomène de l’accusation de sorcellerie, des
itinéraires de guérison, de même que l’initiation et la formation des agents guérisseurs. Les recherches centrées sur
les mécanismes de la stigmatisation, de l’imputation et de l’accusation permettront d’explorer les interactions entre
les acteurs des institutions étatiques, sanitaires et religieuses, ainsi que les « spécialistes » de la sorcellerie et du
désenvoûtement en quête de reconnaissance institutionnelle dans le cadre de la médecine traditionnelle.
Les recherches se poursuivront enfin sur l’interface entre textes, herméneutique et transmissions. Les
fondements conceptuels des énoncés religieux, écrits et oraux, feront l’objet d’examen rigoureux. La collecte de
textes — au sens large — leur analyse interne tout comme celle de la filiation des idées seront poursuivies. Les
recherches porteront sur le raisonnement dans la jurisprudence musulmane ; l’eschatologie ; la constitution de
vocabulaires spécialisés, dans plusieurs langues de l’Afrique subsaharienne, pour exprimer les concepts des
différentes disciplines islamiques (droit, grammaire, théologie, etc.) ; les pratiques pédagogiques ; les échanges
culturels entre diverses traditions religieuses se partageant un même espace ; et l’édition des textes. En créant des
passerelles avec la réflexion sur les rituels, les recherches analyseront aussi les systèmes d’interprétation et de
calcul, souvent complexes, associés avec certaines formes de divination, les paroles énoncées dans le cadre du
sacrifice et des institutions initiatiques, et les gestes et prières accomplis lors de l’apprentissage de certains écrits.
Axe 5 : L’art du politique, le politique de l’art
« Art », ici, recouvre une vaste gamme de productions culturelles, des arts visuels aux arts virtuels en passant
par l’architecture et l’urbanisme, la littérature (écrite comme orale), la musique, la danse et la chorégraphie, la
performance et la scénographie. La liste n’est pas exhaustive et c’est délibéré : l’axe se veut explicitement
transdisciplinaire, tant en ce qui concerne les objets d’étude que les approches déployées afin de les appréhender.
Anthropologie, archéologie, histoire et histoire de l’art, sciences politiques, visual et culture studies, musicologie et
études littéraires s’y rejoignent. Comme ce qui précède l’indique, la focale n’est pas uniquement ici sur ce que le
marché nomme « art », mais sur un corpus à la fois plus large et plus complexe d’objets et de pratiques, dont certains
éphémères, ou encore immatériels, et d’autres ressortissant au domaine du quotidien. De même, comme le suggère
sa transdisciplinarité, l’axe 5 propose une vision large du politique. Si, pour certains chercheurs, il s’agira de réfléchir
aux partis-pris politiques revendiqués en tant que tels, en aucun cas la question du politique ne pourra se résumer à
ce seul regard. Le caractère politique de l’art ne se réduit en effet ni à l’engagement politique des artistes, ni à
l’expression d’un affrontement entre groupes constitués : un art est politique dans la mesure où il exprime une prise
de position dans le monde. Il peut être soumis à des hégémonies symboliques ou se poser en révolte consciente, il
peut être manifeste ou latent, direct ou oblique. L’axe 5 se donne pour but explicite de dialoguer avec d’autres axes
du laboratoire. C’est le cas en particulier des axes 1 (Fabrique et circulation des savoirs), 2 (Mondialisations africaines
dans la longue durée et globalisation) et 3 (Pouvoirs, espaces, mémoires).
En Afrique comme ailleurs, l’art a de tous temps joué un rôle fondamental dans la construction du pouvoir.
Cette question sera traitée par plusieurs chercheurs, travaillant dans des domaines variés et sur des époques très
différentes. Par leur abondance, les gravures et les peintures rupestres, les sculptures et les modelages réalisés en
Afrique septentrionale depuis le Ve millénaire av. J.-C. constituent un domaine d’étude exceptionnel pour
l’établissement de correspondances entre modes de subsistance, organisations politiques et expressions figuratives.
Dans ce cadre, les œuvres de la zone saharienne (périodes néolithique et protohistorique) seront comparées avec
celles des vallées du Nil et du Niger, en particulier avec l’art pharaonique (début du IVe millénaire - fin du Ier
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Unités de recherche
millénaire av. J.-C.), la statuaire « nok » et « djenné » (Ier millénaire av. J.-C. et charnière des Ier et IIe millénaires
ap. J.-C. respectivement), l’art de cour du Royaume de Bénin (XV e-XIXe siècles) et l’art dogon (XIVe siècle à l’époque
coloniale). Des recherches menées sur l’art du royaume chrétien d’Ethiopie (XIII e-XVIIIe siècles) se centreront sur les
processus de création des images, de la conception à la fabrication, et sur leur utilisation dans les méthodes de
gouvernance. Une mission historique et archéologique connexe, menée en partenariat avec l’UNESCO, le World
Monuments Fund, l’INRAP et l’université de Collegeville (Minnesota), étudiera sur plusieurs siècles, de la fin de
l’Antiquité à la période moderne, la constitution de lieux de pouvoir, leur déplacement ainsi que l’évolution de leurs
relations avec les régions constitutives du royaume. D’autres recherches porteront sur les usages faits des arts, et de
la culture plus largement, par le monde de la politique au XXe et au XXIe siècles. Parmi les sujets traités : le rôle joué
par les artistes de l’« école de Tunis » dans l’élaboration de la politique modernisatrice d’Habib Bourguiba dans les
années 1950 ; l’instrumentalisation de la performance (danse, musique, sport) sous le régime Mobutu dans les années
1970 ; l’appréhension de l’art par les politiques en termes d’« outil de développement » dans les années 2000,
notamment à travers l’utilisation de la notion de « patrimoine culturel immatériel ».
Dans le cadre des mobilisations et activismes contemporains, l’art ne se réclame plus nécessairement d’une
ascendance marxiste. Si les questions des inégalités économiques continuent de façonner le travail artistique dans de
nombreux contextes, force est de constater qu’elles cèdent le pas à d’autres considérations. Parmi celles-ci, on note
en particulier les revendications identitaires. Celles-ci feront l’objet de recherches en Angola, au Mozambique, au
Cap Vert et au Brésil. La question d’un « être au monde » en tant que « Noir », objet d’importantes revendications, y
retiendra l’analyse. Le regard se portera sur des manifestations dites « traditionnelles », considérées au prisme de
cette recherche comme de véritables performances. En milieu urbain, notamment au Brésil, des thématiques
connexes seront explorées dans les domaines du théâtre, du film et des arts plastiques.
En écho à cette recherche, dans l’aire mandé (Afrique du l’Ouest), en milieu rural comme urbain, on se
penchera sur la capacité de l’art à dire et à construire le politique sans passer par les énoncés explicites ou
univoques. On s’y intéressera aux régimes de semi-lucidité par le biais desquels s’expriment la critique, la parodie,
l’ironie. Les transgressions rituelles, les rites d’inversion, les carnavals et les mouvements prophétiques offriront pour
ce faire un cadre de réflexion privilégié. Une question clé sous-tendra ce travail : quels paradigmes utiliser pour
comprendre l’extrême modernité de manifestations qui ne revendiquent pas nécessairement leur appartenance au
politique, mais révèlent une véritable force critique, subversive et constructive ? Ailleurs – en Afrique du Sud, au
Cameroun et en République Démocratique du Congo – on s’attachera à analyser la subversion et la dissidence
exprimées à visage ouvert dans les arts et, de manière plus générale, les cultures et les imaginaires urbains. Le regard
se portera sur les intersections entre violences politiques et économiques d’une part et critique sociale engagée
d’autre part. Performance art, vidéo expérimentale, photographie, installation et expressions hip hop (rap et graffiti
notamment) seront au cœur de l’analyse. Au nord du Sahara, enfin, on s’intéressera à l’intense production d’images
en sédition qui a surgi sur les écrans dans le cadre des « révoltes » et des « révolutions » arabes. Les regards posés sur
ces mouvements seront étudiés à travers un travail rapproché sur la mise en images, le choix des écritures visuelles,
leur restitution et leur lecture à un niveau local, régional et mondial.
Comme ce qui précède le suggère, l’étude de la dimension politique de l’art passe par la prise en compte de la
mondialisation. Il s’agit en l’occurrence d’étudier les moyens via lesquels les formes et les idées voyagent : ce qui
fait des arts des courroies de transmission à l’échelle planétaire et l’impact de cela sur les élaborations du politique.
Deux temporalités seront prises en compte: la longue durée et l’ère actuelle de la globalisation accélérée. Les liens
entre Afrique et Asie, matière à politique dense, feront l’objet d’un ouvrage dirigé par deux membres du laboratoire.
Centré sur la circulation réciproque des objets d’art, des pratiques religieuses et des imaginaires urbains entre
l’Afrique et le continent asiatique du XVIIIe au XXIe siècles, cet ouvrage proposera un regard novateur sur un sujet qui,
jusqu’à présent, a été traité surtout comme un phénomène récent et d’ordre principalement économique. Un second
ouvrage viendra le compléter, centré sur les présences chinoises actuelles dans le secteur minier en République
Démocratique du Congo, vues à travers l’œuvre engagée du photographe et vidéaste congolais Sammy Baloji.
Le rôle moteur des arts dans la construction d’espaces panafricains, entendu(s) au sens politique du terme,
c’est-à-dire au regard des grands mouvements panafricanistes qui ont jalonné l’histoire du XX e siècle, sera étudié par
un projet centré sur un ensemble de festivals qui, dans les années 1960 et 1970, ont constitué un laboratoire clé pour
l’articulation de relations politiques entre l’Afrique, les Amériques, les Caraïbes et l’océan Indien. Le projet se donne
pour but de penser ces manifestations comme des acteurs à part entière dans l’émergence de phénomènes qui, à
travers le monde, ont fortement marqué la seconde moitié du XX e siècle : l’évolution de pays nouvellement
indépendants ; la transition entre les années enthousiastes de l’indépendance et le climat de crise qui leur a souvent
succédé ; les progrès d’imaginaires qui, dans et en marge de ces contextes, ont nourri d’importants courants de
pensée et d’action contestataires. Certains des festivals dont il est question ici ont récemment connu une
renaissance. On s’y intéressera aussi, ainsi qu’à des manifestations connexes : biennales, triennales et autres
rencontres centrées sur la création actuelle, qui seront analysées comme des « faits sociaux totaux », via une focale
sur leur imbrication dans le système international des arts contemporains. Les problématiques traitées iront de
l’économie des manifestations concernées (qui les produit ; pour qui ?) aux réflexions approfondies sur la
représentation et l’auto-représentation (par les artistes, leurs critiques) et l’analyse des visions du monde proposées à
partir d’un point précis de la carte d’Afrique.
Dans le prolongement de ce travail, on se penchera sur les rapports de pouvoir entre des créateurs qui
revendiquent leur appartenance à un monde globalisé et un monde de l’art marqué au sceau d’un eurocentrisme dont
on ne peut faire abstraction. A cet égard, on cherchera à mettre en perspective les relations complexes entre exmétropoles et création artistique contemporaine en Afrique. Les anciens rapports dominé-dominant sous-tendent
encore certaines conceptions de ce qui constitue ou non une œuvre d’art et continuent de façonner l’accès au
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Unités de recherche
financement (de plus en plus) essentiel à sa mise en circulation. Quels impacts ces rapports ont-ils sur les critères
esthétiques retenus par les créateurs africains ? Les artistes qui, jusqu’il y a peu, venaient souvent se former dans les
écoles d’art des anciens pays colonisateurs, le font-ils encore aujourd’hui ? Alors que l’Inde, le Brésil, la Chine
subventionnent certaines réalisations artistiques africaines contemporaines, qu’en est-il des liens avec l’ancien
colonisateur ? Ces questions seront explorées, notamment dans le domaine de la danse contemporaine, à travers des
travaux de terrain multi-sites se déployant de Dakar à Ouagadougou en passant par les grandes villes d’Europe, et via
des recherches sur le théâtre et l’installation art, tant en Afrique que dans la diaspora (Brésil et Etats-Unis).
Dans un domaine connexe et à la fois intensément contemporain et politique, on s’intéressera à la création, à
travers les arts, d’une world culture dogon imaginaire et médiatique, bricolée - à des fins tout ensemble identitaires,
idéologiques et touristiques – à partir de l’archétype ethnographique construit par l’école Griaule au milieu du XXe
siècle. Cela conduira à une analyse de nouvelles « traditions » orales, écrites et visuelles suscitées, à l’extérieur et à
l’intérieur du Mali, par la circulation d’emblèmes dogon crées par Marcel Griaule et son équipe. Dans une optique
analogue, enfin, on se penchera sur la circulation des imaginaires véhiculés par le phénomène Nollywood. Brassant
des millions de dollars, fabriquant des stars et captivant un public de masse de Lagos à New-York et Saïgon, les vidéos
familiales de ce genre né au Nigeria dans les années 1990 se sont hissées au troisième rang du cinéma mondial.
Décriées par les esthètes pour leur caractère commercial et « bas de gamme », elles traitent pourtant de problèmes
de société qui intéressent les publics d’un bout à l’autre de la planète : l’individualisme, la réussite sociale, les aléas
du couple, la parenté, l’héritage, le népotisme, la corruption, la sorcellerie, les conflits religieux, l’exode, la
maladie, la mort, le destin…
Axe 6 : Genre, corps, subjectivités
Cet axe rassemble des chercheurs en histoire et en anthropologie qui enquêtent sur la dimension genrée des
sociétés, la gestion des corps et la construction des identités personnelles. Le genre y est davantage compris comme
une démarche ou une grille de lecture que comme une thématique en soi : il s’agira de saisir et d’analyser les
modalités, plus ou moins fluides, selon lesquelles les sociétés définissent les identités et les assignations de genre, et
organisent les rapports sociaux de sexes. En lien avec cette approche, les recherches sur la gestion des corps,
notamment dans leur dimension reproductive, mettront un accent particulier sur la santé, comprise comme un
observatoire des enjeux sociaux et politiques qui la façonnent au même titre que les données biologiques et
médicales. Enfin, la question de l’individuation et des formes de la subjectivité constitue un thème classique en
anthropologie, que les travaux actuels, en histoire, anthropologie et sciences politiques ont remis au premier plan, et
que nous aborderons sous l’angle du récit de soi.
Un premier ensemble de travaux, sur femmes et genre en contexte colonial, portera sur l’impact différentiel
de la colonisation sur les hommes et sur les femmes (colonisé-e-s ou colonisateurs/trices). Ainsi, les recherches
actuelles portant sur l’histoire de la maternité coloniale au Ghana s’élargiront à une enquête plus vaste sur l’histoire
de l’allaitement maternel en Afrique, qui donnera lieu à une journée d’études (en collaboration avec l’Université de
Berne). On tentera de dégager les dynamiques sociales, scientifiques et politiques de l’alimentation infantile en
situation coloniale, et de voir ce que ces dynamiques révèlent et/ou produisent en termes de rôles sociaux genrés.
D’autres travaux examineront quant à eux la façon bien spécifique dont les femmes anthropologues
africanistes se sont, en tant que telles, situées par rapport aux différents contextes coloniaux dans lesquels elles ont
réalisé leur travail de terrain. Que ce soit au cours de leurs missions ou à travers leur production scientifique, les
nombreuses femmes qui ont investi l’ethnologie dans la période de l’entre-deux-guerres semblent en effet avoir porté
sur la situation coloniale un regard à de nombreux égards distinct de celui de leurs collègues masculins.
De même que les travaux sur l’histoire de la maternité coloniale se pencheront sur la gestion des corps (« corps
enceints », corps des parturientes et des nouveau-nés), des recherches seront développées sur l’expérience de la
stérilité et les différents recours des couples inféconds, notamment en Côte d’Ivoire. Ce projet s’inscrit dans une
réflexion plus large sur la gestion de la vie et le gouvernement des corps, notamment dans leur dimension
reproductive. Les travaux anthropologiques ont largement montré comment le mariage en Afrique n’était rendu valide
qu’après la naissance d’un enfant. D’une façon plus générale, il s’agira, à partir de l’expérience de jeunes couples
ivoiriens ruraux et urbains confrontés à l’infertilité conjugale, de réinterroger le lien entre alliance matrimoniale et
enfantement, et de revenir sur les concepts de « procréation », « d’engendrement » et de « filiation ».Avec un focus
mis sur une maladie génétique, la drépanocytose, une autre recherche appréhendera les implications de l’action
sanitaire grâce à une approche comparative et historicisée de terrains situés en Afrique, aux Antilles et en France
métropolitaine : effets de stigmate, effets sur les rapports de genre, imbrications de savoirs endogènes et importés,
nouvelles pratiques profanes de soin, conflits de légitimité dans le champ thérapeutique. Grâce à une fréquentation
participative des milieux sociaux engagés, la recherche tentera d’appréhender les lieux, les acteurs, les modalités
constitutives des processus par lesquels s’élaborent les normes au sujet des pratiques, ainsi que les modalités par
lesquelles elles se mettent ou non en place, avec ou sans adaptation aux contextes. À travers l’étude du traitement
de la maladie dans les pays d’émigration européens apparaitront aussi les problèmes posés par une « maladie de
l’altérité » et le traitement social des migrants africains. Un programme sur les dépistages est en cours. Une fois ce
programme achevé et valorisé, la recherche s’orientera vers la comparaison avec d’autres pathologies chroniques.
D’autres travaux porteront sur le récit de soi prolongeront la réflexion actuellement entamée dans un
programme comparatiste dont le CEMAf-Aix est actuellement partenaire « Récits de soi – Méditerranée, Afrique.
Individus, communautés, interculturalité (XVIe-XXIe siècles) ». L’enjeu est d’aborder la pluralité des modes
d’attestation de soi disponibles selon les époques et les espaces, et de discuter des catégories telles que celles de soi,
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de personne, d’individu, de privé, de personnel ou d’intime. Cette perspective croise l’interrogation classique en
anthropologie, sur la notion de personne et les modes d’individuation, présents dans toute société sous des formes
diverses. Elle permet de renouveler la discussion autour de l’hypothèse de processus d’individualisation dans les
sociétés africaines, urbaines notamment.
Ce questionnement théorique sera porté par des analyses de pratiques d’écriture personnelles, mais aussi de
corpus oraux, en retenant l’élargissement proposé par le programme à des formes de récit de soi qui ne passe pas
nécessairement par la parole. Sur les écrits, la confrontation de travaux d’historiens nourris par les recherches sur les
cultures écrites, et d’anthropologues qui recueillent des textes en situation sera féconde (cf. axe 1). Les corpus,
écrits et oraux, seront contextualisés et les formes du recueil d’un récit de soi (injonction au récit, délégation
d’écriture, interlocution…) seront mises au centre de l’analyse. Une recherche sera ainsi engagée sur la conjugalité
de jeunes filles maliennes résidant dans des zones urbaines et rurales. La construction de leurs représentations de la
famille, du couple et de leurs valeurs afférentes (solidarité, argent, sexualité…) sera appréhendée à travers les récits
de soi partagés en situation d’interlocution au sein de petits groupes (« les grins ») dans lesquels l’hypothèse de
l’individualisation questionne celle des processus d’autonomie.
L’objectif est de comprendre les modalités, plurielles, d’émergence de formes de la subjectivité en Afrique
dans la longue durée et dans les situations contemporaines, croisant la ligne du genre avec d’autres telle que la
position sociale, notamment le statut des « cadets sociaux ». Ces différents champs d’investigation croisent des lignes
transversales, la question du genre étant notamment portée par différents travaux sur le religieux et les migrations.
c. Organigramme fonctionnel et règlement intérieur
La fusion projetée ne doit se réaliser qu’en 2014, soit dans deux ans. Il est actuellement impossible de préciser
l’organigramme de la future unité. Il en est de même pour l’intitulé et le règlement intérieur du futur
laboratoire. Des discussions auront lieu courant 2012/2013 qui permettront d’éclaircir ces trois points.
2. Analyse SWOT et objectifs scientifiques de l’unité
L’Analyse SWOT (MOFF ou AFOM) du joint-venture CEMAf-CEAf-CHSIM garanti par les scientific supervision
authorities incarnées par l’INSHS du CNRS, l’IRD, l’U-P1, l’EPHE, l’EHESS et l’AMU autorise à convoquer un nouvel
agenda du link-recherche interrogeant le futur des acteurs concernés, particulièrement des cadets sociaux de nos
research units. La threat démographique fut en effet une des bases de l’initialisation du previsional think tank
interne, mais celui-ci a initié une réflexion audacieuse et innovante profitant de l’opportunity du campex Condorcet
étayé sur le PRES HESAM. Il en découle la vision stratégique d’une UMR prévisionnelle où seront conjugués : national
et international visibility, transversality, common friendship et leadership dans les african areas studies. Nous
exploiterons ainsi nos weaknesses pour les sublimer en strenghts.
Le projet de fusion du CEMAF, du CEAf et du CHSIM est en effet un projet ambitieux qui doit aboutir à la plus
importante unité de France et d’Europe sur les études africaines, tant par le nombre de ses membres que par la
diversité et la richesse de ses recherches. Sa visibilité nationale et internationale forte doit la positionner comme un
laboratoire incontournable dans la communauté scientifique en SHS. Structurée autour d’axes, et non d’équipes
indépendantes, elle reprendra l’exemple du CEMAf pour insister sur les transversalités entre sites géographiques, dont
la plupart se regrouperont d’ailleurs sur le même campus Condorcet, dans une évolution à cinq ou dix ans. Sur ce
campus, l’existence d’un hôtel à projet et d’un immeuble d’accueil pour chercheurs étrangers facilitera l’attraction
internationale de l’unité.
Une des difficultés majeures auxquelles sont confrontés les chercheurs, enseignants-chercheurs et doctorants
est l’accès difficile aux terrains africains ces dernières années.
3. Mise en œuvre du projet
Le projet de fusion est basé sur l'évolution du champ scientifique en études africaines et une bonne
connaissance des acteurs de ce champ. Il bénéficie d’un contexte très favorable : création du GIS « Etudes
africaines » - dont le CEMAf est actuellement porteur-, ouverture du campus Condorcet, mise en place déjà
engagée de partenariats forts dans la recherche et l’enseignement supérieur (P1, EHESS, CNRS, IRD, AMU, EPHE ;
PRES HESAM). Il doit aboutir à la création d’un pôle parisien de visibilité internationale.
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Au delà des objectifs de résultats et de positionnement dans le champ scientifique, déclinés à court et à
moyen terme que constituent les axes de recherche présentés plus haut, la volonté de poursuivre la construction de
partenariats avec les acteurs du monde socio-économique et culturel se basera sur l’expérience déjà acquise de
vulgarisation et de présence dans les médias écrits et audio-visuels. Quant aux objectifs de formation par la
recherche, ils sont clairs et basés sur la présence des masters de recherche déjà existants au CEMAf (voir bilan), des
formations et séminaires du CEAf et CHISM au sein de l’EHESS, et de la création en cours d’un master professionnel.
. Cependant, nous tenons à souligner les difficultés pour nos doctorants de financer leurs thèses : le nombre minime
d’allocations de recherche attribué chaque année dans les sciences humaines et sociales et l’impossibilité de conclure
des contrats doctoraux via les ANR.
Les moyens de cette unité seront issus des crédits récurrents, des ANR en cours ou en projet, comme cela a
été le cas lors du précédent quadriennal (voir bilans), de projets pilotés par l’IRD (PPR, LMI) et de projets européens
rendus possibles par la taille de l’unité et les compétences de son personnel administratif mutualisé. Le CEMAf
participe également à trois LABEX : HASTEC, LABEX MED et TEPSIS.
Nous demandons que la Délégation globale de gestion au CNRS, obtenue déjà de la part de l’Université Paris 1
- Panthéon Sorbonne, soit étendue à l’ensemble des tutelles : Aix-Marseille Université, EPHE, IRD et EHESS.
La diffusion des résultats (stratégie de publication, processus et supports de transfert des connaissances et des
savoir-faire) se poursuivra avec un dynamisme déjà observable (cf. Bilan des publications des trois unités). Quant à
la politique en termes de propriété intellectuelle, nous renvoyons aux articles de loi concernant la propriété
intellectuelle (http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006069414).
Vague D : campagne d’évaluation 2012-2013
Février 2012
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