Unités de recherche
Vague D : campagne d’évaluation 2012-2013
Février 2012
ou de mets). Elles concernent le Sahara, l’Afrique de l’Ouest sahélo-soudanienne, la zone forestière du golfe de
Guinée, l’Ethiopie et Madagascar. Le premier volet s’intéresse aux plantes de cueillette et aux plantes cultivées,
domestiquées en Afrique ou ailleurs, ainsi qu’à leurs divers usages, alimentaires, artisanaux, médicinaux et religieux.
Parmi les espèces cultivées, il peut s’agir de plantes locales, comme le fonio et le tef, de plantes qui ont voyagé hors
d’Afrique, comme le mil et le riz « africain », ou de celles qui y ont été introduites depuis d’autres continents. Ces
circulations de matériel végétal sont liées à des migrations de population, à des échanges commerciaux (les
différentes traites notamment) ainsi qu’à la mise en place des empires coloniaux. Elles impliquent des
transformations dans les savoir-faire agricoles (création de variétés locales, techniques culturales) et culinaires
(préparation et cuisson des produits, intégration dans un répertoire de recettes). Si l’adoption de plantes nouvelles
répond parfois à des pénuries, elle s’accompagne généralement de recompositions culturelles, religieuses et
identitaires. Plantes et paysages végétaux peuvent constituer des sources de l’histoire rurale en l’absence, le plus
souvent, d’informations émanant directement des sociétés paysannes. Aujourd’hui, plantes et paysages sont au cœur
des processus de patrimonialisation de la nature et des politiques d’espaces protégés. L’histoire de l’alimentation
s’appuie sur l’étude des plantes mais aussi d’autres ressources, comme le sel, le miel, les produits de la pêche, de la
chasse et de l’élevage. Et concerne d’autres objets de recherche tels que les manières de table, les différentes
cuisines, les consistances et les goûts. Ces questions, qui témoignent souvent d’échanges et de métissages, prennent
tout leur sens une fois resituées dans leur contexte socio-économique, politique et culturel. On s’intéressera ainsi à la
distinction entre nourritures quotidiennes, festives ou rituelles, aux rapports entre hiérarchies culinaires et
stratifications sociales, au clivage entre milieux ruraux et urbains… Sans oublier les crises alimentaires, qui ont
longtemps marqué certaines régions par leur récurrence et qui (ré)apparaissent aujourd’hui avec des composantes
nouvelles.
L’esclavage, les différentes traites et les formes de dépendance font l’objet de nouvelles approches
historiques et anthropologiques. Après une période où les études sur l’esclavage concernaient surtout la traite
atlantique, on assiste aujourd’hui, en Afrique de l’Ouest et au Maghreb, à un double déplacement. A l’intérêt pour la
domination économique de l’esclavage s’est substitué celui pour sa dimension morale (honte, absence de maîtrise de
soi) et religieuse (exclusion de l’islam). Le second déplacement concerne de nouveaux terrains de recherche :
esclavage interne aux sociétés lignagères (Côte d’Ivoire), aux sociétés côtières qui fournissaient les vivres de la traite
atlantique (Rivières du Sud), et à celui de l’espace transsaharien, du Maghreb au Sahel. Ainsi dans la région
Mauritanie/Sénégal/Mali, la stigmatisation « islamique », qui frappe les esclaves mais aussi les nomades (Touaregs...)
et les « castés », entraîne une surenchère dans la piété sous forme de l’affiliation à des ordres soufis inclusifs ou,
récemment, aux Salafistes (Mauritanie). Loin de former un ensemble homogène, les « esclaves » sont divisés en
multiples sous ensembles, dominés par des esclaves guerriers — armées noires du Maroc, Mamelouks dans les États
musulmans peuls —, et des Royal Slaves. Ce feuilletage identitaire, condition de la perpétuation de l’esclavage-
catégorie explique que les sociétés sahéliennes contemporaines sont autant post-esclavagistes que post-coloniales.
L’histoire de l’esclavage en Afrique centro-occidentale (région Congo-Angola) est d’habitude centrée sur la traite
atlantique, laissant dans l’ombre les formes d’esclavage et de dépendance internes aux sociétés africaines. Comment,
derrière le macro-récit de la traite, est-il possible d’identifier les mots pour dire l’esclavage ou la dépendance, ainsi
que les pratiques sociales et juridiques auxquelles ils renvoient ? Les réponses aux enquêtes ethnographiques sur « les
formes analogues de l’esclavage » (enquêtes commandées par la Société des Nations en 1936) permettent de
reconstituer les lexiques qui, dans les différentes langues africaines d’Angola, servaient à distinguer les subtiles
gradations entre esclavage et dépendance, ainsi que le mode de fonctionnement des institutions qui leur étaient
associées. En dépit des biais que comporte ce genre d’enquête, son étude critique permettra de révéler un univers
linguistique et social extrêmement riche et complexe. Dans un deuxième temps, ces éléments seront confrontés aux
sources plus anciennes (XVIIe-XIXe siècle) des archives de Lisbonne et de Luanda. L’objectif final est d’évaluer
comment les deux régimes de captivité, l’africain et l’atlantique, ont été reliés ou séparés. Cette recherche s’intègre
dans un projet international, financé par la Fundação para a Ciência e Tecnologia de Lisbonne. Les partenaires
portugais développent la même méthodologie pour le Mozambique. Dans l’avenir, ce projet pourra s’élargir à d’autres
espaces et à d’autres chercheurs. Dans ce domaine, l’Afrique orientale est longtemps restée dans l’ombre des débats
historiographiques, centrés sur l’Afrique de l’Ouest et l’espace atlantique. Elle inclut la région des Grands Lacs, la
Corne de l’Afrique, la côte orientale et Madagascar, ainsi que des prolongements en direction de l’océan Indien, de la
mer Rouge et des Mascareignes. Outre la réévaluation des réseaux de traite, il s’agit d’éclairer la diversité — et la
complexité —, des formes de la dépendance et leur articulation tant avec les dynamiques externes qu’internes. Aussi
ces problématiques seront-elles systématiquement étudiées en rapport avec les évolutions sociales, politiques et
démographiques des zones concernées. Le marronnage, les résistances ainsi que les formes de dépendance et de
travail contraint, postérieures à l’abolition, seront également abordés. Deux régions feront l’objet de travaux
approfondis : l’Ouganda et le littoral swahili. Un volet est notamment consacré à l’étude des traites française et
omanaise entre 1750 et 1810. A ce sujet, deux points forts sont à souligner : une collaboration en cours avec le Centre
for Research on Slavery and Indenture (University of Mauritius) de l’Île Maurice, ainsi que l’élaboration de la première
base de données exhaustive des voyages de traite française sur la côte swahili.
Les études sur l’histoire et la mémoire de l’empire portugais concernent essentiellement le patrimoine
matériel et immatériel des civilisations cosmopolites africaines et indiennes, ainsi que sa résonnance toujours actuelle
dans les pratiques et les imaginaires. Une approche se focalisera sur les dynamiques transcontinentales de la mémoire
et de la transmission des cultures entre les océans Indien et Atlantique, dans les lieux d’implantation de l’empire
portugais aux XVIIIe et XIXe siècles. Elle portera sur la valorisation patrimoniale de la mémoire historique des
migrations, à des fins d’application pratique —muséales, scientifiques et économiques — dans les espaces africains et
indiens, et à partir d’études comparatives sur le patrimoine bâti, en particulier privé. Ces analyses concerneront les
espaces coloniaux (Goa, Benguela, Rio, Bahia) y compris les espaces insulaires (Sao Tomé, Ilha de Moçambique, Diu,
Madeira) qui présentent un métissage d’influences. L’autre approche est relative aux traces encore vivantes de