2. Les problèmes de la bioéthique moderne qui se sont posés avec la
médecine de procréation et qui préoccupent les législateurs au même titre que les
problèmes classiques de l’avortement et de l’euthanasie, qui existent depuis qu’il y a
des hommes, la recherche sur les cellules souches embryonnaires, le clonage et le
diagnostic préimplantatoire soulèvent eux aussi une série de questions qui
échappent aux perspectives courantes de la théologie morale et qui appellent des
réponses de l’éthique sociale. Déjà la procréation assistée sous la forme de la
fécondation in vitro ou de l’injection intracytoplasmatique de sperme va à
l’encontre d’un préalable essentiel des relations humaines interpersonnelles: à savoir
le principe de l’égalité. L’enfant qui naît de cette façon est assurément désiré de ses
parents. Cela ne le différencie pas de la plupart des enfants procréés naturellement.
Mais, à la différence de ceux-ci, il n’est pas le fruit d’un acte d’amour conjugal, lequel
est assurément souhaité, mais qui ne peut jamais se réaliser: il est le produit d’un
spécialiste de la procréation et de la volonté des parents qui s’en remettent à lui.
Kant dirait qu’il est leur «fabrication». Son origine est due à une disposition et à un
savoir dominateur, à une «raison instrumentale» (M. Horkheimer) ; c’est la poiesis
que Aristote distinguait déjà nettement de la praxis, laquelle est l’agir juste de
l’homme en considération de son but ultime. Or en tant que fabrication, l’homme se
trouve dans une dépendance existentielle par rapport à ceux qui le fabriquent. Le
commencement de son existence se fait sous la réserve de la volonté de ses parents
et du savoir du technicien de la…procréation. Cela vaut de toute fécondation in vitro,
donc pas uniquement de celle qui est liée à un diagnostic préimplantatoire. Cette
existence conditionnelle est en contradiction avec la symétrie des rapports, un
préalable essentiel pour des relations interpersonnelles et des rapports égalitaires
entre des personnes. Elle est en contradiction avec son égalité fondamentale tout
comme avec sa liberté. Elle enfreint ainsi le principe de la justice, condensé dans la
règle d’or, selon laquelle chacun demande à être reconnu par son prochain «non pas
parce que son existence répond à un désir ou au bon plaisir de ces autres …, mais
au prix de sa seule existence». L’insémination artificielle est donc en contradiction
non seulement avec le principe d’égalité, mais encore avec la garantie de la dignité
de la personne humaine, même si l’être humain produit artificiellement devient
l’enfant aimé de ses parents et possède en tant que concitoyen, les mêmes droits et
les mêmes devoirs que tout autre.
3. En fin de compte, la recherche sur les cellules souches embryonnaires
soulève encore non seulement des problèmes de théologie morale, mais aussi
d’éthique sociale. Elle se sert de ce que l’on appelle des embryons «surnuméraires»
ou «orphelins» qui proviennent de la fécondation artificielle et qui, quelles qu’en
soient les raisons, n’ont aucune chance d’être l’objet d’un transfert dans un utérus.
Elles passent pour être une ressource de matière première pour le développement
de nouvelles thérapies pour des maladies jusqu’ici incurables. La Doctrine sociale de
l'Église tout comme la théologie morale critique un tel recours à des embryons
congelés, parce qu’elle constitue une instrumentalisation de l’homme, qui est une
atteinte autant à la dignité de cet être humain dès sa toute première étape qu’au droit
à la vie. Ce que l’on appelle l’éthique de l’art de guérir comporte toujours, tout
comme le droit de la liberté de recherche, une limite qui résulte du droit à la vie de