HAD : la voie du contrat doit être systématisée pour développer les

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« HAD : la voie du contrat doit être systématisée
pour développer les coopérations entre acteurs de santé »
Café nile avec Elisabeth Hubert, mercredi 2 décembre 2009
Présidente de la Fédération Nationale des Etablissements d’Hospitalisation à Domicile (FNEHAD) et
ancien ministre de la santé, Elisabeth Hubert a aussi situé le thème de la rencontre dans le
prolongement des débats sur la loi HPST. C’est au cours de ces débats qu'elle avait attiré l’attention
de la représentation nationale sur l’intérêt accru de l’hospitalisation à domicile dans un système de
santé voulu plus fluide. La direction tracée par HPST est en effet celle d’un décloisonnement du
système de santé : les frontières historiques entre l’hôpital et la ville, le médico-social et le sanitaire
sont désormais plus poreuses, du moins sur le papier.
Olivier Mariotte n’a pas manqué de souligner que les 30Md€ de déficit prévus pour 2010 (dans la
LFSS récemment votée) l’étaient malgré un ONDAM presque parfaitement tenu. La voie est donc
ouverte à de nouvelles solutions de soins. Dans ce contexte, l’HAD est évidemment un secteur
précurseur.
« Il faut corriger l’image de l’HAD dans l’opinion publique et médicale : elle est en effet encore trop
confondue avec le maintien à domicile des personnes âgées et à l’état de dépendance de cette
population.» souligne Elisabeth Hubert. « Seule la moitié des patients en HAD a plus de 60 ans, 25%
ayant plus de 75 ans. La porte d’entrée de l’HAD n’est pas tant la dépendance que l’état pathologique
(polypathologique grave bien souvent). Cela explique la prévalence du cancer et des maladies
neurodégénératives parmi les patients concernés et ce pour plus des 2/3 des prises en charge. Les
autres patients sont polypathologiques souvent il est vrai âgés, et sont en HAD car souffrant tout à la
fois d’un diabète, des séquelles d’un accident vasculaire cérébral, ils sont brutalement atteints d’une
infection bronchique aigue qui aurait justifié leur hospitalisation en hôpital ou clinique »
L’HAD est un dispositif sanitaire qui ne fait pas l’impasse sur le social (toutes les HAD ont en leur sein
une assistante sociale). À l’heure d’HPST, il peut passer pour un modèle de décloisonnement et
d’efficience, puisque son cœur de métier est la coordination des soins, la coordination de
professionnels divers et variés dans l’intérêt du patient. Elle fait typiquement intervenir infirmiers,
kinésithérapeutes, aides-soignants, psychologues, parfois diététiciens, orthophonistes,
ergothérapeutes, cette équipe intervenant sous l’égide de personnels salariés de coordination,
médecin et infirmière et en totale coopération avec le decin traitant. Il n’est, en effet, pas possible
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de prendre en charge un patient en HAD sans l’accord formel du médecin traitant, appelé à visiter
ses patients à domicile.
Pluridisciplinariet coordination sont des caractéristiques essentielles de l’HAD. Mais cette offre de
soins exige également capacité d’anticipation et partage des informations. En effet, il faut savoir
anticiper les évolutions de l’état et/ou de la souffrance du patient pour pouvoir y remédier en temps
et en heure. Enfin les professionnels intervenants doivent parfaitement connaitre les éléments
relatifs aux soins et aux prescriptions des patients et donc être en situation d’échanger en temps réel
toute information. C’est pour cela que l’HAD s’efforce d’être en pointe sur le sujet de la
télémédecine.
L’HAD a vocation à s’articuler avec les pôles et maisons de santé, notamment en milieu rural ou semi-
rural. Si ces structures devaient s’organiser pour prendre en charge notamment les patients souffrant
de pathologies chroniques nécessitant des soins de suivi, l’HAD travaillerait en coopération avec ces
dispositifs en se centrant sur la prise en charge à domicile des malades les plus lourds et les plus
gravement atteints. En amont, le raisonnement est assez similaire: par son existence l’HAD peut
permettre à l’hôpital de se concentrer sur les actes techniques à forte valeur ajoutée. Le suivi et les
séjours peuvent être opportunément effectués en HAD mais aussi par les Services de Soins Infirmiers
à Domicile (SSIAD), les établissements de Soins de Suite et de Rééducation (SSR), le choix de l’un ou
de l’autre étant établi en fonction des besoins de soins du patient et de son souhait d’être ou non à
son domicile . Une telle réorganisation aurait de bonnes chances de réduire les déficits de la Sécurité
sociale : une HAD coûte à l’Assurance maladie 200€/jour en moyenne tandis qu’un séjour en hôpital
lui coûte 750€.
Questions de la salle
Yannick Motel (Président du syndicat des Entreprises des systèmes d'information sanitaires et
sociaux LESISS) : depuis 2004, date de la première insertion dans la loi du terme « télémédecine »,
rien n’a été fait au plan institutionnel. Comment pouvons-nous espérer que le travail va se
poursuivre ?
Elisabeth Hubert : « notre tort collectif (tort national en fait) est d’avoir surinvesti le dossier médical,
avec les conséquences que l’on connaît. Les matériels requis existent, mais notre principal souci est de
les faire fonctionner partout sur le territoire. Les HAD en Lozère ou dans l’Aude souffrent de quelques
déficits de télémédecine, pour cette excellente raison que les télécommunications y sont médiocres. »
Alain Clergeot (DG de Chugai) : j’aimerais autant que l’on parle d’e-santé plutôt que de
télémédecine, puisque le premier terme suggère l’interactivité (celle qui est possible dans le Web
2.0), ce qui n’est pas négligeable, même par les médecins !
Elisabeth Hubert : « sans doute, cela dit le problème sur lequel nous butons n’est pas un problème de
définition mais bien plutôt un manque de moyens. J’en suis venue à admirer ce qu’ont mis en place les
pharmaciens dernièrement (dossier pharmaceutique), ce qui rend plus criant l’enlisement du DMP»
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Charles Descours (sénateur honoraire) : combien y a-t-il d’établissements d’HAD ? Combien de
patients représentent-ils?
Elisabeth Hubert : « on dénombre environ 250 établissements d’HAD opérationnels qui accueillent
chaque jour 9000 patients. C’est trop peu, d’autant plus qu’un objectif de 15 000 patients en 2010
avait été fixé il y a quelques années. Cela dit, l’objectif était assez empirique. Il y a évidemment des
opportunités de croissance supplémentaires; nous sommes d’ailleurs assez satisfaits de nos efforts
récents pour étendre l’HAD à tous les départements de France. Le département du Gers, dernier vide
dans notre maillage, aura un établissement HAD vraisemblablement opérationnel dans les mois à
venir.
Notre grande faiblesse est le rayon d’action encore trop réduit de nos établissements, installés dans
les chefs-lieux des départements ou dans des zones urbanisés. Ces établissements ont souvent des
difficultés à prendre en certains patients isolés distants de parfois une bonne heure de l’HAD ; si les
technologies d’e-santé appropriées se généralisent, cela facilitera leurs tâches.
Nous avons une étude médico-économique pour tâcher de déterminer l’économie dont nos services
font profiter l’Assurance maladie : pour l’heure nous pesons 575 M€ dans ses comptes (moins d’1% du
coût global de l’hospitalisation). Nous aimerions que l’étude prenne également en compte d’une
manière ou d’une autre le bénéfice en termes de qualité de vie que représente l’HAD pour le patient.
Les économistes s’intéressant de plus en plus à ces mesures qualitatives, une telle représentation n’a
sûrement rien d’insurmontable.
Il reste encore des marges de progrès qui ne dépendent que de nous, mais pour le reste notre
croissance est encore bloquée par certaines réticences notamment du corps médical. Ainsi à l’hôpital,
des praticiens craignent que nous ne leur prenions « leurs » patients, car ils craignent pour la survie
ou le dimensionnement de leurs services. »
Olivier Mariotte (nile): l’HAD a-t-elle vocation à entrer dans les communautés hospitalières de
territoire (CHT) ? Quid de la contractualisation ?
Elisabeth Hubert : « la question est complexe mais cruciale. Il existe des établissements d'HAD publics
et d’autres privés (entre autres des associations) ; les HAD publics ont pleinement vocation à entrer
dans les CHT, celles ci étant destinées à fédérer les structures. Par contre les 45% d’HAD de droit privé
qui réalisent 68% des interventions d’HAD ont vocation à coopérer avec les CHT, pas à s’y intégrer. Le
meilleur outil de cette coopération est le contrat, ce qui n’a rien de novateur pour ces structures.
Pour ce qui est des pôles de santé, les HAD quelles qu’elles soient ont vocation à s’y insérer, quant
bien même leur rayon d’action (leur «zone de chalandise») correspondra à un territoire beaucoup plus
large que celui du pôle de santé ou de la maison de santé concernés. Cela plaide évidemment contre
l’intégration pure et simple. »
Bernard Huynh (CSMF Île-de-France) : votre besoin fondamental est d’avoir à votre disposition des
médecins libéraux généralistes disposés à faire des visites à domicile. A mon sens, la convention
médicale décourage au maximum les visites. Le problème est-il réductible à un problème de
rémunération ?
Elisabeth Hubert : « Lorsque la T2A a été mise en place, l’intégration des honoraires des médecins
traitants a été limitée aux HAD publiques et PSPH. Cela a vocation à changer car le médecin traitant
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est un membre de cette équipe qui prend en charge le malade à domicile, cela justifiant qu’il soit payé
par l’HAD. Par contre, cela nécessitera que nos tarifs soient modifiés à la hausse.
Un cinquième des hospitalisations à domicile est prescrit par des libéraux généralistes. Il s’agit
d’ordinaire de médecins qui ont vu certains de leurs patients à qui étaient prescrits une HAD par un
confrère hospitalier et ont alors coordonné les soins en tant que médecin traitant. Ils en ont perçu les
avantages et l’intérêt. Bien souvent, ces médecins deviennent ensuite des prescripteurs d’HAD de
première intention. En la matière, c’est le premier pas qui coûte et ce d’autant plus que bon nombre
de libéraux généralistes ont peur de la complexité des patients en HAD, patients lourds et difficiles car
poly-pathologiques. C’est au nom de ce besoin de soutien et de férence que nous choisissons nos
médecins coordonnateurs parmi les praticiens ayant acquis des expertises en soins palliatifs, en prise
en charge de la douleur etc …. .
Parfois, nous butons sur des réticences déroutantes de la part des médecins, dans les zones de désert
médical, justement des praticiens débordés pourraient se décharger d’une bonne part de leur
fardeau sur l’HAD. Ces médecins estiment pouvoir se débrouiller sans notre expertise. Ici et plutôt
dans les grandes villes, des médecins acceptent que leurs patients soient suivis en HAD mais refusent
tout net de rendre visite aux patients. Ce genre de réactions est dangereux car peut conduire à
l’avenir à recourir à des médecins salariés. Mais telle n’est pas la direction dans laquelle nous
souhaitons aller et nous devons et voulons travailler avec les syndicats de médecins pour déblayer les
obstacles sur notre chemin. »
Gilles Rault (Pédiatre Hospitalier, Centre de Référence pour la Mucoviscidose du Grand Ouest) : je
connais bien la problématique du maintien au domicile des patients, puisqu’il y a bientôt vingt ans
que nous avons importé du Québec un système bien spécifique à destination des enfants affectés par
la mucoviscidose. Je me souviens fort bien des réticences de mon conseil d’administration lorsque
j’ai proposé de faire sortir certains patients du centre : il lui semblait alors que le « fonds de
commerce » était en train de disparaître.
Notre organisation étant vouée à la prise en charge d’une affection bien spécifique, il est devenu
difficile de se réorganiser pour s’associer à des établissements d'HAD, qui eux sont généralistes par
définition. Et ce d’autant plus qu’il n’y a pas l’ombre d’un commencement de convergence public-
privé dans le secteur médico-social : ici, les conflits larvés entre les établissements nuisent aux
patients. En vous écoutant, j’ai été favorablement impressionné par la capacité de vos
établissements à prendre en charge des pathologies très lourdes. Je suis assez tenté par les formules
associatives (de droit privé) d’établissements d'HAD, même si je regrette que les établissements
PSPH soient dans ce domaine assez peu nombreux. Plus que tout, ce qui me rebute est le manque
d’outils de contrôle et d’information performants, une véritable honte pour un système de santé
aussi développé que le nôtre.
Elisabeth Hubert : « la pédiatrie n’est pas le point fort de l’HAD. A tort évidemment, car qui mieux
qu’un enfant malade a vocation à rester à la maison ? La pédiatrie relève de compétences bien
particulières, moins nérales que celles décrites dans mon discours d’introduction. Cette
spécialisation des soins a un coût, et ce coût s’inscrire difficilement dans nos modèles actuels d’HAD
(puisqu’une de ses raisons d’être est son moindre coût que l’hospitalisation « dans les murs »). En fait,
pour effectuer une prise en charge globale de patients polypathologiques, nous avons besoin de nous
appuyer sur ceux qui possèdent des compétences spécialisées. Les réseaux ont ce rôle de formation,
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de pédagogie et de support à nos propres besoins. Quant à la concurrence avec ces réseaux, nous ne
sous situons pas sur ce terrain car, ne l’oublions pas, nous sommes astreints à des standards, normes
obligations et règlements (certification) qui sont ceux d’un établissement hospitalier et que ces
réseaux eux n’ont pas.
Pour ce qui est des batailles de p carré, elles ont tendance à se calmer depuis que l’idée des
résultats prétendument importants de l’HAD a été relégué au niveau du fantasme. Les coûts n’ont en
effet pas cessé d’augmenter avec l’amélioration constante de la qualité et l’embauche concomitante
de professionnels compétents. Lorsque des initiatives publiques et privées convergent sur un même
territoire, le mode associatif est une bonne solution pour les réunir et forger une offre de soins
valable. J’ose espérer d’ailleurs que les ARS cesseront de sacraliser les GCS et reconnaitront la force du
contrat liant les établissements hospitaliers traditionnels et les structures d’HAD quelles soient
associatives ou privées. Encore une fois, nous ne pourrons que bénéficier de relations plus cordiales
entre l’hôpital et la ville.»
Didier Vignon (Président du fonds d’action-formation des professions médicales FAF PM) : la
proportion des patients vouée à l’HAD par leur médecin traitant augmente-t-elle ?
Elisabeth Hubert : « un patient sur cinq d’HAD est adressé par son médecin traitant. Typiquement, il
s’agit de soins palliatifs. »
Régis Volle (Président de la Fédération nationale des insuffisants rénaux - FNAIR) : en raison d’un
arrêté de 2006 (qui considère que la dialyse est un traitement de confort), il arrive dans certaines
régions que les demandeurs d’assistance paramédicale pour l’auto-dialyse en soient réduits à se
rendre dans de grands centres hospitaliers pour obtenir cette aide. Comment expliquez-vous que les
infirmières libérales ne puissent fournir ce service ni en HAD ni autrement ?
Elisabeth Hubert : « je ne connais pas spécifiquement le problème de la dialyse à domicile. Vous allez
dire que je joue sur les mots, mais il s’agit d’une alternative à l’hospitalisation, non pas d’une HAD.
Même si celui qui peut le plus peut le moins, nous n’avons pas à pratiquer la dialyse car elle n’entre
pas dans le panel d’activités reconnues comme étant de l’HAD. Ces questions de rémunérations
statutaires sont assez frustrantes, car elles empêchent effectivement la mise en œuvre de dispositifs
pourtant moins chers et parfois plus satisfaisants pour les malades. Votre organisation et la nôtre ont
tout intérêt à coopérer pour faire émerger des formes de paiements forfaitaires qui permettraient au
personnel libéral de dispenser les soins requis en obtenant une rémunération suffisante ; en milieu
rural, la démographie paramédicale ne peut que compliquer ce genre de problèmes si aucune solution
n’émerge
Jean-François Thébaut (Président du Syndicat National des Spécialistes des Maladies du Cœur et des
Vaisseaux - SNSMCV) : êtes-vous ouverte à une contractualisation branche par branche avec les
médecins spécialistes ? Les outils d’e-santé permettent-ils que les spécialistes interviennent plus en
HAD ?
Elisabeth Hubert : « nous faisons intervenir des médecins spécialistes si et seulement si nos patients
polypathologiques ont une affection nécessitant l’aide d’un spécialiste. Quant aux patients souffrant
d’une affection lourde mais bien spécifique, ils peuvent être pris en charge par des structures
spécialisées, dispositifs plus légers et moins chers que l’HAD et en l’occurrence mieux adaptés. »
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