confondre avec cette tendance, culmine dans les nus de Rembrandt qui sont pénétrés de pitié
chrétienne : l’acceptation chrétienne d’un corps qui n’est pas beau est le privilège d’une âme
chrétienne. La Bethsabée de Rembrandt (Louvre) trahit ses sentiments par son attitude et
l’expression de son visage, tandis que le même sujet, traité par Rubens (Dresde), fournit
seulement l’occasion d’exposer les appâts d’un corps féminin. Et dans une gravure de Diane
(British Museum), Rubens a représenté le nu flasque d’une femme mûre, avec tous les menus
sillons imprimés sur la chair par le costume féminin très compliqué de l’époque du peintre –
jarretières, corset, rubans des manches. Dans les pays du Nord, la convention gothique, qui ne
visait pas à une beauté pure, mais exploitait les aspects les moins gracieux du corps humain –
voire les pieds larges et plats – pour en tirer une arabesque bizarre, favorisait le réalisme. Les
nus féminins de Cranach ne sont pas des parangons de beauté, mais ils possèdent une âpre
élégance qu’on peut retrouver dans le Nu bleu de Matisse.
PAYSAGE (peinture)
. Le paysage qui n’est pas une production artisanale ne décrit pas en effet l’ambiance naturelle,
mais il en fournit une interprétation et procède à un choix (partiel et orienté sous un certain angle,
même lorsque le but fixé est de donner une représentation exacte et documentaire de la nature);
il est constitué par le regroupement significatif d’éléments dont certains sont parfois plus
importants (arbres, villes, montagnes, effets atmosphériques). Le style du paysage en Chine, en
Hollande et à l’époque romantique, spécifie des genres à l’intérieur même de l’art du paysage ; on
ne peut les confondre, pas plus qu’on ne se méprend sur la différence entre un portrait et une
image de dévotion.
l’art du paysage est sensible à l’exactitude de l’espace à représenter. Il utilise des instruments
optiques, tout au moins au début : perspectives, chambre obscure (camera oscura ), modèles
construits, études sur la lumière et les reflets, de Léonard de Vinci, analyse des couleurs, de
Goethe à Mach ; le paysage constitue alors en raccourci une manière de reproduction scientifique
du monde, assumant un caractère de documentaire fidèle et permanent. Mais, en procédant
ainsi, il crée à l’intérieur de lui-même une tendance à détruire les limites topographiques, en
élargissant jusqu’à une dimension cosmique la vision en profondeur et en étendue, en soulignant
la variation de certains éléments (vent, nuages, eaux, brouillards, éclairages inhabituels) : il
devient donc une métaphore de l’infini et fait passer le spectateur du plaisir qu’il éprouve à
s’évader de son monde habituel ou à revoir ce qu’il connaît déjà à l’inquiétude qui naît du mystère
et de l’inconnu.
Intervient, en outre, le problème de la représentation de la distance qui trouve des solutions, non
seulement grâce à la modification des dimensions des objets présentés (plus grands au premier
plan, plus petits au fond, à moins que n’interviennent des modifications de caractère symbolique),
mais surtout grâce aux atténuations de couleur (en général les teintes sont plus froides et moins
saturées pour les lointains), et enfin par l’utilisation d’un point de vue relativement élevé
(permettant une perception synthétique du paysage lui-même, comme si on le voyait du haut
d’une colline). Ces techniques furent plus ou moins élaborées par les différentes civilisations :
elles connurent leur apogée en ce qui concerne la perspective en Europe au XVe et au
XVIe siècle, et en ce qui concerne les techniques de la dégradation chromatique et la création de
plans successifs dans l’art oriental et dans l’art européen des XVIIe et XVIIIe siècles.
Le paysage a servi de point de départ à une recherche spécifique dont les problèmes étaient en
partie liés à ceux de l’optique mais conservaient néanmoins un caractère particulier. Cette
recherche porte fondamentalement sur trois points : la façon de se placer en contact émotionnel
avec la nature ; l’étude des effets particuliers dus à la réfraction du soleil et des ombres et à leur
variabilité ; la façon d’articuler la vue en plans successifs, c’est-à-dire selon différents niveaux
capables de suggérer un espace tridimensionnel ou un équilibre plus précis dans le domaine de
la composition.