Mais, depuis Inge, le néoplatonisme anglais n’est point clérical (Armstrong fut anti-
clérical, et Dodds athée) et en règle générale, il a privilégié Plotin.
Le contraire est vrai du néoplatonisme français et ceci est en parfaite continuité avec
son caractère sacerdotal.
C’était l’irrationalisme (dans la caractérisation qu’en
propose Dodds, du moins, car nous devons une autre description, plus positive, à
Trouillard et à Hadot) chez Jamblique et ses disciples, qui a attiré les catholiques. Après
Porphyre, les néoplatoniciens ont non seulement localisé la philosophie à l’intérieur de
la théologie, mais aussi ont-ils situé la théologie à l’intérieur d’une vie spirituelle qui
dépendait de la théurgie pour toute union avec le principe de la pensée au-dessus de
toute compréhension intellectuelle. L’Un de Plotin est au-dessus du
Nous
et constitue le
but d’une
henosis
mystique, mais en raison de son enseignement psychologique
particulier, la pratique religieuse n’est ni primordiale ni essentielle.
Une philosophie pour laquelle la raison est dépendante de la théologie, et la théologie
enracinée dans une spiritualité qui relève de l’élévation du théurge, comporte un intérêt
évident pour le clergé. Mais, dans les circonstances du catholicisme dans la seconde
moitié du vingtième siècle, cet intérêt fut lié à une nécessité. En 1960 les théologiens
écrivaient au sujet de
La Crise de la raison dans la pensée contemporaine
. Si oui ou non
cette crise existait en dehors des cercles philosophiques et théologiques, elle était
certainement d’actualité au sein de ces groupes. Parmi les philosophes-théologiens, il y
avait une réaction contre une philosophie aristotélico-thomiste. Ceci a mené à
l’adoption de la critique heideggerienne de l’onto-théologie et à une demande pour les
alternatives néoplatoniciennes.
Trouillard a contribué aux études plotiniennes avec
La procession plotinienne
publié en
1955. Pour lui, comme pour Festugière et Hadot, “Plotin est surtout un mystique”.
Alors que ce mysticisme appartenait à l’auto-négation critique de la raison que la crise
contemporaine requérait, ce n’était qu’après 1956 seulement, lorsque Trouillard est
passé à l’étude de Proclus, qu’une nouvelle structure théologique a pu se profiler.
Trouillard a entrepris d’abord une révolution par le biais d’une hénologie proclienne en
tant que substitut pour l’ontologie aristotélico-thomiste. La portée de ce “radicalisme
néoplatonicien” élaboré par “la triade néo-platonicienne de France” aux années 60 se
résume dans ces mots de Stanislas Breton: “Ce qu’ils ont inauguré, sous les apparences
d’un retour au passé, c’est bel et bien une manière neuve de voir le monde et d’y
intervenir, de pratiquer la philosophie, de comprendre le fait religieux, en sa forme
chrétienne, comme en son excès mystique; puis, et j’ai hâte de l’ajouter, de relier le vieil