Comment peut-on éviter la récidive des
calculs urinaires ?
Par Jean-Luc Nothias Mis à jour le 16/10/2011
La réponse de Olivier Traxer, responsable du comité lithiase de l'Association française d'urologie
(Hôpital Tenon Paris XXe - Université Pierre et Marie Curie Paris-VI).
Les caractéristiques épidémiologiques des calculs urinaires sont en perpétuelle évolution et
traduisent les modifications des habitudes alimentaires, des conditions sanitaires (infections
urinaires), des facteurs d'environnement (climat chaud) ou de la prévalence des pathologies qui
prédisposent au risque de calculs comme le diabète ou l'obésité. En France, les calculs urinaires
atteignent au moins 10% de la population, avec une nette prévalence masculine (environ deux
hommes pour une femme). Ils touchent essentiellement la population de 40 à 50 ans et sont
beaucoup plus rares chez l'enfant. Les calculs urinaires sont responsables d'environ 100.000
coliques néphrétiques annuelles (douleurs violentes), traitées par 50.000 lithotripsies et 38.000
urétéroscopies.
En l'absence de mesures de prévention, la récidive d'un calcul urinaire est quasi inéluctable. On
estime que le risque de récidive est de 30 à 40% à cinq ans et de 50 à 70% à dix ans. Cette
récidive surviendra plus facilement si la maladie a commencé chez un sujet jeune (avant 30-40
ans). Les facteurs de risque sont essentiellement liés à notre diététique qui est aujourd'hui trop
riche en protéines, sel, sucres, graisses, sodas et trop pauvre en fruits, légumes et produits
laitiers.
Depuis vingt ans, les concepts du traitement médical et de la prévention de la lithiase rénale se
sont considérablement modifiés. Ils reposent sur une enquête étiologique (recherche des causes)
indispensable pour chaque patient lithiasique. Elle comprend l'analyse du calcul urinaire s'il a été
récupéré, un bilan sanguin et urinaire et une enquête diététique.
La nature des calculs en France s'est complètement modifiée depuis cent ans avec aujourd'hui
une prédominance de la lithiase oxalo-calcique. Ce sont les modifications des habitudes
alimentaires qui expliquent ces changements de nature des calculs. L'enquête diététique
représente donc un moment important pour la mise en place des règles hygiéno-diététiques qui
permettront, si elles sont suivies par le patient, de prévenir les récidives. Dans la majorité des
cas, il ne s'agit pas d'un régime alimentaire, au sens restrictif du terme, mais d'un réajustement
des habitudes alimentaires. La prescription d'un traitement médicamenteux est rare et sera
discutée après que les règles diététiques soient respectées par le patient. En aucun cas, un
traitement médicamenteux ne peut remplacer les efforts à faire sur les habitudes alimentaires.
L'enquête alimentaire doit renseigner sur les habitudes du patient présentes plusieurs mois et
années avant la découverte des calculs. Les excès alimentaires et plus encore le défaut de boisson
constituent les facteurs principaux des calculs urinaires. En fonction des résultats de cette
enquête, les règles diététiques suivantes seront alors discutées et adaptées à chaque patient.
Les boissons
L'absorption de boissons abondantes de manière à diluer les urines et de les amener au-dessous
du seuil de cristallisation des sels calciques est un principe fondamental de la prévention des
récidives des calculs urinaires. Il n'est pas toujours facile pour les patients de savoir quelle eau de
boisson ils peuvent absorber. Il faut alors informer les patients sur les différences entre l'eau de
distribution publique («eau du robinet»), les eaux minérales et les eaux de source. Mais le
message essentiel reste la quantité de boissons qui doit approcher 2 litres afin d'assurer une
diurèse (volume des urines quotidiennes) d'environ 2 litres. Lorsque ce volume urinaire est
atteint, le risque de cristallisation des urines est très fortement diminué, voire inexistant: on parle
de dilution des urines.
Autant que possible il faut essayer d'assurer une prise régulière des boissons sur toute la journée
en privilégiant l'eau, seule boisson indispensable! Un verre de jus d'orange de 150-200 ml (pas
plus en raison du sucre) est également régulièrement conseillé pour ces effets protecteurs sur la
lithiase d'oxalate de calcium. La bière et les colas sont déconseillés.
Le calcium
Les produits laitiers sont indispensables pour une diététique normale et équilibrée. Dans le cadre
des calculs urinaires, ils restent indispensables et il ne faut surtout pas les supprimer comme cela
a été recommandé par le passé. Il s'agissait d'une grave erreur. Les apports doivent donc être
maintenus entre 2 et 3 produits laitiers par jour, en considérant qu'un yogourt, un morceau de
fromage de 30 g ou un verre de lait (120 ml) représente un produit laitier chacun. La
recommandation est donc de prendre un produit laitier par repas.
Le sel alimentaire
Il existe une relation directe entre la survenue de calcul urinaire et la consommation de sel
alimentaire. De nos jours, les Français consomment trop de sel, environ 10 grammes par jour et
par habitant alors que cette consommation ne devrait pas dépasser 6 g/jour. Le combat contre le
sel alimentaire est difficile car notre alimentation de type occidental est très riche en sel. Il n'est
pas recommandé de «manger sans sel» mais il faut saler le minimum (pour la cuisson), éviter les
aliments très salés (soupes et cuisine industrielles, charcuterie, moutarde…) et surtout éliminer
les salières de la table! Les patients doivent se «réhabituer» à manger «peu salé».
Les protéines animales
Comme pour le sel, les protéines animales (viandes blanches et rouges, poissons, œufs,
charcuterie) favorisent la survenue de calculs urinaires si elles sont consommées en excès. On
parle d'excès lorsque les protéines animales sont présentes à plus d'un repas par jour. En clair si
un patient a consommé de la viande, du poisson ou des œufs au repas de midi, pour son dîner, il
ne devrait pas consommer à nouveau ces aliments ou les remplacer par de la charcuterie. En
termes de protéines animales, le poisson est aussi délétère que la viande, en termes de graisses le
poisson est meilleur!
Il est également recommandé d'éviter les sucreries et la consommation régulière d'alcool.
Enfin, certains aliments très riches en oxalate (composé d'origine végétale qui s'associe au
calcium dans les urines pour former les calculs d'oxalate de calcium) doivent être évités ou au
moins très fortement limités. Il s'agit en tout premier lieu du chocolat et plus encore le chocolat
noir (l'oxalate est contenu dans le cacao). La consommation régulière et de façon trop abondante
de chocolat est donc fortement déconseillée (1 à 2 carrés par jour reste acceptable). Il en est de
même pour le thé (principalement le thé vert), le poivre, les colas, les noix et noisettes, les
cacahuètes, le brocoli, les épinards, l'oseille, la rhubarbe.
En conclusion, la mise en évidence des facteurs de risques de la lithiase rénale permet
désormais d'instaurer les mesures de «réajustement diététique». Il ne s'agit pas à probablement
parler d'un «régime» mais plutôt d'une rééquilibration, d'un réapprentissage des bonnes règles
diététiques. Cette enquête et les mesures qui en découlent devraient être proposées
systématiquement à tout patient ayant présenté ou présentant des calculs urinaires. Elles sont
essentielles, indispensables et simples à mettre en œuvre pour lutter contre la récidive des calculs
urinaires.
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