lire la suite

publicité
De l’Aide au Développement à l’Aide au Climat
(par Calixte Baniafouna)
Oubliée, l’aide au développement : ça c’était avant ! Le climat, c’est maintenant !
Samedi, 12 octobre 2015. Un Accord vient d’être signé par les 195 pays qui ont
participé à la COP21 à Paris. Objectif : limiter l’augmentation de la température entre
2 et 1,5 degrés au cours du siècle. L’Accord est couronné d’une aide de 100 milliards
de dollars annuels que les pays riches devraient mettre à la disposition des pays
pauvres à partir de 2020 pour faire face aux effets du réchauffement climatique.
L’annonce de la signature est suivie d’une scène de liesse, d’accolades, d’embrassades et de larmes de
joie de certains négociateurs. Comptent parmi les 195 pays au moins une dizaine de pays africains,
anciennes colonies françaises et producteurs de pétrole.
Du vin frais dans de vieux tonneaux. Le Congo de Sassou Nguesso (3 millions d’habitants, au pouvoir
depuis 31 ans et il en veut davantage !), le Gabon d’Ali Bongo qui succède au père Omar Bongo
Ondimba (1,6 million d’habitants, au pouvoir depuis 42 + 4 = 46 ans et il continue !), le Cameroun de
Paul Biya (22,3 millions d’habitants, au pouvoir depuis 33 ans de règne sans partage !), le Tchad
d’Idriss Deby (12,9 millions d’habitants, au pouvoir depuis 25 ans et ce n’est pas fini !)… Tous ces
chefs d’État, soutenus par l’Élysée - en l’occurrence par François Hollande dans la nouvelle donne
climatique - sont à la tête des pays qui ont chacun un tel niveau de ressources et une surface financière
suffisamment large qu’ils pouvaient impulser leur développement, même sans recourir à l’aide
extérieure. Ce n’est malheureusement pas le cas. Ils ne font qu’enfoncer leurs pays dans la pauvreté
proportionnellement à l’augmentation de leur fortune personnelle. Ils préfèrent plutôt voler et profiter
outre mesure des richesses de leurs États pour leur propre confort, celui de leurs familles et de leur
entourage. Ils font des achats coûteux et injustifiés, avec un train de vie hyper luxueux, au détriment
des hôpitaux, des écoles, des routes, de l’urbanisation du pays. Avec la quantité de pétrole qu’ils
produisent, ces pays auraient pu rivaliser avec les émirats du golfe. Au contraire des pays du golfe qui
évoluent, les leurs régressent chaque jour davantage. Comment faire confiance à des chefs d’État qui
ne veulent pas d’alternance et qui sont incapables de réaliser des travaux d’infrastructures basiques
(eau potable, électricité, canalisation, systèmes d’égouts), alors qu’ils en ont les moyens ? Oui,
comment faire confiance à ces chefs d’État pour mener la lutte contre le réchauffement climatique,
sinon que de prendre leur part sur les 100 milliards de dollars destinés à équilibrer les effets de
changements climatiques ? On serait naïf cependant de croire qu’avec ces mêmes dirigeants, François
Hollande (leur principal soutien) ignore tout de l’échec cuisant prévisible sur la lutte contre les
changements climatiques, échec qui ne sera visible que dans plusieurs années et qui incitera les pays
du Nord à trouver d’autre prétexte, à mettre sur la table l’enveloppe de dollars d’une autre couleur,
dollars toujours destinés à tirer par la corde raide tous les pauvres de la planète.
Acteur principal de la mondialisation du projet, François Hollande n’a pourtant pas hésité de soutenir
publiquement l’ami Sassou Nguesso, l’un des plus mauvais élèves à la réussite d’un tel projet. Est-ce
pour mieux faire jouer le jeu ou pour faire bénéficier à son ami sa part sur la prime de 100 milliards de
dollars annoncés ou encore pour toucher les rétrocommissions, que l’ami Hollande a décidé de le
maintenir au pouvoir contre la volonté de la majorité des Congolais ? Vous avez tout compris. Le
pétrole ne dérange pas que pour des effets climatiques. Il dérange aussi les esprits. Il abaisse la dignité
de l’homme et décrédibilise sa parole. Il fait changer d’opinion. Il pousse au rétropédalage de sorte
que celui qui promet ceci au début d’un mandat change d’avis au cours du même mandat. Le pétrole
corrompt. En tout cas l’ami Sassou Nguesso, qui a assisté à l’ouverture de la COP21 à Paris, est
reparti au Congo avec une petite idée derrière la tête : « 100 milliards de dollars ? ma part sera peutêtre de 500 millions de dollars, un terrible coup de pousse ! » Exactement comme il y a 36 ans quand,
la toute première fois qu’il accédait au pouvoir, on lui accorda l’Aide au Développement du Congo. Il
ne se plaint pas aujourd’hui d’en avoir mis plein les poches et d’avoir développé… son propre parc
mobilier et immobilier tant en France qu’au Congo ou au Maroc, ses richesses multiformes, ses
réseaux de la Françafrique qu’il faut soudoyer, etc.
Tant pis pour ceux qui qualifient de Biens mal acquis ce développement personnel. En attendant, c’est
grâce à ces Biens qu’il parvient à mater son peuple, à contenir le pouvoir de tous les locataires de
l’Élysée depuis Valéry Giscard d’Estaing jusqu’à François Hollande en passant par François
Mitterrand, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, et à mettre dans les rangs François Hollande qui a
osé faire semblant de l’ignorer dès son arrivée à l’Élysée. Et qui, aujourd’hui, traîne comme un
boomerang le référendum qui sacre l’ami Sassou président à vie. Avec les 100 milliards de dollars en
vue, l’ami Sassou a dû lorgner en plus un château en vente par-ci, un fabriquant d’armes bon
fournisseur par-là, un logiciel électoral de retournement matriciel ou un souteneur à l’Élysée même s’il
n’a rien à craindre des résultats de vote qui sont souvent connus à l’avance. Toute façon, c’est l’Élysée
qui ordonne, c’est l’Élysée qui fixe le cap. L’ami Sassou Nguesso le sait. Il suffit de faire bon usage
de sa part de prime sur les 100 milliards de dollars annuels qui commenceront à tomber dans les cinq
ans à venir. Il le sait d’autant qu’il sera toujours au pouvoir même si l’ami Hollande s’en allait de
l’Élysée.
Hier, l’« aide » aux Africains francophones était essentiellement d’origine française, même si le FMI
et la Banque mondiale y mettent de leur petit nez pour mieux enrhumer le développement.
Aujourd’hui, nouvelle formule. Mondialisée au nom du changement climatique, l’aide associe
désormais les Barack Obama dans la boucle. Un autre espoir déçu à ceux-là qui, voyant un semblable
parvenir à la tête du monde, rampaient de joie de voir leur sort enfin arrangé. Ceux-là qui, en deux
mandats du messie espéré, n’ont pu obtenir ni développement ni démocratie. Et qui, du Burundi au
Congo Brazzaville en passant par la République démocratique du Congo ou le Rwanda, assistent,
impuissants, leurs dictateurs modifier la Constitution pour s’éterniser au pouvoir sans que Barack
Obama, le président de la plus grande puissance du monde et qui avait pourtant donné l’espoir aux
peuples de ces pays, ne lève son petit doigt serait-ce pour dire « stop ! ».
Qu’il s’agisse de François Hollande ou de Barack Obama, la loi des intérêts des pays riches au
détriment des pays pauvres s’applique de la même façon. Tous les mêmes ! Obama, bientôt la fin de
règne – règle d’alternance démocratique oblige -, ne sera plus là quand tombera la première prime sur
le climat dans les escarcelles des représentants des pays pauvres d’Afrique qui, eux, seront toujours en
place, toujours les mêmes. En matière d’Aide au développement comme en matière d’Aide au climat,
les chefs d’État des pays donneurs sont interchangeables, ceux des pays receveurs africains sont
immuables dans leur parole comme dans leur action. C’est fait exprès, pour la raison de la cause – une
autre règle d’or ! Une leçon qu’au siècle des lumières africaines vite éteintes par les mêmes, des
Africains déjà éclairés comme Emery Patrice Lumumba avaient assimilée : le salut de l’Afrique ne
viendra ni de Paris ni de Washington et encore moins des palais africains mais des rues de Bujumbura,
de Kigali, de Kinshasa, de Brazzaville, de Libreville, de Yaoundé, de Bangui, de Ndjamena, de Lomé,
de Cotonou, d’Abidjan, de Niamey ou de Ouagadougou. Encore que… rien ne se fera sans l’union et
la conjugaison des efforts de toutes ces rues réunies ! Rien ne sera possible sans unité !
Les Africains devraient réfléchir par sept fois sur les raisons profondes qui ont fait jubiler à Paris les
plus grands pollueurs du monde. Est-ce le fait d’avoir vraiment réussi à faire signer l’Accord aux 195
pays présents dont une dizaine seulement sont en réalité concernés par ce qui s’affiche aujourd’hui
comme un fléau… sans savoir ce qu’il en sera demain ? Ou bien d’avoir réussi la COP21 et donc,
avoir trouvé une raison de plus pour continuer à tirer par la remorque tous les pays pauvres de la Terre,
cette fois-ci sous le fallacieux prétexte du… climat ? Ou bien encore, comme hier pour l’Aide au
Développement, d’avoir misé sur 100 milliards de dollars pour en faire payer davantage aux Africains
via les joyaux serviteurs que sont le modèle de chefs d’État évoqués au début de mon propos ? Ou
bien, enfin, d’avoir passé dans les photocopies des brouillons de la COP21 ce qui reste des monts
Kilimandjaro, Kenya, Mawenzi, Ruwenzori, Ras Darshan, Méru, Karisimbi, Elgon, Cameroun ou des
fleuves Zambèze, Sénégal, Orange, Nil, Niger, Congo ? Reste qu’étant déjà en plein dans le domaine
du climat, on demande aux Africains d’échanger leurs saisons avec celles de l’Occident de sorte que,
pour réguler le climat, l’hiver devienne africain et la saison sèche, occidentale. Là au moins on aura
tout donné ! Et, tout essayé ! Ah ! pauvre Afrique. Pour combien de temps encore… vraiment !
Téléchargement